Engrais

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Les engrais sont des substances, le plus souvent des mélanges d'éléments minéraux, destinées à apporter aux plantes des compléments d'éléments nutritifs de façon à améliorer leur croissance et augmenter le rendement et la qualité des cultures. L'action consistant à apporter un engrais s'appelle la fertilisation. Les engrais font partie des produits fertilisants, avec les amendements.

La fertilisation se pratique en agriculture et lors des activités de jardinage.

Les engrais furent utilisés dès l'Antiquité, où l'on ajoutait au sol, de façon empirique, les phosphates des os (calcinés ou non), l'azote des déjections animales et humaines, le potassium des cendres.

Sommaire

[modifier] Histoire et rôle des engrais

Pour accomplir le processus de leur vie végétative, les plantes ont besoin d'eau, de près de vingt éléments nutritifs qu'elles trouvent sous forme minérale dans le sol, de dioxyde de carbone (CO2) apporté par l'air, et d'énergie solaire nécessaire à la synthèse chlorophyllienne.

Les égyptiens durant des milliers d'années ont utilisé les riches limons apportés par le Nil pour enrichir et entretenir les sols.
Divers amendements ont été utilisé dans le monde (des poissons enterrés sous le maïs en Amérique du Nord), les excréments humains et animaux.
Puis avec l'avènement de l'industrie chimique, charbonnière et pétrolière au 19ème siècle sont apparus des formes chimiques de plus en plus « pures » d'éléments de bases (N,P,K). Ces engrais chimiques en dépit de leurs effets immédiats sur la croissance n'ont pas été toujours facilement acceptés. par exemple, en 1858 (il y a un peu plus de 150 ans) dans le nord de la France, la presse locale rapporte qu'à l’approche des semailles « les agriculteurs sont harcelés par des marchands d’engrais qui prétendent que leurs concentrés chimiques sont plus efficaces que le fumier. La Société impériale d’agriculture, qui a effectué des essais, met en garde contre ces engrais concentrés, qui ne sauraient selon elle remplacer le fumier » [1]

Les engrais doivent apporter, en justes proportions :

Ces éléments secondaires se trouvent habituellement en quantité suffisante dans le sol, et ne devraient être ajoutés qu'en cas de carence, la plupart devenant toxique (à faible dose, au delà d'un seuil variant selon les éléments, certaines synergies entre éléments et avec le pH du sol).

Les plantes ont besoin de quantités relativement importantes des éléments de base. L'azote, le phosphore et le potassium sont donc les éléments qu'il faut ajouter le plus souvent aux sols pauvres ou épuisés par des récoltes intensives et se succédant sans jachères.

  • l'azote contribue au développement végétatif de toutes les parties aériennes de la plantes. Il est profitable à la plantation, au printemps au démarrage de la végétation et aux légumes feuilles mais il convient de le distribuer sans excès car ce serait au détriment du développement des fleurs, des fruits ou des bulbes. On trouve de l'azote dans le sang séché, dans les tontes de gazon ou dans le purin d'orties. Sous forme chimique (ion NO3- dit « nitrate »), il est particulièrement soluble dans l'eau, alors à l'origine de pollution azotée.
  • le phosphore renforce la résistance des plantes et contribue au développement racinaire. Le phosphore se retrouve dans la poudre d'os ou dans les fientes. En excès, il est un facteur d'eutrophisation de l'eau. Les engrais phosphorés chimiques peuvent contenir des radionucléides et du cadmium résiduel)
  • le potassium contribue à favoriser la floraison et au développement des fruits. Le potassium se retrouve dans la cendre de bois (qui peut aussi contenir des métaux lourds ou des radionucléides dans certaines régions).

le trio « NPK » constituent la base de la plupart des engrais vendus de nos jours. L'azote est le plus important d'entre eux, et le plus controversé à cause du phénomène de lessivage, lié la forte solubilité dans l'eau des nitrates. Par le procédé Haber-Bosch un pour cent de l'énergie consommée par les humains produit de l'ammoniac qui fournit la moitié de l'azote nécessaire à l'agriculture.

La chaux calcique est un amendement agricole et une source de calcium. La chaux dolomitique fournit du calcium et du magnésium. Le soufre est généralement présent en quantité suffisante dans le sol.

[modifier] Types d'engrais

Les engrais peuvent être de trois types: organiques, minéraux et organo-minéraux.

[modifier] Engrais organiques

Les engrais organiques sont généralement d'origine animale ou végétale. Ils peuvent aussi être synthétisés (urée par exemple).

