Histoire de la langue française

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Le français est une langue romane parlée en France, dont elle est originaire, ainsi qu'en Belgique, au Canada, au Québec, au Luxembourg, en Suisse et dans 51 autres pays ayant pour la plupart fait partie de l'ancien empire colonial français.

Le français est la langue romane la plus éloignée du latin car de multiples parlers ont contribué à son évolution phonétique. En premier lieu, le gaulois : des mots comme « chêne », « charrue », « mouton », « tonne » ou « crème » en sont des survivances. La seconde pourvoyeuse fut la langue des Francs, si bien que le français est la plus germanique des langues latines: « trop », « bleu », « gris », « brun », « blond », « marcher », « garçon » et « France » font partie de cet héritage. Les mots « Gaule » et « gaulois » dérivent de, ou ont interféré avec le germanique wahl- (« étranger », « gallo-romain »). Par la suite, d'autres langues ont contribué à son développement lexical (italien, anglais, arabe, etc).

Le terme « langue d'oïl », dans certains cas, peut être un synonyme de français.

La langue française a cette particularité que son développement a été en partie l'œuvre de groupes intellectuels, comme la Pléiade, ou d'institutions, comme l'Académie française. C'est une langue dite « académique ». Toutefois, l'usage garde ses droits et nombreux sont ceux qui malaxèrent cette langue vivante, au premier rang desquels Molière : on parle d'ailleurs de la « langue de Molière ».

Devant la prolifération de néologismes importés de langues étrangères, la plupart de la langue anglaise, le gouvernement français tente de prendre des mesures pour « protéger » la « pureté » de la langue. Ainsi, le 7 janvier 1972, il promulgue le décret N° 72-9 relatif à l'enrichissement de la langue française, prévoyant la création de commissions ministérielles de terminologie pour l'enrichissement du vocabulaire français.

Au Québec, l’Office québécois de la langue française s’occupe de réglementer l’usage de la langue française.

Sommaire

[modifier] Histoire interne et histoire externe

Pour l'histoire de la langue française, on peut faire la distinction entre l'histoire interne et l'histoire externe. L'histoire interne est l'histoire de la structure en usage, c'est-à-dire des structures phonétique, grammaticale et lexicale. Par exemple, l'emploi de l'article est devenu obligatoire. L'histoire externe vise la langue considérée dans son fonctionnement, comme moyen de communication. Par exemple, la maîtrise du français donne du prestige.

[modifier] 1er-Ve siècles : interactions entre latin vulgaire et langues gauloises

L'histoire de la langue française commence avec l'invasion de la Gaule par les armées romaines sous Jules César en 59 av. J.-C. Les romains envahissent d'abord la Provence au IIe siècle, puis au IIIe siècle l'ensemble de la Gaule, dont la population celtique, homogène, comptait alors environ 10 millions d'habitants. Les soldats et les commerçants romains ont importé avec eux le sermo cotidianus, ou latin vulgaire. Cette assimilation est lente puisqu'elle se réalise sur quatre siècles. Le latin fonctionne comme langue de l'écrit et de l'administration, tandis que le gaulois, de tradition orale puisqu'il ne s'écrivait pas ou peu, conserve alors une fonction de langue d'échange.

[modifier] Le latin vulgaire

Le latin vulgaire se distingue du latin classique par les caractéristiques suivantes:

