Impôt de solidarité sur la fortune

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir ISF.

L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un impôt français payé par les personnes détenant un patrimoine net supérieur à 770 000 euros (seuil au 1er janvier 2008). Cet impôt redistributif est calculé sur le patrimoine, à un taux d'environ 1%, allant de 0,55 % à 1,80 %. Bien que progressivement supprimés, des impôts similaires existent dans quelques autres pays du monde (voir Impôt sur la fortune).

En 2007, près de 528.000 contribuables français ont réglé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)[1], pour des recettes en forte hausse (+19,9%) s’établissant à 4,42 milliards d'euros (contre 3,85 milliards initialement prévu).Il est à noter que cet impôt français n'a pas "cours" dans les DOM et TOM non départementaux (Mayotte, Nouvelle Calédonie, Polynésie Française,Saint Barthelemy, Saint Martin, etc).

Particularité de l'ISF : c'est un impôt déclaratif et auto-liquidé. Il appartient aux personnes concernées de faire elles-mêmes une estimation détaillée de la valeur de leurs biens au 1er janvier, de calculer le montant de l'impôt et d'envoyer leur déclaration, accompagnée du chèque, à la Direction générale des Impôts (DGI), et plus particulièrement au service des impôts des entreprises dont dépend leur domicile au 1er janvier, avant le 15 juin. Le fisc peut contrôler la déclaration et éventuellement effectuer un redressement pendant trois ans (dix ans en cas d'absence de déclaration ou d'omission d'un bien).

Sommaire

[modifier] Histoire

Cet impôt a succédé à l'« impôt sur les grandes fortunes » (IGF) créé en 1982. Créé par la loi de finances pour 1989, il reprend les mécanismes et la philosophie de l'IGF, supprimé en 1987 par Jacques Chirac : C'est un impôt progressif sur le capital qui concerne le patrimoine des personnes physiques (à l'exclusion de celui des personnes morales). À la différence d'autres impôts sur le patrimoine (dépourvus de caractère périodique), l'ISF est redevable chaque année civile (comme la taxe foncière par exemple), en fonction de la valeur du patrimoine des personnes concernées. Il a rapporté en 2006 3,68 milliards €[2] et assure environ 1,6 % des recettes fiscales de l'État soit 0,5% du total des prélèvements obligatoires[3]. L'ISF s'ajoute à d'autres impôts sur le patrimoine : impôts sur les successions, droits de mutation, taxe foncière.

[modifier] Champ d'application

L'ISF concerne les personnes physiques qui possèdent un patrimoine dont la valeur nette est supérieure à un seuil fixé par la loi. Soit en 2007 environ 518 000 foyers[4], (2% des foyers français) occasionnant une collecte record d'un montant de 4,3 milliards €. Ce seuil était de 4 730 000 francs en 1999 et de 720 000 euros en 2003. En 2008, il a été fixé à 770 000 euros (les seuils des différentes tranches du barème sont augmentées chaque année pour tenir compte de l'érosion monétaire). Seule la fraction de la valeur du patrimoine dépassant ce seuil est imposée. L'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits, et valeurs appartenant aux personnes physiques susvisées [5].

Concernant la valorisation de la résidence principale, à la suite d'un jugement, la loi reconnaît toutefois une déduction de 20%, portée en juillet 2007 à 30 % pour tenir compte de la montée du prix de l'immobilier pouvant concerner des personnes dont le patrimoine est exclusivement constitué de la résidence principale (cf. infra). Le Conseil constitutionnel avait rendu en 1998[6] une décision mettant en évidence l'existence d'un lien nécessaire entre impôt et production de revenus par le bien taxé.

Exemple : une personne possédant un patrimoine évalué à 788 000 euros ne sera imposée que sur les 18 000 euros dépassant le seuil des 770 000, soit 99 euros par an.

