Paul Deschanel

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Paul Deschanel
11e président de la République française
Paul Deschanel

Parti politique Droite
Élu le Elu le 17 janvier 1920
Présidence 18 février 1920
21 septembre 1920
Nom de naissance {{{nom naissance}}}
Naissance 13 février 1855
à Schaerbeek (Belgique)
Décès 28 avril 1922
à Paris
Chronologie de la Troisième République
Raymond Poincaré Paul Deschanel Alexandre Millerand

Paul Deschanel, né le 13 février 1855 à Schaerbeek (Bruxelles) et mort le 28 avril 1922 à Paris, est un homme d'État français, dont la carrière culmine avec son mandat de président de la République française, du 18 février au 21 septembre 1920, sous la Troisième République.

Paul Deschanel est aussi homme de lettres et élu à l'Académie française le 18 mai 1899.

Il est décoré des insignes de Grand-Croix de Medjidié et du Grand Officier de l'Osmanie par l'ambassadeur de Turquie à Paris.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Enfance

Le Coup d'État du 2 décembre 1851 condamne les Républicains, dont fait partie Émile Deschanel, à l'exil en Belgique. Paul Deschanel devient dès sa naissance un symbole, la preuve que les idéaux républicains survivent à l'exil. Il a Victor Hugo pour parrain spirituel. Edgar Quinet s'exclame : « Puisse-t-il voir bientôt la terre promise ! Nous le saluons comme l'espérance. » Il est vénéré par son père qui croit entendre des références à la culture grecque ou latine dans les babillements de son enfant.

« On compte le temps d'une autre manière qu'auparavant. Toutes ces heures et toutes ces années, nous ne croyez plus qu'elles vous font vieillir, vous croyez qu'elles le font grandir. D'ailleurs, vous ne vieillissez plus, au contraire, vous rajeunissez, l'enfant vous ôtes les années qu'il vous prend. »

[modifier] Scolarité

En 1859, suite à l'amnistie promulguée par Napoléon III, la famille Deschanel revient à Paris et loge au 34 rue de Penthièvre. Il étudie au lycée Bonaparte, aujourd'hui Lycée Condorcet. Ses professeurs considèrent Paul comme « intelligent mais bavard, agité et dissipé ». L'enfant voue un véritable culte à ses parents malgré la sévérité et l'exigence de son père. Ce dernier déchire et renvoie les lettres de son fils dès qu'elles contiennent des fautes d'orthographe. C'est en 4e que Paul Deschanel change d'attitude : son parcours scolaire devient brillant, comme s'il avait accepté les leçons et l'extrême rigueur de son père. Le 10 août 1871, il obtient son baccalauréat de lettres puis très rapidement sa licence (le 4 novembre de la même année). Sa formation est donc au départ littéraire et il rédige en 1872 une comédie, un article sur Rabelais paru dans la revue Bleu, un autre sur Diderot et Edgar Quinet dans Le Journal des Débats. Concernant Rabelais, il écrit :

« Rabelais, c'est le burlesque et le philosophique, un mélange d'obscénités dignes d'Aristophane et de beautés que Platon n'eut point renié, qui tantôt s'élève au sommet de la morale la plus haute et tantôt s'abaisse aux bouffonneries les plus grossières. Rabelais met toujours la vérité en face de son erreur.[...] Il est l'hygiène de la bonne humeur. »

[modifier] Carrière politique

Sa carrière politique commence alors que les Républicains décident de nommer dans tout le pays de nouveaux fonctionnaires pour éradiquer toute possibilité de crise politique. En 1877, Emile Deshayes de Marcère, ministre de l'Intérieur, nomme de nouveaux sous-préfets : Deschanel en fait partie.

« Nous avons pour mission de faire que la République soit l'objet de l'amour de tous ceux qui croient en elle et du respect de tous ceux qui la combattent. Il faut donc qu'elle s'impose à tous. »

Deschanel est un grand représentant de la Démocratie naissante, l'un des premiers hommes politiques d'un siècle d'hommes politiques. Mais les premiers pas du futur président de la République se font sous l'influence majeure de son père. Sa nomination en tant que sous-préfet est directement liée à l'action politique passée de son père. On constate également qu'il prolonge les idées de ce dernier et que son idéologie est fortement emprunte des convictions paternelles. On retrouve dans le programme de son père toutes les racines de sa carrière politique à venir : amnistie pleine et entière, liberté de réunion, liberté d'association, de conscience, séparation de l'Eglise et de l'Etat, instruction gratuite, laïque et obligatoire, réforme des impôts pour favoriser les libres associations des travailleurs, leur légitime accès au capital et à la propriété.

