Manon Lescaut

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Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut

Illustration de Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut

Auteur Antoine François Prévost
Genre Roman
Pays d’origine France
Date de parution 1731

L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, aujourd’hui plus communément appelé Manon Lescaut, est un roman de l’abbé Prévost faisant partie des Mémoires et Aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde (7 volumes, rédigés de 1728 à 1731). Le livre étant jugé scandaleux à deux reprises (1733 et 1735), saisi et condamné à être brûlé, l’auteur publie en 1753, une nouvelle édition de Manon Lescaut revue, corrigée et augmentée d’un épisode important. Les qualités humaines du roman séduisirent rapidement le public et en feront la célébrité.

Sommaire

Réception

« Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin plaise, parce que toutes les mauvaises actions du héros ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. »

MONTESQUIEU

Analyse

Manon Lescaut a laissé une trace durable dans la littérature française. Jamais roman n’a été aussi loué et aussi critiqué que ce chef-d’œuvre rempli de passion, de douleur et d’amour. Le drame touchant vécu par le « fripon » des Grieux et la « catin » Manon parvient à éviter la réprobation des lecteurs grâce au caractère admirable qui caractérise les passions dans ce court récit si naturel et si vraisemblable qui se déroule avec une rapidité qui tranche avec le reste de l’œuvre de Prévost. L’intrigue de cette histoire remplie de variété et de mouvement sur fond unique de délire et d’amour se développe et s’enchaîne dans un ordre logique et naturel qui donne à chaque nouvel épisode son impression d’authenticité et de vraisemblance. Les deux héros sont présentés avec une netteté lumineuse : séduisants, jeunes et amoureux à outrance, ils se précipitent tête baissée dans leur passion sans jamais paraître rien perdre de leur grâce, de leur beauté et de leur esprit. Leur jeunesse et leur innocence ne semblent jamais atteintes par la fange de l’échelle sociale au bas de laquelle se passe une bonne partie de leur histoire. Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la misère à la fortune, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue. C’est également la conscience de ce sentiment qui fait prendre au lecteur la faiblesse et les inconséquences de des Grieux, ce héros tout à la fois si humain et si démuni face à la tentation amoureuse, en pitié. L’amour, dans Manon Lescaut, est une passion qui se révèle brusquement et qu’il serait vain de chercher à surmonter.

De même, dans cette narration où le fourmillement d’incidents romanesques révèle un souci de la réalité dans ses plus petits détails, le réalisme ne dispute pourtant jamais à l’idéalisme. En dépit de leur caractère éminemment romanesque, les événements de Manon Lescaut ne paraissent jamais enfreindre la vraisemblance comme, par exemple, lorsque des Grieux saisit avec quelle facilité les résolutions les plus fermes s’évanouissent devant le regard d’une femme. La structure psychologique des héros obéit à cette règle : des Grieux réunit en lui une incroyable naïveté et un cynisme grossier tandis que Manon est un esprit pratique doué de bon sens et d’une extraordinaire insouciance. Le commerce de sa personne qu’elle fera, dès que l’argent viendra à manquer au couple, est une fatalité que rien ne peut infléchir car son bien être matériel est une nécessité qui ne saurait souffrir d’entraves. Mais Manon revient toujours à des Grieux, comme il revient à elle, après ses intervalles de retour à ses études et à la théologie. Le chef d’œuvre littéraire de Manon Lescaut finit par naître de la somme des imperfections de des Grieux et de Manon lorsque la vérité de la passion de leurs caractères devient la personnification littéraire de l’amour, fatal et misérable pour l’un, inconstant et frivole pour l’autre mais d’un amour qui finit par trouver, sous le coup du malheur, sa rédemption dans un sentiment sincère et profond inévitablement voué à trouver son dénouement dans la mort.


Références

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  • André Billy, L’Abbé Prévost, Flammarion, Paris, 1969
  • René Démoris, Le Silence de Manon, Presses universitaires de France, Paris, 1995 (ISBN 9782130468264)
  • (en) Patrick Brady, Structuralist perspectives in criticism of fiction : essays on Manon Lescaut and La Vie de Marianne, P. Lang, Berne ; Las Vegas, 1978
  • (en) Patrick Coleman, Reparative realism : mourning and modernity in the French novel, 1730-1830, Droz, Genève, 1998 (ISBN 9782600002868)
  • Maurice Daumas, Le Syndrome des Grieux : la relation père/fils au XVIIIe siècle, Seuil, Paris, 1990 (ISBN 9782020113977)
  • (en) R. A. Francis, The abbé Prévost’s first-person narrators, Voltaire Foundation, Oxford, 1993
  • Eugène Lasserre, Manon Lescaut de l’abbé Prévost, Société Française d’Éditions Littéraires et Techniques, Paris, 1930
  • Paul Hazard, Études critiques sur Manon Lescaut, The University of Chicago Press, Chicago, 1929
  • Pierre Heinrich, L’Abbé Prévost et la Louisiane ; étude sur la valeur historique de Manon Lescaut E. Guilmoto, Paris, 1907
  • Claudine Hunting, La Femme devant le “tribunal masculin” dans trois romans des Lumières : Challe, Prévost, Cazotte, P. Lang, New York, 1987 (ISBN 9780820403618)
  • Jean Luc Jaccard, Manon Lescaut, le personnage-romancier, A.-G. Nizet, Paris, 1975 (ISBN 2707804509)
  • Eugène Lasserre, Manon Lescaut de l’abbé Prévost, Société française d'Éditions littéraires et techniques, Paris, 1930
  • Roger Laufer, Style rococo, style des Lumières, J. Corti, Paris, 1963
  • Vivienne Mylne, Prévost : Manon Lescaut, Edward Arnold, London, 1972
  • René Picard, Introduction à l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Garnier, Paris, 1965, p. CXXX-CXXXXVII
  • (en) Naomi Segal, The Unintended Reader : feminism and Manon Lescaut, Cambridge University Press, Cambridge ; New York, 1986 (ISBN 9780521307239)
  • Alan Singerman, L’Abbé Prévost : L’amour et la morale, Droz, Genève, 1987
  • Jean Sgard, L’Abbé Prévost : labyrinthes de la mémoire, PUF, Paris, 1986 (ISBN 2130392822)
  • Jean Sgard, Prévost romancier, José Corti, Paris, 1968 (ISBN 2714303153)
  • Loïc Thommeret, La Mémoire créatrice. Essai sur l'écriture de soi au XVIIIe siècle, L’Harmattan, Paris, 2006, (ISBN 9782296008267)
  • (en) Arnold L. Weinstein, Fictions of the self, 1550-1800, Princeton University Press, Princeton, 1981 (ISBN 9780691064482)

Sources

  • Jules Janin, Introduction à Manon Lescaut, Paris, Garnier Frères, 1877
  • Victor Schroeder, L’Abbé Prévost, sa vie, ses romans, Paris, Hachette et cie, 1898

Liens externes

s:

Manon Lescaut est disponible sur Wikisource.

Voir aussi

Adaptations

Le roman de l’abbé Prévost a donné lieu à des opéras, des ballets et à plusieurs films :