Le calcul du patrimoine s'effectue, quant à lui, en fonction du foyer fiscal, mais sans considération du régime matrimonial. Il retient donc les éléments du patrimoine appartenant à l'ensemble des membres du foyer fiscal, soit dans le cas d'un couple tous les biens appartenant à l'un ou à l'autre des conjoints. C'est d'ailleurs pour cela que par disposition expresse du législateur les couples (y compris de même sexe) vivant en concubinage sont assimilés aux couples mariés pour le calcul du patrimoine [7], idem pour les personnes ayant conclu un PACS.
Toutefois, les époux mariés sous le régime de la séparation de biens et qui ne vivent pas sous le même toit font l'objet d'une imposition séparée. De plus, pour éviter des montages fiscaux trop aisés, la loi considère désormais les usufruitiers comme les véritables propriétaires. Des stratégies de donation temporaire et/ou cession d'usufruit sont ainsi préconisées aux contribuables ne souhaitant pas alourdir leur ISF.

Les personnes redevables de l'ISF, qui ont leur domicile en France, sont redevables de l'ISF sur les éléments de leur patrimoine quelle que soit leur localisation, en France ou à l'étranger, sauf en cas d'application d'une convention fiscale. Pour les contribuables dont le domicile est à l'étranger ils ne sont redevables de l'ISF qu'à raison du patrimoine qu'ils détiennent en France, et sans y inclure les placements financiers (donc un "impôt quasi immobilier" pour les non résidents fiscaux).

[modifier] Biens imposables

Les biens du foyer fiscal pris en compte (biens immobiliers, fonds de commerces, biens mobiliers, devises, etc.) excluent ceux expressément exonérés dans la liste présente dans le Code général des impôts, telles notamment les oeuvres d'art et antiquités.

Afin d'éviter quelques abus (dons de nue-propriété avec conservation d'usufruit), c'est l'usufruitier qui compte dans sa fortune la valeur du bien. Il n'est donc pas possible d'échapper à l'ISF par un montage de ce genre. (On peut en revanche vendre devant notaire un usufruit viager ou de durée limitée, mais cela ne fait que remplacer un capital immobilier par un capital monétaire.)

[modifier] Abattements

On applique un abattement de 30 % à la résidence principale (depuis le 1/1/2008), ainsi qu'à chaque bien immobilier dont un locataire fait sa résidence principale. Dans le second cas, le législateur tient compte en effet du fait que le loyer rapporté par ce bien sera lui-même taxé de toute façon. Cet abattement sera de 30 % à partir de 2008 (suite au vote de la Loi TEPA).

Un bien en indivision est compté, par ailleurs, pour la part dont dispose chacun de ses propriétaires. La constitution d'une SCI peut selon les cas être avantageuse ou non[8].

Une réduction de 150 € (en 2007) par enfant à charge est octroyée sur le montant final de l'impôt.

[modifier] Biens exonérés (en 2004)

  • biens professionnels (une entreprise dont on est aussi dirigeant par exemple), sous certaines conditions ;
  • objets d'antiquité, d'art ou tout simplement de collection, parts de sociétés civiles propriétaires de tels objets ;
  • droits de propriété littéraire[9], artistique ou industrielle[10] ;
  • bois, forêts ou participations dans des groupements forestiers (à concurrence des trois quarts de leur valeur) ;
  • biens ruraux loués à long terme et participation dans des groupements fonciers agricoles ;
  • bons anonymes, y compris ceux du Trésor ;
  • valeurs de capitalisation des pensions de retraites ;
  • rentes reçues en réparation de dommage corporel liés à un accident ou à une maladie.

[modifier] Règles de détermination de la valeur nette taxable

La valeur des biens prise en compte est leur valeur nette, entendre valeur brute moins les dettes déductibles.

Détermination de la valeur brute : dans le cadre de l'ISF, c'est le déclarant, donc le contribuable, qui évalue lui-même la valeur de ses biens. Le CGI a tout de même prévu des règles d'évaluation pour guider le déclarant, celles-ci varient en fonction de la nature des biens à déclarer.

