Olympe de Gouges

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Olympe de Gouges
Portrait d’Olympe de Gouges
Portrait d’Olympe de Gouges
Nom Marie Gouze
Surnom Marie-Olympe de Gouges
Naissance 7 mai 1748
à Montauban, France
Décès 3 novembre 1793 (à 45 ans)
à Paris, France
Nationalité France France
Profession femme de lettres et femme politique
Famille Père biologique : Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
Mère : Anne-Olympe Mouisset
Père officiel : Pierre Gouze
Enfant : Pierre Aubry de Gouges

Marie Gouze, dite Marie-Olympe de Gouges, née à Montauban le 7 mai 1748 et morte guillotinée à Paris le 3 novembre 1793, est une femme de lettres française, devenue femme politique et polémiste.

Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des Noirs.

Elle est devenue emblématique des mouvements pour la libération des femmes, pour l’humanisme en général, et l’importance du rôle qu’elle a joué dans l’histoire des idées a été considérablement réévaluée à la hausse dans les milieux universitaires du monde entier.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Montauban

Née le 7 mai 1748 à Montauban, Marie Gouze a été déclarée fille de Pierre Gouze, bourgeois de Montauban, qui ne signe pas au baptême, et d’Anne-Olympe Mouisset, fille de drapier, mariés en 1737[1]. Or cette dernière, née en 1712, filleule deJean-Jacques Lefranc de Pompignan, le célèbre antagoniste de Voltaire et d’Olympe Colomb de La Pomarède, avait été aimée de son parrain guère plus âgé qu’elle et, selon le député Poncet-Delpech et d’autres, "tout Montauban" savait que Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, était le père adultérin de la future Marie-Olympe de Gouges.

En 1765, elle s’appelait encore Marie Gouze lorsque, âgée de dix-sept ans, elle fut mariée à un traiteur parisien, Louis-Yves Aubry, qui était officier de bouche de l’Intendant, et probablement client de la boucherie familiale des Gouze. Quelques mois plus tard, la jeune femme devint mère d’un petit garçon, Pierre, et presque aussitôt veuve. Déçue par une expérience conjugale qui ne lui avait guère apporté de bonheur sinon ce fils qu’elle aima toujours tendrement, elle ne renouvela pas l’expérience du mariage au prétexte que c’était le tombeau de la confiance et de l’amour. Elle porta couramment les prénoms de « Marie-Olympe » (signant plusieurs textes ainsi) ou, plus couramment, d’« Olympe », ajoutant une particule à son patronyme officiel « Gouze » que l’on trouve parfois écrit « Gouges », graphie adoptée par certains membres de sa famille dont sa sœur aînée Mme Reynard, née "Jeanne Gouges". Rien ne la rattachant à Montauban sinon sa mère qu’elle aida financièrement par la suite[2], désirant rejoindre cette sœur aînée épouse de médecin à Paris, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges quitta Montauban au début des années 1770, emmenant avec elle son fils Pierre, futur général des armées de la République à qui elle fit donner une éducation soignée.

[modifier] Paris et le théâtre

Portrait d’Olympe de Gouges
Portrait d’Olympe de Gouges

À Paris, elle partagea la vie d’un haut fonctionnaire de la marine rencontré à Montauban, Jacques Biétrix de Rozières, qui était aussi directeur d’une puissante compagnie de transports militaires en contrat avec l’État. Il la demanda en mariage, ce qu’elle refusa, mais leur liaison dura jusqu’à la Révolution. Il est donc inexact d’affirmer avec ceux qui méconnaissent le contexte que Marie-Olympe de Gouges était une « courtisane »[3]. Elle eut quelques passades, des coups de cœur, ainsi qu’elle le reconnaît ici et là dans ses écrits, mais sans commune mesure avec le libertinage pratiqué à Versailles et dans les milieux de la haute bourgeoisie parisienne. Grâce à Jacques Biétrix de Rozières, qui la considérait un peu comme sa femme, elle eut une véritable aisance financière dans les années qui précédèrent la Révolution, ce qui lui permettait de mener un train de vie bourgeois (elle figura dès 1774 dans l’Almanach de Paris ou annuaire des personnes de condition).

