Langues du Sénégal

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L'Arbre à logorrhée, installation collective sur le thème de l'arbre à palabre (Gorée)
L'Arbre à logorrhée, installation collective sur le thème de l'arbre à palabre (Gorée)

Une première approche des langues du Sénégal met en évidence le fait que le français – langue officielle – est utilisée par l'administration, l'enseignement, les médias et le monde des affaires. Le wolof est la langue la plus comprise dans le pays (80%), y compris par d'autres ethnies mais essentiellement en milieu urbain. Cependant les populations s'expriment aussi dans près de 40[1] autres idiomes selon les régions, voire les villages.

Sommaire

[modifier] Histoire

Interprètes indigènes attachés aux commandements des colonnes du haut Sénégal (gravure de 1890)
Interprètes indigènes attachés aux commandements des colonnes du haut Sénégal (gravure de 1890)

[modifier] Familles linguistiques

Presque toutes les langues parlées au Sénégal appartiennent à la grande famille des langues nigéro-congolaises. La plupart se rattachent à la branche des langues atlantiques – c'est le cas du wolof, du peul, du sérère et du diola, mais aussi des langues cangin comme le saafi. D'autres font partie des langues mandées, comme le soninké, le mandingue et le bambara.

Parmi les exceptions figurent une langue indo-européenne, le français, une langue créole, le créole de Guinée-Bissau, ainsi qu'une langue afro-asiatique, l'arabe hassaniya.

[modifier] Politique linguistique du Sénégal

La prise en compte des langues vernaculaires est un problème récurrent dans le monde actuel. Le Sénégal a affirmé cette priorité dès l'Article premier de sa Constitution du 7 janvier 2001 : « La langue officielle de la République du Sénégal est le Français. Les langues nationales sont le Diola, le Malinké, le Pular, le Sérère, le Soninké, le Wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée ».

Un ministère, celui de l' Enseignement technique, de la Formation professionnelle, de l'Alphabétisation et des Langues nationales (METFPALN) en est chargé, de même que d'autres organismes tels que la Direction de la promotion des langues nationales (DPLN). Des associations se sont également attelées à la tâche, comme l'Union nationale des associations de langues (UNAL), l'Union des écrivains sénégalais en langues nationales (UESLAN) ou la Coordination nationale des opérateurs en alphabétisation du Sénégal (CNOAS).

[modifier] La place du français dans le Sénégal contemporain

Il demeure une langue étrangère parlée par 15 % à 20 % des Sénégalais et par à peine 1 % à 2 % des Sénégalaises. Il est la langue maternelle d'une élite très restreinte constituant tout au plus 0,2 % de la population du pays. On peut se demander pourquoi le Sénégal compte-t-il un si haut taux d'analphabètes en langue française. Il faut se rappeler que 55% des jeunes Sénégalais vivent dans les régions rurales et que très peu d'entre eux fréquentent l'école, les enfants étant considérés comme des bras supplémentaires pour le travail dans les champs. C'est ce qui pourrait expliquer que 80 % à 90% des jeunes ne parlent pas le français. Par ailleurs, 82 % des Sénégalais vivant en milieu rural ne savent ni lire ni écrire aucune langue.

Cela dit, le français au Sénégal n’est plus perçu comme la « langue du colonisateur », mais plutôt comme une « composante du patrimoine linguistique national ».

Panneau d'un supermarché en français, à Dakar.
Panneau d'un supermarché en français, à Dakar.

[modifier] Les langues nationales

Concernant les langues nationales – c'est-à-dire reconnues parce que codifiées –, la politique gouvernementale s'est mise en place par étapes successives, après des études approfondies ayant porté sur 28 langues[2].

On peut donc distinguer trois statuts linguistiques :

  • Le premier groupe est celui des 6 langues reconnues en 2001 : wolof, sérère, peul, mandingue, soninké et diola. Elles sont considérées comme suffisamment outillées pour pouvoir être introduites à l’école, même si des travaux complémentaires et l’édition de manuels scolaires appropriés seront nécessaires.
  • Le second comprend de nouvelles langues, également promues au rang de langues nationales car codifiées dans l'intervalle. Ce sont le hassaniya, le balante, le mancagne, le noon, le manjaque et quelques autres plus récemment. Pour celles-ci, l’introduction à l’école n’est pas envisageable pour le moment. Des recherches complémentaires devront encore être menées.
  • Le troisième inclut les autres langues de l'étude : saafi, baïnouk, badiaranké, ndut, jalonké, bédik, bambara, coniagui, bassari, léhar, palor, bayotte, papel, malinké, khassonké, jaxanke et ramme. Pour celles-ci, il faudra en passer d’abord par un programme spécifique de description, de codification et d’outillage. Mais certaines, telles que le saafi, viennent déjà d'accéder à leur tour au statut de langue nationale, qui pourrait être octroyé à une vingtaine de langues au total.

[modifier] Langues rares

D'autres langues, non concernées par l'étude, ont pourtant des locuteurs dans le pays, par exemple le mlomp, le karone, le kwatay ou encore le cobiana, une langue en danger selon les critères de l'UNESCO.