[modifier] Principales dispositions fiscales

  • Les biens immobiliers doivent être évalués à leur valeur vénale au 1er janvier de l'année de la déclaration. Valeur vénale signifiant au prix du marché.
    • La valeur du patrimoine immobilier est fondée sur une liste des prix au mètre carré constaté à Paris et dans les principales villes de province, sinon les barèmes des notaires peuvent être utilisés.
    • La résidence principale entre dans la base de calcul avec une décote de 20 % de la valeur de l'immeuble au 1er janvier de l'année de la déclaration, 30 % à compter de 2008.
    • Une décote peut être appliquée sur les logements loués (20 à 40 %) selon divers critères (âge des occupants, montant du loyer, durée du bail).
    • Les biens immobiliers détenus à l'étranger doivent être déclarés et entrent dans la base de calcul, sauf conventions fiscales (Danemark, Luxembourg, Égypte, Argentine, Finlande, Pays-Bas, République tchèque).
    • En cas de donation de bien immobilier, la valeur entière (nue-propriété et usufruit) du bien doit être déclarée par l'usufruitier.
  • Les biens mobiliers doivent être évalués au prix du marché du dernier jour de l'année qui précède la déclaration
    • La valeur des portefeuilles de valeurs mobilières françaises ou étrangères cotées, est fondée sur une liste officielle des cours moyens des trente dernières séances de l'année, ou du dernier jour de l'année, au choix du contribuable et ceci, valeur par valeur.
    • La valeur des Sicav, FCP et Scpi est fondée sur leur dernière valeur liquidative connue.
    • Les plans d'épargne salariale entrent dans la base fiscale avec une décote possible.
    • La valeur des contrats d'assurance-vie et bons de capitalisation entrent dans la base de calcul pour le montant de leur valeur de rachat.
  • Le mobilier entre dans la base de calcul, sous la forme d'une estimation forfaitaire qui ne peut dépasser 5 % du patrimoine imposable.
    • Les œuvres, objets d'art et antiquités centenaires sont exonérés et n'entrent pas dans la base de calcul.
  • Les biens professionnels n'entrent pas, en principe, dans la base de calcul.
  • À supposer qu'ils ne soient pas regardés comme des biens professionnels (intégralement exonérés), les bois et forêts sont, sous certaines conditions, exonérés pour les trois quarts de leur valeur.

Le déclarant peut, en outre, déduire un certain nombre de dettes dites déductibles. Il s'agit principalement:

  • des découverts bancaires
  • du capital restant dû (au 1er janvier de l'année d'imposition) au titre des emprunts souscrits auprès d'établissements de crédits, étant précisé que le montant des dettes afférentes à un emprunt souscrit dans le but d'acquérir un bien exonéré ne peut être imputé directement sur la valeur du patrimoine taxable (dans cette hypothèse, seul l'excédent éventuel du capital restant dû sur la valeur du bien exonéré peut diminuer la base d'imposition)
  • des impôts dont le fait générateur s'est produit (au plus tard) au 1er janvier de l'année d'imposition et qui n'ont pas été acquitté à cette date (IR, taxe d'habitation, taxes foncières), y compris la cotisation d'ISF elle-même
  • des autres dettes certaines mais non acquittées au 1er janvier de l'année d'imposition (charges immobilières, factures et honoraires, chèques non encore débités, dépôts de garantie reçus des locataires, pensions alimentaires échues mais non acquittés, etc.)
  • du montant, après application d'un coefficient de revalorisation, de certaines indemnités pour dommage corporel.
  • Le total formé par le montant de l'ISF dû au titre d'une année et les impôts dus en France et à l'étranger à raison des revenus de l'année précédente ne doit pas excéder 85 % des revenus du foyer (sans distinguer selon que les revenus sont imposables ou exonérés). Voir la règle du plafonnement ci-dessous.
  • L'ISF, une fois payé, peut être intégré dans le calcul du bouclier fiscal qui limite à 50 % de ses revenus l'imposition maximale d'un contribuable (ce mécanisme s'ajoutant à celui du plafonnement, mais utilisant une base de calcul différente).