  • C'est une langue métaphorique: on utilise manducare (« mâchouiller ») au lieu du classique edere (d'où « manger », ou mangiare en italien, menjar en catalan et manjar en occitan).
  • Les diminutifs sont fréquents : auricula et geniculum (« oreille », « genou »).
  • Simplification des formes morphosyntaxiques :
    • Les genres et cas : réduction progressive aux seuls nominatif et accusatif (alors qu'il y en a six en latin classique); la déclinaison du neutre est ramenée à celle du masculin, et des déclinaisons irrégulières s'alignent sur les déclinaisons régulières.
  • Apparition des formes analytiques :
    • Les verbes :
      • Apparition du futur de type venire habeo (vénire áio, d'où « je viendrai » en français, vindré en catalan ou vendré en castillan), les formes passives de type amatus sum a valeur de présent (alors qu'en latin classique amatus sum a valeur de passé), et le passé de type habeo panem manducatum (áio pane manducatu, « j'ai du pain mangé », d'où le sens « j'ai mangé du pain »).
      • Disparition du supin, du participe futur (morituri te salutant ne peut être traduit que par une périphrase en français moderne), et des infinitifs futur et parfait (amaturum esse et amavisse peuvent difficilement se traduire en français moderne). Les temps du passé du subjonctif se confondent et se réduisent.
    • Les prépositions : formes analytiques telles que in hac hora (d'où le français « encore », le catalan encara ou l'italien ancora).
    • Les adverbes : les formes en -mente (« à la façon de ») se généralisent (bonamente, d'où « bonnement »).
  • L'ordre des mots tend à se fixer :
    • cela est dû à la réduction des cas aux seuls nominatif et accusatif. En outre, au niveau phonétique, le « m » final, significatif de l'accusatif, disparaît dans la langue parlée (rosam prononcé [rosa, roza] se confond avec le nominatif rosa).
    • les prépositions, du coup, progressent : ad pour marquer le datif ou l'accusatif (eo ad Roma(m) < eo Romam), de pour marquer le génitif.
    • l'adjectif, l'épithète et le génitif se placent après le substantif (le nom commun).
    • le verbe prend une position médiane dans la phrase (et non finale, comme en latin classique).
  • Enrichissement des phonèmes (sons, voyelles et consonnes):
    • Augmentation des phonèmes vocaliques (c'est-à-dire les voyelles telles qu'elles sont dites, plutôt qu'écrites). Cela provient du fait que le système « voyelles courtes/longues » du latin classique est remplacé en latin vulgaire par un système « voyelles ouvertes/fermées ». Ainsi [é] court devient [è], [é] long devient [é] court, tandis que [o] court devient « o ouvert » (comme dans « bonne »), et [o] long devient « o fermé » (comme dans « zone »).
      • Conséquence, certaines voyelles courtes disparaissent : caldus (calidus, d'où l'adjectif français « chaud » ou le substantif espagnol caldo (« bouillon »). Certaines diphtongues se réduisent: oru(m) < aurum (« or »).
      • Conséquence, certaines voyelles longues simples se diphtonguent. Mais la diphtongaison n'est pas propre au latin vulgaire, puisque les voyelles longues ne se diphtongueront qu'à partir du IVe siècle; on la rencontre néanmoins dans toute la Romania : français « pied », espagnol pie (<péde(m)). Ce phénomène sera davantage le fait de la Gaule à partir du VIe siècle.
    • Augmentation des phonèmes consonatiques : les sons [v] et [z] apparaissent (vivere était prononcé [wiwere] en latin classique). Les consonnes sourdes intervocaliques se sonorisent : [vida] (< vita), [roza] (< rosa). Les consonnes affriquées apparaissent : [k] se palatise devant e et i devenant ainsi ky/ty puis tsh (en Italie) et ts (en Espagne et en Gaule), voire se sonorise entre deux voyelles (en Gaule) : placere prononcé [plajdzere] (d'où « plaisir »).
Icône de détail Article détaillé : Latin vulgaire.

[modifier] le substrat gaulois

Lors de l'invasion romaine, La Gaule était peuplée d'une multitude de tribus celtes qui parlaient le gaulois (ou, plutôt, de nombreuses variantes mutuellement intelligibles car ayant un fond commun important). Après la conquête du pays en 51 av. J.-C., et au cours des siècles suivants, la langue des romains (le latin vulgaire) fut peu à peu adoptée par tous, mais le bilinguisme dut être une réalité jusqu'au Ve siècle (le gaulois semble ne plus avoir été parlé après le VIe siècle).