Symbole de cette influence, au jour de son élection en tant que Président de la République, Paul Deschanel fait déposer par son fils une palme devant le buste de son père au Collège de France. Il a aussi hérité de son père, victime de l'Empire, la profonde connaissance du mal que peut faire à un pays tout régime qui n'est pas démocratique.

[modifier] La Tribune

Deschanel est aussi un formidable orateur. Avant d'embrasser une carrière politique, il hésite à s'engager dans une carrière d'écrivain et de comédien (il se passionne notamment pour les films de Buster Keaton). Sully Prudhomme est un de ceux qui se désillusionne de ne pas voir Deschanel se consacrer uniquement aux Belles-Lettres. Mais il trouve dans la politique une tribune, celle de l'hémicycle. La Tribune est l'art des sacrifices nécessaires, le discours une invocation. Etre un orateur, c'est pour lui être aux heures des plus grands dangers, le verbe même de la conscience nationale. Pour cela, il puise son inspiration directement dans celle des maitres de la Tribune d'Athènes et de Rome. Il est fasciné par Pierre-Antoine Berryer, qui se distingue dans ses discours par une absence presque complète d'ironie : respect de ses adversaires, tolérance de l'esprit, loyauté de sa nature. L'ironie convient aux spectateurs blasés. Selon Deschanel,

« l'école de l'éloquence moderne doit conserver le caractère émouvant des anciens orateurs, dépouillé des vernis et fastidieux ornements d'une trop classique rhétorique et mêler la réalité pratique où chaque fait descend. »

[modifier] Ses idées politiques

Extraits de discours prononcés devant la chambre des Députés (1914-1919)

Concernant l'interventionnisme : "La vraie justice exige la liberté de tous, non pas la protection de tous. Mais quand il s'agit de pain, il faut penser à celui qui le consomme : c'est en économie politique ce que les libres-échangistes appellent une question d'humanité. La pain contient la nourriture de l'homme, une parcelle de la puissance et de la liberté de la patrie."

Concernant le patriotisme français : "Ce sont les préjugés français, ce sont les trop persistantes illusions, notre ignorance de l'étranger, notre inaptitude à entrer dans l'esprit des autres qui nous ont perdus. Sans doute, la vérité est parfois dure à entendre, encore plus dure à écrire, mais si elle blesse nos sentiments, elle accroit notre expérience et par là, elle sert nos intérêts; si un certain patriotisme peut en souffrir, un patriotisme plus haut sera le gage d'un profit pour la France."

Concernant le travail : "Le travail ranimera le sens moral que l'Empire avait presque anéanti."

Concernant la Révolution : "La France est une démocratie dans son âme, et une monarchie dans son corps. La Révolution, c'est la volonté d'échapper à son corps."

Concernant la décentralisation : "L'autonomie communale est la racine de toutes les libertés."

Concernant l'injustice : "La misère n'est pas la malheur. Les déshérités, en souffrant dans leur corps, fourbissent leurs esprits. L'injustice provoque le duel : voyons d'elle ou moi, lequel sera vainqueur."

Concernant la Démocratie : "La Démocratie véritable n'est autre chose que l'ascension continuelle du peuple par l'intelligence, par le travail et par l'honneur."

Concernant les réactionnaires : "Ils sont autocrates en ce sens qu'ils ont le dédain du suffrage universel et de la Démocratie; ils sont mystiques en ce sens qu'ils croient au cataclysme d'où surgira le nouveau monde. Ils tournent le dos à la Liberté, à la Démocratie et à la science. Il ne faut pas être avec ceux qui ont peur, ni avec ceux qui font peur. Il ne faut pas revenir sur les libertés conquises, il faut, au contraire, les étendre."

Concernant le syndicalisme : "Il faut répondre à cette assertion qu'en dehors du collectivisme, il n'y a pour la République, pour l'esprit humain, pour la science, que faillite; que le parti Républicain n'a pas de programme social et pas de but défini vers lequel il puisse coordonner ses efforts. C'est à cela qu'il faut répondre. Pour cela, il faut faire du syndicat un générateur d'œuvres et d'institutions nouvelles et multiples, défendant le travail contre l'oppression et lui ouvrent un accès de plus en plus facile et de plus en plus large au capital et à la propriété."