[modifier] Calcul de l'impôt

L'impôt brut est calculé en fonction d'un barème suivant la valeur nette taxable (VNT). L'impôt est basé sur la déclaration de patrimoine de tous ceux qui ont une fortune patrimoniale estimée au-dessus de 770 000 euros.

[modifier] Barème 2008 de l'ISF

Fractions de la valeur nette taxable du patrimoine.

N'excédant pas 770 000 euros 0 % Montant total : 0 €
Comprise entre 770 000 et 1 240 000 euros 0,55 % 0 à 2 585 €
Comprise entre 1 240 000 et 2 450 000 euros 0,75 % 2 585 à 11 660 €
Comprise entre 2 450 000 et 3 850 000 euros 1 % 11 660 à 25 660 €
Comprise entre 3 850 000 et 7 360 000 euros 1,30 % 25 660 à 71 290 €
Comprise entre 7 360 000 et 16 020 000 euros 1,65 % 71 290 à 214 180 €
Supérieur à 16 020 000 euros 1,80 % > 214 180 €



Ensuite, il faut déduire les réductions d'impôt dues aux charges familiales qui sont de 150 euros par enfant mineur à charge, enfant handicapé quel que soit l'âge, personnes invalides vivant sous le même toit.

Le calcul de l'impôt répond donc à cette formule: (n% de VNT) - charges familiales = impôts net à payer

[modifier] Le plafonnement de l'ISF et le bouclier fiscal

Un plafonnement (bouclier fiscal) a été progressivement mis en place pour que le total d'imposition formé par l'ISF, l'IRPP, la CSG et la CRDS n'excède pas 50 % du revenu du contribuable.

L'ISF est ainsi réduit de la différence entre :

  • d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente ;
  • d'autre part, 85 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire.

Cette réduction est limitée à 11 660 € ou à 50 % de l'ISF (règle du "déplafonnement du plafonnement"). Seuls les redevables qui ont leur domicile fiscal en France au 1er janvier peuvent bénéficier du plafonnement.

[modifier] Déductions

La Loi TEPA adoptée en 2007 a créé certains mécanismes permettant au contribuable de déduire du montant de son impôt :

  • 75% des montants investis dans certaines PME non-côtés, ainsi que des dons effectués entre autre au profit d’organismes d'intérêt général, établissements de recherche et d'enseignement supérieur, mesure plafonnée à 50 000 €
  • 50% des montants investis dans des FIP, FCPI et FCPR, qui investissent dans certaines PME, la déduction étant plafonnée à 20 000 €.

Toutes ces déductions sont soumises à des règles précises pour être valides.

[modifier] Tableau des recettes fiscales

Année (de collecte) Nombre de contribuables Recettes fiscales
(milliards d'euros)
1998 192 734 1,697
1999 212 008 1,942
2000 244 656 2,238
2001 268 448 2,390
2002 281 434 2,270
2003 299 646 2,335
2004 335 525 2,646
2005 395 518 3,076
2006 456 856 3,68
2007 518 000* 4,42*
2008 4,2*[11]


(* : prévisions)
L'ISF représente environ 1 % des recettes fiscales de l'État en 2006. Il concerne à peine 2 % des contribuables, mais avec une progression du nombre d'assujettis très rapide (le patrimoine moyen d'un ménage français était de 165 000 euros en 2004[12]).

Le montant de ce que rapporte chaque année cet impôt permet de se faire une première idée de la distribution visible des patrimoines, ou en tout cas de la partie qui en est taxée. Une étude plus précise de ces recettes montre une contribution très importante des assujettis au titre de la première tranche d'une part, et de ceux imposés dans la dernière tranche, d'autre part. Ces deux catégories représentent chacune environ 40 % des recettes de l'ISF. En 2005, d'après le Syndicat national unifié des impôts, 86 % des redevables de l'ISF se situent dans les deux premières tranches du barème et ont acquitté un impôt de 1100 € en moyenne[13].