  • L'influence sur la syntaxe et le vocabulaire du latin vulgaire fut certaine : en gaulois le verbe est souvent en deuxième position dans la phrase, et l'ordre sujet+verbe est fréquent. La numération vigésimale (par vingt) proviendrait du gaulois (« quatre-vingts »), ainsi que le suffixe de lieu -ac (dans la partie sud de la France) ou -ay, -ai ou -y (dans la partie nord et en Belgique) (d'où les villes Cognac, Douai, Tournai ou Neuilly). Ne subsistent en français moderne qu'environ 150 mots courants. La voyelle [y] (le « u » français, y du grec classique ou ü allemand) était présente en gaulois, mais ce sont les Francs qui l'ont réintroduite en Gaule.
  • L'influence du gaulois explique aussi probablement la « faculté » qu'a eu la langue française à s'éloigner des mots « étymons », de sorte qu'on en perde l'étymologie des mots. Les langues celtes ont cette faculté de se transformer vite à travers les siècles, de sorte que si on compare aujourd'hui le breton et l'irlandais, le profane n'y verra pas de ressemblances entre les deux langues. Les Italiens, les Catalans, les Occitans et les Castillans peuvent à la rigueur se comprendre entre eux, mais ils ne pourront pas comprendre un francophone. Exemples: « métier » (< ministerium), « raide » (< rigidus) et « froid » (< frigidus).

Autres caractéristiques du gaulois :

  • C'est une langue à déclinaisons et conjugaisons, avec un lexique riche en dérivations et compositions (suffixes, préfixes) : Ver-cingeto-rix (« Très-puissant-roi »).
  • Présence de phonèmes étrangers au latin classique : l'affriquée [ts] parfois écrite par un d barré (le français « souche » pourrait venir d'un gaulois [tsuka]); présence de la voyelle [y].

La langue gauloise est peu connue car peu d'inscriptions ont subsisté.

Icône de détail Article détaillé : Gaulois (langue).
Icône de détail Article détaillé : Langue celtique.

[modifier] Ve-IXe siècles : influence du superstrat francique

La chute de l'Empire romain (an 476) marque la fin des évolutions phonétiques communes à l'ensemble de la Romania. Les invasions germaniques au Ve siècle sont traditionnellement considérées comme le facteur de la perte d'unité du latin et de sa dialectisation. Même s'il n'a pas pu prévaloir, le francique influe sur la langue romane parlée alors, si bien qu'au VIe et VIIe siècle la prononciation a beaucoup changé. En Gaule du Nord, la langue gallo-romane et le germanique cohabitent du Ve au Xe siècle, et le colinguisme est la règle. En français moderne, il ne resterait plus qu'environ 300 mots d'origine francique, mais le francique a influencé le protofrançais aussi au niveau de la prononciation et un peu la syntaxe. Les Francs des premiers siècles parlaient davantage des dialectes bas-allemand (terme purement linguistique, ne pas y voir de nationalité allemande) tandis que que les Francs de l'époque de Charlemagne parlaient des dialectes plutôt haut-allemands comme le montre les Serments de Strasbourg. Les mots « Gaule », « gaulois » dérivent de, ou ont interféré avec le germanique wahl- signifiant « étranger », « celte », « gallo-romain » (notez les mots cousins « wallon », welsh d'où « Galles »/« Gallois »). Le mot latin Gallia aurait donné, lui, sans cette interférence germanique, des formes hypothétiques tels que *Gallie, *Gaille, *Geaille ou *Jaille.