Dégagée de soucis matériels, elle s’essaya à écrire des pièces de théâtre, la passion de toute sa vie. Le théâtre était un important support des idées nouvelles et les théâtres étaient par conséquent sous le contrôle étroit du pouvoir. La Comédie française où, avec la Comédie italienne, l’on jouait des pièces à texte, avait une réputation extraordinaire dans toute l’Europe et c’était un très grand honneur, pour un auteur dramatique, d’avoir une pièce inscrite à son répertoire.

Indépendamment de son théâtre politique qui a été joué à Paris et en province sous la Révolution, la pièce qui rendit célèbre Olympe de Gouges est l’Esclavage des Noirs publié sous ce titre en 1792, inscrite au répertoire de la Comédie-Française le 30 juin 1785 sous le titre de Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage. Elle avait été acceptée du bout des lèvres au Théâtre français, après bien des avatars il est vrai, grâce à la bienveillante protection de Charlotte Béraud de La Haye, marquise de Montesson, grande dame des Lumières, épouse morganatique du duc d’Orléans, père du future Philippe-Égalité. Cette pièce de théâtre dont le but avoué était d’attirer l’attention publique sur le sort des Noirs esclaves des colonies, avait, malgré sa modération, quelque chose de très subversif dans le contexte de la monarchie absolue. Le Code Noir était en vigueur et de nombreuses familles représentées à la cour tiraient une grande partie de leurs revenus des denrées coloniales. Olympe de Gouges eut fort à faire pour défendre sa pièce contre les vents contraires du despotisme et la mauvaise volonté des comédiens français qui étaient sous la dépendance directe des gentilshommes de la Chambre, donc de la cour. Les choses s’étaient d’ailleurs envenimées au point que le baron de Breteuil et le maréchal de Duras s’étaient entendus, dès septembre 1785, pour envoyer Olympe de Gouges à la Bastille et rayer la pièce du répertoire. Grâce à d’autres protections peut être celle du marquis de Cubières, écuyer et confident de Louis XVI, frère du chevalier de Cubières[4], elle y échappa et c’est seulement grâce aux événements de 1789 - la Comédie était devenue plus autonome grâce à Talma et Mme Vestris - que la pièce, inscrite quatre ans plus tôt au répertoire, fut jouée. Malgré les changements politiques, le lobby colonial n’avait pas désarmé, et Olympe de Gouges, soutenue par ses amis du Club des Amis des Noirs, eut à lutter contre le harcèlement, les pressions et les menaces physiques. Elle était courageuse et maintint le cap qu’elle s’était fixé et composa une autre pièce sur le même thème, intitulée le Marché des Noirs (1790)[5]. Elle avait par ailleurs publié en 1788 des Réflexions sur les hommes nègres (1788) qui lui avaient ouvert la porte de la Société des amis des Noirs dont elle fut membre[6]. Au titre d’abolitionniste, elle a également été citée par l’abbé Grégoire, dans la « Liste des Hommes courageux qui ont plaidé la cause des malheureux Noirs » (1808).

[modifier] De Gouges et la Révolution française

En 1788, elle se fait remarquer en publiant deux brochures politiques qui ont été très remarquées et discutées en leur temps, notamment dans le « Journal général de France » ainsi que dans d’autres journaux. Elle développe alors un projet d’impôt patriotique dans sa célèbre Lettre au Peuple et a proposé un vaste programme de réformes sociales et sociétales dans ses Remarques patriotiques. Ces écrits sont suivis de nouvelles brochures qu’elle adresse sans discontinuer aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, aux Clubs patriotiques et à diverses personnalités dont Mirabeau, La Fayette et Necker qu’elle admirait particulièrement. Ses positions sont toujours très proches de celles des hôtes de Mme Helvétius, qui tenait salon à Auteuil, et où l’on défendait le principe d’une monarchie constitutionnelle. En relation avec le marquis de Condorcet et son épouse née Sophie de Grouchy, elle rejoint les Girondins en 1792. Elle fréquente les Talma, le marquis de Villette et son épouse, également Louis-Sébastien Mercier et Michel de Cubières, secrétaire général de la Commune après le 10 août, qui vivait maritalement avec la comtesse de Beauharnais, auteur dramatique et femme d’esprit. Avec eux, elle devient républicaine comme d’ailleurs beaucoup de membres de la société d’Auteuil qui pratiquement tous s’opposèrent à la mort de Louis XVI. Le 16 décembre 1792, Mme de Gouges s’offre pour assister Malesherbes dans la défense du roi devant la Convention, mais sa demande est rejetée avec mépris. Elle considérait que les femmes étaient capables d’assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes et régulièrement, pratiquement dans tous ses écrits, elle demandait que les femmes soient associées aux débats politiques et aux débats de société. Ainsi, elle écrit : « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle devrait aussi avoir le droit de monter à la tribune. » La première, elle obtient que les femmes soient admises dans une cérémonie à caractère national, « la fête de la loi » du 3 juin 1792 puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 juillet 1792.