[modifier] À l'étranger

Icône de détail Article détaillé : Impôt sur la fortune.

[modifier] Les controverses sur la pertinence de l'ISF

[modifier] Critiques de l'ISF

L'ISF est fréquemment qualifié d'« impôt idéologique » par ses détracteurs et parfois rebaptisé « Incitation à Sortir de France »[14] ; il serait responsable d’un déficit de 200 000 emplois en France[15]. Il rencontre les oppositions suivantes :

[modifier] Sur le fond

  • Les impôts sur la fortune ont été abolis dans plusieurs pays développés (en particulier européens) et sont inexistants dans la plupart des d'autres, ce qui nuit à l'attractivité[16] du pays qui le pratique comme lieu de résidence et d'activité pour les étrangers ayant un patrimoine élevé. En sens inverse, cela contribue au départ d'une partie des fortunes et de leurs titulaires vers des pays proches à la fiscalité du patrimoine moins lourde (Suisse, Luxembourg, Belgique, Italie, Grande Bretagne notamment... ). Ce phénomène d'expatriation fiscale a concerné selon une étude du sénat 843 redevables et 2,8 Mds d'Euros en 2006[17], en nette augmentation sur les années précédentes (368 en 2003). Un autre rapport pointe la sous-estimation des chiffres de l'administration fiscale ainsi que les pertes indirectes pour l'économie française : « Dans tous les cas, les délocalisations des redevables à l'ISF constituent une perte de dynamisme pour l'économie française : plus jeunes que la moyenne des redevables à l'ISF (qui est de 66 ans), tout en étant expérimentés (fourchette des 45-55 ans), nettement plus riches que la moyenne des redevables à l'ISF, ces contribuables, parmi lesquels les dirigeants d'entreprise sont très nombreux, ont eu depuis six ans à leur disposition 10 à 15 milliards d'euros de capitaux qu'ils ont pu investir ailleurs qu'en France. ». Dans un reportage sur l'ISF, l'émission télévisée Capital estime elle qu'un tiers des multimillionnaires français s'expatrient[18]. De plus ces estimations ne comptabilisent pas les français deja expatriés qui renoncent à rentrer en France après avoir réussi financièrement à l'étranger.
  • L'Institut Montaigne insiste également sur les coûts directs et indirects de l'ISF pour l'économie française : il estime à 130 milliards € le montant des capitaux qui ont quitté la France pour éviter l'ISF entre 1997 et 2006 et plus de 200 milliards depuis la création de cet impôt. Pour un bénéfice de 3,6 milliards € par an, l'ISF entraine également selon l'Institut Montaigne des pertes fiscales cumulées de 15,9 milliards €[3].
  • Les déclarations de patrimoine seraient contraignantes, voire attentatoires à la vie privée selon l'ancien ministre Michel Poniatowski, qui estimait anticonstitutionnelle une exigence de déclaration de toutes les résidences d'un particulier. En effet, le déclarant est contraint de préciser et d'évaluer, avec un certain détail, l'intégralité de ses biens. (bijoux, mobilier, garde robe, etc.)
  • L'ISF ferait double emploi avec les droits de succession (qui est aussi un impôt sur le patrimoine), selon certains théoriciens de la fiscalité (voir impôt et patrimoine)
  • Parmi les considérations qui avaient fait adopter l'impôt sur la fortune était une recherche d'incitation des Français à rentabiliser leur capital laissé en friche : résidences secondaires ou tertiaires, ou utilisées simplement quelques semaines ou jours par an en tant que pied à terre; or, ce but qui n'a pas été atteint par l'ISF, tenterait, aujourd'hui, de l'être par une nouvelle taxe, la taxe annuelle sur les logements vacants dans les villes où elle semble utile aux pouvoirs publics.
  • Le niveau de fraude serait élevé : en effet il s'agit d'un impôt déclaratif (c'est le contribuable qui doit prendre l'initiative d'estimer la valeur de son patrimoine, de calculer le montant de son impôt et s'il est redevable d'en informer l'administration fiscale). De ce fait, le nombre de contribuables en infraction (par ignorance de la valeur exacte de leur capital ou volontairement) serait élevé. D'autre part la difficulté d'estimer le prix de certains biens (immobilier, bijoux, mobilier) ouvre la porte à la sous-estimation du patrimoine déclaré ainsi qu'à de nombreux conflits avec l'administration.
  • Du point de vue de son appellation, l'ISF pose la question de la solidarité contrainte. La redistribution peut-elle encore s'appeler « solidarité » lorsqu'elle est imposée par la force coercitive de l'État ? Cette question se pose pour tous les impôts de redistribution sociale, mais plus spécifiquement à l'ISF du fait de son nom et des justifications morales et politiques qui l'appuient.
  • L'assiette de l'ISF est un montant estimé. La valeur d'un bien immobilier ou d'un portefeuille de valeurs peut fluctuer dans le temps, à la hausse mais aussi à la baisse. Par exemple, une décision administrative en matière de POS peut dévaloriser des biens immobiliers. La valeur vénale d'un tel bien ne se révèle en fait qu'à la vente. En cas de baisse de la valeur de son patrimoine, le contribuable aura été taxé inéquitablement sur une fortune virtuelle.

