Joseph Poelaert

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Buste de Poelaert
Buste de Poelaert

Joseph Poelaert est un architecte belge né à Bruxelles le 21 mars 1817 et qui y succomba en plein labeur le 3 novembre 1879 des suites d'une congestion cérébrale. Enterré au cimetière de Laeken.

Sommaire

[modifier] Biographie

Apprécié du roi Léopold Ier, (1831-1865), il se vit confier des projets importants à Bruxelles, comme l'église Sainte-Catherine, l'église royale de Laeken, la colonne du Congrès, le Théâtre de la Monnaie et surtout le Palais de Justice. Ainsi, alors que les Grandes Puissances s'attendaient à voir disparaître rapidement ce nouvel État qu'était la Belgique, Joseph Poelaert dota-t-il rapidement sa patrie de symboles architecturaux destinés à faire naître dans l'esprit des spectateurs une impression d'antiquité et de durée, comme en avaient les vieux pays européens.

Beaucoup d'auteurs, y compris l'historien Jean Stengers, se trompent en situant son œuvre sous le règne de Léopold II de Belgique (1865-1909), liant naturellement la majesté, l'abondance et la modernité d'une œuvre hors norme qui apparaît subitement au milieu d'un grand vide architectural avec le règne de ce roi surnommé le roi bâtisseur. (voir Jean Stengers : "je voudrais faire de notre petite Belgique la capitale d'un immense empire", dans, Bruxelles et la vie urbaine, Bruxelles, 2001, tome 2, p. 885). En fait, seule la dernière oeuvre de Poelaert, le Palais de Justice de Bruxelles, aux plans conçus sous Léopold Ier, sera édifié durant les 17 premières années du règne de Léopold II (1865-1909).

Joseph Poelaert naquit dans une famille de la bourgeoisie bruxelloise, son grand-père Joseph Poelaert (1748-1824), maître-maçon et important constructeur de son temps, fut reçu bourgeois de Bruxelles le 8 avril 1782, son père Philippe Poelaert (1790-1875), ancien élève en architecture de Jean-Alexandre Werry (1773-1847) à l'Académie Royale des Beaux-Arts, où il obtint le deuxième prix en 1808, figure parmi les plus importants architectes-entrepreneurs belges de son temps, il était électeur censitaire et Régent de Hal sous le régime hollandais. Joseph Poelaert passa son enfance et son adolescence dans le bel et grand hôtel particulier que son père avait construit rue de Laeken (actuel 76) en 1824 quand il avait sept ans. Ils y étaient voisins du grand architecte Partoes (actuel 78).Son grand-père maternel Pierre-Joseph Stas fut doyen de la corporation des étainiers, octovir de la Gilde Drapière dans l'ancien Régime. Le jeune Joseph Poelaert participa au Salon de Bruxelles de 1836. La même année, il entre à l’Académie de Bruxelles où il ne cache pas son admiration pour des peintres romantiques tels que Gallait, Wappers ou Antoine Wiertz. Son peintre favori est l’anglais John Martin dont les compositions audacieuses présentent des architectures quasi orientales.

Artiste de la transition entre le romantisme et le modernisme, féru de références classiques au monde gréco-romain, Joseph Poelaert commence sa carrière comme dessinateur et inspecteur des bâtisses et, ensuite architecte communal à la ville de Bruxelles (1847-1859). À ce titre, il crée une fontaine publique à la mémoire du bourgmestre Nicolas Rouppe (1846) et les plans de deux écoles communales situées boulevard du Midi (1849) et rue de Schaerbeek. Il réalise également l'aménagement de la place des Barricades (1849). Il remporte ensuite le concours de la place des Panoramas – aujourd’hui place du Congrès – où il érige la Colonne du Congrès, monument à l’Indépendance nationale.

À partir de 1850, il se consacre au projet d’une colonne consacrée au Congrès national et à l’Indépendance. Elle doit impérativement être plus grande que la colonne Vendôme à Paris, plus belle que la Colonne Trajane à Rome. Pour la représentation des Provinces en bas-relief, il fait appel au sculpteur belge Eugène Simonis. Pour la statue en pied de Léopold Ier qui doit couronner l’édifice, ce sera Joseph Geefs.

À la même époque, Bruxelles connaît une inondation qui ravage la quartier Sainte-Catherine. Poelaert est chargé de la construction de la nouvelle église à l'emplacement du premier bassin du port de Bruxelles. A partir de 1863, l'édification est poursuivie par Wynand Janssens. L'église n'a toutefois jamais été terminée.