Olympe de Gouges défend avec ardeur les droits des femmes. S’étant adressée à Marie-Antoinette pour protéger « son sexe » qu’elle disait malheureux, elle rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, calquée sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans laquelle elle affirme l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes, insistant pour qu’on rende à la femme des droits naturels que la force du préjugé lui avait retiré. À cette époque, le suffrage est censitaire car il faut payer trois journées de travail pour voter. Seuls les privilégiés peuvent voter : la majorité du peuple français, dont les hommes, ne vote donc pas. Elle demande la suppression du mariage et l’instauration du divorce qui est adopté quelques mois plus tard. Elle émet à la place l’idée d’un contrat signé entre concubins et milite pour la libre recherche de la paternité et la reconnaissance des enfants nés hors mariage.

Elle est aussi une des premières à théoriser, dans ses grandes lignes, le système de protection maternelle et infantile que nous connaissons aujourd’hui par la création de maternités. De plus, elle recommande la création d’ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour mendiants qui se rapprochent des foyers d’hébergements actuels.

Olympe de Gouges à l’échafaud
Olympe de Gouges à l’échafaud

[modifier] La fin

En 1793, elle s’en prit vivement à ceux qu’elle tenait pour responsables des atrocités des 2 et 3 septembre 1792 (« le sang, même des coupables, souille éternellement les Révolutions », disait-elle), désignant particulièrement Marat, l’un des signataires de la circulaire du 3 septembre 1792 proposant d’étendre les massacres de prisonniers dans toute la France. Soupçonnant Robespierre d’aspirer à la dictature, elle l’interpella dans plusieurs écrits ce qui lui valut une dénonciation de Bourdon de l'Oise au club des Jacobins. Dans ses écrits du printemps 1793, elle dénonça inlassablement la montée en puissance de la dictature montagnarde, partageant l’analyse de Vergniaud sur les dangers de dictature qui se profilaient, surtout avec la mise en place d’un Comité de salut public, le 6 avril 1793, qui s’arrogeait le pouvoir d’envoyer les députés en prison. Après la mise en accusation du parti girondin tout entier à la convention, le 2 juin 1793, elle adressa au président de la Convention une lettre pleine d’énergie et de courage, s’indignant de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques (9 juin 1793). Ce courrier fut censuré en cours de lecture. S’étant mise en contravention avec la loi de mars 1793 sur la répression des écrits remettant en cause le principe républicain (elle avait rédigé une affiche à caractère fédéraliste ou girondin sous le titre « Les Trois urnes ou le Salut de la patrie, par un voyageur aérien »), elle fut arrêtée et déférée au tribunal révolutionnaire le 6 août 1793 qui l’inculpa.

Malade des suites d’une blessure infectée à la prison de l’abbaye de Saint-Germain-des-Près, réclamant des soins, elle fut envoyée à l’infirmerie de la petite Force, rue Pavée dans le Marais, partageant la cellule d’une condamnée à mort en sursis, Madame de Kolly, qui se prétendait enceinte[7]. En octobre suivant, elle obtint son transfert dans la maison de santé de Marie-Catherine Mahay, sorte de prison pour riches où le régime était plus libéral et où elle eut semble-t-il, une liaison avec un des prisonniers. Il lui aurait alors été facile de s’évader mais, désirant se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclama publiquement son jugement dans deux affiches très courageuses qu’elle réussit à faire sortir clandestinement de prison et imprimer pour qu’elles fussent largement diffusées (« Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et « Une patriote persécutée », son dernier texte, très émouvant).