  • L'influence du germanique sur le français et sur les autres langues d'oïl porte surtout sur la prononciation et le vocabulaire (et moins sur la grammaire et la syntaxe). C'est cette influence germanique qui distingue les langues d'oïl des langues d'oc. Le picard et le wallon sont les langues latines les plus germanisées, alors que le français officiel, lui, n'a eu de cesse à travers les siècles d'épurer son vocabulaire pour le rapprocher sans cesse du sacro-saint latin; par exemple le français moderne n'aime pas les lettres k et w, jugées trop germaniques, alors que ces lettres furent bien représentées en protofrançais (Voir La Chanson de Roland dans son texte original); autres exemples, les mots d'origine germanique tendent à disparaitre : « sûr »/« sûre » (au sens d'amer/amère, cousin de l'allemand sauer ou l'anglais sore), « maint »/« mainte » (cousin de l'anglais many), guet (du francique waht-), « heurt » (cousin de l'anglais hurt), etc. Certains mots d'origine germanique n'ont pas été introduits en français par le francique, mais par d'autres langues germaniques : « boulevard » (du vieux néerlandais bolwerk), « échoppe » (du néerlandais, voir aussi l'anglais shop), « nord »/« sud » (du vieil anglais), « bâbord »/« tribord » (du néerlandais bakboord).
  • Avant le Ve siècle, certains mots d'origine franque sont entrés en latin vulgaire bien avant les grandes invasions. En effet il y avait de nombreux contacts entre Germains rhénans et Romains notamment en Gallia belgica. En outre, les Francs fournirent de nombreux fédérés et mercenaires dans l'armée romaine, où certains occupèrent même de hautes fonctions. Avant les grandes invasions, les rapports entre Germains et Gallo-Romains sont tels que le Code théodosien (an 370) interdit les mariages mixtes, et les édits d'Honorius (fin IVe-début Ve) interdit le port du costume barbare en ville (manteau de fourrure, cheveux longs, pantalons). Le mot Francia lui-même, qui devait désigner probablement une zone imprécise en Gallia belgica, est une latinisation du francique Franko qui date du IIIe siècle (Franko, pour Franko(n)? voir Franconie, allemand Franken).
  • Ve-Xe siècles : en Gaule du Nord, la langue gallo-romane et le germanique cohabitent. Il était même de mode de donner aux enfants des prénoms germaniques, mode qui se perpétua, puisqu'au IXe siècle 9 personnes sur 10 portent un prénom d'origine franque (exemples « Charles », « Louis », « Guillaume », « Richard » et « Robert »). Les Mérovingiens, puis les Carolingiens sont bilingues; Hugues Capet (Xe siècle) de langue maternelle romane, semble avoir été le premier souverain de France à avoir eu besoin d'un interprète pour comprendre le germanique.
  • Ce bilinguisme explique pourquoi les Serments de Strasbourg de 842 furent écrits en romana lingua et en teudisca lingua (teudisca, on rencontre aussi thiotisca et theodisca, même racine que le deutsch allemand, et les mots « Teutons », « tudesque », « thiois » et l'italien tedesco; les alternances t/th et eu/eo/io reflètent des tentatives diverses de transcrire des sons absents de l'alphabet latin). On estime généralement que les Serments de Strasbourg sont le premier texte écrit en protofrançais (ou romana lingua ou encore roman). Cette romana lingua ne ressemble pas beaucoup au français moderne, mais cette langue en est néanmoins l'ancêtre. La première mention de l'existence d'une langue romane ne date que de 813, lors du concile de Tours, réuni à l'initiative de Charlemagne, qui impose désormais de prononcer les homélies dans les langues vulgaires au lieu du latinrusticam Romanam linguam aut Theodiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quae dicuntur, c’est-à-dire dans la « langue rustique romaine » (« langue romane de la campagne », forme de protofrançais nommée roman (pour la France) ou dans la « langue tudesque » (germanique) pour l'Allemagne — afin que tous puissent plus facilement comprendre ce qui est dit. C'est en effet à cette époque qu'en France on prend conscience qu'on parle une langue différente du latin, probablement parce que, de toutes les langues romanes, elle en est la plus éloignée. Il faut attendre entre 880 et 881 pour le premier texte littéraire, la Séquence de sainte Eulalie, encore qu'on puisse considérer que la langue de ce texte est plus du picard que du français lui-même.
  • Même s'il n'a pas pu prévaloir, le francique influe sur le latin parlé alors, si bien qu'au VIe et VIIe la prononciation a beaucoup changé. Les contributions du francique sont, ou ont été, notamment les suivantes :
    • La prononciation:
      • renforcement de l'accent tonique d'intensité en milieu de mot; ceci à pour conséquence l'amuissement ou la chute de la voyelle finale, et la diphtongaison des voyelles longues en milieu de mot (phénomène attesté à partir du IVe siècle en Romania, mais surtout en Gaule à partir du VIe siècle): murus > murs (masculin singulier), murum > mur (accusatif singulier); máre > *maer > mer; rosa > rosa (prononcé [rozë]). Ceci entraine l'assourdissement des consonnes finales: grande > grant (d'où la prononciation [t] dans « grand homme » en français moderne).