[modifier] Sur la forme

  • L'ISF peut être confiscatoire[19] : en effet les revenus du capital après tous les impôts (revenu, plus-value, CSG, CRDS, ISF) et après l'inflation peuvent devenir négatifs. Le terme de « syndrome de l'île de Ré » a été utilisé pour illustrer la situation de nombreux contribuables, comme un agriculteur de l'île de Ré redevable de l'ISF mais qui ne dispose pas des revenus permettant de s'en acquitter. En effet dans ce cas, l'agriculteur devient imposable parce que le prix du terrain a augmenté autour de son exploitation. Dans ce cas, l'effet de l'ISF est de forcer un contribuable à vendre son bien et à quitter son lieu de résidence[20]. Ce cas particulier a été limité par l'adoption du bouclier fiscal qui plafonne l'impôt du contribuable à 50 % de ses revenus (le bouclier fiscal lui impose également de faire l'avance des sommes en cause, qui ne sont remboursées que l'année suivante).
  • L'augmentation du nombre de personnes imposables : si le nombre total des redevables augmente rapidement, ils sont par exemple passés de 178 899, en 1997 à 335 525 en 2004, soit 87 % de plus en sept ans [21] (et estimés à 520.000 en 2007), la cotisation moyenne de l'ISF, elle est en baisse constante (par exemple -9,1 % entre 1997 et 2003 selon le Sénat). Cette hausse du nombre des redevables est avant tout due à l'augmentation rapide des prix de l'immobilier. Par exemple en 2006, le propriétaire d'un appartement de 120 m² dans les 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, ou 16e arrondissements de Paris est désormais redevable de l'ISF. En ce sens, l'ISF devient un nouvel impôt immobilier plus qu'une taxe sur la fortune.
  • Le rapport de l'ISF est considéré comme faible relativement au coût de sa perception, qui nécessite le traitement des formulaires envoyés chaque année par les redevables. Compte tenu des autres effets négatifs (en particulier l'expatriation fiscale), il aurait au final un rendement net négatif. Ainsi, selon l'économiste Patrick Artus, il « coûterait deux fois en TVA non perçue ce qu'il rapporte. Selon Christian Chavagneux, rédacteur en chef d' "Alternatives Economiques", l'ISF entraînant et générant l'expatriation fiscale a un cout de pertes fiscales estimé à 10% des recettes fiscales annuelles pour l'État Français.»[22].
  • La presse financière[23] a reproché à l'ISF d'être un impôt « qui [embêtait] les millionnaires sans gêner les milliardaires » : en effet, la plupart des très grandes fortunes utiliseraient soit des stratégies de défiscalisation (le plus souvent par l'exonération des biens professionnels) ou opteraient pour l'expatriation. En revanche les foyers plus modestes soumis à l'ISF (cadres supérieurs, retraités aisés, etc.) n'ont pas accès à ces solutions. Ainsi, tous les milliardaires résidants en France recensés par Forbes en 2006 sont en position de bénéficier de l'exonération au titre de bien professionnel[24].
  • Il pénalise les couples car il n'intègre aucun concept de part comme l'impôt sur le revenu : ainsi, deux personnes ayant chacune 500 000 € de patrimoine ne paieront pas d'ISF en se déclarant célibataires, mais le simple fait de se mettre en concubinage suffira à les rendre imposables sur un patrimoine de 1 000 000 €. De même, deux célibataires déjà imposables à l'ISF auront en se mariant une taxation supérieure à la somme de ce qu'ils payaient individuellement auparavant. Le cas de divorcés cohabitants se trouve dans un no man's land juridique.
  • Les taux d'imposition sont fixes, alors que le rendements (taux) des capitaux net d'inflation n'ont cessé de baisser, rendant le poids de l'impôt de plus en plus lourd[25].
  • Il pénalise la gestion des entreprises : en effet de nombreux dirigeants d'entreprise âgés se maintiennent à des postes de direction dans le seul but de bénéficier de l'exonération au titre de "biens professionnels".

