Espéranto

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  Espéranto
(esperanto)
 
Parlé en aucun pays en particulier
Région dans le monde entier
Nombre de locuteurs les estimations varient beaucoup, de 100 000 à 2 millions de locuteurs répartis dans le monde entier.
Typologie Agglutinante
Classification par famille

langue construite

(Dérivée de la classification SIL)
Statut officiel et codes de langue
Officielle
en
Académie internationale des Sciences de Saint-Marin
Régi par Akademio de Esperanto
ISO 639-1 eo
ISO 639-2 epo
ISO/DIS
639-3
(en) epo
SIL ESP
Échantillon

Article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme (voir le texte en français)

Artikolo 1

Ĉiuj homoj estas denaske liberaj kaj egalaj laŭ digno kaj rajtoj. Ili posedas racion kaj konsciencon, kaj devus konduti unu al alia en spirito de frateco.

Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur

L’espéranto est une langue construite, conçue à la fin du XIXe siècle par Ludwik Lejzer Zamenhof dans le but de faciliter la communication entre personnes de langues différentes à travers le monde entier. Zamenhof publia son projet en 1887 sous le nom de Lingvo Internacia (« Langue internationale »), sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto (« Docteur Espérant », « Docteur qui espère »), d’où le nom sous lequel la langue s’est popularisée par la suite.

La grammaire de l’espéranto se base sur seize règles fondamentales sans exception. Par sa structure, c’est une langue agglutinante qui procède par enchaînement d’éléments de base invariables. Par son vocabulaire, c’est une langue construite a posteriori, c’est-à-dire que ses bases sont tirées de langues préexistantes — essentiellement européennes ; les mots en dérivent ensuite par l’emploi d’affixes et par composition.

De tous les nombreux projets de langue auxiliaire internationale ayant vu le jour, l’espéranto est celui qui a remporté le plus de succès, et le seul qui soit quelque peu connu du grand public. Bien qu’il n’ait été adopté officiellement par aucun organisme international autre que ceux dédiés à la langue — comme l’Association mondiale d’espéranto (UEA) ou l’Association mondiale anationale (SAT) — l’espéranto est le moyen de communication d’une communauté estimée entre cent mille et deux millions de locuteurs, répartis dans presque tous les pays du monde.

Sommaire

Histoire

Photographie du docteur Zamenhof
Photographie du docteur Zamenhof
Icône de détail Article détaillé : Histoire de l'espéranto.

L'espéranto fut composé entre la fin des années 1870 et le début des années 1880 par Ludwik Lejzer Zamenhof, un ophtalmologue polonais issu d'une famille juive de Białystok, ville alors peuplée de quatre nationalités (juifs, polonais, allemands et biélorusses). Sensible aux tensions qui en résultaient, Zamenhof voulut créer un moyen de communication neutre susceptible d'améliorer la communication et la compréhension entre les nations. Après approximativement 10 ans de maturation, incluant diverses traductions et l'écriture d'œuvres originales, Zamenhof publia la première grammaire en langue russe de la Langue internationale en juillet 1887, sous la forme d'une brochure imprimée à ses frais. Suivirent peu après des versions dans de nombreuses autres langues entre 1887 et 1889.

Le nombre de personnes qui apprirent la langue ne cessa d'augmenter dans les décennies qui suivirent, au départ principalement dans l'empire Russe et dans l'Europe de l'Est, et ensuite en Europe occidentale et aux Amériques. L'espéranto pénétra au Japon suite à la guerre russo-japonaise de 1904-1905. En Chine, les premiers cours furent donnés à Shanghai en 1906 et à Canton en 1908. Dans les premières décennies, les usagers de l'espéranto restèrent en contact principalement par des magazines spécialisés et par correspondance.

En 1905, le premier congrès mondial d'espéranto eut lieu en France à Boulogne-sur-Mer ; les caractéristiques de l'esperanto furent fixées et ses objectifs définis : cette langue, devait être universellement comprise et parlée par l'humanité entière, sans aucun pré-requis. Depuis, des congrès mondiaux se sont tenus chaque année, sauf durant les deux guerres mondiales. En 2005, le centenaire de l'espéranto y fut célébré, de nouveau à Boulogne-sur-Mer.

Le développement de l'espéranto fut diversement affecté par les tourments politiques de la première moitié du XXe siècle. Les dictatures hitlérienne et stalinienne soumirent ses militants à une forte répression[1]. Lors de la Guerre d'Espagne (1936-1939), la mouvance anarchiste représentait l'essentiel des défenseurs de l'espéranto ; il était utilisé aussi par des socialistes, des communistes allergiques au stalinisme (dont George Orwell, auquel l'espéranto aurait inspiré la novlangue), et même une partie de la droite catholique.[réf. nécessaire]

Statut

L'espéranto n'est la langue officielle d'aucun pays, mais c'est la langue de travail de plusieurs associations à but non lucratif, principalement des associations d'espéranto. La plus grande organisation d'espéranto est l'association mondiale d'espéranto (UEA), qui est en relation officielle avec les Nations unies et l'UNESCO dans un rôle consultatif. Elle est avec l'anglais et l'espagnol, une des trois langues officielles des congrès de l'Association internationale des travailleurs (AIT)[réf. nécessaire].

Dans la plupart des démocraties contemporaines, l'espéranto ne bénéficie que de peu ou pas de soutien officiel. En France, sa reconnaissance comme option facultative de langue au niveau du baccalauréat n'a pas été obtenue à ce jour. En Hongrie, où cette reconnaissance a eu lieu, l'espéranto fait partie des cinq premières langues étrangères.[2]

En ce qui concerne wikipédia, l'espéranto fait partie des articles sur les langues que tout wikipédia devrait avoir (Liste d'articles que toutes les encyclopédies devraient avoir)

Caractéristiques linguistiques

Unua Libro « Premier livre », le premier manuel d'espéranto publié en 1887 par Ludwik Lejzer Zamenhof.
Unua Libro « Premier livre », le premier manuel d'espéranto publié en 1887 par Ludwik Lejzer Zamenhof.

Classification

En tant que langue construite, l'espéranto n'est généalogiquement rattaché à aucune famille de langues vivantes. Cependant, une part de sa grammaire et l'essentiel de son vocabulaire portent à le rattacher aux langues indo-européennes. Ce groupe linguistique a constitué le répertoire de base à partir duquel Ludwik Lejzer Zamenhof a « composé » sa langue internationale.

Cependant, la typologie morphologique de l'espéranto l'écarte significativement des langues indo-européennes, qui sont largement à dominante flexionnelle. En effet, il consiste exclusivement en monèmes invariables qui se combinent sans restriction, ce qui l'apparente aux langues isolantes. En espéranto, comme en chinois, on dérive « mon » (mia), de « je » (mi) et « premier » (unua) de « un » (unu). Sa tendance à accumuler, sans en brouiller les limites, des morphèmes porteurs d'un trait grammatical distinct le rapproche aussi des langues agglutinantes telles que le coréen, le finnois, le japonais, ou le turc. Des formes verbales telles que tradukendos (« devra être traduit »), videblas (« peut être vu ») ou seriozemi (« avoir tendance à se montrer sérieux ») rappellent le système de conjugaison turc.