Concernant l'Afrique du Nord : "Peut-être un jour, sous une forme ou sous une autre, nous trouverons les soldats qui nous manquent. C'est de là, peut-être, que dans une heure de péril extrême, pourrait venir le salut."

Concernant l'Angleterre : "Il est temps, si vous me passez le mot, de construire, au moral, un tunnel sous la manche, afin qu'ils [le peuple français et le peuple britannique] puissent non seulement échanger leurs richesses, mais leurs idées, et mieux sortir leurs mutuelles vertus."

Concernant les Etats-Unis d'Amérique : "Nous saisissons avec empressement, mes collègues et moi, l'occasion que vous nous offrez de remercier [...] le peuple américain de ses bienfaits pour nos oeuvres de toutes sortes, pour nos soldats, nos blessés, nos orphelins, nos réfugiés, nos villes dévastées. Nous rendons hommage au magnifique effort financier, militaire et économique des Etats-Unis et à la bravoure de vos soldats, dont le courage et l'esprit de discipline ont conquis l'admiration et l'affection de leurs compagnons d'armes. [...] Leur présence à la Chambre des députés est le signe de la fraternité toujours plus étroite des nations alliées et de leurs armées. L'accord absolu des peuples, des gouvernements, des chefs et des soldats, sans réserve, sans réticence, sans arrière-pensée, voilà la condition première du succès. Une seule armée, une seule action, un seul cœur : voilà notre maxime."

Concernant l'Allemagne : "La vérité est que les gouts pour les blessures, l'amour et l'orgueil des cicatrices sont des phénomènes essentiellement germanique, aussi ancien que la Germanie elle-même, qu'il n'est point peut-être pas de race au monde, qui, depuis les âges les plus reculés et à travers toutes les vicissitudes de son histoire, soit restée plus identique à elle-même."

Concernant la Politique : "La politique est une chose indépendante du préjugé, de l'amour et de la haine, c'est au contraire une chose qui s'ajuste aux faits. Il faut savoir considérer tous les évènements, peser toutes les chances, équilibrer tous les bénéfices."

Concernant l'islam et la Turquie : "Si, au XVIe siècle, alors que la foi religieuse était si profonde, nos rois, nos évêques n'hésitaient pas à traiter avec les turcs, avec ceux qu'on appelait alors les infidèles, les païens [...], s'ils n'hésitaient pas à faire ce que Charles-Quint appelait "l'alliance impie et monstrueuse du Croissant et des fleurs de lys" et cela afin de créer un contrepoids à la maison d'Autriche, comme Mazarin et Richelieu, tous cardinaux qu'ils étaient, soutenaient les protestants d'Allemagne pour maintenir l'équilibre de l'Europe, serait-il possible que nous, les fils de la Révolution, nous eussions moins de liberté, de largeur d'esprit que nos pères et que nous fussions incapables de nous élever un instant au dessus des passions qui nous divisent pour sauvegarder les résultats de leur grande et habile politique [...] il faut aider la Turquie à sortir plus robuste de la crise actuelle, plus capable de maintenir l'intégrité de ses possessions et développer sa prospérité économique."

Concernant la politique extérieure : "Nous devons nous dire que le jour où la France ne reconnaitrait plus comme le premier principe de sa politique extérieure le respect du droit, elle perdrait l'intelligence des conditions de sa grande existence dans le monde et ses raisons de vivre."

Concernant la natalité : "Français, vous n'avez pas eu peur de la mort, auriez-vous peur de la vie ? La sang que vous avez répandu généreusement sur les champs de bataille, n'oserez-vous plus le transmettre aux générations ? La France, par-delà les tombes cherche les berceaux : resterez-vous sourd à sa prière ? Vous avez accepté de mourir en soldats, refusez-vous de vivre en citoyens ?".

[modifier] L'Élysée en 1920

Précédé par Paul Deschanel Suivi par
Raymond Poincaré
Président de la République française
1920
Alexandre Millerand

Paul Deschanel est élu président de la République le 17 janvier 1920. Au jour de son élection, il semblerait qu'il ait interpelé son principal et plus farouche rival, Georges Clemenceau (qui l'a quelques années auparavant battu en duel), en ces termes : "Vous avez gagné la guerre, nous gagnerons la paix". Il reste injustement dans l'Histoire pour les troubles mentaux qui le frappent durant son mandat, peut-être consécutifs à une grande fatigue émotionnelle, ou à une arrivée trop brutale au faîte de sa carrière.