[modifier] Avantages de l'ISF

L'existence de l'ISF est défendue avec les arguments suivants :

  • en érodant sensiblement les grosses accumulations de capitaux, l'ISF contribue - avec les droits de succession et de mutation - à éviter que se constituent des dynasties de rentiers en France, ce qui non seulement est nuisible au principe républicain d'égalité des chances, mais surtout neutraliserait une partie des forces vives du pays.
  • idéologiquement, supprimer l'ISF pour s'aligner sur les autres pays reviendrait à participer à une course au dumping fiscal et à l'harmonisation par le bas des politiques de redistribution des richesses
  • enfin l'ISF est un impôt dont le produit net de coûts administratifs (et de l'effet des délocalisations fiscales) est destiné à contribuer positivement au budget public. Il fait partie des prélèvements obligatoires, et selon ses promoteurs il concerne seulement des personnes fortunées et permet une redistribution sociale, comme son nom l'indique.
  • son principal avantage, rarement mis en exergue si ce n'est "occulté", est surtout lié pour l'administration fiscale française à la "traçabilité" du patrimone des résidents français ("avantage" qui n'existait pas avant 1981). Pour cette ultime raison, il est l'objet de très fortes résistances au sein de cette administration comme de la gauche francaise.


[modifier] Opinion des partis politiques

Instauré par le Parti socialiste, l'ISF trouve essentiellement ses défenseurs à gauche et ses détracteurs à droite dans le monde politique français.