Phonétique et écriture

Icône de détail Article détaillé : Alphabet de l'espéranto.

L'espéranto possède 28 phonèmes (5 voyelles et 23 consonnes). Ils sont transcrits au moyen de vingt-deux lettres de l'alphabet latin, ainsi que deux diacritiques formant six lettres fixées par Ludwik Lejzer Zamenhof : ĉ, ĝ, ĥ, ĵ, ŝ, ŭ. L'orthographe est parfaitement phonologique : chaque lettre ou groupe de lettres représente invariablement un seul phonème. Les lettres q, w, x et y ne sont pas utilisées, sauf dans les expressions mathématiques.

Les lettres diacritées soulevèrent quelques problèmes, notamment pour l'imprimerie ou l'informatique. Actuellement le problème subsiste pour les systèmes informatiques anciens, où le problème est résolu par la substitution des lettres accentuées par les lettres non accentuées correspondantes, suffixées par un x ou par un h (l'emploi du h, figurant dans le Fundamento de Esperanto et adopté lors du Premier congrès mondial d'espéranto en 1905 à Boulogne-sur-Mer, se montre moins adapté que le x qui n'entraîne pas d'ambiguïté). Les trois systèmes (ŝ, sh ou sx) coexistent sur Internet.

La langue comporte un accent tonique toujours situé sur l'avant-dernière syllabe des mots.

Voyelles

Le système vocalique comporte cinq timbres (a e i o u, correspondant aux valeurs du français a é i o ou) comme dans de nombreuses langues du monde, sans distinction de quantité. Leur prononciation peut varier quelque peu selon l'origine de l'usager ou la position dans le mot. Par exemple, e et o peut se réaliser mi-ouvertes [ɛ] et [ɔ] ou mi-fermées [e] et [o], sans incidence sur la compréhension car ces deux types de timbre ne s'opposent pas phonologiquement.

Antérieure Centrale Postérieure
Fermée i i u u
Moyenne e e o o
Ouverte a a

Consonnes

  Bilabiale Labio-dentale Labio-vélaire Dentale Alvéolaire Post-alvéolaire Palatale Vélaire Glottale
Occlusive p p b b     t t d d       k k g g  
Affriquée         ʦ c ʧ ĉ ʤ ĝ      
Fricative   f f v v     s s z z ʃ ŝ ʒ ĵ   x ĥ h h
Nasale m m     n n          
Latérale         l l        
Roulée         ɾ r        
Approximante     w ŭ       j j    
  • Lorsqu'une case contient deux signes, le premier désigne une consonne sourde et le second la consonne sonore correspondante.
  • L'affriquée dz n'est pas répertoriée dans la liste habituelle des consonnes, mais se rencontre néanmoins dans quelques mots tels que edzo « époux ». Elle peut être considérée comme un phonème marginal ou comme un groupe de consonnes.
  • j et ŭ comme semi-voyelles peuvent former le second élément de diphtongues phonétiques : aj, ej, oj, uj, aŭ, eŭ. D'un point de vue phonologique cependant, ces diphtongues s'analysent comme des combinaisons de phonèmes[réf. souhaitée]. Le ŭ se rencontre essentiellement ainsi, mais sert aussi à transcrire occasionnellement le [w] de mots étrangers, par ex. Ŭagaduguo : Ouagadougou.

Grammaire

La grammaire de l'espéranto se base sur seize principes énoncés dans le Fundamento de Esperanto, adopté comme référence intangible au premier Congrès Universel d'Espéranto de Boulogne-sur-Mer en 1905. Ils ne constituent cependant qu'un cadre dans lequel ont été progressivement dégagées des règles plus détaillées.

Substantifs, adjectifs et adverbes dérivés

Un mot se forme en ajoutant à un radical des morphèmes invariables signalant chacun un trait grammatical précis :

Le pluriel (-j) puis l'accusatif (-n) suivent la terminaison du substantif ou de l'adjectif, ce qui donne les terminaisons -oj, -ojn, -aj, -ajn. L'adjectif s'accorde en nombre et en cas avec le nom auquel il se rapporte.

L'accusatif a pour fonction essentielle de marquer le complément d'objet direct (Ili konstruas grandan domon « Ils construisent une grande maison »), mais indique aussi le changement de lieu, de position ou d'état (Mi iras Parizon « Je vais à Paris », ŝanĝi akvon en glacion « changer l'eau en glace »). Une particularité de l'espéranto est que dans cet emploi l'accusatif peut également s'ajouter à l'adverbe dérivé. Enfin, l'accusatif a également une fonction « joker » : de même que la préposition je, il s'emploie en cas de doute, ou pour remplacer une préposition, et marque alors simplement la dépendance syntaxique (tiu tablo estas longa je du metroj ~ tiu tablo estas du metrojn longa « Cette table fait deux mètres de long » ; oni pendigis lin kun la kapo malsupren ~ oni pendigis lin kapon malsupren « On l'a pendu la tête en bas »).[3]

L'ordre des mots n'intervient pas dans la distinction entre sujet et objet, entièrement assuré par l'accusatif. On a ainsi :

  • La patrino kisas la infanon. ~ La infanon kisas la patrino. ~ La patrino la infanon kisas. ~ La infanon la patrino kisas. ~ Kisas la patrino la infanon. ~ Kisas la infanon la patrino. : « La mère embrasse l'enfant »
  • La patrinon kisas la infano. ~ La infano kisas la patrinon. ~ La patrinon la infano kisas. ~ La infano la patrinon kisas. ~ Kisas la patrinon la infano. ~ Kisas la infano la patrinon. « L'enfant embrasse la mère. »

Les autres fonctions syntaxiques sont indiquées par des prépositions.

Comme l'anglais, l'espéranto ne connaît pas le genre grammatical, mais fait des distinctions de sexe dans son lexique. Dans ce cas, le féminin est marqué par le suffixe -in-, tiré de l'allemand (ex. frato « frère » ~ fratino « sœur », Franco « un Français » ~ Francino « une Française ») ; le masculin est non-marqué et peut s'employer comme épicène. <Cette distinction ne se fait que pour les êtres vivants de sexe déterminé. Par ailleurs, il ne faut pas confondre sexe et genre grammatical.>

Verbes

Les verbes se caractérisent par une série de marques qui forment une conjugaison mêlant des valeurs temporelles et modales :

  • -i pour l'infinitif,
  • -as pour le présent,
  • -is pour le passé,
  • -os pour le futur,
  • -us pour le conditionnel,
  • -u pour le volitif.