[modifier] Mariage et enfants

En 1901 il épouse Germaine Brice de Viel qui lui donne 3 enfants : Renée-Antoinette (1902-1977), Jean (1904-1963, homme politique) et Louis-Paul (1909-1939, mort pour la France au premier jour de l'invasion allemande).

[modifier] La "folie" du Président

[modifier] La chute hors du train

Au cours d'un voyage en train à destination de Montbrison, le 23 mai 1920 vers 23 h 15, s'étant penché par la fenêtre de son compartiment alors qu'il éprouve une sensation d'étouffement, Paul Deschanel chute accidentellement hors du wagon. Heureusement, le convoi circule à ce moment-là à relativement faible allure (50 km/h) dans une zone de travaux à Mignerette (dans le Loiret, à une douzaine de kilomètres au nord-ouest de Montargis).

Tout ensanglanté - en dépit du caractère bénin de ses blessures -, relativement hébété et vêtu de son seul pyjama, Paul Deschanel ne tarde pas à rencontrer André Radeau, ouvrier cheminot qui surveille la zone de travaux, et auquel il se présente comme étant le président de la République. L'image des hommes publics étant à l'époque encore peu diffusée dans la population, le cheminot se montre sceptique – pensant à première vue avoir affaire à un ivrogne – mais conduit néanmoins le voyageur accidenté jusqu’à une maison de garde-barrière toute proche, où le blessé est soigné et mis au lit par ses sauveteurs. Le garde-barrière, Gustave Dariot, impressionné par la dignité du blessé et la cohérence de ses explications, part pendant ce temps prévenir la gendarmerie de Corbeilles. Pour la petite histoire, la femme du garde-barrière aurait dit à des journalistes : « J'avais bien vu que c'était un monsieur : il avait les pieds propres ! ».

Paul Deschanel
Paul Deschanel

La lenteur des communications entre les divers échelons fait que, malgré les faibles distances, le sous-préfet de Montargis, M. Lesueur, n'est prévenu par télégramme que vers 5 heures du matin. L'incident commence à avoir un retentissement certain lorsque l'on s'aperçoit, avant l'arrivée du train en gare de Roanne, vers 7 heures du matin, que le président de la République a disparu du convoi. La suite présidentielle (menée par Théodore Steeg (1868-1950), alors ministre de l'Intérieur) attendant sur le quai de la gare ne reste pas longtemps sans nouvelles. Une dépêche, envoyée par la gare de Montargis à celle de Saint-Germain-des-Fossés (Allier), dont le contenu explique succinctement le déroulement des évènements survenus dans la nuit, lui est rapidement transmise.

L'incident donne évidemment lieu dans la presse de l'époque à de nombreuses caricatures, souvent cruelles, et inspire la verve des chansonniers. Tout le monde ne se laisse toutefois pas aller à broder de manière démesurée voire mensongère sur un incident certes curieux (et qui frappe les esprits en raison de la notoriété de sa victime). Un « riverain » des lieux de l'accident obtiendra ainsi, plusieurs décennies plus tard, que soit apposée une stèle commémorative très sobre de l'incident, sans aucun élément de caricature, à proximité du passage à niveau et de l'ancienne maison de garde-barrière où avait été conduit Paul Deschanel après sa chute[1].

[modifier] Autre incident

Le 10 septembre 1920, il descend à l'aube se promener dans le parc du château de Rambouillet, à demi-vêtu, discute quelques instants avec un jardinier puis entre jusqu’à mi-corps dans un bassin. Ramené dans ses appartements, il semble n'avoir conscience de rien.

[modifier] Thèse sur la folie

La chute du train semble être la conséquence d'une forme de somnambulisme causée par plusieurs facteurs (somnifère, chaleur du wagon...) mais également par l'ouverture particulière des fenêtres du train qui a permis le basculement du Président vers le dehors. Il semble en fait fort probable que le Président Deschanel ait été simplement très sensible aux médicaments.

En revanche, d'autres prétendus incidents (l'apposition par le président de signatures mentionnant Napoléon ou Vercingétorix sur certains documents, ou encore la lettre de démission qui aurait été en réalité signée par sa femme), ne sont attestés par aucune source sérieuse. Ces signatures se faisaient toujours devant témoin et il n'existe aucune trace administrative de ces dernières. Ils sont apparemment plus le fruit de médisance d'adversaires politiques.

