Julien Raimond

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Julien Raimond, né à Bainet, dans le sud de Saint-Domingue (aujourd'hui département du Sud-Est d'Haïti) en 1744 et mort en 1801, était un révolutionnaire mulâtre engagé dans la lutte contre l'esclavage et pour les droits des Noirs.

Sommaire

[modifier] Le propriétaire terrien

Né dans une famille qui comptait douze enfants, il est le fils d'un riche colon français originaire des Landes et d'une femme noire. Après ses études, il achète en 1773 une grande propriété à Aquin, dans le sud de l’île. Mulâtre libre, il est alors un « maître », mais conscient des réalités coloniales et victime de la politique raciale en vigueur dans l'île. Depuis 1771, la loi coloniale reconnaît en effet la « différence de nature entre les Blancs et les Noirs », et institue que les libres de couleur sont des étrangers sans droits. C'est le « préjugé de couleur », contre lequel Raimond entend combattre.

En 1782, il épouse Françoise Dasmard, veuve d'un colon français, avec qui elle avait eu trois enfants et dont elle avait hérité de plantations sur l'île et d'une seigneurie en France.

[modifier] Au service des « gens de couleurs »

Encouragé par les défenseurs des droits des noirs et des mulâtres, Raimond remet en 1784 au gouverneur général de Bellecombe un rapport contre le préjugé de couleur et en faveur de l'égalité des droits avec les Blancs.

Il s'embarque la même année pour la France, accompagné de sa femme, pour rencontrer le ministre de la marine de Louis XVI, Charles de la Croix, marquis de Castries. Il lui remet son rapport et étudie avec lui les moyens de mettre un terme au comportement raciste des colons de Saint-Domingue. Castries envisage des réformes mais, en l'absence de soutien du roi, démissionne en août 1787. Sur l'île, le gouverneur de Saint-Domingue, La Luzerne, maintient une ligne politique en faveur des colons, ce qui renforce leur position. Julien Raimond décide alors de rester en France quand éclate la Révolution française.

Son rapport lui sert alors à rédiger le mémoire qu'il présentera à la Constituante en 1791 et intitulé Observations sur l'origine et le progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur. Il estime que la colonie de Saint-Domingue est passée par trois grandes époques : lors des deux premiers âges, les gens de couleur libres n'étaient victimes d'aucun préjugé, lequel s'établit véritablement à partir des années 1740, quand le nombre de colons s'est multiplié pour tirer profit des richesses de l'île.

[modifier] Le porte-parole des anti-esclavagistes

En octobre 1789, il rejoint la Société des citoyens de couleur créée par Vincent Ogé, qui avait déposé à la Constituante un cahier de doléances réclamant l'égalité des droits entre les propriétaires blancs et de couleur. Raimond infléchit la position du mouvement, estimant que les revendications sociales doivent l'emporter et que l'esclavage devait être aboli. Ardent défenseur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il se lie avec l'abbé Grégoire. C'est lui qui informe le club des Jacobins des brutalités coloniales et des opérations menées par les partisans de l'esclavage, en particulier par le député du Dauphiné, Antoine Barnave, qui prétend soutenir les idéaux de la Révolution mais manœuvre en faveur des ségrégationnistes. Il réussit alors à rallier à sa cause Brissot et Robespierre.

En mai 1791, l'Assemblée n'abolit pas l'esclavage mais le constitutionnalise tout en reconnaissant l'égalité en droit aux gens de couleur libres nés de père et de mère libres. Cette mesure est annulée quatre mois plus tard après des débats houleux pendant lesquels Raimond apparaît comme le porte-parole des anti-esclavagistes.

En 1792, Julien Raimond est consulté par les commissaires Polverel et Sonthonax qui doivent s'embarquer pour Saint-Domingue, où la guerre civile a éclaté en août 1791, pour réprimer l'insurrection des esclaves et rétablir les droits des libres de couleur. Il leur fournit une quantité de détails sur les forces en présence et leur recommande ses amis qui luttent pour le rapprochement de tous les noirs et les mulâtres, libres et esclaves.

En juin 1793, il mène la délégation de la Société des citoyens de couleur à la Convention nationale qui demande un décret abolissant l'esclavage. Il faudra attendre février 1794, et l'intervention de représentants de Saint-Domingue à la Convention, pour que soit « aboli l'esclavage des nègres dans toutes les colonies ».

[modifier] Retour en Haïti

Raimond retournera deux fois à Saint-Domingue, d'abord avec Sonthonax, en mai 1796, en qualité de commissaire du gouvernement révolutionnaire chargé de réorganiser les plantations après l'abolition de l'esclavage. Puis en juin 1800, il rejoint Toussaint Louverture avec lequel il collabore à la rédaction de la constitution de Saint-Domingue en 1801. Il mourra peu après sa promulgation, la même année.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources et bibliographie

  • Florence Gauthier, De la Révolution de Saint-Domingue à l’Indépendance d’Haïti, in Pour Haïti, n° 46 à 49, 2004.
  • Marcel Dorigny (dir.), Esclavage, résistances et abolitions. Paris, CTHS, 1999.
  • Laurent Dubois, Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la Révolution haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2005
  • Julien Raimond, Correspondance de Julien Raimond avec ses frères, de Saint-Domingue, et les pièces qui lui ont été adressés par eux, Paris, Imprimerie du Cercle Social.
  • Julien Raimond, Réclamations adressées à L’Assemblée Nationale par des personnes de couleur Propriétaires & Cultivateurs de la Colonie Française de Saint Domingue, Paris, 1790.
  • Julien Raimond, Observations sur l’origine et les progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur, Paris, Belin, Desenne, Bailly, 26 janvier 1791.