  • La plupart des élus UMP sont opposés à cet impôt, ou souhaitent au moins sa réforme. Nicolas Sarkozy souhaite son maintien mais prône des aménagements pour encourager l'investissement dans les PME. L'UMP a un temps étudié la question d'exonérer la résidence principale de cet impôt, ce qui semble pour certains un bon compromis pour éviter que des personnes modestes y soient assujetties. Cependant de nombreuses réticences, en particulier de la part de Jacques Chirac, ont empêché cette solution d'aboutir.
  • Le Parti socialiste reste globalement favorable à cet impôt qu'il a voté et prône son maintien. Toutefois Michel Charasse, créateur de l'IGF qui devint l'ISF, a déclaré : « C'était naïf de créer l’ISF en 1981, c’était bête de le rétablir en 1988. »[26]. Son propre créateur, Michel Rocard, l'a également critiqué : « Je pense que l’ISF a été créé trop lourd avec une assiette restreinte. L’ISF n’a pas été bien créé. »[27]. Jack Lang s'est prononcé en faveur d'une assiette élargie accompagnée d'une baisse des taux.[28]
  • L'UDF est favorable à une importante réforme : « L'UDF est favorable à un débat clairement assumé sur l'ISF, dont on connaît et la pertinence du principe et les effets pervers de son application »[29]. François Bayrou a déclaré vouloir le remplacer par un impôt « à taux léger » sur tous les patrimoines d'au moins 750 000 euros pour éviter l'expatriation fiscale.[30]
  • Le Parti radical de gauche est en faveur d'un « grand impôt personnel et progressif, substitué à l'IR, la CSG, les cotisations sociales et l'ISF »[31]
  • Le Front national est pour l'exonération de la résidence principale. [32] Le Front national y voit aussi une cause des "fuites des cerveaux" et un "impôt confiscatoire", dommageable selon lui à la compétitivité de l'économie[33].
  • Le Parti communiste français souhaite doubler et tripler au delà de la deuxième tranche le taux de cet impôt[34].
  • La Ligue communiste révolutionnaire est en faveur d'une augmentation de l'ISF.

[modifier] Notes et références

  1. 528 000 foyers ont payé l'ISF l'an dernier, Le Figaro, 15 février 2008
  2. 600 millions de plus qu'en 2005
  3. ab [pdf]Supprimer l'ISF pour faire payer les riches, Amicus Curiae de l'Institut Montaigne
  4. ISF : 518 000 foyers concernés cette année , Le Figaro, 14 octobre 2007
  5. Article 885 E du Code général des impôts
  6. Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 du Conseil Constitutionnel
  7. Art. 885 E du CGI
  8. Une décote de 10 % à 20 % étant admise par l'administration fiscale en fonction de l'absence de liquidité des parts (difficulté de revente, clauses d'agrément...).
  9. Exonération jusqu'à expiration du monopole d'exploitation (70 ans).
  10. Seul l'auteur est exonéré d'ISF. Ses héritiers ne le sont plus depuis 1998
  11. Les recettes tirées de l'impôt de solidarité sur la fortune sont restées très dynamiques en 2006 et en 2007, Le Monde
  12. La pauvreté recule, mais pas les inégalités, 20 Minutes, 23 novembre 2006
  13. Bonnes rentrées de l'ISF, mauvaise fortune de l'UMP, Libération, 4 août 2006]
  14. Les 200 familles et l'impossible réforme de l'ISF, Les Echos
  15. Zapatero supprime l’ISF en Espagne…pour faire payer les riches, Aurélien Véron
  16. Rapport du Sénat, chapitre I, partie II : Un impact certain sur l'économie française
  17. ISF : 2,8 milliards d'euros délocalisés en 2006
  18. Capital du 7 janvier 2006
  19. Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt du 13 novembre 2003.
  20. Témoignage : « L'ISF peut aussi peser sur des gens modestes »
  21. réf. Le Monde du 10 juin 2006
  22. L'économiste Patrick Artus renvoie M. Sarkozy et Mme Royal à leur copie, Le Monde
  23. La Vie française, février 2004
  24. The World's Billionaires, Forbes (2006)
  25. L'impôt sur la fortune motive une délocalisation fiscale par jour, les Échos : En raison de la faiblesse actuelle des taux d'intérêt, les revenus des actionnaires fortunés et autres héritiers ne suffisent plus à payer l'ISF.
  26. L'ISF entre injustice, dogme et inefficacité
  27. Conférences - Michel ROCARD - L'Europe fiscale et sociale
  28. Comment réformer la fiscalité ?
  29. Argumentaire du groupe UDF
  30. Remplacer l'ISF et créer « un environnement fiscal amical », Le Figaro
  31. Blog du porte parole du PRG
  32. Programme du FN pour 2007
  33. La fuite des cerveaux et des entreprises, argumentaire Front national, 2006.
  34. Buffet dévoile les 15 engagements de son programme

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

Autres langues