Droit local en Alsace et en Moselle

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Le Droit local en Alsace et en Moselle est un régime juridique créé en 1919 après la fin de la Première Guerre mondiale qui s'applique aux départements français du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle ; il est issu des dispositions suivantes :

  • des lois françaises d'avant 1870 non abrogées par l'administration allemande ;
  • des lois allemandes adoptées par l'Empire allemand entre 1871 et 1918 ;
  • des dispositions propres à l'Alsace-Moselle adoptées par les organes locaux de l'époque ;
  • des lois françaises intervenues après 1918 mais applicables aux trois départements.

D'autre part certaines lois françaises intervenues entre 1870 et 1918 n'ont pas été reprises en Alsace-Moselle après 1918.

Le choix entre le Droit local et le Droit général français s'est fait par un Commissaire de la République qui avait pour tâche de remettre l'Administration en route, ces dispositions étaient à l'origine conçues pour être temporaires (certains textes sont encore en allemand). La Loi du 1er juin 1924 les a rendues permanentes.

Sommaire

[modifier] Historique

Icône de détail Article détaillé : Alsace-Moselle.

Dès 1870, après la défaite de l'armée française sur le front de l'Est, les territoires qu'occupent les armées allemandes dans les régions (germanophones) des anciennes provinces de l'Alsace et de la Lorraine, sont intégrées à l'empire allemand. La signature du Traité de Francfort qui intervient le 10 mai 1871 entre la République Française (proclamée le 4 septembre 1870) et l'Empire allemand (proclamé dans la Galerie des glaces à Versailles le 18 janvier 1871) a fait l'objet d'âpres négociations. Outre le versement à l'Empire allemand d'une indemnité de guerre de 5 milliards de Francs-or cautionnée jusqu'à son versement via une occupation territoriale par les vainqueurs, il est convenu l'abandon à l'Empire germanique des départements alsaciens du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (sauf l'arrondissement de Belfort) ainsi que d'une partie des terres lorraines de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges. Les habitants de ces régions qui refusent de vivre sous un gouvernement allemand sont autorisés, sous certaines conditions, à opter pour la France et à partir. Après la signature du Traité, reconnu de jure par les autres Nations, il n'est juridiquement plus question de parler d'annexion pour ces territoires qui deviennent alors Terre d'Empire. Si les fonctionnaires français y sont remplacés par des fonctionnaires allemands et que les lois et règlements de l'Empire germanique y sont appliqués, la germanisation de la vie quotidienne des "alsaciens-lorrains" ne se fait pas de façon brutale (tout au moins dans les premières années). En 1911, l'Alsace-Lorraine devient d'ailleurs un Land allemand avec la création d'une constitution (Landtag).

De 1877 à 1914, l'Empire allemand modernise son Droit civil par différentes lois qui s'appliquent bien entendu à l'Alsace-Lorraine : la chasse, les caisses de maladies obligatoires, les Assurances obligatoires en accidents et invalidité vieillesse, les Chambres de Commerce, le Code professionnel, l'Aide sociale, le Domicile de secours, la Réglementation du travail des mineurs, le Repos dominical, les Assurances sociales.

Après l'armistice du 11 novembre 1918, et l'avancée des armées alliées jusqu'au Rhin, ces territoires redeviennent français "de facto" .

Avec la signature du Traité de Versailles le 28 juin 1919, et la réintégration de ces territoires dans l'État français se pose le problème du retour aux Lois françaises et particulièrement au Code civil français très en retard sur le code civil de l'Empire allemand. Les habitants de ces départements n'acceptent pas que le retour à l'État français provoque une régression, la perte de dispositions plus utiles ou avantageuses que celles prévues par le Code civil français. Les divergences de mentalité entre la France et l'Allemagne amènent à la non-acceptation de certaines Lois votées en France entre 1871 et 1918, le cas le plus connu étant la Loi de 1905 sur la Séparation de l'Église et de l'État ceci ayant pour conséquence le maintien du Régime concordataire en place.

Deux décrets du 25 décembre 1919 réintroduisent le Code pénal français mais en maintenant quelques dispositions du Droit local (donc du Droit précédent, celui de l'Empire germanique) portant principalement sur le Droit de chasse, la vie économique, le Droit communal et le Droit social.