      • (ré)introduction du [y] (ü): dans langues romanes ce phonème n'existe qu'en langue d'oïl et dans certains dialectes du Nord de l'Italie.
      • prononciation du « r » non roulé : en français standard le « r » non roulé du Nord (influence germanique, notamment haut-allemande) l'a emporté sur le « r » roulé du Sud (influence latine).
      • réintroduction du « h » aspiré (disparu du latin, tout comme en castillan et en catalan où il s'écrit mais ne se prononce pas, ou en italien où il ne s'écrit même plus), bien qu'en français moderne le « h » aspiré a de nouveau disparu; dans les mots d'origine germaniques il continue néanmoins à éviter la liaison : « les halles », « la haine » [léal, laèn], mais « les hôpitaux », « les herbes » [lézopito, lézèrb]. L'adjectif « haut » est un mélange de altus et de hoh, d'où « les hauteurs » prononcé sans liaison.
      • introduction du son [w], disparu du latin vulgaire. Néanmoins ce phonème sera prononcé [gw], pour aboutir à [g] en français moderne : « guerre », « garder » (voir anglais war ou ward, mais le castillan et le catalan conservent la forme intermédiaire guard-).
    • Le vocabulaire :
      • introduction de mots (avec, entre parenthèses, des mots cousins dans d'autres langues germaniques, même si parfois le sens a changé) : « bleu » (allemand blau, aussi « blanc », « gris », « blond »), « gâcher » (allemand waschen, anglais wash), « meurtre » (anglais murder), « haine » (allemand hassen), « blinder » (anglais blind), « Gaule »/« gaulois » (anglais Welsh, allemand Welsch, et aussi « Wallon »).
      • le suffixe -ard, propre au français, du francique hard (« dur »): chauffard, trouillard, criard. Ce suffixe produit des mots péjoratifs d'une intensité réelle; c'est la contribution du francique qui est encore utilisé en français moderne pour créer de nouveaux mots. Le suffixe -aud (du francique -wald) n'est lui plus utilisé pour créer de nouveaux mots.
      • les suffixes -ois, ais : il est généralement admis qu'ils proviennent du francique -isk, mais certains y voit le latin -ens(is) (d'où le castillan francés, le catalan francès et l'italien francese).
      • le suffixe -ange (voir anglais ou néerlandais -ing, allemand -ung) par l'intermédiaire des langues d'oïl du Nord : « boulange »/« boulanger », « vidange » (du verbe « vider »).
      • Le préfixe mé(s)-, lui ne subsistent que dans quelques mots (« mésentente », « mégarde », « méfait ») mais n'est plus utilisé de façon spontanée dans la création de nouveaux mots (voir anglais misunderstand, mistake, miscarry).
      • l'adjectif placé avant le substantif : propre aux langues germaniques, cet ordre est jugé ridicule ou littéraire en français moderne (« la blanche colombe »), mais il est plus fréquent en français que dans les autres langues latines; il est parfois quasi-obligatoire (« belle femme », « vieil homme », « grande table », « petite table »), et quand il est facultatif c'est que le sens n'est pas le même : « homme grand »/« grand homme », « certaine chose »/« chose certaine ». En wallon l'ordre « adjectif+nom » est systématique.
    • La syntaxe et la grammaire :
      • la présence systématique du pronom avant le verbe, comme dans les langues germaniques : « je vois », « tu vois », « il voit » (alors que le pronom est facultatif en italien ou en espagnol, comme dans veo, ves, ve). Le pronom « on » (de (h)om/homme), propre au français, pourrait lui aussi être une adaptation du germanique (voir allemand mann/man, néerlandais man/men, danois mand/man).
      • l'inversion « sujet/verbe > verbe/sujet » pour former les interrogations, qu'on rencontre dans les langues germaniques mais pas dans les langues latines, sauf en français.
      • possible mais pas certain : l'usage du verbe « avoir » comme verbe modal pour former des temps du passé (« j'ai fait », « j'ai dit »); cet usage est commun à toutes les langues germaniques, mais on le retrouve aussi en catalan, castillan et italien, ce qui implique que cet usage date d'avant les invasions germaniques. Mais cet usage n'existait pas en latin classique.
  • Aussi, les minuscules de l'alphabet dit latin sont en fait la variante nord-européenne/germanique de l'alphabet des Romains. L'alphabet que les Romains utilisaient n'avait pas de minuscules, et correspondait aux seules majuscules (A, B, C...). Charlemagne unifia l'écriture de l'Europe du Nord et celle du Sud en combinant les deux (le Sud n'utilisait encore que l'alphabet romain), d'où le double alphabet majuscules/minuscules. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on appelle parfois les minuscules l'« écriture caroline » (carol-, de Charle-magne). Le Nord germanique a toujours su créer de nouvelles lettres (w, j, Þ, ð, ø; il y a aussi le k peu présent en latin mais répandu dans le Nord), alors que le sud a toujours été plus conservateur et préfère l'ajout d'accents à des lettres existantes (ç, é, è, à, ñ, ô, ã, etc.) ou la combinaisons de lettres pour transcrire un seul son (« ch », « ph », il y a aussi les combinaisons françaises « eu », « ou », ou encore « qu » là où « k » pourrait être utilisé).
Icône de détail Article détaillé : francique.

