Langue sémitique

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Répartition géographique antéislamique des langues sémitiques.
Répartition géographique antéislamique des langues sémitiques.

Les langues sémitiques font partie de la famille des langues afro-asiatiques, et sont parlées en Afrique septentrionale et saharienne ainsi qu'au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Elles se caractérisent entre autres par la prédominance de racines trilitères (composées de trois consonnes) et par la présence de laryngales, de gutturales et d'emphatiques.

Certaines langues sémitiques sont attestées depuis plus de 4 000 ans (akkadien, ougaritique...). Actuellement, les langues sémitiques les plus parlées sont l'arabe (206 millions de locuteurs), l'amharique (27 millions), l'hébreu (8 millions) et le tigrinya (6,75 millions). Elles constituent par ailleurs (avec le maltais, 400 000 locuteurs) les seules langues sémitiques aujourd'hui officielles, les autres langues étant pour la plupart surtout utilisées en Éthiopie,Érythrée, Djibouti et l'actuelle Somalie.

Le terme sémitique vient de Sem, fils de Noé (voir aussi l'étymologie). Il a été attribué à la fin du XVIIIe siècle par l'historien August Ludwig von Schlözer.

Sommaire

[modifier] Origine et développement

La famille des langues sémitiques est membre de la famille des langues afro-asiatiques, dont toutes les autres branches sont basées en Afrique. C'est en grande partie pour cette raison que certains linguistes considèrent le proto-sémitique comme originaire d'Afrique, faisant son apparition au Moyen-Orient vers 4 000 av. J.-C., probablement lors des migrations du Sahara de la fin du Néolithique ([1] et [2] (en)). Cependant, d'autres linguistes pensent plutôt qu'une langue proto-afro-asiatique s'est développée dans le Moyen-Orient et que les langues sémitiques furent la seule branche à s'être établie ([3] (en)).

Au début du 2e millénaire av. J.-C., les langues sémitiques orientales dominent en Mésopotamie, alors que des langues sémitiques occidentales sont probablement déjà parlées de la Syrie au Yémen quoique, d'une part, beaucoup considèrent le vieux sudarabique comme une langue sémitique méridionale et, d'autre part, les données sont clairsemées. Avec l'invention de l'alphabet, de plus en plus d'informations sont disponibles ; des textes de 1 500 av. J.-C. en proto-canéen attestent l'usage d'une langue sémitique occidentale à cette époque. Beaucoup d'autres tablettes écrites en ougaritique ont été découvertes en Syrie du Nord, datant de 1 300 av. J.-C. C'est vers cette époque que les Araméens nomades font incursion dans le désert syrien. L'akkadien fleurit puis se scinde en deux dialectes : le Babylonien et l'assyrien.

Au premier millénaire av. J.-C., l'alphabet s'étant largement répandu, toute une série d'autres langues devinrent accessibles : l'araméen et le vieux sudarabique. Durant cette période, le système de déclinaisons, encore vigoureux dans l'ougaritique, semble décliner pour donner naissance aux langues sémitiques du nord-ouest. Les Phéniciens répandent le canéen à travers une bonne partie de la Méditerranéee, tandis que son cousin, l'hébreu devient la langue de la littérature religieuse avec la Torah et le Tanakh . Avec les conquêtes de l'empire assyrien, l'araméen devient la lingua franca du Croissant fertile, supplantant toutes les autres langues, notamment l'akkadien et le phénicien, tandis que l'hébreu subsiste en tant que langue liturgique. C'est à peu près à cette époque qu'apparaissent des textes écrits en guèze, première apparition écrite des langues sémitiques éthiopiennes.

[modifier] Arbre linguistique

La famille linguistique des langues sémitiques est divisée en deux grands groupes :

  1. le sémitique oriental (Mésopotamie)
  2. le sémitique occidental (Proche-Orient, péninsule arabique et Éthiopie))

L'appartenance de l'éblaïte est encore discutée, ce pourquoi il est présenté isolement.

Arbre linguistique des langues sémitiques.
Arbre linguistique des langues sémitiques.

[modifier] Sémitique oriental

Cette branche contient une seule langue, l'akkadien, connue grâce aux inscriptions cunéiformes de Mésopotamie (3000 ACN), dans une partie de l'actuel Irak. C'est la langue qui a supplanté le sumérien.

Deux dialectes en sont issus : l'assyrien dans le nord de la Mésopotamie et le babylonien dans le sud. Cette dernière langue fut notamment utilisée par Aménophis IV (Akhénaton) pour communiquer avec ses vassaux cananéens et syriens.

