Droit de vote

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Droit de vote et d’éligibilité

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Le droit de vote est un des droits civiques de base dans une démocratie. Il permet aux citoyens d'un État d'exprimer leur volonté, par le biais d'un scrutin, et ainsi d'élire leurs représentants et leurs gouvernants ou de répondre à la question posée par un plébiscite ou un référendum.

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] La démocratie athénienne

Icône de détail Article détaillé : Démocratie athénienne.

Le premier régime politique pouvant se targuer du nom de démocratie est sans doute né dans la cité d'Athénes durant l'Antiquité. Le vote cependant ne fut pas immédiatement retenu comme mode de désignation des responsables politiques, on lui préféra d'abord des tirages au sort, on parle alors de stochocratie. Il faut attendre les réformes de Périclès au milieu du Ve siècle av. J.-C. pour voir l'apparition du droit de vote. Ce droit n'est alors accordé qu'aux citoyens, c'est à dire aux hommes nés de père athénien et d'une mère, fille de citoyen. Les esclaves et les femmes considérés respectivement comme des biens et d'éternelles mineures, ainsi que les métèques (étrangers) sont exclus de la communauté politique, comme dans la plupart des cités grecques. On peut estimer qu'il y avait 40.000 électeurs pour 250.000 habitants.

[modifier] Les démocraties scandinaves

[modifier] Islande

De 920 à 1800, l'Islande fut gouvernée par l'Althing, une assemblée générale regroupant les hommes libres propriétaires terriens de toutes les contrées d’Islande, qui exerçait le pouvoir législatif et judiciaire.

[modifier] Îles Féroé

Un Althing de même nature semble avoir été mis en place antérieurement aux Îles Féroé, il ne fut supprimé qu'en 1275, lors de l'annexion de l'archipel par la Norvège.

[modifier] Suède

A partir de 1719, le parlement suédois (Riksdag) est élu au suffrage universel (restreint), toutefois seuls les propriétaires de biens fonciers ont le droit de vote. Cette épisode (1718-1772) de parlementarisme démocratique est connue sous le nom d'Ère de la Liberté.

[modifier] Les cités-états de la Renaissance italienne

[modifier] La République de Saint-Marin

De l'an 1000 à la fin du XVIe siècle, la République de Saint-Marin a connu un système de démocratie directe limitée, avec une assemblée des chefs de famille appelée l'Arengo, qui exerçait le pouvoir législatif. Toutefois, dès le XIIIe siècle, trois institutions plus permanentes élues par l'Arengo furent instaurées, les capitaines-régents (chefs de l'État), le Conseil des XII (organe judiciaire et administratif) et le Conseil des LX (organe législatif, également dénommé Consiglio Grande e Generale), qui supplantèrent l'Arengo de 1571 à 1906. La réunion de l'Arengo de 1906 rétablit un régime électif, avec droit de vote limité aux chefs de famille et aux diplômés. De 1571 à 1906, le Conseil des LX, précédemment élu par l'Arengo, était renouvelé par cooptation, devenant une oligarchie, et était composé de 20 membres de chaque ordre (nobles, citadins et ruraux)[1]. Le droit de vote n'a été étendu aux femmes qu'en 1964, et l'éligibilité en 1973.

[modifier] La République de Venise

Dans la République de Venise, une assemblée populaire, l'Arengo, élisait le doge. L'Arengo fut remplacé en 1172 par un Grand Conseil (Maggior Consiglio) composé des membres des familles inscrites au Patriarcat. Tous les hommes de plus de 25 ans pouvaient y participer, à condition cependant de ne pas avoir épousé de roturière. L'aristocratie vénitienne se composait surtout d'armateurs, de négociants et de banquiers, dont les revenus se fondaient plus sur le commerce que sur la terre. Par la Serrata del Consiglio en 1297, l'accès au Grand Conseil fut restreint à ceux dont les ancêtres en avaient été membres[2].

[modifier] Les villes libres de l'Empire germanique

[modifier] Les cantons suisses

Avant la Constitution helvétique de 1798[3], qui abolit le suffrage censitaire, les cantons suisses connaissaient divers systèmes politiques, certains basés sur une démocratie directe (notamment les Landsgemeinde et les dizains dans le canton du Valais), d'autres sur l'oligarchie et la cooptation. A partir du XVIe siècle, le droit de bourgeoisie (limité aux propriétaires fonciers urbains) devient de plus en plus héréditaire, excluant les simples habitants ou résidents[4],[5].