[modifier] Evolution de la graphie et du statut du français à travers l'histoire

Contrairement à certaines idées reçues, l'histoire du français et de son orthographe comporte de nombreuses réformes. De tous temps, l'orthographe du français a subi de nombreuses rectifications, mais l'habitude littéraire d'adapter les ouvrages dans l'orthographe officielle du moment nous donne une impression de continuité que la langue française écrite, en fait, n'a jamais eue.

On peut définir à peu près cinq états de la langue française, qui est passée progressivement de l'un à l'autre ; dans les exemples ci-dessous, l'orthographe est celle des éditeurs et non celle des auteurs. Jusqu'au XIXe siècle, l'orthographe normée du français, qui s'établit lentement à partir du XVIe siècle, reste très variable. D'autres découpages sont possibles et ne sont que des moyens de situer un texte par rapport à l'état de la langue. En voici un exemple concret à travers ces trois versions d'un même texte, le début de l'une des Fables de La Fontaine ([1]) :

  • Édition originale (XVIIe siècle)
    • Une Grenoüille vid un Bœuf,
    • Qui luy sembla de belle taille.
    • Elle qui n'estoit pas grosse en tout
    • comme un œuf […]
  • Édition de 1802
    • Une grenouille vit un bœuf
    • Qui lui sembla de belle taille.
    • Elle, qui n'étoit pas grosse en tout
    • comme un œuf […]
  • Orthographe d'aujourd'hui
    • Une grenouille vit un bœuf
    • Qui lui sembla de belle taille.
    • Elle, qui n'était pas grosse en tout
    • comme un œuf […]

La manière de classer les états de la langue qui suit ne s'appuie pas seulement sur sa grammaire mais aussi sur son orthographe :

[modifier] Roman

« Pro deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament, dist di in auant, in quant deus sauir et podir me dunat, si saluarai eo cist meon fradre Karlo et in adiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra saluar dist, in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui meon uol cist meon fradre Karle in damno sit »
    — extrait des Serments de Strasbourg (843) :

L'influence du germanique est visible au niveau de:

  • la syntaxe : l'adjectif mis avant le nom (christian poblo);
  • l'orthographe : présence du k (Karle, « Charles ») et du dh (Ludher, « Lothaire »);
  • la prononciation : le dh transcrit le d interdental (le th sonore anglais).

Ici l'écriture caroline (les minuscules modernes) est employée. Elle n'existait pas au début de l'ère chrétienne (on n'utilisait alors que les majuscules actuelles); ainsi la lettre « v » s'écrivait « V » en majuscule et « u » en minuscule, et transcrivait aussi bien la consonne [v] ou la voyelle [y] (le « u » français ou le ü allemand). La différenciation V/v et U/u n'apparaitra que bien plus tard.