[modifier] Notes

  1. 39 langues selon Harald Haarmann, Sprachenalmanach : Zahlen und Fakten zu allen Sprachen der Welt, Francfort-sur-le-Main, New York, Campus-Verl., 2002, p. 173 ; 36 selon le site Ethnologue (voir lien ci-dessous)
  2. DPLN, État des lieux de la recherche en/sur les langues nationales

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • (de) Dorothee Gahlen et Birgit Geisel, Französische Sprachpolitik und Sprachbewußtsein in Senegal, Francfort-sur-le-Main, Berlin, Berne, New York, Paris et Vienne, Lang, 1999, 246 p. (d'après une thèse de l'Université de Wuppertal, 1998) (ISBN 3-631-35034-1)
  • (de) Stefanie Regina Alexandra Rau, Die französische Sprache als potentieller Integrationsfaktor in den Staaten Senegal, Mali und Elfenbeinküste, Université de Bonn, 1987, 399 p. (Thèse)
  • (de) Moussa Gueye, Ansätze einer Ideologiekritik des Deutschunterrichts in der Republik Senegal, Université d'Osnabruck, 1982, 191 p. (Travail universitaire)
  • (en) Ethnologue 2002, Languages of the World, 14e édition, SIL International
  • (en) A. C. Brench, Writing in French from Senegal to Cameroon, Londres, Oxford University Press, 1967, 154 p.
  • (en) A. Yaqub Vawda et Anthony Patrinos, « Producing educational materials in local languages: costs from Guatemala and Senegal », International Journal of Educational development, 1999, vol. 19, n° 4-5, p. 287-299
  • (en) J. Irvine, « Mastering African languages: The politics of linguistics in nineteenth century Senegal », Social Analysis, 1993, n° 33, p. 27–44
  • (en) Kropp Dakubu (sous la direction de), West African Language Data Sheets, 2 volumes, Leyde, West African Linguistic Society and African Studies Centre, 1976 et 1980
  • (fr) J. Blondé, P. Dumont et D. Gontier, Lexique du français du Sénégal, Dakar/Paris, Nouvelles éditions africaines,/EDICEF, 1979
  • (fr) Maurice Calvet et Pierre Dumont, « Le français au Sénégal : Interférences du wolof dans le français des élèves sénégalais », Bulletin de l’IFAN, tome 31, 1969
  • (fr) Donal Cruise O'Brien, « Langue et nationalité au Sénégal : l'enjeu politique de la wolofisation », L'Année africaine, 1979, p. 319-335
  • (fr) Moussa Daff, « L’aménagement linguistique et didactique de la coexistence du français et des langues nationales au Sénégal », DiversCité Langues, vol. 3, 1998
  • (fr) Birahim Diakhoumpa, Étude syntaxique des formes interrogatives dans le français parlé et écrit au Sénégal, thèse soutenue à l’Université de Dakar
  • (fr) Maurice Delafosse, « Groupe Sénégalo-Guinéen », in A. Meillet et M. Cohen (sous la direction de), Les langues du monde, Paris, 1924
  • (fr) Jean Léonce Doneux, « Les liens historiques entre les langues du Sénégal », Réalités africaines et langue française (Centre de Linguistique Appliquée de Dakar), 1978, n° 7, p. 6-55
  • (fr) Pierre Dumont, Le français et les langues africaines au Sénégal, Paris, Karthala et ACCT, 1983, 380 p.
  • (fr) Pierre Dumont, L'Afrique noire, peut-elle encore parler français ? Essai sur la méthodologie de l'enseignement du français langue étrangère en Afrique noire francophone à travers l'étude du cas sénégalais, Paris, L'Harmattan, 1986, 167 p. (ISBN 2858026610)
  • (fr) Léon Faidherbe, Langues sénégalaises : wolof, arabe-hassania, soninké, sérère, notions grammaticales, vocabulaires et phrases, E. Leroux, 1887
  • (fr) Odile Felgine, La Politique des langues nationales au Sénégal, 1983
  • (fr) Caroline Juillard, « Hétérogénéité des plurilinguismes en Afrique à partir du terrain sénégalais », La Linguistique, 2005, vol. 41, n° 2, p. 23-36
  • (fr) Omar Ka, « Une nouvelle place pour le francais au Sénégal ? », The French Review, vol. 67, n° 2, décembre 1993, p. 276-290
  • (fr) Zoé Christine Kaboré, ép. Nare, La promotion des langues nationales dans l’enseignement en Afrique Occidentale Francophone : Le cas du Sénégal, Dakar, Université de Dakar, 1985, 227 p. (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Francine Kane, Sociologie des langues au Sénégal, 1975
  • (fr) Emmanuel N. Kwofie, La langue francaise en Afrique Occidentale Francophone : Quelques aspects sociolinguistiques et linguistiques, Québec : International Center for Research on Bilingualism, 1977
  • (fr) Henri Sène, Le livre et l’écrit de langue arabe dans la société sénégalaise des origines au début du XXe siècle, Bordeaux, Université de Bordeaux, 1982, 353 p. (Thèse de 3e cycle).
  • (fr) André Thiriet, Le Sénégal, population, langues, programmes scolaires, Centre de linguistique appliquée de Dakar, 1964?
  • (fr) François Wioland, « Les langues parlées », in Dakar en devenir, Paris, Présence africaine, 1968, p. 227-246 (d'après l'enquête réalisée par le CLAD en 1965 sur les langues parlées par les élèves dans l'enseignement primaire à Dakar)

[modifier] Filmographie

  • (fr) Le français parlé au Sénégal, reportage commenté par Raymond Mauny, diffusé par l'ORTF le 1er juin 1974 (4' 52), en ligne sur le site de l'INA[1]
  • (fr) Léopold Sédar Senghor à propos du bilinguisme au Sénégal, extrait d'interview diffusé par l'ORTF le 1er juin 1974 (54 s.), en ligne sur le site de l'INA [2]

[modifier] Liens externes