Après beaucoup de tergiversations, deux lois du 1er juin 1924 (loi civique d'introduction et loi commerciale) entérinent ces dispositions locales.

Ce seront pratiquement les seuls textes à créer ce Droit local.

Il est remarquable de constater :

  • que le contenu de ce Droit local n'a jamais été publié au Journal officiel et que si des divergences d'interprétation survenaient, il était prévu que les juristes devaient se référer aux textes en allemand ;
  • que certaines dispositions du Droit de l'Empire germanique étaient très en avance sur l'époque ; par exemple, le droit civil général français n'a créé la faillite civile personnelle qu'un siècle plus tard;
  • que ce droit local est souvent appelé « Loi d'Empire de 1908 » alors que :
    • on oublie de préciser "d'Empire germanique" ;
    • la Loi de 1908 ne porte que sur une petite partie des nouvelles dispositions et ne constitue pas, à elle seule, le Code civil de l'Empire germanique qui a vu plus d'une dizaine de lois y ajouter des dispositions nouvelles entre 1877 et 1914.

Peu à peu, l'importance de ce Droit local diminue devant les nouvelles Lois générales françaises qui contiennent presque systématiquement une disposition les appliquant aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et comme donc au fil du temps, de nombreuses lois sont modifiées ou actualisées, le Droit local est loin d'être un droit figé. On estime aujourd'hui qu'il représente environ 5% du Droit applicable en Alsace-Moselle.

[modifier] Quelques dispositions spécifiques

[modifier] Jours fériés

En vertu d'une ordonnance du 16 août 1892, les Alsaciens et les Mosellans ont deux jours fériés supplémentaires : la Saint-Étienne (fêtée le 26 décembre) et le Vendredi saint (qui précède le dimanche de Pâques) dans les communes ayant une église mixte ou un temple protestant.

Le Préfet de Moselle en vertu du pouvoir que lui a confié la loi du 31 décembre 1989 peut, par arrêté, autoriser ou interdire l’ouverture des établissements commerciaux le Vendredi Saint et ceci de manière uniforme dans le département, indépendamment de la présence d’un temple protestant ou d’une église mixte dans les communes.

[modifier] Sécurité sociale

  • La Reichsversicherungsordnung de 1911 était une mutuelle complémentaire obligatoire. Aujourd'hui encore, le taux de base de la sécurité sociale alsacienne-mosellane est de 90 % (80% pour les médicaments remboursées à 35% ailleurs en France) et de 100% pour l'hospitalisation (pas de forfait journalier). Ce régime complémentaire est équilibré (alternance entre période déficitaire et excédentaire)[1] et payé uniquement par une cotisation sociale supplémentaire sur les salaires des alsaciens et mosellans (les fonctionnaires n'ont pas le droit à ce régime).
  • Le maintien de la rémunération en cas d'absence : comme dans certaines branches professionnelles dans le reste de la France, les Alsaciens et Mosellans ne souffrent pas du délai de carence de trois jours de la Sécurité sociale en cas d'absence pour maladie (disposition qui n'a été confirmée qu'en 2000 par la cour de cassation).

[modifier] La faillite civile

L'Alsace et la Moselle ont disposé d'un encadrement de la faillite civile pendant plus de 80 ans[2]; en effet, la possibilité était donnée aux débiteurs qui ne sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs de faire faillite.

[modifier] Les associations

Icône de détail Article détaillé : Association loi 1901.

Il y a quelques différences entre le reste de la France et l'Alsace-Moselle :

  • les associations sont régies par les articles 21 à 79-III du code civil local (on dit aussi parfois qu'elles relèvent d'une loi de 1908, par parallélisme avec la loi 1901, mais à tort puisque cette loi de 1908 n'était qu'une modification du dispositif antérieur, et n'est d'ailleurs plus en vigueur) ;
  • sept personnes sont nécessaires pour créer une association inscrite (et non deux) ;
  • l'inscription se fait au registre des associations du tribunal d'instance (et non à la préfecture ou à la sous-préfecture) ;
  • les associations peuvent dans certains cas avoir des activités à but lucratif, à condition de ne pas faire de concurrence directe à une entreprise.
  • les associations décidant de poursuivre un but lucratif (redistribution des bénéfices entre les membres), peuvent être soumises à l'impôt sur les sociétés.
  • la publication de l'inscription ne se fait pas au Journal officiel, mais dans un journal local (dit de publication légale).