Traduite au Tribunal au matin du 2 novembre, soit quarante-huit heures après l’exécution de ses amis Girondins, elle fut interrogée sommairement. Elle fut privée d'avocat et, malgré cela, conservant tout son à propos, elle se défendit avec beaucoup d’adresse et d’intelligence. Condamnée à la peine de mort pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que un et indivisible, elle fut conduite à l’Hospice du Tribunal où les médecins se montrèrent dans l’incapacité de dire si elle était ou non enceinte. Dans le doute, Fouquier-Tinville et tous les historiens qui comme Michelet ont pris la "conviction" de l’accusateur public pour argent comptant, ont décidé qu’il n’y avait pas grossesse[8]. Le jugement était désormais exécutoire et Olympe de Gouges profita des quelques instants qui lui restaient pour écrire une très belle lettre à son fils. Il ne la reçut jamais car elle fut interceptée par Fouquier-Tinville qui collectionnait les lettres d’adieu des condamnés à mort[9]. D’après un inspecteur de police en civil, le citoyen Prévost, présent à l’exécution, et d’après le Journal de Perlet ainsi que d’autres témoignages, elle est montée sur l’échafaud avec infiniment de courage et de dignité contrairement à ce que raconte au XIXe siècle l’auteur des mémoires apocryphes de Sanson et quelques historiens dont Jules Michelet.

Sa dernière lettre est pour son fils, l’adjudant général Aubry de Gouges, qui, par crainte d’être inquiété, la renia dans une « profession de foi civique »[10]. Dans sa Déclaration des Droits de la Femme, elle avait écrit de façon prémonitoire « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Le procureur de la Commune de Paris, Pierre-Gaspard Chaumette, applaudissant à l’exécution de plusieurs femmes et fustigeant leur mémoire, évoqua cette "virago, la femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes (...) Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois. Et, dit-il aux républicaines, vous voudriez les imiter ? Non ! Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d'estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées c'est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes". Ce morceau d'anthologie de la prose anti-féministe, chef d'œuvre de démagogie où les notions de nature et de respect dont détournées, qui coïncide avec l'interdiction pour les femmes de s'associer et de se rassembler et avec la suppression des "académies" où s'ébauchaient de puis peu, dans les arts et les lettres un début de reconnaissance de leur créativité, ouvrit pour les Française une longue période de non droits et d'infantilisation, ainsi que le vivent encore aujourd'hui des millions de femmes de la planète.

[modifier] Postérité

Portrait de Pierre Aubry de Gouges
Portrait de Pierre Aubry de Gouges

Olympe de Gouges a laissé un fils, Pierre qui, au début de la Révolution vécut maritalement avec Marie-Hyacinthe Mabille qu’il épousa après la Terreur et dont il eut au moins cinq enfants. Au début du Consulat, Pierre Aubry de Gouges fut confirmé dans le grade chef de brigade et chargé par Bonaparte d’un commandement en Guyane française. La famille débarqua à Cayenne en juin 1802, au moment où, tragique ironie du sort, le gouverneur Victor Hugues rétablissait l’esclavage qu’Olympe de Gouges avait tant combattu. Pierre Aubry de Gouges décéda quelques mois plus tard, le 17 pluviose an XI à Macouria, sans doute emporté par la malaria. Son épouse se remaria avec un sieur Audibert, originaire de Marseille, et quelques années plus tard, elle dut fuir la Guyane conquise en 1809 par les Portugais, dans un climat de grande violence. Elle embarqua pour la France sur un navire qui fut capturé et détourné par un corsaire anglais. Pendant ces événements, Mme Aubry mourut à bord, et son corps fut jeté à la mer. Les enfants se retrouvèrent aux Antilles. Si les garçons retournèrent plus tard en France, une des petites-filles d’Olympe de Gouges, Anne-Hyacinthe-Geneviève, fut demandée en mariage en Guadeloupe par le capitaine William Wood, un officier anglais (descendance en Grande-Bretagne et en Tasmanie), l’autre fille, Charlotte, fut demandée en mariage par un riche Américain, Robert Selden Garnett, sieur de Champlain (1789-1840), membre du Congrès de 1820 à 1827, et propriétaire de plantations en Virginie, d’où une très nombreuse et brillante descendance d’hommes politiques et de notables aux États-Unis. Les descendants connus d’Olympe de Gouges sont donc anglais et américains. Ils conservent, entre autres, des portraits et le procès verbal d’exécution de leur célèbre ancêtre.