Le 11 octobre 1850, Marie-Louise, reine des Belges, meurt à Ostende. Poelaert décorera la collégiale de Bruxelles pour les funérailles. La souveraine ayant fait le vœu d’être inhumée à Laeken, Léopold Ier décide d’ériger une nouvelle église ainsi qu’une crypte réservée à la famille royale. Les fonds nécessaires seront en partie fournis par une souscription nationale lancée à l’initiative des délégués des provinces belges. En 1851, un concours pour Notre-Dame de Laeken est organisé. Poelaert l’emporte avec un projet dans le style néo-gothique. Le roi pose la première pierre le 27 mai 1854. Elle sera consacrée le 7 août 1872 alors que le monument n’est pas encore achevé. Ce sera Léopold II, soucieux de l’embellissement des lieux, qui charge un architecte de Munich, Von Schmidt, d’achever la façade principale, les porches monumentaux et la tour centrale.

En 1852, Poelaert est l’architecte le plus prisé de la capitale belge, malgré ses sautes d’humeur, ses prolongations de délais et ses dépassements de budgets dans des proportions pharaoniques. Les critiques sont virulentes : lui sont reprochées son architecture qualifiée de massive et son ornementation jugée rudimentaire.

Son atelier et ses bureaux étaient une fourmilière immense et bourdonnante où s'affairaient, dessinateurs, ingénieurs, visiteurs de marque et curieux. Un jeune homme timide et réservé, sous la conduite du Maître aimait à s'y rendre, c'était le futur Léopold II auquel Poelaert a insufflé le goût pour la grandeur architecturale.

En 1855, nommé architecte de la Ville de Bruxelles, il supervise six chantiers d’envergure (dont la caserne des pompiers de la rue Blaes). Il réalise dans la cour de l’Hôtel de Ville une salle de bal néogothique pour la majorité du duc de Brabant, futur Léopold II. Pour le mariage de celui-ci, le 10 août 1853, il décore la collégiale de Bruxelles.

Le 21 janvier 1855, un incendie ravage l’opéra de la Monnaie. Poelaert remporte le concours pour sa reconstruction. Lors de l'inauguration, pendant le premier entr'acte M. le bourgmestre a introduit au balcon M. POELAERT, l'architecte auquel la ville de Bruxelles doit son beau théâtre et qui fut chaleureusement ovationné par le public.

Il démissionne de la fonction publique en 1859.

[modifier] Son œuvre-testament : Le palais de justice de Bruxelles

Tombe de Poelaert au Cimetière de Laeken. Lors de l'inauguration de cette tombe, Constant Poelaert, avocat, frère du grand artiste, a prononcé un discours biographique émouvant.
Tombe de Poelaert au Cimetière de Laeken. Lors de l'inauguration de cette tombe, Constant Poelaert, avocat, frère du grand artiste, a prononcé un discours biographique émouvant.

L’arrêté royal du 27 mars 1860 annonce le projet de la construction d’un nouveau Palais de Justice. Le concours est international mais aucun des vingt-huit projets n’est retenu. Le Ministère de la Justice se tourne vers Poelaert qui remet un projet d’une surface au sol de 20.000 m² pour un budget de 3 millions de francs.

Le projet est retenu, mais les plans changent en permanence. Le Palais finit par atteindre une surface au sol de 26.000 m² (soit 2,6 ha, soit un carré de 162 m de côté!) pour un budget de 50 millions de francs. Les expropriations des maisons du quartier populaire des Marolles ont en effet grevé le budget.

Finalement, le bourgmestre de Bruxelles, Jules Anspach, soutenu par le Roi, donne le feu vert à Poelaert pour la réalisation de son projet, travaux qui s’étaleront durant 17 ans, de 1866 à 1883, soit de quatre années au-delà du décès de ces deux serviteurs de l'Etat qui s'éteignent en 1879! Le palais est effectivement construit à la limite de la partie haute et de la partie basse de Bruxelles, là où se trouve le quartier le plus populaire de Bruxelles. Les Marolliens, furieux de la situation, inventent une nouvelle insulte destinée à Poelaert : « schieve architect » (dans le savoureux dialecte bruxellois, on peut traduire cette expression par « architecte tordu » ou « architecte de guingois »).

Le Palais de Justice en quelques chiffres : 60.000 mètres cube de pierre blanche du Jura et de petit granit, 245 locaux, 8 cours intérieures, une salle des pas perdus culminant à plus de 100 m, 4.941 marches d’escaliers. L'imposant portique d'entrée est si grand qu'on pourrait y faire passer une maison entière haute de 15 m! La pyramide initialement prévue par Poelaert a été remplacée par un dôme de cuivre surmonté d'un clocheton vitré, lui-même coiffé d'une couronne royale dorée... Cet édifice suscite toujours l'étonnement des étrangers par son gigantisme écrasant, surtout lorsqu'on le contemple depuis le bas de la rue de la Régence qui lui fait face.