Ces terminaisons permettent d'exprimer n'importe quel concept sous forme de verbe : muziko « musique » → li muzikas « il joue de la musique », ĝoja « gai » → ĝoji « se réjouir ». Cette possibilité est notamment exploitée pour former des verbes d'état à partir d'adjectifs : « elle est belle » peut se dire aussi bien ŝi belas que ŝi estas bela.

Le conditionnel est le mode du fictif, de l'irréel ; il s'emploie aussi bien en proposition principale qu'en proposition subordonnée (Mi povus, se mi volus. « Je pourrais si je voulais. »). L'éventualité est plutôt rendue par le futur (Morgaŭ eble pluvos. « Il se peut qu'il pleuve demain./Il pleuvra peut-être demain. »).

Le volitif est le mode de l'expression de la volonté ; il correspond en français à l'impératif (Atendu ! « Attends !/ Attendez ! ») et à certains usages du subjonctif quand il exprime un désir, un souhait, une volonté, ou une exigence (Li venu. « Qu'il vienne. » Kien ni iru ? « Où faut-il que nous allions ? », Mi proponas, ke ni laboru kune. « Je propose que nous travaillions ensemble. »).

Le système verbal comporte également un série de participes présents, passés et futurs, marqués respectivement par -ant-, -int- et -ont- pour la voix active et -at-, -it- et -ot- pour la voix passive. Ils peuvent se combiner à l'auxiliaire esti pour former des temps composés qui expriment l'aspect progressif avec les participes présents, le passé récent avec les participes passés, le futur proche avec les participes futurs. En pratique, l'usage de ces temps composés est assez restreint, surtout à l'actif, la préférence allant à l'usage d'adverbes temporels.[4]

L'espéranto ne pratique pas la concordance des temps : Mi ne sciis, ke li venos. « Je ne savais pas qu'il viendrait. ».

La transitivité des verbes espérantos est généralement fixée, et il n'est pas possible de déduire régulièrement si un verbe formé par simple ajout des marques de conjugaison à un radical est ou non transitif. En revanche, deux suffixes permettent d'en modifier la valence : -ig- indique que l'on provoque une action et transforme un verbe intransitif en transitif (causatif), tandis que -iĝ- indique un changement interne et transforme un verbe transitif en intransitif (décausatif). Exemples[5] :

  • turni « tourner (quelque chose) » ~ turnigi « faire tourner » ~ turniĝi « tourner (faire un ou plusieurs tours) » ;
  • sidi « être assis » ~ sidigi « asseoir » ~ sidiĝi « s'asseoir » ;
  • blanki « être blanc » ~ blankigi « blanchir (rendre blanc) » ~ blankiĝi « blanchir (devenir blanc) ».

Par ailleurs, la préfixation d'une préposition aboutit généralement à transitiver un verbe intransitif :

  • naĝi « nager » ~ tranaĝi « traverser à la nage » ;
  • plori « pleurer (être en pleurs) » ~ priplori « pleurer (quelque chose) ».

D'autres affixes permettent d'exprimer diverses nuances d'aspect :

  • le préfixe ek- pour l'aspect inchoatif (action commençante, entrée dans un état) : dormi « dormir » ~ ekdormi « s'endormir » ;
  • le suffixe -ad- pour l'aspect duratif (action prolongée) : labori « travailler » ~ laboradi « travailler sans arrêt » ;
  • le préfixe re- pour l'aspect itératif (action répétée) : legi « lire » ~ relegi « relire ».

Mots-outils

Pronoms personnels et possessifs

La personne grammaticale s'exprime par la série suivante de pronoms personnels : mi « je », ni « nous », vi « tu/vous »[6], li « il », ŝi « elle », ĝi « il/elle » (pour les êtres vivants de sexe indéterminé et choses), ili « ils/elles/eux », oni « on ». Tous prennent la marque d'accusatif -n le cas échant. Les possessifs en dérivent par l'ajout de la marque d'adjectif -a : mia « mon, ma », nia « notre », etc.

Article

L'espéranto utilise l'article défini invariable la. Il n'y a ni article indéfini, ni article partitif.

Corrélatifs

L'espéranto utilise également comme déterminants un ensemble de pronoms-adjectifs assemblés systématiquement à partir d'une initiale et d'une finale caractéristiques :

D'autres finales produisent des adverbes circonstanciels : -e (lieu), -am (temps), -el (manière), -al (cause), -om (quantité). Les mots formés sur ces bases sont désignés collectivement comme corrélatifs ou (en espéranto même) tabel-vortoj[7].

Ainsi par exemple :

  • kiu signifie qui
  • ĉiu signifie chacun
  • neniu signifie personne
  • iam signifie un jour
  • ĉiam signifie toujours
  • neniam signifie jamais

Particules invariables

L'espéranto recourt également à diverses particules invariables dans l'organisation de la phrase : des conjonctions de coordination (kaj « et », « ou », do « donc », sed « mais »...) ou de subordination (ke « que », ĉar « parce que », dum « pendant que », se « si »...) qui précisent les rapports entre propositions, et des adverbes simples à valeur spatiale, temporelle, logique ou modale. En particulier, ne marque la négation, et ĉu marque l'interrogation globale.

Syntaxe de phrase

Comme en russe ou en latin, l'ordre des mots est très libre en espéranto. Le sujet, le verbe et le complément d'objet direct (marqué par l'accusatif) peuvent apparaître dans n'importe quel ordre ; le plus fréquent est l'ordre sujet-verbe-objet suivi du complément circonstanciel, mais l'usage d'autres dispositions est courant notamment en cas de mise en relief.[8] Il existe cependant certaines règles et tendances bien établies :

  • l'article défini se place au début du groupe nominal.
  • l'adjectif précède généralement le substantif.
  • les prépositions se placent au début du groupe prépositionnel.
  • les adverbes précèdent généralement l'expression qu'ils modifient.
  • les conjonctions précèdent la proposition qu'elles introduisent.

Certaines tendances expressives peuvent sembler peu communes par rapport à l'usage du français :

  • les prépositions sont volontiers préfixées au verbe, produisant des doublets entre formulation intransitive avec groupe prépositionnel et formulation transitive à verbe préfixé : Ni diskutos pri la afero ~ Ni pridiskutos la aferon. « Nous discuterons de l'affaire. »
  • un syntagme peut facilement se condenser en mot composé : Knabo kun bluaj okuloj. ~ Bluokula knabo. « Un garçon aux yeux bleus. »
  • l'emploi de l'adverbe dérivé est très étendu.

Du fait de l'absence de restriction sur la combinaison des monèmes, une même phrase peut se formuler de multiples façons sans nuire à la justesse de la compréhension :

  • Mi enigis ĉion en la komputilo. ~ Mi enkomputiligis ĉion. ~ Mi ĉion enkomputiligis. « J'ai tout entré dans l'ordinateur. »
  • Mi iros al la hotelo per biciklo. ~ Mi alhotelos bicikle. ~ Mi biciklos hotelen. « J'irai à l'hôtel à vélo. »
  • Mi iros al la kongreso per aŭto. ~ Mi alkongresos aŭte. ~ Mi aŭtos kongresen. « J'irai au congrès en voiture. »
  • Ni estas de la sama opinio. ~ Ni havas la saman opinion ~ Ni samopinias. « Nous sommes du même avis. »

L'espéranto peut ainsi alternativement se montrer synthétique ou analytique.