[modifier] La religion

Voir Concordat en Alsace-Moselle

[modifier] L'artisanat

Le Code local des Professions - issu du Gewerbeordnung - régit l'artisanat.

Une activité est artisanale non pas lorsque l'entreprise qui l'exerce est de petite dimension (droit général : 10 salariés maximum), mais parce que le travail y est réalisé selon des méthodes non industrielles et en ayant recours de façon prépondérante à des salariés professionnellement formés.

L'apprentissage est soumis à un régime différent, il est beaucoup plus développé en Alsace-Moselle et peut être sanctionné par un diplôme spécifique : le Brevet de Compagnon.

[modifier] L'aide sociale

Selon la loi du 30 mai 1908, les communes sont obligées de secourir les personnes sans ressources. Actuellement les personnes ne bénéficiant pas du Revenu minimum d'insertion (RMI), notamment celles âgées de 16 à 25 ans, peuvent bénéficier de l'aide sociale. Chaque commune fixe un plafond de ressources en-deçà duquel l'aide est accordée, elle choisit également les formes de l'aide (en espèces, en nature, logement, nourriture, etc.).

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 l'a abrogée et a intégré des dispositions spécifiques dans le nouveau code de l'action sociale et des familles (articles L 511-1 et suivants).

[modifier] La chasse

En Alsace-Moselle, le gibier est un patrimoine à gérer (et non un res nullius du droit général).

Le droit de chasse est ainsi retiré au propriétaire foncier (sauf domaine d'une superficie supérieure à 25 ha) et administré par la commune qui procède tous les 9 ans à des adjudications.

Le droit de chasse est alors réservé à l'adjudicataire qui devra payer à la commune le loyer de la chasse et respecter un plan de chasse. Depuis la réforme du droit local de la chasse, intervenue en 1996, le locataire en place bénéficie d'un droit de priorité pour la relocation de son lot de chasse.

Il existe également une police de la chasse.

Le gibier est à gérer par les communes. Il est impossible d'interdire la chasse sur sa propriété (sauf si elle a plus de 25 ha). Les communes ont la possibilité d'interdire totalement la chasse sur leur territoire (comme dans le canton de Genève) si elles le désirent.

La réparation des dégâts est entièrement à la charge des chasseurs.

[modifier] Le livre foncier

La publicité foncière n'est pas, comme dans le reste de la France, assurée par le service de la conservation des hypothèques (service dépendant de la direction générale des impôts) ; en Alsace-Moselle, c'est le service du Livre foncier, présent dans chaque tribunal d'instance, qui est chargé de cette tâche. Un projet d'informatisation est en cours de réalisation, dont l'achèvement est prévu pour 2008.

[modifier] Le droit communal

Les communes ont plus de pouvoir, elles peuvent notamment appliquer une taxe sur les riverains sur les frais de premier établissement des voies communales taxe de riverains.

[modifier] Les pharmacies

Le numerus clausus pour la création d'une pharmacie est de 3500 habitants, alors qu'il est de 2500 à 3000 pour le reste de la France.

[modifier] Les chemins de Fer

Les trains roulent à droite, comme en Allemagne, tandis qu'ils roulent à gauche dans le reste de la France, comme en Angleterre. Cela nécessite l'installation de saut-de-mouton.

[modifier] Quelques dispositions abrogées ou modifiées

  • Les lois du 6 mai 1991 et du 16 juillet 1992 ont abrogé la loi locale du 30 mai 1908 en matière d'assurance en intégrant au Code des assurances plusieurs dispositions de cette loi pour les risques situés en Alsace et en Moselle. Néanmoins quelques dispositions restent encore en vigueur dans ces départements notamment en matière d'assurances incendie et en matière d'assurances de personnes. Les dispositions locales sont plus favorables à l'assuré en matières de règlement de sinistres en incendie ou elle intègre les frais de déblais dans sa totalité. La notion de règle proportionnelle est également très restrictive et ne peut pas être systématiquement appliquée. voir titre IX du Code des Assurances [1] . Dispositions particulières applicables aux départements du haut Rhin, Bas Rhin et Moselle.

[modifier] Lien externe

  1. [pdf]Le régime d'Alsace-Moselle
  2. La France vient de légiférer en faveur de celle-ci (auparavant la seule disposition juridique était celle de la commission de surendettement).