Philippe Musard

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Portrait publié par Le Monde Musical, 22e année, N°30.
Portrait publié par Le Monde Musical, 22e année, N°30.

Fils d'un entrepreneur de bals parisiens, Philippe Musard est un compositeur et chef d'orchestre français, né le 8 novembre 1792, à Tours. Sa carrière a duré des dizaines d'années. Il a connu une célébrité internationale et est à présent oublié.

La première partie de sa carrière eut pour cadre Londres, où il dirigea de fameux concerts promenades et fut chef d'orchestre des bals de la reine Victoria.

D'Angleterre, où il avait épousé une Anglaise, il vint poursuivre sa carrière à Paris. On le baptisa « le roi du quadrille », « le Napoléon du quadrille ». Cette danse, alors très à la mode, notamment durant le Carnaval de Paris, était sa spécialité. Il fut chef d'orchestre des très fameux bals de l'Opéra, qui étaient organisés durant la période du Carnaval.

C'est là que, vers 1840, il lança le cancan, ou coincoin, danse jugée lascive et scandaleuse. Ancêtre du pudique et touristique french cancan, le cancan, ou coincoin, se pratiquait en couple. À l'époque, les femmes portaient des culottes fendues en guise de sous-vêtements...

Philippe Musard dirigeait des bals à la cour et à la ville. Il invita un jour à Paris Johann Strauss père.

Auteur de centaines de partitions, Philippe Musard composait aussi bien sur des thèmes originaux que sur des airs d'autres musiciens.

Au nombre de ses créations : un quadrille moyen-âgeux, un quadrille chinois, un quadrille arabe...

En 1840, au très fameux Galop des Tambours, de Jean-Baptiste Joseph Tolbecque (immense succès au Carnaval de Paris, en 1839 et 1840), il répondit avec un Galop des Trompettes.

Les œuvres de Philippe Musard, très belles, dorment, par centaines, dans les collections spécialisées (notamment le Département de la Musique de la Bibliothèque Nationale de France). Elles attendent, depuis plus d'un siècle, d'être réveillées. On peut entendre le premier mouvement de son quadrille "Le bal masqué" (1843), d'après un arrangement pour piano, fait par son fils, sur le site Internet officiel du Carnaval de Paris[1].

Au côté de Philippe Musard, des dizaines d'autres compositeurs, également oubliés, enchantèrent Paris et le monde avec leurs joyeuses musiques de danses : Louis-Antoine Jullien, souvent considéré comme le rival de Musard, Isaac Strauss (en son temps, les Parisiens appelaient les Strauss autrichiens : « les Strauss de Vienne »), les frères Tolbecque, Arban, Desblins, etc. Parmi eux, un seul est resté célèbre : Jacques Offenbach. Mais il est connu, aujourd'hui, seulement pour ses opérettes, pas pour ses musiques de danses, qui ne sont plus jouées depuis très longtemps.

La renaissance des musiques de danses oubliées de Paris au XIXe siècle sera, demain, un grand événement festif et musical.

En 1854, Philippe Musard pris sa retraite. Son fils, Alfred Musard, connu sous le nom de Alfred Musard fils ou Musard fils, fut également compositeur et chef d'orchestre.

Philippe Musard mourut le 30 mars 1859. Il était alors maire du village d'Auteuil, qui, au début de l'année suivante, allait être rattaché à Paris.

Son nom est inscrit dans le hall d'entrée de la mairie du 16e arrondissement de Paris, au nombre des maires des anciennes communes qui formèrent, en 1860, cet arrondissement.

Philippe Musard est un des plus illustres représentants de la musique festive de danses de Paris au XIXème siècle. La renaissance possible de celle-ci amènera à en parler. « Musique festive de danses de Paris au XIXème siècle », c'est très long et peu pratique à utiliser. C'est pourquoi, en avril 2008, Basile Pachkoff, qui fait partie de ceux qui s'efforcent de faire renaître et rejouer cette musique, a proposé de la baptiser musique musardienne.

En 2009, ce sera le 150e anniversaire de la mort de Philippe Musard.