De son vivant, Olympe de Gouges a déjà été victime de la misogynie ordinaire et surtout de la bêtise (on a par exemple soutenu qu’elle ne savait pas véritablement lire – un portrait la représente pourtant un livre à la main –, et écrire alors qu’on dispose de ses lettres écrites de prison (avec, il est vrai, une écriture mal assurée, comme la plupart des femmes et des hommes de cette époque). L’hostilité à l’égard d’Olympe de Gouges a souvent été le fait d’autres femmes, ainsi qu’elle le déplore dans une de ses pièces de théâtre : « les femmes n’ont jamais eu de plus grands ennemis qu’elles-mêmes. Rarement on voit les femmes applaudir à une belle action, à l’ouvrage d’une femme » [11]. Dans le postambule de sa Déclaration des droits de la femme (septembre 1791), elle pose que l’infériorité contrainte de la femme l’a amenée à user de ruse et de dissimulation: {{Guil|Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse le leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne des femmes ; le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l’ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé. Elle exhortait donc les femmes de son temps à réagir : «  Femmes, ne serait-il pas grand temps qu’il se fît aussi parmi nous une révolution ? Les femmes seront-elles toujours isolées les unes des autres, et ne feront-elles jamais corps avec la société, que pour médire de leur sexe et faire pitié à l’autre ? » [12].

[modifier] Reconnaissance et célébrations

Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que Marie-Olympe de Gouges sorte de la caricature et de l’anecdote. Étudiée, discutée, particulièrement aux États-Unis, au Japon et en Allemagne, son originalité, son indépendance d’esprit, ses écrits courageux et sa générosité sans borne, de même que son honnêteté intellectuelle en font une des plus belles figures humanistes de la fin du XVIIIe siècle.

En France, quelques historiens régionalistes, entre autres, se sont intéressés au personnage, mais c’est après la parution (1981) de la biographie d’Olivier Blanc qui a, le premier, exhumé les incontournables sources manuscrites, entre autres notariales, et lors de la préparation du bicentenaire de la Révolution de 1789, que les textes d’Olympe de Gouges ont été lus, joués, édités, leur assurant enfin une première et (modeste) forme de reconnaissance.

De nombreux articles universitaires et notamment ceux de Gabrielle Verdier (États-Unis) et de Gisela Thiele-Knobloch (Allemagne) ont enfin pu dégager l’intérêt de l’œuvre dramatique d’Olympe de Gouges qui a abordé, non sans talent contrairement à une légende infondée, des thématiques nouvelles comme l’esclavage (Zamore et Mirza), le divorce (Nécessité du divorce), la prise de voile forcée (Le Couvent) et autres sujets sensibles à son époque.

Depuis octobre 1989, à l’initiative de l’historienne Catherine Marand-Fouquet, plusieurs pétitions sont adressées à la présidence de la République demandant la panthéonisation d’Olympe de Gouges. En novembre 1993, elle initie une manifestation devant le Panthéon pour commémorer le bicentenaire de l’exécution d’Olympe. Cette manifestation s’inscrit aussi dans la revendication de la parité.

Le 6 mars 2004, une place Olympe de Gouges a été inaugurée à Paris dans le IIIe arrondissement, carrefour des rues Béranger, Charlot, Turenne et de Franche-Comté, près de la place de la République.

L’inauguration a été faite par le maire du IIIe arrondissement, Pierre Aidenbaum, la première adjointe au maire de Paris Anne Hidalgo, avec la participation d’Olivier Blanc, historien, auteur de la biographie de référence sur Olympe de Gouges (réédition aux éditions René Viénet, 2003) et éditeur de ses Écrits politiques (Côté Femmes éditions, 1993), de Dominique Wenta et de la comédienne Véronique Genest qui a lu un extrait de la Déclaration des Droits de la Femme. Un extrait de la pièce de Dominique Wenta "Olympe ou l’oubliée de l’histoire" a été jouée à cette occasion (Avec les comédiens Dominique Wenta, Renaud Marx, François Patissier et Vincent Vittoz)

En 1989, Nam June Paik a créé une œuvre intitulée Olympe de Gouges in La fée électronique. Cette œuvre, commandée par la municipalité de Paris à l’occasion du bicentenaire de la révolution française est aujourd’hui visible au musée d’Art moderne de la ville de Paris.