[modifier] Restrictions au droit de vote

En général, le système électoral est passé par étapes d'un suffrage masculin et censitaire au suffrage universel. Chaque pays, et en son sein parfois chaque entité fédérée, a connu un rythme et des étapes différents.

[modifier] exclusion sur base de la fortune ou de l'imposition

Icône de détail Article détaillé : Suffrage censitaire.

[modifier] exclusion sur base de la propriété

Dans les pays de tradition anglo-saxonne, le droit de vote était lié à la propriété. L'application de ce concept allait jusqu'à accorder une voix supplémentaire à un propriétaire dans la circonscription où il possédait une propriété, au cas où il n'y résidait pas. Cette dernière spécificité existe encore actuellement pour les élections locales en Nouvelle-Zélande [6].

En Irlande du Nord, le droit de vote aux élections locales était limité aux propriétaires (qui bénéficiaient en outre d'un deuxième droit de vote s'ils possédaient une seconde maison autre que leur résidence) et aux locataires-bailleurs d'une habitation (tenants) et à leurs épouses, excluant donc les locataires de meublés (lodgers) ainsi que les enfants adultes vivant sous le toit parental. En 1961, plus du quart des électeurs qualifiés pour voter aux élections à la Chambre des Communes étaient privés du droit de vote aux élections locales et régionales [7]. L'abolition de cette discrimination en matière de droit de vote était une des revendications du Northern Ireland Civil Rights Association qui organisa des manifestations pour les droits civiques en 1968-1969, qui marquèrent le début de la guerre civile en Irlande du Nord. La législation nord-irlandaise sur le droit de vote aux élections locales fut par la suite alignée sur celle déjà en vigueur dans les autres parties du Royaume-Uni, et les premières élections locales au suffrage universel eurent lieu en mai 1973 [8].

[modifier] exclusion sur base de l'instruction

Icône de détail Article détaillé : suffrage capacitaire.

Dans le système de suffrage capacitaire, le droit de vote était accordé en reconnaissance d'un certain niveau d'instruction, vérifié par l'exigence de diplômes appropriés ou par un examen de connaissances, ou par l'exercice de certaines fonctions.

[modifier] exclusion sur base de la religion

En Angleterre et en Irlande, une succession de décrets imposant de prêter un serment d'allégeance avait abouti à ce que seuls les Anglicans avaient le droit de vote et d'éligibilité [9], les catholiques ne purent à nouveau voter qu'en 1788. Les Juifs ne pouvaient quant à eux même pas être naturalisés, une tentative de mettre fin à cette situation en 1753 (Jewish Naturalization Act de 1753) provoqua de telles protestations que la loi votée fut retirée un an plus tard. Par contre, une loi de 1740 autorisait les Juifs à être naturalisés dans les colonies britanniques.

Le droit d'éligibilité à la Chambre des Communes fut progressivement étendu aux protestants dissidents (nonconformists, c'est-à-dire méthodistes et presbytériens) en 1828, puis aux catholiques en 1829 (Catholic Relief Act 1829) et aux Juifs en 1858 (Jewish Disabilities Removal Act). Benjamin Disraeli (1804-1881), qualifié dans sa chronologie biographique officielle de "seul Premier ministre juif", n'avait pu entamer une carrière politique en devenant député en 1837 que parce qu'il avait été converti à l'anglicanisme à l'âge de 12 ans.

De même, les colonies britanniques de Nouvelle-Angleterre, y compris après leur indépendance et la création des États-Unis, ont progressivement étendu le droit de vote aux non-anglicans, puis aux non-chrétiens au XVIIIe et au XIXe siècle [10].

Ainsi, au Maryland, les catholiques furent exclus du droit de vote et d'éligibilité de 1718 à 1776, date à laquelle les quakers, qui bénéficiaient déjà du droit de vote, se virent reconnaître le droit à l'éligibilité. Ce n'est que le 26 février 1825 que le droit de vote et d'éligibilité y fut étendu aux Juifs [11]. La constitution de l'État de Caroline du Sud en 1778 mentionne clairement que "Nul ne sera susceptible de siéger à la chambre des représentants à moins d'être de religion protestante" [12].

