Oreille absolue

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L'oreille absolue, par opposition à l'oreille relative, est la faculté pour quelqu'un de pouvoir identifier une note musicale en l’absence de référence. En Occident, seule une personne sur 10 000 serait dotée d'une oreille absolue « active », c'est-à-dire serait capable de chanter sans repère une note correcte. Ainsi la réputée Juilliard School of Music, à New York, a tenté sans succès de former des élèves pour qu'ils aient l'oreille absolue.

Comme l'oreille absolue constitue un moyen de reconnaissance et d'identification exactes d'un son, les forces militaires, en particulier la marine, se sont toujours intéressées de près à la recherche dans ce domaine.

Sommaire

[modifier] Distinctions

On distingue, selon une terminologie anglo-saxonne, encore peu employée en France, deux catégories d'oreille absolue : l'une passive, l'autre active.

[modifier] Oreille absolue passive

Les personnes possédant une oreille absolue dite « passive » sont capables d'identifier individuellement chaque note qu'ils entendent, sans référence préalable, mais sont incapables de chanter avec justesse une note demandée.

[modifier] Oreille absolue active

Les personnes possédant une oreille absolue dite « active » peuvent chanter avec une extrême justesse une note donnée. Ils sont par ailleurs capables, non seulement d'identifier et de nommer une note écoutée, mais également de signaler si celle-ci est un peu trop aiguë ou grave selon le diapason de référence.

On peut supposer que toutes les personnes possédant une oreille absolue ne sont pas musiciennes : considérant ce fait, le taux de personnes musiciennes possédant l'oreille absolue serait alors beaucoup plus faible. Néanmoins, une éducation musicale est nécessaire pour le développement complet du potentiel auditif des personnes dotées de cette faculté.

[modifier] Fonctionnement

L'audition et la distinction des fréquences est faite au niveau de l'oreille interne dans le limaçon (plus précisément dans l'organe de Corti) mais son identification, c'est-à-dire l'attribution d'un nom et d'une étiquette, est une activité de la partie droite du cerveau. L'identification de la note peut alors s'effectuer ou bien en référence à une note de base (le diapason) - c'est l'identification relative - ou bien sans avoir besoin de réentendre cette note de référence - c'est l'identification absolue. La capacité d'identifier et de nommer correctement une note sans note de référence demande donc une bonne audition, une bonne capacité de mémorisation et une bonne communication entre la partie droite et la partie gauche du cerveau.

Plusieurs hypothèses ont été émises sur l'origine de cette capacité particulière : s'agirait-il d'une plus grande facilité de communication entre les lobes ? D'un meilleur développement du lobe gauche ? Des études semblent prouver que le système auditif d'une personne possédant l'oreille absolue est en tout point identique à celui d'une personne normale.

[modifier] Avantages et inconvénients

Il est cependant nécessaire de préciser que les musiciens dotés de l'oreille absolue, active comme passive, sont fortement désavantagés lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas au cours d'examens dans les écoles de musique et conservatoires, de prendre une « dictée musicale » dans laquelle le diapason change. En effet, le diapason de référence étant le La dit « La 440 » (442 pour l'orchestre) - c'est-à-dire une fréquence de 440 (442 pour l'orchestre) vibrations par secondes - lorsque, par exemple, un morceau de musique baroque, c'est-à-dire en « La 415 », est donné en dictée, l'oreille absolue se retrouve en décalage par rapport aux sons émis. Dans ce cas, elle ne sert plus à rien, et constitue même un handicap pour le musicien.

L'utilité de l'oreille absolue ne fait pas de doute, particulièrement pour des activités telles la direction d'orchestre ou la pratique d'un instrument non tempéré. Néanmoins, ce n'est pas une nécessité. Ron Gorow ("Hearing and Writing Music", September Publishing, 2002) disait même à ce sujet que « si vous avez l'oreille absolue, Dieu vous bénisse. Sinon, ne vous en inquiétez pas. Procurez-vous un diapason à 4$, et au travail ! Ne gaspillez pas votre argent en méthodes vous promettant la capacité d'identifier les tons. Elles sont sans récompense autre qu'impressionner vos amis. »

Comme la capacité intellectuelle, la capacité à reconnaître les notes instantanément peut varier selon l'âge, mais aussi selon le moment de la journée. Une personne ayant l'oreille absolue ne reconnaîtra pas les notes aussi facilement à la fin d'une grosse journée de travail que le matin quand il est frais et en forme.

Indépendamment des problèmes de diapason, l'oreille absolue est un avantage indéniable pour un autre type d'exercices musicaux. En effet, l'exercice de la dictée atonale, où les notes s'enchaînent sans lien de cohérence, avantage de loin les possesseurs d'une oreille absolue, qui peuvent noter chaque note indépendemment des autres, et donc ne se « perdent » pas dans ce type d'exercice où les possesseurs d'oreilles relatives sont très vite désarçonnés. Ce type de dictées est justement utilisé dans les examens d'écoles de musique et de conservatoires afin de détecter les élèves capables de suivre et de noter en dehors de tous repères, et donc dotés d'une oreille absolue.

[modifier] Théories actuelles

Le psychologue soviétique Alexei Leontiev a émis l'hypothèse, à partir de travaux réalisés auprès de blessés de la Seconde Guerre mondiale, que l'oreille absolue pouvait s'acquérir en combinant un apprentissage vocal et auditif : l'effort musculaire réalisé par l'appareil phonatoire au moment de la reproduction d'un son est mémorisé et, quand un son est entendu, la personne tente alors de reproduire mentalement l'effort nécessaire pour l'émettre, ce qui lui permet ensuite de dire quelle est sa hauteur. D'après les expériences réalisées, de nombreuses personnes seraient ainsi parvenues à acquérir cette fameuse oreille absolue.

Selon Diana Deutsch, professeur de psychologie de l’Université de Californie à San Diego, les Asiatiques ont une probabilité plus forte d’avoir l’oreille absolue que les Occidentaux. L’étude a porté sur des étudiants en première année d’un conservatoire de musique, les uns à Pékin, qui parlent le mandarin, et les autres à Rochester aux États-Unis, qui parlent l’anglais. Les tests ont notamment montré que, pour ceux qui avaient commencé leur éducation musicale à l’âge de quatre ou cinq ans, près de 60 % des sujets chinois ont l’oreille absolue, contre 14 % des sujets américains. Les chiffres étaient de 42 % et 0 %, respectivement, si l’éducation musicale n’avait commencé qu’à l’âge de huit ou neuf ans. La raison de cette disparité tient sans doute au fait que le mandarin est, contrairement à l’anglais, une langue tonale où le sens d’un mot peut varier selon le ton employé. L’étude suggère également que la capacité à acquérir l’oreille absolue serait universelle à la naissance.

[modifier] Liens généalogiques

Il n'y a pas de lien de parenté qui soit à l'origine d'une quelconque oreille absolue.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe

[modifier] Bibliographie

  • Claude-Henri Chouard, L'Oreille musicienne - les chemins de la musique de l'oreille au cerveau, Gallimard, 2001
  • Michel Honaker, L'Oreille Absolue" type : Roman