Mouvement de libération des femmes

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En France, le Mouvement de libération des femmes est né de plusieurs courants, de réformistes à radicaux. A la fois héritier du mouvement de mai 1968 et du Women's Lib américain naissant, des luttes pour le droit à la contraception et à l'avortement amorcées par le planning familial, des revendications à l'égalité de tous les droits, moraux, sexuels, juridiques, économiques, symboliques, et de la lutte contre toutes les formes d'oppression et de misogynie.

Sommaire

[modifier] Chronologie

Entre 1967 et 1970, plusieurs groupes de travail se forment. Dans la foulée du mouvement de mai, des réunions non mixtes ont lieu dès octobre 1968, à l'initiative de Monique Wittig et d'Antoinette Fouque. Elles rassemblent une dizaine de femmes qui travaillent sur la sexualité féminine et sur l’articulation des luttes de femmes aux luttes anti-colonialistes et aux luttes de classe. Une association mixte, Féminin, Masculin, Avenir (FMA) issue de la FGDS (socialiste), présidée par Anne Zelensky, organise depuis 1967 des réunions sur les relations entre les hommes et les femmes. Un autre groupe, les Oreilles vertes, reste mystérieux.

Comme en témoignent les photographies d'époque, le premier meeting public de ce qui deviendra le MLF, a lieu à l’Université de Vincennes, au printemps 1970, alors que paraît dans le numéro de mai 1970 de L'Idiot international, le premier texte féministe français : Combat pour la Libération de la Femme, co-signé par Monique Wittig, Gille Wittig, Marcia Rothenburg et Margaret Stephenson.

La première sortie médiatique du Mouvement a lieu le 26 août 1970, quand un groupe d'une dizaine de femmes déposent sous l’Arc de Triomphe à Paris, une gerbe à la femme du soldat inconnu (en solidarité avec la grève des femmes américaines, qui célèbrent ce jour-là le 50e anniversaire de leur droit de vote). Sur leurs banderoles on peut lire : "Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, Sa femme", et Monique Wittig porte une banderole : "Un homme sur deux est une femme."

A l'automne 70, paraît un numéro spécial de la revue Partisans, publié par François Maspero, intitulé « Libération des femmes, année zéro », qui rassemble des témoignages anonymes, et des textes signés par des Françaises et des Américaines. On lit dans la présentation : "Le phénomène n'est pas limité aux États-Unis. Partout en Europe occidentale, simultanément depuis plus de deux ans, en Angleterre, en Hollande, en Suède et au Danemark, en Allemagne, en France, maintenant en Italie, des groupes de femmes se sont spontanément formés pour réfléchir aux moyens de lutter contre leur oppression."

Les premières A.G. des Beaux-Arts ont lieu dès l'automne 70, le mercredi soir tous les quinze jours, alors que sort chez Maspéro le numéro spécial 'Partisans : Libération des Femmes, Année Zéro' (n° 54-55, juillet-octobre 1970).

Puis en mai 1971, paraît le premier des six numéros du journal Le Torchon brûle, édité jusqu’en 1973, et ouvert à toutes. On y lit (éditorial Torchon n°2): "Le mouvement, ce sont toutes ces femmes qui se réunissent sur la base de leur révolte pour en mieux comprendre le pourquoi et le comment et pour pouvoir lutter ensemble. Le mouvement de libération des femmes n'est pas une organisation, il n'y a pas et il n'y a pas à avoir 'd'équipe dirigeante'."

On peut distinguer trois tendances principales dans le MLF.

  • La tendance « Lutte des classes» tente d’articuler l’analyse marxiste et la revendication féministe, et prône la double militance : au MLF pour les questions des femmes, dans les organisations gauchistes pour la « politique générale ».
  • La tendance féministe qui se subdivise entre féministes radicales et féministes réformistes. Pour les radicales comme Monique Wittig, il s’agit d’accéder au lesbianisme et d’abolir le terme « femme » marqué par l’oppression : à l’horizon le « genre », et ce qui se nommera le « queer ». Christine Delphy, pour qui les femmes constituent une classe définie par l’obligation de « fournir des services domestiques gratuits », préconise la prise de pouvoir par les femmes pour parvenir à « la destruction totale du système de production et de reproduction patriarcal ». L’orientation réformiste s’incarne dans la Ligue du droit des femmes, présidée par Simone de Beauvoir, et dans plusieurs collectifs d’aide aux femmes (tels que SOS Femmes violées).
  • « Psychanalyse et Politique », développé par Antoinette Fouque qui propose une articulation de l'inconscient et de l'histoire qui a fait la spécificité d'une partie du mouvement français. Elle veut « faire émerger le sujet femme » et dégager, contre le dogme freudien, « Il n’y a qu’une libido et elle est phallique », une autre libido qu’elle appellera bientôt libido 2 ou libido utérine[1]. Cette tendance du MLF, financée par la mécène Sylvina Boissonnas, est à l'origine des éditions Des femmes (1973), des librairies Des femmes à Paris (1974-1999), Marseille (1976-1989) et Lyon (1977-1988), du journal le Quotidien des Femmes, en 1974, du mensuel et de l'hebdomadaire Des femmes en mouvements1977 à 1982.