[modifier] La légende de Poelaert

Loué dès son vivant d'une manière dithyrambique et considéré comme un "génie" pour reprendre le mot souvent utilisé dans la presse, Joseph Poelaert n'a toutefois à ce jour pas encore fait l'objet d'une biographie, sérieuse, scientifique et documentée, aussi, impressionnés sans doute par la grandeur de son oeuvre, toute une série de personnes se sont mises à broder des légendes les plus absurdes les unes que les autres.

Ainsi certains disent qu'il est mort fou et interné dans l'imaginaire Grand Hôpital ou Hôpital Ernest Dersenval (qui d'ailleurs n'existe que dans l'œuvre de papier du baron François Schuiten), pour ne citer qu'une des nombreuses curieuses légendes qui ont entouré ce bâtiment et cet homme hors du commun. Cette légende comme d'autres sont ainsi reprises dans l'œuvre de l'auteur de bandes dessinées (Les cités obscures).

Parmi ces légendes, certains prétendent que tous ses plans auraient disparu et qu'il n’existerait presque pas d’écrits autographes de Poelaert, l’architecte phare de l’éclectisme à la belge. En fait il existe de nombreuses archives et écrits de lui toujours conservés dans les familles de ses héritiers.

Certains pensent aussi que Poelaert aurait été Franc-maçon, et qu'il se serait ingénié à truffer son œuvre de symboles que le visiteur se plaît à découvrir et à interpréter. Toutefois, on constate que son nom ne figure inscrit au tableau d'aucune loge et que les symboles en question sont en fait repris du répertoire de l'architecture gréco-romaine, époque qui fut toujours sa référence principale.

[modifier] Sa famille

Hortense Poelaert (1815-1900), sœur de l'architecte Poelaert, et épouse d'Eugène van Dievoet (1804-1858), huile par Ignace Brice, 1840.
Hortense Poelaert (1815-1900), sœur de l'architecte Poelaert, et épouse d'Eugène van Dievoet (1804-1858), huile par Ignace Brice, 1840.
Eugène van Dievoet (1804-1858), époux de Hortense Poelaert, médaillon en plâtre sculpté par Victor Poelaert, en 1858-1859
Eugène van Dievoet (1804-1858), époux de Hortense Poelaert, médaillon en plâtre sculpté par Victor Poelaert, en 1858-1859

Joseph Poelaert avait épousé Léonie Toussaint (1840-1912), sœur du peintre Toussaint, dont il eut une fille unique, Marguerite Poelaert (1860-1917), qui épousa Maurice Pauwels (1861-1912). Celui-ci mourut tragiquement en tombant dans la cage d'ascenseur de leur hôtel particulier boulevard de Waterloo. Leur fille Marthe Pauwels eut une fin tragique à Naples, empoisonnée après avoir mangé des fruits de mer. Avec elle finit la postérité directe de l'architecte Poelaert.

Celui-ci avait un frère sculpteur, Victor Poelaert (1820-1859) et un autre frère avocat, Constant Poelaert (1827-1898) dont la fille Berthe épousa Charles Janssen, avocat, père du baron Emmanuel Janssen (1879-1955), fondateur de la banque de la Société Générale de Belgique.

Joseph Poelaert avait aussi une sœur, Hortense Poelaert (1815-1900) qui épousa Eugène van Dievoet (1804-1858), issu du lignage Sweerts, un des sept Lignages de Bruxelles, qui était un arrière petit-neveu du sculpteur Pierre van Dievoet (1661-1729), un des créateurs de la Grand-Place de Bruxelles, et de Philippe van Dievoet dit Vandive (1654-1738), le fameux orfèvre parisien et conseiller du roi Louis XIV. Eugène van Dievoet était le frère d'Auguste van Dievoet, avocat à la Cour de Cassation et fameux historien du droit, et l'oncle de Jules van Dievoet (1844-1917), avocat à la Cour de Cassation et époux de Marguerite Anspach (1852-1934), fille de Jules Anspach (1829-1879), bourgmestre de Bruxelles.

Poelaert repose au cimetière de Laeken sous un monument de style classique athénien pur, époque et ville qu'il admirait par-dessus tout. On peut y voir son buste par Antoine Bouré. Le monument est orné de deux flambeaux renversés, symbole antique des funérailles[1]. On y lit les lettres Alpha et Omega, et l'on remarque, taillée discrètement dans le bas du monument, la croix pattée des Templiers.

[modifier] Lien Externe

[modifier] Note

  1. Et non pas de la laïcité comme l'écrivent erronément Marcel M. Celis et Jos Vandenbreede (Cimetière de Laeken, éd. Epitaaf et Plaizier, Bruxelles, 1991), confondant ce symbole antique avec l'emblème laïque de la fin du XXe siècle.