Vocabulaire

Sources lexicales

Bien qu'étant une langue construite, l'espéranto, tire ses bases lexicales de langues existantes (essentiellement indo-européennes) : C'est ce que l'on appelle une langue construite a posteriori. Les principales sources sont, dans l'ordre décroissant d'importance[9] :

Les mots provenant d'autres langues désignent surtout des réalités culturelles spécifiques : boaco « renne » (du same), jogo « yoga » (du sanskrit), haŝioj « baguettes (pour manger) » (du japonais), etc.

Les morphèmes grammaticaux doivent beaucoup au latin (participes en -nt- et -t-, nombreux adverbes et prépositions, série des numéraux) et dans une moindre mesure au grec ancien (j du pluriel, n de l'accusatif, conjonction kaj « et »). Une partie est construite a priori sans référence évidente à des langues existantes (le pronom personnel ĝi, le suffixe -uj- dénotant un contenant...), ou profondément remanié à partir d'éléments rappelant ceux de langues préexistantes, comme la série des corrélatifs.

Zamenhof a suivi diverses méthodes pour adapter ses sources lexicales à l'espéranto. Le plus grand nombre a été simplement adapté à la phonétique et l'orthographe de la langue, tantôt davantage à partir de la prononciation (ex. trotoaro du français trottoir; beleco « beauté » de l'italien bellezza ; ŝuo « chaussure » de l'anglais shoe et de l'allemand Schuhe), tantôt à partir de la forme écrite (ex. semajno « semaine », soifi « avoir soif » empruntés au français ; birdo « oiseau », teamo « équipe » empruntés à l'anglais). Lorsque plusieurs de ses sources comportaient des mots proches par la forme et le sens, Zamenhof a souvent créé un moyen terme (ex. ĉefo « chef », cf. français chef / anglais chief ; forgesi « oublier », cf. allemand vergessen / anglais to forget ; gliti « glisser », cf. français glisser / allemand gleiten / anglais to glide ; lavango « avalanche », cf. français avalanche / italien valanga / allemand Lawine ; najbaro « voisin », cf. allemand Nachbar / anglais neighbour).

Les radicaux sont parfois davantage altérés que que ne le nécessiterait la simple adaptation phonétique ou orthographique, [10] :

  • pour éviter d'avoir des radicaux homophones : lafo « lave (volcanique) » car lavi signifie « laver », pordo « porte » car la racine port appartient appartient déjà au verbe porti qui signifie « porter »
  • pour différencier plusieurs sens : pezi « peser (être pesant) » / pesi « peser (mesurer le poids) » du français peser, helico « hélice » / heliko « escargot » du latin helix
  • pour éviter des confusions avec des affixes ayant déjà un autre sens en espéranto : mateno « matin » (-in- marquant le sexe féminin), rigardi « regarder » (re- marquant la répétition)
  • pour abréger des mots longs : asocio « association », terni « éternuer ».

Le vocabulaire de l'espéranto comprenait quelques centaines de radicaux dans le Fundamento de Esperanto de 1905. En 2002, après un siècle d'usage, le plus grand dictionnaire monolingue espérantiste (Plena Ilustrita Vortaro de Esperanto), en comprend 16 780 correspondant à 46 890 éléments lexicaux.

Formation des mots

La formation des mots espéranto est traditionnellement décrite en termes de dérivation lexicale par préfixes et suffixes et de composition. Cette distinction est cependant relative, dans la mesure où les « affixes » sont susceptibles de s’employer aussi comme radicaux indépendants : ainsi le diminutif -et- forme l’adjectif eta « petit (avec idée de faiblesse) », le collectif -ar- forme le nom aro « groupe », le causatif -ig- forme le verbe igi « faire, rendre », etc.

Les deux principes essentiels de formation des mots sont :

  • l’invariabilité des radicaux : contrairement à ce qui peut se passer par exemple en français, la dérivation ne provoque aucune altération interne des monèmes (ce qui manifeste le caractère agglutinant de la langue) : vidi « voir », vido « vue », nevidebla « invisible »
  • l’ordre de composition où l’élément déterminant précède le déterminé : kantobirdo « oiseau chanteur » et birdokanto « chant d’oiseau », velŝipo « bateau à voile, voilier » et ŝipvelo « voile de bateau », centjaro « centenaire (= centième année) » et jarcento siècle « (= centaine d’années) ».

En théorie, il n’existe pas d’autres limites que sémantiques à la combinatoire des radicaux. Il en résulte un certain schématisme qui aboutit à la formation systématique de longues séries sur le même modèle, parfois sans équivalent direct dans d’autres langues. Par exemple :

  • à côté de samlandano « compatriote » et samklasano « camarade de classe », il existe samideano « partisan du même idéal » et samaĝulo « personne du même âge »
  • pour exprimer le fait de prendre une couleur, le français possède « rougir, jaunir, verdir, bleuir, blanchir, brunir, noircir ». L’espéranto possède comme équivalents respectifs ruĝiĝi, flaviĝi, verdiĝi, bluiĝi, blankiĝi, bruniĝi, nigriĝi mais le procédé y est illimité : griziĝi « devenir gris », oranĝiĝi « devenir orange », etc.
  • il est possible de former le contraire de n’importe quelle notion par le préfixe très fréquent mal- : ĝoja « gai » ~ malĝoja « triste », helpi « aider » ~ malhelpi « gêner », multe « beaucoup » ~ malmulte « peu », etc.[11]

Ce schématisme a pour effet de diminuer le nombre de radicaux nécessaires à l’expression au profit de dérivés, réduisant ainsi la composante immotivée du lexique. Le procédé pouvant parfois paraître lourd, la langue littéraire a cependant introduit quelques radicaux alternatifs à titre de variantes stylistiques : par exemple olda « vieux » peut doubler maljuna (formé sur juna « jeune ») ou malnova (formé sur nova « neuf, nouveau »). L’usage courant tend cependant à préférer les dérivés[12],[13],[14].

Le système de dérivation s’adapte aisément aux besoins en mots nouveaux. Ainsi, du mot reto (« réseau, filet »), on a extrait le radical ret- pour former tout un ensemble de mots liés à Internet : retadreso (« adresse de courriel »), retpirato (« pirate informatique »), etc. Il peut arriver qu’existe une concurrence entre un terme international emprunté tel quel et une création propre de l’espéranto par ses procédés internes de dérivation. Par exemple, kaligrafio « calligraphie » possède le doublet belskribo (de bela « beau » + skribo « écriture », par calque des éléments grecs du premier terme).