[modifier] Ancien français (roman, romanz, romance puis franceis)

Période du (Xe au XIIIe s.), durant laquelle les locuteurs appelaient leur langue le « roman/romanz/romance », puis fanceis vers les XII-XXIIIe siècle

  • Xe siècle, Vie de Saint Léger (vers 980) :
    • Domine Deu devemps lauder / Et a sos sancz honor porter. / In su’amor cantomps dels sanz / Quœ por lui augrent granz aanz,
  • XIIe siècle, Chanson de Roland (vers 1170) :
    • Seignurs baruns, a Carlemagnes irez ; / Il est al siege a Cordres la citet. / Branches d’olives en voz mains porterez, / Ço senefiet pais e humilitet,
  • XIIe siècle, Alexandre de Bernay, Roman d'Alexandre (vers 1185) :
    • Li mengiers est tous pres, que li quieu l’ont hasté, /Puis sont li siege fait et li tapit geté. / Li chevalier s’assieent qant il orent lavé / Et on lor a le vin en hanas aporté,
  • XIIe siècle-XIIIe siècle, Jehan Bodel, Brunain la vache au prestre (fabliau ; entre 1165 et 1210) :
    • Nus hom mouteploier ne puet / Sanz grant eür, c’est or del mains. / Par grant eür ot li vilains / Deus vaches, et li prestres nule. / Tels cuide avancier qui recule,
Icône de détail Article détaillé : ancien français.

[modifier] Moyen français, ou français préclassique (franceis/françois)

Langue de transition entre le français ancien et moderne, le moyen français a duré du XIVe au XVe siècle/XVIe siècle).

Les XIVe siècle et XVe siècle se caractérisent par une grande désorganisation. Le XIVe siècle fut marqué par la grande peste et par la guerre de Cent Ans, qui entraina une Renaissance plus tardive en France que dans le reste de l'Europe, et une désorganisation des institutions.

Pour cette période, le Livre des merveilles du monde de Jean de Mandeville est important sur le plan linguistique. Ce livre, écrit par un explorateur qui avait passé 34 ans de sa vie en Orient (il était allé jusqu'en Chine), fut écrit (sous forme de manuscrits puisque l'imprimerie n'existait pas encore), à 250 exemplaires dans différentes langues. Il influença le jeune Christophe Colomb.

  • XIVe siècle, Les Enseignemenz (livre de recettes, entre 1304 et 1314) :
    • Por blanc mengier — Se vos volez fere blanc mengier, prenez les eles e les piez de gelines e metez cuire en eve, e prenez un poi de ris e le destrempez de cele eve, puis le fetes cuire a petit feu, e puis charpez la char bien menu eschevelee e la metez cuire ovec un poi de chucre,
  • XVe siècle, François Villon, le Lais ou le Petit Testament (vers 1456) :
    • Le regart de celle m’a prins / Qui m’a esté felonne et dure ; / Sans ce qu’en riens j’aye mesprins, / Veult et ordonne que j’endure / La mort, et que plus je ne dure,
Icône de détail Article détaillé : moyen français.

[modifier] Français classique ("françois/françoys")

Période du XVIe au XVIIe siècle/XVIIIe siècle).

  • XVIe siècle Louise Labé, Sonnets (entre 1545 et 1555) :
    • Je vis, je meurs : je me brule et me noye. / J’ay chaut estreme en endurant froidure : / La vie m’est et trop molle et trop dure. / J’ay grans ennuis entremeslez de joye,
    • Note : la langue du XVIe siècle est à une période charnière. La considérer comme du français classique peut sembler contestable. Rappelons qu'un tel découpage est forcément arbitraire.

La Renaissance se produisit en France avec un siècle de retard par rapport au reste de l'Europe. C'est une période de "reromanisation" durant laquelle l'antiquité a été perçue comme un modèle. Pendant la Renaissance, la société cultivée continuait d'employer le latin dans les universités. À l'université de Paris le latin était encore très répandu. Les brassages culturels dus aux grandes découvertes, à l'intensification des échanges commerciaux, à l'avènement de l'imprimerie, firent que l'antiquité a été perçue comme un modèle par les humanistes de la Renaissance (période historique), qui critiquèrent alors la société du Moyen Âge (d'où d'ailleurs la connotation péjorative du terme Moyen Âge).