Les premiers sont typiquement des déchets industriels tels que déchets d'abattoirs (sang desséché, corne torréfiée, déchets de poissons, boues d'épuration des eaux). Ils sont intéressants par leur apport d'azote à décomposition relativement lente, et par leur action favorisant la multiplication rapide de la microflore du sol, mais n'enrichissent guère le sol en humus stable.

Les seconds peuvent être des déchets végétaux (résidus verts), compostés ou pas. Mais ils peuvent être aussi des plantes cultivées spécialement comme engrais vert ou préparées dans ce but (purin d'ortie, algues). Ce sont aussi des sous-produits de l'élevage, tels que fumiers (composition de la plupart des fumiers : litière végétale et déjections - qui ne sont pas des matières animales mais des végétaux plus ou moins digérés), lisier, fientes, etc.

Le principe de l'engrais vert reprend la pratique ancestrale qui consiste à enfouir les mauvaises herbes. Elle s'appuie sur une culture intercalaire, qui est enfouie sur place. Quand il s'agit de légumineuses telles que la luzerne ou le trèfle, on obtient en plus un enrichissement du sol en azote assimilable car leur système racinaire associe des bactéries, du genre Rhizobium, capables de fixer l'azote atmosphérique. Pour rendre cette technique plus efficace, on ensemence préalablement les graines avec la bactérie associée.

[modifier] Engrais minéraux

Les engrais minéraux sont des substances d'origine minérale, produits soit par l'industrie chimique, soit par l'exploitation de gisement naturels (phosphate, potasse).

L'industrie chimique intervient surtout dans la production des engrais azotés, qui passe par la synthèse de l'ammoniac à partir de l'azote de l'air, moyennant un apport important d'énergie fournie par le gaz naturel (qui fournit également l'hydrogène). de l'ammoniac sont dérivés l'urée et le nitrate. Elle intervient également pour la fabrication des engrais complexes, qui sont constitués par des sels résultant de la réaction d'une base avec un acide. Les engrais composés peuvent être de simples mélanges, parfois réalisés par les distributeurs (coopératives ou négociants). On appelle ces mélanges du Bulk Blending.

On distingue les engrais simples (ne contenant qu'un seul élément nutritif) et les engrais composés (qui peuvent en contenir deux ou trois). L'appellation des engrais minéraux est normalisée, par référence à leurs trois principaux composants : NPK. Les engrais simples peuvent être azotés, phosphatés ou potassiques. Les engrais binaires sont notés NP ou PK ou NK, les ternaires NPK. Ces lettres sont généralement suivies de chiffres, représentant les proportions respectives des éléments. Les engrais chimiques produits industriellement contiennent une quantité minimale garantie d'éléments nutritifs, et elle est indiquée sur le sac.

Par exemple, la formule 5-10-5 indique la proportion d'azote (N), de phosphore (P) et de potassium (K) présente dans l'engrais, soit 5 % de N, 10 % de P2O5 et 5 % de K2O.
  • L'apport azoté est exprimé en azote N et est apporté soit sous forme de nitrate NO3, d'ammoniaque NH4 ou d'urée. Les contraintes de stockage de la forme nitrate incitent les distributeurs d'engrais à se tourner vers des formes ammoniacales uréïques.
  • Le phosphore est exprimé sous la forme P2O5 mais apporté sous forme de phosphates de calcium ou d'ammonium.
  • Le potassium est exprimé sous la forme K2O mais apporté par du chlorure, du nitrate et du sulfate de potassium.

[modifier] Engrais organo-minéraux

Les engrais organo-minéraux résultent du mélange d'engrais minéraux et d'engrais organiques.

[modifier] Composition des engrais

Quelques exemples d'engrais simples

  • l'urée (46% d'azote), le sulfate d'ammoniaque (SA, 21% d'azote), l'ammonitrate (AN, 33.5% d'azote) et le nitrate de chaux (CAN/NAC, jusqu'à 27% d'azote) ne contiennent que de l'azote (N);
  • le superphosphate simple (SP, 18% de phosphore) ou le superphosphate triple (TSP, 46% de phosphore) ne contiennent que du phosphore (P2O5)
  • le chlorure de potassium (60% de potassium) ne contient que de la potasse (K2O). Le sulfate de potassium (SOP, 50% de K2O) contient également 18% de soufre.