Exemples

Quelques mots de base

Mot Traduction Prononciation
Transcription phonétique selon l'usage de l'API. Transcription phonétique selon l'usage du français.
terre tero ˈte.ɾo ro
ciel ĉielo ʧi.ˈe.lo tchiélo
eau akvo ˈak.vo akvo
feu fajro ˈfaj.ɾo fayro
homme (être humain masculin) viro ˈvi.ɾo viro
femme (être humain féminin) virino vi.ˈɾi.no virino
manger manĝi ˈman.ʤi manedji
boire trinki ˈtrin.ki trineki
grand granda ˈgran.da graneda
petit (dans le sens inverse de grand) malgranda mal.ˈgran.da malgraneda
nuit nokto ˈnok.to nokto
jour tago ˈta.go tago
papa paĉjo ˈpa.tʃjo patchyo
maman panjo ˈpa.ɲo panyo

Texte analysé en constituants

La akcento estas sur la antaŭlasta silabo. La kernon de la silabo formas vokalo. Vokaloj ludas grandan rolon en la ritmo de la parolo. Substantivoj finas per -o, adjektivoj per -a. La signo de la pluralo estas -j. La pluralo delasta vortoestas "lastaj vortoj".

Substantifs - Adjectifs - Pluriel -Accusatif

Traduction : L'accent est sur l'avant-dernière syllabe. Le cœur de la syllabe est formé par une voyelle. Les voyelles jouent un grand rôle dans le rythme de la parole. Les substantifs finissent par -o, les adjectifs par -a. La marque du pluriel est -j. Le pluriel de « lasta vorto » (« dernier mot ») est « lastaj vortoj ».

Critiques de l'espéranto

Icône de détail Article détaillé : Critiques de l'espéranto.

Depuis ses débuts, l'espéranto a essuyé de nombreuses critiques :

  • Du temps de Zamenhof les consonnes ĉ, ĝ, ĥ, ĵ, ŝ et la voyelle ŭ posaient des problèmes avec les machines à écrire qui ne possédaient pas les signes diacritiques requis. Bien que presque toujours absentes des claviers (peu de claviers, comme le clavier canadien multilingue ou le clavier dvorak BÉPO[15] permettent de les taper sans rien ajouter à son système), ces lettres spécifiques à l'espéranto sont aujourd'hui prises en compte par l'Unicode et des programmes permettent de les taper sans gêne ;
  • l'existence du n en tant que complément, à savoir l'accusatif, étranger aux langues modernes d'origine latine et redondant par rapport à l'usage le plus fréquent (en espéranto) SVO ;
  • les genres, où le masculin est toujours radical. La plupart du temps, ce masculin est une forme neutre : bovo = « bœuf », bovino = « vache », virbovo = « taureau ». Consulter aussi Riisme ;
  • l'idée même d'une langue internationale, après l'échec cuisant du volapük, laisse les gens dubitatifs au sujet de l'espéranto ;
  • le reproche par certains que l'espéranto serait une langue trop européenne, ou pas assez proche du latin.

Intérêt pédagogique de l'espéranto

Selon une étude comparative de l'Institut de Pédagogie Cybernétique de Paderborn (RFA), 150 heures d'espéranto suffisent à un francophone pour atteindre un niveau qui en exige au moins 1500 en anglais et 2000 en allemand [16] [17].

Du point de vue de la graphie, l’espéranto fait partie des langues dites « transparentes » : comme pour le croate, l'espagnol, l'italien, le russe, le slovène ou le tchèque, la correspondance entre graphèmes et phonèmes est simple, stable et régulière. Une langue complètement transparente suit deux principes : à un phonème correspond une seule graphie ; à une seule graphie correspond un seul phonème. À l’opposé, les langues dites « opaques » comme le français ou l'anglais ont des règles de correspondance grapho-phonémique complexes et irrégulières.[18]

Un dyslexique utilisant une langue « opaque » devient souvent dysorthographique. Il est préférable de choisir l'apprentissage d’une langue transparente pour faciliter l'apprentissage des langues chez les enfants dyslexiques.[19]

D'autre part, l'espéranto peut aider grâce à sa construction signalant pour chaque mot un trait grammatical précis, à faire comprendre les liens entre la « fonction dans la phrase » et l'« orthographe grammaticale » de chaque mot.

Espéranto et militantisme

Icône de détail Article détaillé : Espéranto et militantisme.

L'espéranto donne lieu à un mouvement militant qui s'est notamment traduit par l'apparition en France de la liste Europe - Démocratie - Espéranto aux élections européennes de juin 2004. La liste a reçu 25 259 voix, soit environ 0,15% des voix exprimées. Elle se structure désormais au niveau européen[20].

Ce mouvement propose d'utiliser l'espéranto, de préférence à l'anglais, à la fois pour garantir une égalité de tous par rapport à la langue de communication internationale utilisée, pour préserver la pluralité linguistique et pour une plus grande efficacité.

Il s'appuie sur différentes études affirmant l'intérêt économique et politique que pourrait représenter l'utilisation de l'espéranto[21], tels que le rapport Grin, qui estime que son enseignement (en remplacement de l'enseignement des LV1 actuel) « se traduirait par une économie nette, pour la France, de près de 5,4 milliards d’Euros par année et, à titre net pour l’Europe entière (Royaume-Uni et Irlande compris), d’environ 25 milliards d’Euros annuellement. » [22].

L'UNESCO a fait plusieurs recommandations en faveur de l'espéranto.

L'espéranto a également été plusiers fois proposé comme candidat au Prix Nobel de la Paix notamment en 2008.

Variantes de l'espéranto

Ido et Riisme

Icône de détail Article détaillé : Évolutions de l'espéranto.

Il faut noter que Zamenhof lui-même proposa des modifications et des réformes, mais que celles-ci furent refusées par le comité Espéranto.

La volonté de corriger certains défauts de l'espéranto a poussé certaines personnes à créer des variantes telles que l'Ido ou à proposer des réformes importantes telles que le riisme.

La majorité des espérantistes est généralement hostile à ces évolutions trop fortes, de peur de diviser la collectivité entre réformistes et conservateurs et de diminuer la clarté de la langue. C'est pourquoi l'espéranto reste la plus utilisée des langues dites construites et a gardé sa stabilité interne.

Langue des signes espéranto

(eo) Signuno est une langue des signes codifiant l'emploi de l'espéranto. Il a pour but de permettre aux sourds d'origines diverses de bénéficier d'une grammaire simple et d'un vocabulaire plus vaste, afin de communiquer avec une grande fluidité. Outre les chiffres et les lettres, un signe spécifique est associé aux morphèmes les plus courants.

Combien de personnes parlent l'espéranto ?

Réponses habituelles et signification

La réponse la plus fréquente donnée à cette question est deux millions de personnes, comme, par exemple, dans la revue Ethnologue.[23]

En pratique, il est plus correct de dire que l'on ne sait pas exactement combien de personnes parlent l'espéranto et de situer ce nombre entre 100 000 et deux millions.