Mais, paradoxalement, démographie galopante oblige, la grande majorité de la population et la société peu cultivée parlaient le françois ou les patois. C'est pourquoi c'est pendant cette période que la langue française acquiert davantage son statut officiel et national, illustré par les évènements clés suivants :

Parallèlement, c'est une période de "reromanisation" de la langue, à qui on veut donner plus de noblesse par des emprunts au latin. Les humanistes de la Renaissance se sont alors mis à emprunter de très nombreux mots au latin alors même que ces mots existaient déjà en français. Du fait de l'évolution phonétique du bas latin et de l'ancien français qui était survenue entre-temps, il est resulté de cette ré-introduction artificielle de très nombreux doublets lexicaux (exemple : hôtel et hôpital dérivent tous deux de hospitale).

Voir l'article doublet lexical pour une description détaillée et une liste de doublets.

  • XVIIe siècle, Charles Perrault, Peau d’Âne (1694) :
    • Il étoit une fois un Roi, / Le plus grand qui fût sur la Terre, / Aimable en Paix, terrible en Guerre, / Seul enfin comparable à soi : / Ses voisins le craignoient, ses États étoient calmes.

Évènements clés au XVIIe siècle :

Œuvres clés écrites en français classique :

[modifier] Français moderne

A partir du XVIIIe siècle jusqu'à nos jours.

À la veille de la Révolution française, on estime qu'un quart seulement de la population française parle français, le reste de la population parle des langues régionales.

Au nord ce sont les parlers d'oïl, au sud les parlers d'oc, formes régionales de l'occitan, ainsi que le breton, le basque, le catalan, l'arpitan, le flamand, l'alsacien entre autres.

En revanche, le français est couramment pratiqué dans toutes les cours européennes. En 1685, Pierre Bayle peut ainsi écrire que le français est « le point de communication de tous les peuples de l'Europe ».

Le français n'est pas seulement la langue de la diplomatie, comme on en fait souvent la remarque, c'est également un puissant vecteur dans les domaines de l'art, des sciences et des techniques. On lit Rabelais dans le texte en français de Moscou à Lisbonne;

Au XVIIIe siècle, le français est la langue véhiculaire de l'Europe.

Cette période perdure jusqu'à l'émergence d'un concurrent au même rôle, l'anglais.

La cour anglaise a pratiqué longtemps le français en mémoire des fondateurs de la couronne moderne. La guerre de Cent Ans a mis un terme à cet usage (1362), mais aujourd'hui encore, toutes les devises royales anglaises sont en français : « honni soit qui mal y pense » au premier chef, « Dieu et mon droit », moins souvent cité, également. L'anglais garde toutefois une forte empreinte de français et les dernières études menées sur ce thème évaluent à environ 29% la part du français dans le lexique anglais moderne (voire pour certains jusqu'à 70% [1]).

Le français s'est toujours écrit au moyen de l'alphabet latin, enrichi depuis le XVIe siècle par des diacritiques dont l'écriture et l'utilisation ne seront réglées qu'à partir du XVIIIe siècle. Pour plus de détails, on peut consulter Diacritiques utilisés en français.

  • Sur le plan national, la Révolution, elle, va au-delà de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) puisque les Jacobains imposent le français comme Langue Universelle des Lumières et, par conséquent, comme langue maternelle obligatoire pour tous. L'usage des patois et dialectes devient alors synonyme de "régression sociale", comme réminiscence de l'Ancien Régime, de même que l'usage du latin.
  • 1835 — L'Académie française publie la sixième édition de son Dictionnaire. Une nouvelle fois, les simplifications sont nombreuses. Par exemple, "j'avois" devient "j'avais"; "enfans" (qui, jusque-là, perdait le "t" au pluriel) s'écrit "enfants"; etc.
  • 1935 — L'Académie française publie la huitième édition de son Dictionnaire. On y voit apparaitre des modifications comme grand-mère remplaçant grand'mère.
  • 1990 - L'Académie française et les instances francophones compétentes ont élaboré des rectifications de l'orthographe [2].
    • Ces modifications sont officiellement "recommandées" puisqu'elles ont fait l'objet d'une publication au Journal officiel du 6 décembre 1990, néanmoins, comme le terme "recommandé" l'indique, elles n'ont pas de caractère obligatoire. Ces modifications sont modérées et ne touchent environ que deux-mille mots. Elles permettent néanmoins de supprimer des incohérences flagrantes. (Voyez-en quelques exemples ici [3])

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

[modifier] Références

  1. Entretien avec Henriette Walter.
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