Paul Deschanel serait en fait victime de dépression et de surmenage prenant conscience qu'en tant que président de la République sous la IIIe République, il n'a que peu de pouvoirs. Ceux-ci étaient en effet concentrés dans les mains du président du Conseil. C'est plutôt son « mal être » qui le conduit parfois à une hyperexpressivité et à une désintégration relative du Moi.

Il était également sujet à des crises d'angoisse, liées notamment aux contraintes de sa présidence. Il est constamment entouré de gardes du corps, éloigné de sa famille, reçoit plusieurs lettres de menace de mort à l'encontre de ses enfants, doit se prononcer sur une condamnation à mort (à laquelle il est farouchement opposé).

On peut également supposer qu'il ressentait une culpabilité vis-à-vis de son père qui n'avait jamais atteint ses positions (Académie française et Présidence de la République). Bien que Deschanel soit un homme passionné mais non passionnel, la relation avec son père contribue fort probablement à « l'instabilité » du Président. À son décès, en 1922, Paul Deschanel exprime ainsi sa tristesse : « On commence à mourir le jour où on perd ses parents ».

Deschanel n'est visiblement pas le président fou que l'on croit. Si on détecte chez lui un désir de fuite dans le travail, une suroccupation, une angoisse de déplaire, ces éléments sont tous d'ordre névrotique mais ne peuvent être considérés comme maniaques. Il aspira longtemps à une carrière artistique (écrivain et comédien) et ses discours, tous fameux, trahissent un besoin de séduction et une inclination nette au théâtralisme, voir à l'histrionisme (attitude caractérisée par le besoin d'attirer l'attention sur soi et de séduire l'entourage).

À noter que sa démission est la preuve d'un grand courage et d'une grande lucidité quant à ses aptitudes. S'il retarda cette décision, ce n'est que sous la pression de son entourage (le 21 septembre, le président Deschanel renouvèle son offre de démission présentée une première fois après l'incident du train, et sur laquelle Alexandre Millerand, président du Conseil, l'avait convaincu de revenir). Pour preuve de sa lucidité, le discours prononcé à cette occasion est éloquent : "Les hommes ont rempli la vie politique de leur époque et nous sommes les héritiers de toutes les conséquences de leurs actes".

Une fois « libéré » de la Présidence de la République, son état s'améliore très rapidement. Il est d'ailleurs élu sénateur d'Eure-et-Loir, le 9 janvier 1921, dès le premier tour, par 50,34 % des suffrages exprimés (360 voix).

[modifier] La fin de sa vie

De retour au Sénat, il est élu à la présidence de la commission des Affaires étrangères en janvier 1922, lorsque Raymond Poincaré, qui occupait le poste depuis son propre départ de la présidence de la République, est pressenti pour devenir président du Conseil.

C'est sur lui que Georges Clemenceau, son concurrent malheureux à la Présidence de la République, fit ce mot passé à la postérité : "Deschanel ? Il a un bel avenir derrière lui".

Victime d'une pleurésie, il s'éteint le 28 avril 1922 et est enterré dans un caveau familial (où repose son père Émile Deschanel, professeur au Collège de France) au cimetière du Montparnasse, dans la 14e division, en bordure de l'avenue du Nord. Sa tombe est à deux pas de celle du dessinateur, écrivain et cinéaste Roland Topor.

[modifier] Mandats électifs

[modifier] Discours

[modifier] La déclaration de guerre

Oraison funèbre de Jean Jaurès - Chambre des députés, 4 août 1914

« Dans les graves évènements que la France traverse, un affreux malheur est venu nous frapper. Jaurès... (Tous les députés se lèvent.) Jaurès a été assassiné par un dément, à l'heure même où il venait de tenter un suprême effort en faveur de la paix et de l'union nationale. Une éloquence magnifique, une puissance de travail et une culture extraordinaires, un généreux cœur, voué tout entier à la justice sociale et à la fraternité humaine et auquel ses contradicteurs eux-mêmes ne pouvaient reprocher qu'une chose : substituer, dans son élan vers l'avenir, à la dure réalité qui nous étreint ses nobles espoirs, voilà ce qu'un odieux forfait nous a ravi. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.) La douleur des siens et de ses amis est la nôtre. Ceux qui discutaient ses idées et qui savaient sa force sentaient aussi ce que, dans nos controverses, ils devaient à ce grand foyer de lumière. Ses adversaires sont atteints comme ses amis et s'inclinent avec tristesse devant notre tribune en deuil. Mais que dis-je ? Y a-t-il encore des adversaires ? Non, il n'y a plus que des Français... (Acclamations prolongées et unanimes) des Français qui, depuis quarante-quatre ans, ont fait à la cause de la paix tous les sacrifices (Vifs applaudissements sur tous les bancs) et qui, aujourd'hui, sont prêts à tous les sacrifices (Vives acclamations unanimes et prolongées) pour la plus sainte des causes : la salut de la civilisation (Nouveaux applaudissements répétés sur tous les bancs), la liberté de la France et de l'Europe. (Vives acclamations prolongées et unanimes. Cris de : Vive la France !) Du cercueil de l'homme qui a péri martyr de ses idées sort une pensée d'union; de ses lèvres glacées sort un cri d'espérance. Maintenir cette union, réaliser cette espérance, pour la patrie, pour la justice, pour la conscience humaine (Nouveaux applaudissements unanimes), n'est-ce pas le plus digne hommage que nous puissions lui rendre ? (La Chambre entière est debout. - Acclamations prolongées et unanimes. - Triple salve d'applaudissements. - Tous les membres de l'Assemblée crient : "Vive la France !" - L'affichage est ordonné.) »