[modifier] Sémitique occidental

Bible hébraïque, XIIe siècle.
Bible hébraïque, XIIe siècle.

La différence principale entre le sémitique oriental et occidental réside dans le système verbal. En effet, le verbe, en sémitique occidental, utilise un préfixe pour exprimer le futur et un suffixe pour le passé. Le sémitique oriental utilise dans les 2 cas des préfixes.

Le sémitique occidental enfanta également l'article défini et l'alphabet (cf. plus bas).

On distingue deux groupes occidentaux : le septentrional et le méridional. Les deux se distinguent surtout par la formation du pluriel : suffixe pour le nord, brisé pour le sud (modification interne du nom : il n'existe pas de radical, comme en français par exemple).

[modifier] Sémitique occidental septentrional

Cette branche comprend quatre groupes linguistiques.

[modifier] L'amorrite

L'amorrite désigne une langue de la première moitié du 2è millénaire ACN. Ses premiers locuteurs furent des nomades. Cette langue peut être rattachée à l'ougaritique.

[modifier] L'ougaritique

L'ougaritique apparaît avant le Cananéen, près de l'ancienne cité d'Ougarit, au nord des côtes phéniciennes (voir également Ras Shamra. Il fut parlé et écrit (en cunéiforme, emprunté aux Sumériens) aux alentours du 14è et du 13è siècle ACN, avant que la ville ne soit saccagée.

[modifier] Les langues cananéennes

Les langues cananéennes regroupent le phénicien, le punique (carthaginois), le moabite, l'édomite, l'hébreu et l'ammonite. Initialement, toutes ces langues furent écrites avec l'alphabet phénicien.

Le phénicien punique fut parlé jusqu'au Ve siècle dans le bassin méditerranéen: saint Augustin en était familier...

Le moabite, l'édomite et l'ammonite se situent dans l'actuelle Jordanie, et seulement quelques inscriptions sont parvenues à nos jours. Elles furent supplantées par l'araméen.

[modifier] L'araméen

L'araméen apparut vers 850 ACN en Syrie, et dès le VIe siècle fut utilisé comme lingua franca, de l'Égypte à l'Afghanistan. Seul le grec rivalisa avec l'araméen au Moyen-Orient. Ainsi, par exemple, la lingua franca des Hébreux à l'époque du Christ était l'araméen. Celle-ci fut donc la championne des langues sémitiques du VIe siècle jusqu'au VIIe siècle, et les conquêtes arabes. Depuis cette date, la langue sémitique la plus répandue est l'arabe.

L'ancien araméen (aussi appelé impérial, ou encore pré-chrétien) est connu à travers de nombreux papyrus, documents, et certains livres de l'Ancien Testament. Il se distingue des langues canéennes par le passage de la voyelle â à la voyelle ô.

À l'époque du Christ, l'araméen (récent) avait évolué en différentes formes régionales. On distingue l'araméen occidental (Palestine), comprenant le nabatéen (autour de Petra), et l'araméen oriental, comprenant notamment le néo-araméen et le syriaque.

Actuellement, seul le grec peut prétendre avoir une aussi longue histoire documentée ininterrompue que l'araméen (2800 ans !).

[modifier] Sémitique occidental méridional

Page du XIIe siècle, Coran.
Page du XIIe siècle, Coran.

Ce groupe se distingue du groupe septentrional par la conservation de la flexion nominale et la généralisation des pluriels brisés.

[modifier] Les langues sudarabiques

Les langues sudarabiques rassemblent les langues d'anciennes inscriptions (du 7è au 5è siècle ACN) et des langues vernaculaires actuelles du Yémen et d'Oman (qui n'ont pas d'écritures propres). Le sudarabique se distinguait par l'utilisation de deux formes du passé : l'indicatif et le subjonctif.

Actuellement, elles sont au nombre de 6, au Yémen et en Oman : le méhri, le hobyot, le harsusi, le bathari, le jibbali et le soqotri. Elles sont toutefois menacées de disparition, l'arabe étant la seule langue officielle de ces deux pays et langue de religion.

[modifier] L'arabe

Les plus anciens textes en arabe, écrits avec un alphabet dérivé du nabatéen date du 4è siècle PCN. Avec la montée de l'Islam, l'arabe s'étendit rapidement de la Perse à l'Atlantique ; sur une telle étendue, la langue parlée se divisa rapidement en dialectes locaux. Les dialectes les plus importants sont ceux d'Iraq, du Liban, de Syrie, d'Égypte et du Maghreb; l'arabe classique est utilisé dans le langage écrit et de communication.