Cette question est souvent posée par les personnes qui découvrent l'espéranto pour la première fois. La réponse est supposée permettre de juger de la qualité et de l'utilité de l'espéranto. En pratique, une réponse précise à cette question n'apporte pas grand-chose. D'une part, c'est une évidence que, actuellement, l'espéranto est une langue peu utilisée (2 millions de personnes ne représentent que 0,03% de la population mondiale). D'autre part, il est tout aussi indéniable que l'espéranto est une langue construite qui a fait ses preuves aussi bien dans la durée que par le nombre de pays où elle est pratiquée (115 selon l'Ethnologue [23]).

En fait la réponse à cette question ne montre qu'une réalité politique, qui est qu'aucun pays ou groupe de pays n'a actuellement choisi d'utiliser l'espéranto. Si, un jour, l'Union Européenne décidait d'utiliser l'espéranto comme langue pivot, le nombre d'espérantophones augmenterait alors très rapidement.

L'espéranto comme langue maternelle

Au départ, la grande différence qui existe entre une langue construite et les autres langues vivantes, c'est que personne n'apprend une langue construite par ses parents. Maintenant que l'espéranto a plus d'un siècle d'existence, il existe un petit nombre d'espérantophones de langue maternelle. Cela arrive habituellement lorsque l'espéranto est la langue principale ou l'unique langue commune d'une famille internationale, mais parfois aussi dans une famille d'espérantistes convaincus.

Ethnologue estime qu'il y a de 200 à 2000 espérantophones de langue maternelle (denaskuloj), qui ont appris la langue de leur parents espérantophones depuis leur naissance.[23]

Le linguiste finlandais Jouko Lindstedt, expert en ce qui concerne les espérantophones de langue maternelle, estime ce nombre à 1000 personnes. [24] [25]

L'espérantophone de langue maternelle le plus connu est l'homme d'affaire George Soros. Il faut également signaler la jeune victime de l'holocauste Petr Ginz, dont le dessin « la terre vue de la lune » a été emporté dans la navette spatiale Columbia.

L'échelle de Jouko Lindstedt

Le linguiste finlandais Jouko Lindstedt, expert en ce qui concerne les espérantophones de langue maternelle, propose l'échelle suivante pour présenter les ordres de grandeur en terme de capacité à parler l'espéranto dans la communauté espérantophone :

  • 1 000 personnes ont l'espéranto comme langue maternelle
  • 10 000 personnes parlent l'espéranto couramment
  • 100 000 personnes utilisent l'espéranto de façon très active
  • 1 000 000 de personnes comprennent facilement l'espéranto
  • 10 000 000 de personnes ont étudié l'espéranto de façon plus ou moins approfondie à un moment donné

L'étude de Sidney Culbert

Une estimation du nombre personnes parlant l'espéranto a été faite par Sidney Culbert, ancien professeur de psychologie de l'Université de Washington, espérantiste, qui pendant vingt ans a comptabilisé dans de nombreux pays, les personnes parlant l'espéranto à l'aide d'une méthode par échantillonnage. La présentation la plus détaillée de la méthodologie utilisée se trouve dans une lettre qu'il a écrite en 1989 à David Wolff.[26]

Culbert est arrivé à une estimation de 1,6 millions de personnes parlant l'espéranto avec un niveau professionnel. Les travaux de Culbert ne concernaient pas que l'espéranto, ils faisaient partie de sa liste d'estimation des langues parlées par plus d'un million de personnes, liste publiée annuellement dans le World Almanac and Book of Facts. Comme dans l'Almanach, toutes ses estimations étaient arrondies au million le plus proche, c'est le nombre de deux millions d'espérantophones qui a été retenu et fréquemment repris depuis.

Culbert n'a jamais publié de résultats intermédiaires détaillés pour une région ou un pays particulier, ce qui rend difficile l'analyse de la pertinence de ses résultats.

Les contestations de Marcus Sikosek

Marcus Sikosek [27] a considéré que ce nombre de 1,6 million était exagéré. En effet, même en supposant une répartition uniforme des espérantophones dans le monde, 1 million d'espérantophones devrait se traduire par environ 180 espérantophones dans la ville de Cologne. Or, Sikosek n'y a trouvé que 30 personnes parlant couramment l'espéranto et de la même manière il a trouvé un nombre inférieur à ce qui était attendu dans plusieurs autres villes censées avoir une plus forte concentration d'espérantophones que la moyenne.

Il fait également remarquer que les différentes organisations espérantistes représentent un total d'environ 20 000 membres (d'autres estimations sont supérieures). Bien qu'il soit évident que de nombreux espérantophones ne sont membres d'aucune organisation espérantiste, il lui semble peu probable qu'il y ait 50 fois plus de personnes parlant l'espéranto que de membres de ces organisations

La culture espérantophone

Évolution de la pratique de l'espéranto

L’espéranto a longtemps été une langue plus écrite que parlée. Dès le début, toutefois, son usage oral a été assuré par les clubs d'espéranto, disséminés un peu partout en Europe, en Asie orientale et dans quelques pays d'Amérique. Les personnes intéressées s'y retrouvaient une fois par semaine ou par mois pour pratiquer la langue et accueillir des voyageurs étrangers qui l'avaient apprise. Au début du XXe siècle sont apparus de nombreux écrivains, hommes et femmes, poètes…, qui, ayant adopté l'espéranto comme langue de leurs écrits, lui ont donné sa littérature. Dans la résistance à l'occupation japonaise, des artistes coréens, notamment des réalisateurs qui seront à l'origine du cinéma nord-coréen, choisissent ainsi de se regrouper en 1925 dans une association ayant choisi un nom espérantiste : la Korea Artista Proletaria Federacio (KAPF), ou Association coréenne des artistes prolétariens.

Carte des hébergements proposés par le Pasporta Servo en 2005.
Carte des hébergements proposés par le Pasporta Servo en 2005.

En fait, l'usage oral de la langue, de la simple conversation à la musique, s'est surtout développé lorsque les voyages sont devenus plus accessibles et que les rencontres internationales espérantistes se sont multipliées. La mise en place de services d'hébergement chez l'habitant, comme le Pasporta Servo, et l'apparition de l'enregistrement sonore sur cassette, de même que les programmes de conversation téléphonique par ordinateur (VOIP), ont contribué à faire progresser l'utilisation orale de la langue.

Il faut également noter qu'avec l'accroissement du nombre de locuteurs, l'espéranto est devenu la langue maternelle d'enfants issus de couples espérantophones.

En défendant son idée à travers l’Europe, le Docteur Zamenhof s'est attiré la sympathie de nombreuses personnalités politiques, telles que Gandhi ainsi que la communauté international du Bahaïsme.

L'espéranto est très présent sur internet, et au 26 mars 2008, le nombre de pages de la Wikipédia espéranto était de [../../../../../eo/articles/s/t/a/Special%7EStatistics_969e.html 96 194] pages.

Les curieux pourront écouter, grâce au lien à droite, des extraits du discours de Zamenhof au Premier Congrès Universel d'Espéranto (wikisource), dits par Claude Piron et enregistrés lors du congrès de Boulogne de 2005 organisé pour célébrer le centenaire de ce Premier Congrès. Ces extraits sont reproduits et traduits dans la page de description du fichier.

Ce discours est typique du style de Zamenhof, empreint de naïveté pour ses détracteurs, d'un profond humanisme pour ses sympathisants.

Littérature

Livre en espéranto.
Livre en espéranto.

De nombreuses œuvres littéraires ont été écrites ou traduites en espéranto. Des livres (comme la Bible[28], Le Petit Prince[29] ou le Manifeste du parti communiste[30]) ont été traduits en espéranto ; les œuvres originales en espéranto sont également bien représentées.

Dans la série de romans de science-fiction Le Fleuve de l'éternité de l'écrivain Philip José Farmer, tous les humains ayant vécu sur la Terre sont ressuscités sur les rives d'un interminable fleuve. L'espéranto y devient rapidement de facto la langue de communication entre les riverains et Farmer l'utilise entre autres pour nommer certains États qui apparaissent au bord du fleuve.

Cinéma

Le cinéaste suisse François Randin produit des films qui sont parlés en espéranto et qui, chaque fois que ce n'est pas le cas, sont sous-titrés en espéranto afin de pouvoir être compris par tout le monde.

Incubus, de Leslie Stevens (1965) avec William Shatner dans le rôle principal, fut entièrement tourné en espéranto. Tous les acteurs ont appris les dialogues dans cette langue et le film n'existe qu'en VO espéranto (avec sous-titrages).

Dans le film de Charlie Chaplin Le Dictateur les plaques des magasins du ghetto juif sont en espéranto, décrite comme « langue juive internationale » par Hitler dans Mein Kampf.

Le film Idiot's Delight avec Clark Gable nomme quant à lui « Esperanto » une dictature européenne non identifiée, utilisant une langue neutre afin de n'offenser aucun pays. Une stratégie diplomate reprise dans Street Fighter (1994) et Blade Trinity (2005).

Il est aussi possible d'entendre de l'espéranto dans le film Bienvenue à Gattaca. En effet, les haut-parleurs de l'entreprise dans laquelle travaille le protagoniste de l'histoire, font les annonces d'abord en espéranto puis en anglais dans la version originale.

Musique

Dans son album HIStory, Michael Jackson exploite la sonorité à la fois internationale et exotique de l'espéranto, en prononçant quelques phrases dans cette langue.

Dans le jeu vidéo Final Fantasy XI, le thème principal Memoro de la ŝtono accompagnant la cinématique d'introduction, est chanté en espéranto.

La pochette de l'album OK Computer de Radiohead présente de nombreuses phrases, dont certaines en espéranto.

Utilisation du mot espéranto en tant que métaphore

Le nom espéranto fonctionne comme un nom propre quand il désigne la langue même, mais est parfois utilisé comme nom commun (dans une sorte d'antonomase) pour représenter une langue commune ou un moyen commun dans un domaine donné où cette mise en commun ne va pas de soi.

Cette utilisation du mot espéranto peut aussi bien être prise dans un sens positif que dans un sens négatif.

Dans le domaine de l'informatique, Java fut qualifié d'espéranto des langages de programmation[31], en particulier à cause de sa simplicité et de son universalité (indépendance par rapport au système d'exploitation), métaphore reprise pour XML, qualifié à son tour d'espéranto du système d'information[32].

En Allemagne et en Autriche, les opposants à l'euro le décrivirent comme Esperantogeld ou Esperantowährung (Geld = « argent » ; Währung = « Monnaie »)[33] voulant dire par là qu'un tel projet international était intrinsèquement voué à l'échec.

Annexes

Article audio
La Wikiversité possède des cours sur « Espéranto ».

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • André Cherpillod, Les Langues agglutinantes et l'espéranto, La Blanchetière, Courgenard, 1989.
  • Pierre Janton, L’Espéranto, 4e éd. Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Paris, 1994. (ISBN 2-13-042569-0)
  • Jacques Joguin, Parlons espéranto : la langue internationale, 2eéd. revue et corrigée, L'Harmattan, coll. « Parlons... » Paris, 2004. (ISBN 2-7475-0355-0)
  • Georges Kersaudy, Langues sans Frontières : à la découverte des langues de l'Europe, Éd. Autrement, Paris, 2001. (ISBN 2-7467-0125-1)
  • Michel Malherbe, Les Langages de l'humanité : une encyclopédie des 3000 langues parlées dans le monde, R. Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1995. (ISBN 2-221-05947-6)
    L'article sur l'espéranto (p. 809-817) décrit la langue.
  • Espéranto : une langue sans frontières, publications de l'École moderne française, 1993. Cahier BT nr 257. Références Beck499.99.
  • La barrière des langues : comment communiquer ?, publications de l'École moderne française, 1991. Cahier BT nr 355.

Historique

  • René Centassi et Henri Masson, L’Homme qui a défié Babel : Ludwik Lejzer Zamenhof, Ramsay, coll. « Le livre des mots », Paris, 1995. (ISBN 2-84114-114-4)
    Biographie du créateur de l'espéranto. On y trouve également quelques notions de grammaire.
  • Louis Couturat et Léopold Leau. Histoire de la langue universelle, Hachette, Paris, 1903. [lire en ligne]
    Traité présentant plusieurs dizaines de langues construites ou d'idées à leur sujet, de Descartes à Peano. Introduit la distinction entre systèmes a priori, systèmes mixtes et systèmes a posteriori. La reprod. en fac-sim. publiée par G. Olms, coll. « Documenta Semiotica », Hildesheim, New York, 2001 (ISBN 3-487-06885-0) contient aussi celle de la suite de cet ouvrage, Les nouvelles langues internationales (dont l'éd. originale non datée fut publiée à compte d'auteur), avec un appendice bibliographique par Reinhard Haupenthal.
  • Umberto Eco, La recherche de la langue parfaite dans la culture européenne, Seuil, coll. « Faire l'Europe », 1994. (ISBN 2-02-012596-X)
    Eco explore les tentatives faites par l'homme pour retrouver la langue originelle. Un chapitre (p. 366-380) est également consacré aux langues internationales auxiliaires (volapük et espéranto).
  • Jean-Claude Lescure, Un imaginaire transnational ? Volapük et espéranto vers 1880-1939. Dossier de candidature à l'habilitation à diriger des recherches. Sous la direction de M. le professeur Pierre MILZA. Institut d'études politiques de Paris, Cycle supérieur d'histoire du XXe siècle. Paris 1999. 886 p. (en 4 volumes)
  • François Lo Jacomo (dir. André Martinet), Liberté ou autorité dans l'évolution de l'espéranto, Université de Paris V (Thèse de 3e cycle en Linguistique), Paris, 1981, 384 p. Thèse publiée par l'auteur.