[modifier] La leçon de guerre (extraits)

Lettres aux instituteurs et institutrices - Chambre des députés, 18 septembre 1915

« Oui, il faut préparer une humanité plus haute; mais, en attendant, il faut durer avec celle-ci; il faut montrer aux jeunes Français, avec les perspectives d'avenir, la réalité présente à laquelle ils vont se heurter. Parce que la science, un jour, tuera la guerre, comme elle a tué l'esclavage et le servage, pouvons-nous agir comme si déjà la guerre avait disparu ? Et par là tombe ce sophisme, l'un des plus redoutables, l'un de ceux qui, depuis quelques années, ont fait le plus de ravages dans certaines âmes : que, parce qu'on est contre la guerre, il faut être contre l'armée. Oui, le premier de nos devoirs est de travailler à la disparition de la guerre; mais en même temps, nous sommes bien obligés de la prévoir et par conséquent de nous y préparer. S'y préparer, ce n'est pas la vouloir. Croyons au bien; mais ne nous laissons pas surprendre par le mal. [...] Dans tous les temps, chez tous les peuples, l'élite de l'humanité a lutté contre la guerre. Toute la philosophie antique n'a été qu'un long cri de révolte contre ses horreurs... [...] Il faut aller à l'éducation, à l'enfance. Il faut rappeler à tous que l'âme d'une démocratie libre c'est l'obéissance aux lois. La formation de ceux qui élèvent le peuple veut de nobles éveilleurs, des apôtres. Un peuple ne vit pas de raisonnements subtils; il vit d'idéal, d'enthousiasme et de foi, et il n'est pas de plus haut idéal que celui de la France, puisque c'est la justice. Il faut lui donner confiance en elle, en sa puissance, en son avenir, en sa mission historique. [...] Voilà ce que je disais en 1905. Voilà ce que je pourrais redire aujourd'hui. Ah! Si la prévoyance du pays avait égalé son courage, la guerre serait depuis longtemps au delà du Rhin ! [...] Elle [la France] vivra grâce à vous, ô mes amis ! Car vous ne lui permettrez plus d'oublier; vous tuerez l'ignorance, ce péril mortel; vous allumerez dans les esprits la claire raison et dans les coeurs la flamme sacrée ! »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Pierre Guillaume, dans ses mémoires : Mon âme à Dieu, mon corps à la patrie, mon honneur à moi (Plon, 2006), évoque les souvenirs de son père sur cet épisode. Celui-ci, le commandant Guillaume, était aide de camp de Paul Deschanel. La chute du train aurait été la conséquence d'une machination.

[modifier] Bibliographie

  • Thierry Billard, Paul Deschanel, Paris, Pierre Belfond, 1991.
  • Nicolas Honecker, Les Voyages des Chefs d'État Français en Lorraine, Éditions Lacour, 2006.
  • Jean Mélia, Deschanel, Paris, Éditions Plon-Nourrit, 1924.
  • Paul Deschanel, La France victorieuse, Paris, Eugène Fasquelle Editeur, 1919.

[modifier] Chronologies


Précédé par
Édouard Hervé
Fauteuil 19 de l’Académie française
1899-1922
Suivi par
Charles Jonnart
Précédé par Paul Deschanel Suivi par
Raymond Poincaré
Coprince d'Andorre
avec Jaume Viladrich i Gaspa et Justí Guitart i Vilardebó
1920
Alexandre Millerand