Le maltais est une langue sémitique du groupe méridional, variante de l'arabe maghrébin. Par les différentes conquêtes de l'île, il fut fortement influencé par le phénicien, l'arabe, l'ottoman, le sicilien, l'italien et l'anglais. Malte est un des rares pays où l'arabe est écrit avec l'alphabet latin (complété).

[modifier] Les langues éthiopiennes

La forme la plus ancienne de la langue est le guèze (ou ge'ez), appelée communément éthiopien, et divergea des langues sudarabiques vers le début de l'ère chrétienne. Son écriture était syllabique, et la voyelle concluse dans la consonne. Le guèze s'est éteint vers l'an 1000.

Plusieurs langues sémitiques existent encore aujourd'hui en Ethiopie, mais ne sont pas des descendantes directes du guèze. La langue dominante est aujourd'hui l'amharique, langue officielle, mais dont l'origine est obscure. Elle diffère notamment très fortement des langues sémitiques dans sa syntaxe.

[modifier] L'éblaïte

La langue éblaïte est une langue sémitique très archaïque, parlée au 3è millénaire ACN, dans l'antique cité-État d'Ebla. Sur le site, environ 17.000 tablettes ont été retrouvées, écrites en cunéiforme (80% d'origine sumérienne, 20% propre à l'usage de l'éblaïte).

Bien que proche de l'akkadien, la langue possède également des caractéristiques propres au sémitique occidental. On ne sait donc pas dans quelle catégorie la placer.

[modifier] Similitude du vocabulaire

En raison de l'origine commune des langues sémitiques, elles partagent beaucoup de mots et racines en commun. Le tableau ci-après reprend quelques unes de ces similitudes.

Akkadien Araméen Arabe Hébreu traduction française
zikaru dikrā ḏakar zåḵår Homme, mâle
maliku malkā malik mĕlĕḵ Roi
imêru ḥamarā ḥimār ḥămōr Âne
erṣetu ʔarʿā ʔarḍ ʔĕrĕṣ Pays

Ce n'est évidemment pas une généralité, mais cela explique que dès la plus haute antiquité les liens de parenté entre l'hébreu, l'araméen et, plus tard, l'arabe furent rapidement établis.

[modifier] Les langues sémitiques actuelles

Estimation du nombre de locuteurs actuels des langues sémitiques les plus répandues.

[modifier] Les langues sémitiques liturgiques

Beaucoup de langues sémitiques sont devenues des langues liturgiques, utilisées lors des cérémonies religieuses. Ainsi, l'hébreu en tant que langue vivante a été supplanté par l'araméen et s'est éteint vers 200 ACN. Elle ne survécut que comme langue liturgique, et ce n'est qu'au XIXe siècle que l'hébreu parlé en Israël a été reconstruit sur base de l'hébreu liturgique.

La connaissance des ces langues est notamment une nécessité pour les exégètes du christianisme, de l'islam et du judaïsme.

Voici une liste reprenant quelques langues liturgiques sémitiques et les groupes religieux correspondants.

[modifier] Les alphabets sémitiques

On ne peut terminer de parler des langues sémitiques sans ajouter une note sur les alphabets permettant de les transcrire. En effet, le plus célèbre d'entre eux (l'alphabet phénicien) est l'ancêtre direct des alphabets grec, latin, arabe et hébreu. C'est peu dire de son succès sur ces 34 derniers siècles.

Évolution vers l'alphabet latin.
Évolution vers l'alphabet latin.

Pour plus d'informations, reportez-vous sur les articles spécifiques suivants.

Alphabet protosinaitique basé sur les hiéroglyphes.

[modifier] Bibliographie

Lettres d'Amarna, 14è siècle ACN.
Lettres d'Amarna, 14è siècle ACN.
  • Jean-Claude Haelewyck, Grammaire comparée des langues sémitiques. Éléments de phonétique, de morphologie et de syntaxe, Langues et cultures anciennes, éd. Safran, Bruxelles, 2006, (ISBN 2-87457-003-6).
  • Maurice Olender, Les langues du paradis, Seuil, 1994.
  • Le Vif-L'Express, n° 2871, 14/28 juillet 2006.
  • H. Fleisch, Introduction à l'étude des langues sémitiques (épuisé).
  • M-C Simeone-Senelle, Les langues sudarabiques modernes, des langues sémitiques menacées ? (| CNRS).

[modifier] Liens linguistiques

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes