Loi du Talion

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La Loi du talion consiste en la réciprocité du crime et de la peine. Cette loi est souvent symbolisée par l'expression Œil pour œil, dent pour dent. C'est l'une des plus anciennes lois existantes.

Elle caractérise un état intermédiaire de la justice pénale entre le système de la vendetta et le recours à un juge comme tiers impartial et désintéressé.

Sommaire

[modifier] Étymologie

Le mot talion a pour origine talis, ce qui en latin signifie « tel » ou « pareil ».

[modifier] Origine

Les premiers signes de la loi du talion ont été trouvés dans le Code d'Hammourabi, en 1730 avant Jésus Christ, dans le royaume de Babylone. Cette loi a permis d'éviter que les personnes ne se fassent justice elles-mêmes et ainsi d'introduire un début d'ordre dans la société en ce qui concerne le traitement des crimes. Ainsi le Code d'Hammourabi énonçait-il que si les enfants du propriétaire d'une maison venaient à mourir lors de l'effondrement de celle-ci, on pouvait mettre à mort le fils du maçon.

Il se peut que cette loi entende lutter contre une escalade de la violence individuelle en limitant celle-ci au niveau de la violence subie. Notre notion de légitime défense en droit contemporain procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l'attaque.

Un flou d'interprétation subsiste en ce sens qu'il n'est nulle part précisé clairement qu'elle ne représente que le maximum autorisé de la riposte. Certaines interprétations la présentent au contraire comme la riposte adéquate, ce qui peut conduire à des violences et contre-violences n'ayant jamais de fin.

Considérée dans ce dernier cas comme barbare, injuste, et de toute façon contraire aux intérêts de l'ordre public, elle fut remplacée pour certains crimes par des amendes pécuniaires ou des peines d'emprisonnement, que l'on peut considérer comme les premières peines alternatives.

Elles ne satisfont pas pour autant forcément la victime, et on peut sans doute repenser à la sagesse du pionnier Daniel Boone qui, élu juge par ses concitoyens, prononçait au contraire des peines de réparation, centrées sur la victime et non sur le malfaiteur. Ainsi, celui qui avait blessé un cheval se voyait condamné à tirer la charrue à sa place jusqu'à ce que la bête en soit à nouveau capable.

En anglais courant on retrouve le même principe dans le terme retaliation qui exprime bien le même sentiment de riposte et qui partage la même origine.

[modifier] La Loi du talion en religion

[modifier] Dans le Judaïsme

[modifier] Dans la Torah

La formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le Pentateuque :

  • « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » (Exode 21,23-25)
  • « Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu'il soit, il sera mis à mort. S'il frappe à mort un animal, il le remplacera — vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu'il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; on provoquera chez lui la même infirmité qu'il a provoqué chez l'autre. Qui frappe un animal doit rembourser ; qui frappe un homme est mis à mort. Vous aurez une seule législation : la même pour l'émigré et pour l'indigène. » (Lévitique, 24,17-22)
  • « Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. » (Deutéronome, 19,21)

À quoi s'ajoute :

  • « Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé. » (Genèse IX:6)

Mais contrairement aux codes légaux en vigueur à cette époque au Proche-Orient, dont le Code d'Hammourabi, la Torah indique clairement que (Deutéronome, 24,16) « les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché ».

Divers passages de la Bible prônent par ailleurs une morale de dépassement, quand la réconciliation est possible :

  • « Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l'Éternel. » (Lévitique, 19,18)
  • « Ne dis pas : Comme il m'a traité, je le traiterai, je rends à chacun selon ses œuvres. » (Proverbes, 24,29)

[modifier] Dans le Talmud

Cette règle indique la nécessité d'une équivalence compensatrice dans le châtiment. Le Talmud dans l'ordre Nézikin, traité Baba Kama, fait valoir l'idée que les versets Exode 21, 23-25 ;Lévitique, 24,17-22 et Deutéronome, 19,21 précités ne sauraient être pris à la lettre étant donné qu'il est impossible de déterminer si, par exemple, les conséquences de la perte d'un œil par une personne équivaudront aux conséquences de la perte d'un œil pour une autre.

Le principe général retenu par la Loi Juive pour tout dommage physique reçu est le paiement de dédommagements pour :

  • Nezek, la valeur de l'incapicité physique permanente mesurée en terme de manque à gagner professionnel;
  • Shevet, la perte de revenu pendant la récupération de la blessure subie;
  • Tzaar, le prix de la douleur;
  • Ripouy, le côut des frais médicaux;
  • Boshet, la honte infligée.

La valeur exacte de ces dédommagements doit être jugée au cas par cas par un tribunal rabbinique.

Le judaïsme rabbinique ne retient ainsi de la loi du talion que l'idée de juste compensation financière, sauf pour les crimes capitaux en vertu du principe que la vie humaine n'a pas de prix et ne peut donc pas être compensée financièrement.

[modifier] Dans le Christianisme

Jésus dans le Nouveau Testament reprend cette attitude et recommande de s'y opposer:

  • « Vous avez appris qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te giffle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. A qui te demande, donne; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos. » (Matthieu 5,38-42)

[modifier] Dans l'Islam

Le Coran s'exprime ainsi :

  • « Ô les croyants! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après cela transgresse, aura un châtiment douloureux. » (Sourate II, verset 178)
  • « Nous avons fait descendre la Thora dans laquelle il y a guide et lumière. C'est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. C ar on leur a confié la garde du Livre d'Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d'après ce qu'Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. »
  • « Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d'après ce qu'Allah a fait descendre, ceux-là sont des injustes. » (Sourate V, verset 44-45)

[modifier] La Loi du talion de nos jours

La plupart des juridictions occidentales ont désormais renoncé à la Loi du talion, qui selon elles relève plus de la vengeance que de la justice. En principe, les peines prononcées aujourd'hui ne servent plus à punir le coupable, mais à préparer sa réinsertion dans la société après une période de réadaptation. Elles ont un but éducatif. Parallèlement, le concept de dommages-intérêts constitue la juste compensation financière à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un préjudice moral et/ou une atteinte dans son patrimoine.

[modifier] Loi du talion et la peine de mort

La Loi du talion est utilisée comme argument par des partisans de la peine de mort, qui considèrent qu'une personne qui a tué, mérite la mort, seule peine équitable selon eux.

[modifier] Loi du talion et légitime défense

De nos jours encore, le concept de légitime défense, qui doit être proportionnée à l'attaque, semble une émanation directe de la Loi du talion.

[modifier] Loi du talion et Théorie des jeux

Voir l'article détaillé : Dilemme du prisonnier - Le dilemme répété

Il n'y a pas de stratégie optimale dans le problème du Dilemme du prisonnier itéré . Toutefois de nombreuses expérimentations amènent à la conclusion qu'il ne semble pas y avoir de stratégie qui soit systématiquement meilleure que celle, dite Tit for Tat, basée sur la loi du talion, et que si celle-ci est rarement la meilleure, elle se classe systématiquement parmi les meilleures. La plupart des interactions dans une société pouvant se ramener à un jeu à somme non nulle, il est possible que la loi du talion soit simplement issue d'un processus de sélection naturelle.

[modifier] Notes et références