Sommaire

[modifier] Philippe Musard au bal de l'Opéra, vu par un témoin, en 1845[1]

Le bal masqué nous a toujours attristé, soit par le sentiment de la joie des autres que nous ne pouvons partager, soit par l'éspèce d'aversion instinctive que le masque nous inspire et qui vient sans doute de quelque terreur d'enfance. — Des imaginations plus heureuses que la nôtre rêvent toujours derrière le satin noir de visages charmants, et voient sous ce museau de chèvre et de guenon à barbe déchiquetée des vignettes de keepsakes, des têtes d'ange ou de sylphide; pour nous le masque hideux cache presque toujours une face effroyable; tous les monstres, les striges, les goules, les lamies, profitent de l'occasion et de l'incognito. Même les femmes que nous connaissons, et qui sont notoirement jolies, nous deviennent suspectes dès qu'elles revêtent le domino; ce n'est pas une disposition très favorable pour passer unez nuit agréable au bal. Nous nous promenions donc d'une façon assez maussade dans le foyer, encombré de monde, ayant à peine la place de tirer notre mouchoir pour nous essuyer le front tant il faisait chaud. — Nous nous croyions cependant bien aguerri contre la chaleur par nos exercices en Afrique, aux mois de juillet et d'août, en plein soleil, lorsqu'un de nos amis vint nous prendre et nous conduisit dans la salle, au pied de l'estrade des musiciens, pour nous faire voir Musard, déchaînant le carnaval par un signe de son bâton de chef d'orchestre.

Musard était là, morne, livide et grêlé, le bras étendu, le regard fixe. Certes, il est difficile pour un prêtre de bacchanales d'avoir une figure plus sombre et plus sinistre; cet homme, qui verse la joie et le délire à tant de folles têtes, a l'air de méditer une suite aux Nuits d'Young ou aux Tombeaux d'Harvey. — Après cela, le plaisir qu'on donne on ne l'a plus, et c'est sans doute ce qui rend les poètes comiques si moroses.

Le moment venu, il se courba sur son pupitre, allongea le bras, et un ouragan de sonorités éclata soudainement dans le brouillard de bruit qui planait au dessus des têtes; des notes fulgurantes sillonnaient le vacarme de leurs éclairs stridents, et l'on aurait dit que les clairons du Jugement dernier s'étaient engagés pour jouer des quadrilles et des valses. Nous recconûmes à ce sabbat triomphant la famille des instruments de notre ami Ad. Sax[2] — Les morts danseraient à une pareille musique. Figurez-vous qu'on a imaginé une contredanse intitulée le chemin de fer; elle commence par l'imitation de ces horribles coups de sifflet qui annoncent les départs des convois; le râle des machines, le choc des tampons, le remue-ménage des ferrailles y sont parfaitement imités. Vient ensuite un de ces galops pressés et haletants près de qui la ronde du sabbat est une danse tranquille.

Un torrent de pierrots et de débardeuses[3] tournent autour d'un ilôt de masques stagnant au milieu de la salle, ébranlant le plancher comme une charge de cavalerie. Gare à ceux qui tombent.

Ce n'est donc qu'à ce prix qu'on s'amuse encore aujourd'hui; il faut, à force de gambades, de cabrioles, de dislocations extravagantes, de hochements de tête à se démonter le col, se procurer une espèce de congestion cérébrale : cet ivresse de mouvement ou délire gymnastique, a quelque chose d'étrange et de surnaturel. On croirait voir des malades attaqués de la chorée ou de la danse de Saint-Guy.

Nous avons assisté à Blidah et dans le Haousch de Ben-Kaddour, aux soubresauts épileptiques des Aïssaoua, ces terribles convulsionnaires. Nous avons vu à Constantine la danse pour la conjuration des Djinns, mais tout cela est modéré en comparaison de la cachucha parisienne.

De quels ennuis de pareils amusements font le contre-poids ?

Comme nous rentrions chez nous, nous vîmes descendre d'un estaminet une bande de quarante pierrots tous costumés de même, qui se rendaient au bal de l'Opéra, précédés d'une bannière où étaient écrits ces mots : Que la vie est amère!

[modifier] Notes

  1. Texte de Théophile Gautier, extrait du journal La Presse, 29 décembre 1845. L'Opéra parisien dont il est question ici est l'Opéra situé rue le Pelletier, qui fut détruit par un incendie en 1873.
  2. Les saxophones, invention d'Adolphe Sax.
  3. Fameux costume féminin du Carnaval parisien. Il était constitué d'un débardeur, de préfèrence très moulant. En dehors de la période du Carnaval, il fallait aux femmes une autorisation du préfet de Police pour pouvoir porter le pantalon.

[modifier] Livres

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