Le vote de la loi Veil dépénalisant l'avortement, le 18 janvier 1975, est une victoire pour les féministes qui revendiquaient le droit à l'interruption volontaire de grossesse. En 1974, un premier Secrétariat d’Etat à la Condition féminine a été créé en France, et le fossé s’élargit entre les réformistes et celles qui tiennent à l’indépendance du Mouvement. En 1975, a lieu l’Année internationale de la Femme, organisée par les Nations unies.

Malgré les polémiques et les dissensions, les différents groupes se retrouvent ponctuellement, jusqu’en 1976, pour des actions communes : pour le droit à l’avortement, contre les violences faites aux femmes.

En octobre 1979, Antoinette Fouque crée une association loi de 1901 Mouvement de Libération des Femmes - MLF dont elle est présidente, et dépose le sigle MLF à l'institut national de la Propriété Industrielle, sans consultation préalable de l'ensemble du Mouvement. Ce geste déclenche une importante polémique [2],[3], relayée par les médias [4]. En mars 1982, Antoinette Fouque se dégage de toute responsabilité politique active à l'association "MLF déposé" [5]. En 1989, elle crée l'Alliance des Femmes pour la Démocratie.

Les femmes du Mouvement de Libération des Femmes (le MLF dans son acception la plus large) ont profondément transformé la société et les valeurs à partir de la seconde moitié du 20ème siècle. Elles ont permis un bond en avant considérable des droits des femmes, notamment les réformes du droit à la maîtrise de la fécondité, l’égalité professionnelle et parentale, la loi sur la parité.

[modifier] Publications journalistiques

  • Le Torchon brûle, 6 numéros (1971 à 1973)
  • Le Quotidien des femmes : 10 numéros du 23 novembre(1974 au 25 juin 1976)
  • Des Femmes en mouvements, mensuel : 11 numéros, décembre 1977 à janvier 1979; coffret réédité aux éd. Des femmes-Antoinette Fouque.
  • Hebdo Des Femmes en mouvements : 101 numéros, du 20 octobre 1979 au 16 juillet 1982.
  • Questions Féministes, Nouvelles Questions Féministes
  • Histoires d'Elles, Sorcières...

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Publications

  • L'Idiot international n°6, Combat pour la libération de la femme, mai 1970.
  • Partisans n°54-55, Libération des femmes Année Zéro, Maspéro, juillet-octobre 1970, réédité en poche en 1972.
  • Le Torchon brûle, 6 numéros de 1971 à 1973 (réédition, éd. Des Femmes, 1982).
  • Le Livre de l'oppression des femmes, Belfond, 1972.
  • Chroniques d'une imposture, du Mouvement de libération des femmes à une marque commerciale, préface de Simone de Beauvoir, AMLF, 1981.
  • Christine Delphy, Les Origines du Mouvement de libération des femmes en France, Nouvelles Questions féministes n°16-17-18, Paris 1991.
  • Françoise Picq, Libération des femmes, les années-Mouvement, Paris, Seuil, 1993.
  • Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, Paris, Gallimard, 1995 et 2004 (revue et augmentée).
  • Monique Wittig, Paris-la-politique et autres histoires, P.O.L., 1999.
  • Muriel Rouyer Du M.L.F. à la parité : itinéraires du féminisme français, encyclopédie Universalis, Universalia, 2002.
  • Le Siècle des Féminismes, sous la direction d'Eliane Gubin, préface de Michelle Perrot, éditions de l'Atelier, 2004.
  • Namascar Shaktini (Margaret Stephenson), On Monique Wittig, University of Illinois Press, 2005.
  • Anne Zelensky-Tristan, Histoire de vivre, Mémoires d'une féministe, Calmann-Lévy, Paris 2005.
  • Bibia Pavard, Les Éditions des femmes, histoire des premières années (1972-1979), préface de Jean-François Sirinelli, Paris, L'Harmattan, 2005.
  • Mémoire de femmes : Depuis 30 ans des femmes éditent, 1974-2004, Des femmes, troisième édition, 2006.
  • Antoinette Fouque, Gravidanza, Féminologie II, Paris, Des femmes, 2007.
  • Séverine Auffret, Séminaire d’histoire des idées féministes Université populaire de Caen.

[modifier] Documentaire

  • Debout ! Une histoire du Mouvement de libération des femmes (1999), documentaire réalisé par Carole Roussopoulos [projet "Témoigner pour le féminisme" lancé par l'association Archives du Féminisme].

[modifier] Notes et références

  1. Catherine Clément, Matin de Paris, 16 juillet 1980
  2. Françoise Picq, Libération des femmes, les années-Mouvement, Seuil, 1993
  3. Chroniques d'une imposture, du Mouvement de Libération des Femmes à une marque déposée, collectif, préface de Simone de Beauvoir, Voix off, 1981
  4. Katia D.Kaupp, Bataille pour un drapeau, Nouvel Observateur du 31 décembre 1979
  5. Des Femmes en Mouvements hebdo, n°83-84, 19 mars 1982
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