Dictionnaires et lexiques

  • André Cherpillod, Konciza Etimologia Vortaro de Esperanto, U.E.A., Rotterdam, 2003.
  • André Cherpillod, Etimologia Vortaro de la propraj nomoj, U.E.A., Rotterdam, 2005.
  • Michel Duc Goninaz, Vocabulaire Espéranto : laŭtema esperanta-franca vortareto, Ophrys, Gap, Paris, 1990. (ISBN 2-7080-0626-6)

Apprentissage

  • Zohra Mraihy et Thierry Saladin. L'Espéranto t.1 : L'essentiel et t.2 : La conversation, t.3 :L'imagier", Aedis, coll. « Petit guide », Vichy, 2005. (ISBN 2842592638, ISBN 2842592646 et ISBN 284259326X)
  • SAT-Amikaro, Nouveau cours rationnel et complet d'espéranto, Éditions SAT-Amikaro, 1981.
  • Jean Thierry, L'espéranto sans peine, Assimil, 1973.
  • Renée Triolle, Espéranto Express, Dauphin, Paris, 2006. (ISBN 2-7163-1310-5)
  • Gaston Waringhien, ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les lettres, 1re éd. Union espérantiste de France, Paris, 1946, 3e éd. l'Harmattan, Paris, 2001 (ISBN 2-7475-1564-8).
    Ouvrage pour comprendre les origines grammaticales et le vocabulaire de l'espéranto.

Apologétique

  • Vincent Cespedes, La Cerise sur le béton, Flammarion, Paris, 2002.
  • André Cherpillod, L'Espéranto, une valeur culturelle, une valeur pédagogique, La Blanchetière, Courgenard, 2005.
  • André Cherpillod, Une langue pour l'Europe ? Mais oui, La Blanchetière, Courgenard, 2003.
  • André Cherpillod, Espéranto ou Babel ? Faut choisir, La Blanchetière, Courgenard, 1995.
  • Mark Fettes, « Quelle langue pour l'Europe ? L'Europe subira-t-elle toujours la malédiction de Babel ? », traduction française parue dans Documents sur l'espéranto, n° 26 (1991), Universal Esperanto Association, Rotterdam et reproduite sur le site de Dominique Vasconi-Couturier de « Europe's Babylon : towards a single European language? » dans History of European Ideas, 13 (1991), p. 201-213. [lire en ligne]
    Analyse linguistique, culturelle et politique de différents candidats au rang de langue internationale, de l'anglais à l'espéranto en passant par l'anglais basic et l'interlingua. Prix Maxwell 1990.
  • Yvonne Lassagne-Sicard, Que vive la langue française et que vive l'espéranto !, Éd. Arcam, Paris, 1993. (ISBN 2-86476-386-9)
  • Claude Piron, Le Défi des langues : du gâchis au bon sens, Éd. l'Harmattan, Paris, 1994. (ISBN 2-7384-2432-5) [lire en ligne]
    L'auteur se penche sur les problèmes de communication internationale et analyse les différentes possibilités, notamment l'espéranto.
  • Claude Piron, Communication linguistique : à la recherche d'une dimension mondiale, SAT-Amikaro, Paris, 1992. [lire en ligne]

Critique

Témoignages

  • Maryvonne et Bruno Robineau, Et leur vie, c'est la terre : huit ans de nomadisme autour du monde, Ed. Opéra, , Nantes, 1995. (ISBN 2-908068-43-5)
    Ce couple raconte son voyage à la découverte du monde. Ils ont appris l'Espéranto, ce qui leur a permis de nombreuses rencontres. Également disponible en espéranto.

Notes

  1. Joguin 2001, p. 24
  2. [1], Hongrie et esperantophone
  3. Joguin 2001, p. 61-67
  4. Joguin 2001, p. 112-115
  5. Joguin 2001, p. 127-135
  6. La distinction T(u)-V(ous) n'existe pas en espéranto ; bien qu'il existe cependant une 2e personne du singulier, (ci) elle ne s'emploie réellement qu'en poésie. (Joguin 2001, p. 144)
  7. Littéralement « mots de tableau », d'après la forme sous laquelle sont souvent présentés ces outils grammaticaux.
  8. Joguin 2001, p. 106-107
  9. Janton 1994, p. 56
  10. Janton 1994, p. 57
  11. Voir aussi négation (linguistique)#En espéranto.
  12. Janton 1994, p. 85 et Joguin 2001, p. 260
  13. Création de termes (vortfarado)
  14. Quelques problèmes de la traduction
  15. Le site du clavier BÉPO
  16. Comment apprendre l'espéranto
  17. Rapport Grin, p. 81.
  18. G. Dehaene-Lambertz [2].sciences cognitives, Apprendre à lire avec les doigts, Médecine &enfance, septembre 2004.
  19. [3] ecoles.ac-rouen / Etablissement d'éducation motrice "Denis Cordonnier"
  20. Europe Démocratie Espéranto
  21. Voir par exemple [4]
  22. Rapport Grin, p. 7.
  23. abc http://www.ethnologue.com/show_language.asp?code=epo Gordon, Raymond G., Jr. (ed.), 2005. Ethnologue: Languages of the World, Fifteenth edition. Dallas, Tex.: SIL International. Online version: http://www.ethnologue.com/.
  24. Jouko Lindstedt, Native Esperanto as a Test Case for Natural Language, University of Helsinki - Department of Slavonic and Baltic Languages and Literatures, Janvier 2006, http://www.ling.helsinki.fi/sky/julkaisut/SKY2006_1/1FK60.1.5.LINDSTEDT.pdf
  25. Lindstedt, Jouko. "Re: Kiom?" (posting). DENASK-L@helsinki.fi, 22 avril 1996.
  26. Culbert, Sidney S. Three letters about his method for estimating the number of Esperanto speakers
  27. Sikosek, Ziko M. Esperanto Sen Mitoj ("Esperanto without Myths") Second edition. Antwerp: Flandra Esperanto-Ligo, 2003.
  28. (eo) L'article de la Wikipédia en espéranto sur la Bible contient des liens vers des version traduites.
  29. La Eta Princo : Le Petit Prince en espéranto.
  30. Manifesto de la Komunista partio, traduction de Detlev Blanke, Moscou, édition Progreso, 1990
  31. Java : l'espéranto des produits numériques ; Loukil R. et Mahé T. ; Industries et techniques ISSN 0150-6617 - 1998, no789, pp. 58-60 http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=10340334
  32. XML, l'esperanto du système d'information http://www.01net.com/article/166588.html?rub=1569
  33. L'euro, une monnaie 'esperanto' ? http://www.cafebabel.com/fr/article.asp?T=T&Id=10500