Un lycée de Noisy-le-Sec, un collège à Champcueil (91) ou encore une école à Montpellier (ouverture en 2007) portent son nom, la très moderne maternité du CHU de Tours a également rendu hommage à Olympe de Gouges, et on ne compte plus les voies publiques de grandes ou petites villes comme Rennes ou Lieusaint (77) qui a baptisé un boulevard de son nom. La 11e promotion des élèves administrateurs territoriaux (2003-2005), a choisi Olympe de Gouges pour nom de baptême ainsi que la promotion 2006 de Sciences-Po Toulouse. Enfin, la ville de Montauban, ville natale d’Olympe de Gouges, a baptisé de son nom l’ancien théâtre de la ville en octobre 2006. Le 19 septembre 2007, la ville de Bondy à inauguré son groupe scolaire Olympe de Gouges. On ajoutera qu’une salle « Olympe de Gouge » lui est consacrée dans les locaux du Ministère de l’Intérieur.

Le mercredi 7 mars 2007, lors d’un meeting à Dijon dans le cadre de la campagne présidentielle, Ségolène Royal a affirmé son souhait, si elle était élue Présidente de la République, de transférer les cendres d’Olympe de Gouges au Panthéon de Paris.

[modifier] Notes et références

  1. Son grand père est dit "maître tondeur de draps"
  2. Par l’intermédiaire du banquier Delon de Lormière
  3. Ces fantasmes ont été développés dans les années 1900 par MM. Forestié, Lacour et autres qui se faisaient une piètre idée du droit des femmes à disposer d’elles-mêmes
  4. Il était un ami d’Olympe de Gouges depuis ses débuts, et ils restèrent en relation jusqu’aux graves événements de 1792 et 1793. Malgré ses efforts, Cublières ne put sauver Olympe de Gouges du tribunal révolutionnaire et de l’échafaud
  5. le manuscrit de cette pièce a malheureusement été brûlé au lendemain de son exécution, sur ordre de Fouquier Tinville au président de la section du Pont-neuf, avec les autres papiers saisis chez elle ("pour ne pas contaminer l’esprit public")
  6. Ce lobby des abolitionnistes fut créé, sur le modèle anglais, en 1788 par Brissot, le député girondin, qui parle d’ailleurs d’Olympe de Gouges avec éloge dans ses lettres inédites
  7. Condamnée en mai 1793 avec son mari pour complot contre-révolutionnaire, décapitée le 15 brumaire suivant
  8. Fouquier-Tinville a été condamné à mort pour avoir, entre autres choses, envoyé des femmes enceintes à l’échafaud (acte d’accusation de Fouquier-Tinville en l’an III)
  9. Olivier Blanc, La dernière lettre, prisons et condamnés de la révolution, Paris, R. Laffont, 1985
  10. Napoléon, éclairé par Fanny de Beauharnais et Mme de Montesson sur cette triste affaire, semble lui avoir tenu rigueur de son attitude en l’envoyant en commandement en Guyane.
  11. Mirabeau aux Champs-Elysées, préface
  12. (Lettre au Roi, lettre à la reine, Paris, 1792, p.8)

[modifier] Œuvres

Théâtre
  • L’Esclavage des Noirs ou l’heureux naufrage (1786)
  • L’Homme généreux (1786)
  • Les Démocrates et les aristocrates, ou les curieux du champ de Mars (1790)
  • La Nécessité du divorce (1790)
  • Le Couvent, ou les vœux forcés (1790)
  • Mirabeau aux Champs Élysées (1791)
  • La France sauvée, ou le tyran détrôné (1792)
  • L’Entrée de Dumouriez à Bruxelles, ou les vivandiers (1793)
  • Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)
  • Extrait : Préambule:

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

  • Extrait : Article premier :

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

  • Extraits :

Article II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme ; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance à l’oppression… Article X. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune, pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi. Article XI. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare force à dissimuler la vérité; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

[modifier] Bibliographie

  • Olivier Blanc, Marie-Olympe de Gouges, Paris, René Viénet Éditions, 2003. (ISBN 2849830003) Liste complète des écrits publiés par Olympe de Gouges de 1786 à 1793, nombreux manuscrits inédits, Bibliographie critique, index, cahier d’illustrations de huit pages en noir et en couleur. Ouvrage traduit en japonais et en allemand.
  • Sophie Mousset, Olympe de Gouges et les droits de la femme (ISBN 2866454952)
  • Olympe de Gouges : Écrits politiques, présentés par Olivier Blanc, volume I (1789-1791), volume II (1792-1793), Paris, Côté Femmes Éditions, 2003.
  • Joëlle Gardes, Olympe de Gouges, Une vie comme un roman, Éditions de l'Amandier, 2008.
  • Olympe de Gouges : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, éd. Mille et une nuits, Paris (ISBN 2842057465)

[modifier] Lien externe