Parmi les autres engrais courants qui, outre les éléments nutritifs principaux, contiennent du soufre (S) on peut citer les engrais simples : sulfate d'ammoniaque ou SA qui a 24% de soufre et le SSP qui en a 12%.

Quelques exemples d'engrais composés

  • le phosphate diammonique contient à la fois N et P. Les formules les plus courantes sont le 18-46-0 et le 20-20-0.
  • le nitrate de potassium contient à la fois N et K.

[modifier] Application des engrais

Généralement, les engrais sont incorporés au sol, mais ils peuvent aussi être apportés par l'eau d'irrigation. Cette dernière technique est employée aussi bien pour les cultures en sol (traditionnelles), que hors sol (sur substrat plus ou moins inerte, tel que terreaux, tourbes, laine de roche, perlite, vermiculite, etc). Une autre technique particulière, la culture hydroponique, permet de nourrir les plantes avec ou sans substrat. Les racines se développent grâce à une solution nutritive -eau plus engrais- qui circule à leur contact. La composition et la concentration de la solution nutritive doivent être constamment réajustées.

Dans certains cas, une partie de la fertilisation peut être réalisée par voie foliaire, en pulvérisation. En effet, les feuilles sont capables d'absorber des engrais, s'ils sont solubles et si la surface de la feuille reste humide assez longtemps. Cette absorption reste toutefois limitée en quantité. Ce sont donc plutôt les oligo-éléments qui peuvent être apportés ainsi, compte tenu des faibles quantités nécessaires aux plantes.

Sur des sols acides, on peut procéder au chaulage pour augmenter le pH. Cette mesure augmente l'efficacité des engrais en favorisant l'assimilation par les plantes des éléments nutritifs présents dans le sol.

Les engrais doivent être utilisés avec précaution. Il est généralement suggéré

  • d' éviter les excès, car au-delà de certains seuils les apports supplémentaires non seulement n'ont plus aucun intérêt économique, mais en plus risquent d'être toxiques pour les plantes (en particulier les oligo-éléments), et de nuire à l'environnement ;
  • de maîtriser leurs effets sur l'acidité du sol ;
  • de tenir compte des interactions possibles entre les éléments chimiques ;
  • de tenir compte des limites imposées par les autres facteurs de production.

[modifier] Dose d'engrais

La dose d'engrais est la quantité d'engrais à apporter pour une certaine surface ou un certain nombre de plantes. Idéalement, la quantité apportée devrait

  • être suffisante pour couvrir les besoins de la plante (de façon à garantir le rendement, la qualité, le taux de croissance, voire la beauté, souhaités),
  • sans toutefois les excéder (de façon à limiter le coût de la fertilisation, ainsi que l'impact environnemental. Une dose trop élevée peut aussi endommager une culture).

L'utilisateur de fertilisants se basera souvent sur la notion de dose recommandée

La dose recommandée est la dose d'application suggérée par les instituts de recherche agricoles, publics ou privés, certaines associations ou ONG, ou par les entreprises de commercialisation. Elle va être donnée soit en terme de nombre de sacs à utiliser (avec indication des proportions NPK contenues dans un sac), soit directement en termes de quantité de chaque élément à apporter à l'hectare, ou en quantité à apporter par plante ou par trou de plantation.

Les doses recommandées varient en fonction de la culture, de la variété utilisée, du type de sol, du climat etc…

Quel est le moyen le plus simple de calculer la quantité des éléments nutritifs contenus dans un sac d'engrais?

Le moyen le plus simple est de diviser les nombres imprimés sur le sac de 50 kg par 2 et ceux marqués sur le sac de 25 kg par 4. Ainsi dans un sac de 50 kg dont la formule est 15-5-20, nous aurons les quantités suivantes d'éléments nutritifs:

15/2 : 7.5 kg N (quantité d'azote)

5/2 : 2.5 kg P2O5 (quantité de phosphate)

20/2 : 10 kg K2O (quantité de potassium)

Au total 20 kg d'élément pour un sac de 50 kg d'engrais.

Quelques exemples:

1. La recommandation est : application de 60 kg N par hectare sous forme d'urée, qui contient 45% de N. Combien de sacs prévoir?

46 divisé par 2 est égal à 23 : la division par 2 correspond au poids du sac : 50 kg. Chaque sac contient donc 23 kg d'azote.

60 divisé par 23 est égal à 2.6. Ainsi, à peu près deux sacs et deux tiers d'un sac du produit sont nécessaire pour couvrir un hectare

2.6 sacs*50 kg : un total de 130 kg d'urée, doit être appliqué par hectare.

2. Quelle quantité d'urée utiliser pour un champ de 500 m² ?

Si la superficie du champ est de 500 m² la quantité requise d'urée est un vingtième de celle pour un hectare soit 6½ kg (pour rappel, un hectare fait 100m * 100m (soit 10 000 m²).

3.Quand la recommandation est d'utiliser un engrais 60-30-30, que se passe-t-il si vous utilisez un engrais 15-15-15 ?

Si vous utilisez uniquement cet engrais, vous appliquerez

  • soit deux fois trop de phosphore et de potassium (perte économique et risque pour l'environnement)
  • soit seulement la moitié d'azote nécessaire (d'où carence)

Dans ce cas

  • soit achetez un engrais 60-30-30 pour fertiliser votre culture
  • soit n'appliquez que la moitié sous forme d'engrais 15-15-15, et achetez un autre engrais ne contenant que de l'azote simple.

[modifier] Effets sur l'environnement et la santé

L'utilisation des engrais entraîne deux types de conséquences qui peuvent comporter des risques sanitaires (atteinte à la santé de l'homme) ou des risques environnementaux (dégâts sur les écosystèmes).

Le risque sanitaire le plus connu est celui relatif à la consommation d'eau riche en nitrate (fertilisation en azote) par le nourrisson.

Le risque environnemental le plus cité est celui de la pollution de l'eau potable ou de l'eutrophisation des eaux, lorsque les engrais, organiques ou minéraux, sont répandus en trop grande quantité par rapport aux besoins des plantes et à la capacité de rétention des sols (fonction notamment de sa texture), et que les éléments solubles sont entraînés vers la nappe phréatique par infiltration, ou vers les cours d'eau par ruissellement .

Plus généralement, les conséquences de l'utilisation des engrais, qui peuvent comporter des risques et qui sont soumises à la critique, sont les suivantes :

  • effets sur la qualité des sols, leur fertilité, leur structure, l'humus et l'acitivité biologique ;
  • effets sur l'érosion ;
  • effets liés au cycle de l'azote et à la toxicité des nitrates dans les eaux potables ;
  • effets liés à la dégradation des engrais inutilisés, qui émettent des gaz à effet de serre (oxydes d’azote NO2 et N2O4) dans l’atmosphère ;
  • effets liés au cycle du phosphore ;
  • effets liés aux autres éléments nutritifs (potassium, soufre, magnésium, calcium, oligo-éléments) ;
  • effets liés à la présence de métaux lourds (cadmium, arsenic, fluor) ou d'éléments radioactifs (significativement présent dans les phosphates, et dans les lisiers de porc pour les métaux lourds) ;
  • effets sur les parasites des cultures ;
  • eutrophisation des eaux douces et marines ;
  • effets sur la qualité des produits ;
  • pollution émise par l'industrie de production des engrais ;
  • utilisation d'énergie non renouvelable ;
  • épuisement des ressources minérales ;
  • effets indirects sur l'environnement, du fait de la mécanisation pour l'agriculture intensive et les épandages.

[modifier] Consommation mondiale d'engrais

Entre 1972 et 1992, l'utilisation mondiale d'engrais est passée de 73,8 à 132,7 millions de tonnes. Au Canada, l'utilisation des engrais est passée de près d'1 million de tonnes en 1960 à environ 4 millions de tonnes en 1985, tandis que le pourcentage des terres ayant reçu des engrais est passé de 16% en 1970 à 50% en 1985.[2]

La consommation mondiale d'engrais s'est élevée à 141,4 millions de tonnes en 1999 (source FAO). Les principaux pays consommateurs sont les suivants (en millions de tonnes nutriments) :

Consommation des engrais
Pays Millions de tonnes
Chine 55.69
États-Unis 19,9
Inde 18,4
Brésil 5,9
France 4,8
Allemagne 3,0
Pakistan 2,8
Indonésie 2,7
Canada 2,6
Espagne 2,3
Australie 2,3
Turquie 2,2
Royaume-Uni 2,0
Viêt Nam 1,9
Mexique 1,8

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Avril 1858 (Journal L’Indépendant, repris à partir des archives par les éphémérides de la semaine du 31 mars au 6 avril 2008)
  2. C. de Kimpe, congrès "La recherche agronomique européenne dans le monde du XXIè siècle" à Strasbourg les 28 et 29 novembre 1996.