Jusqu'en 1957, la province canadienne de Colombie-Britannique n'accordait le droit de suffrage aux Doukhobors, objecteurs de conscience comme les Mennonites et les Huttérites (une variété d'anabaptistes), que s'ils avaient servi en temps de guerre, ce qui revenait concrètement à les en exclure. C'est seulement en 1960, avec une première application aux élections fédérales de 1963, que les restrictions au droit de vote et d'éligibilité basées sur la "race" ou la religion furent levées au Canada (voir Droit de vote au Canada)[13].

La première constitution de la Roumanie moderne en 1866 (article 7) n'attribuait la nationalité roumaine qu'aux chrétiens. Les Juifs roumains furent donc déclarés apatrides. En 1879, sous la pression des puissances participantes au Traité de Berlin, l'article fut amendé pour permettre aux non-chrétiens de devenir roumains, mais en pratique il s'agissait d'une procédure de naturalisation individuelle d'une durée de dix ans, qui ne bénéficia qu'à un millier de Juifs roumains. Ce n'est qu'en 1923 qu'une nouvelle constitution fut introduite, dont l'article 133 étendit la nationalité roumaine à tous les résidents juifs, avec égalité des droits pour tous les citoyens roumains [14].

[modifier] exclusion sur base de la "race"

Aux États-Unis, le Naturalization Act de 1790, dans la foulée des diverses constitutions des États fédérés qui limitaient le droit de vote aux "blancs", limitait la possibilité de naturalisation pour les étrangers aux seules "free white persons", les personnes libres blanches, excluant ainsi les Afro-Américains et les Asio-Américains. Ce n'est qu'en 1868 que le XIVe amendement à la Constitution accorda la citoyenneté aux non-blancs, le droit de vote ne leur étant garanti qu'en 1870 par le XVe amendement. Toutefois, il faut attendre le Voting Rights Act de 1965 pour que soient déclarées hors-la-loi les législations des États du Sud qui avaient pour objectif d'exclure les Afro-Américains du droit de vote.

[modifier] exclusion sur base du sexe

Icône de détail Article détaillé : Droit de vote des femmes.

Les premiers territoires à avoir reconnu le droit de vote des femmes sont: les Îles Pitcairn en 1838, l'Île de Man en 1866 et le Wyoming en 1869. En 1918, en Grande-Bretagne, les hommes devaient avoir 21 ans et les femmes 31. Au Portugal, 1931, le droit de vote est accordé aux femmes diplômées de l'enseignement supérieur, les hommes eux, doivent uniquement savoir lire et écrire.

En France, le droit de vote n'a été étendu aux femmes que par l'ordonnance du 21 avril 1944 [15], aux "femmes de statut civil local" en Algérie française par le décret n° 58-568 du 3 juillet 1958 [16],[17].

[modifier] exclusion sur base de l'âge

Age de vote  ██ 16 ██ 17 ██ 18 ██ 19 ██ 20 ██ 21
Age de vote ██ 16 ██ 17 ██ 18 ██ 19 ██ 20 ██ 21

Les enfants sont généralement exclus. La limite de 18 ans est la plus courante avec des variations allant de 16 ans en Autriche, dans plusieurs Länder allemands, Brésil (vote obligatoire sauf entre 16 et 18 ans), Cuba, Nicaragua, l'Ile de Man, Guernesey et Jersey jusqu'à 25 ans en Ouzbékistan et, pour les sénatoriales, en Italie.

L'abaissement de l'âge de vote est encore en débat pour passer de 18 à 16 ans dans certaines entités politiques[18],[19]), l'âge exigé pour l'éligibilité reste souvent plus élevé.

En Autriche un mouvement nommé Kinderwahlrecht jetzt ! milite pour le «droit de vote dès la naissance». Il s'agit en fait d'accorder une voix supplémentaire aux parents. Cette mesure est présenté comme apte à rétabli l'équilibre entre les générations. Si le mouvement Kinderwahlrecht jetz est réputé proche des partis politiques conservateurs autrichiens, en Allemagne des personnalités comme Wolfgang Thierse (SPD) ou Antje Vollmer (Verts) ont affirmé être favorables à une mesure de ce type[20]. Une proposition similaire, associée à une forte baisse de l'âge de vote (les enfant bénéficieraient du droit de vote dès qu'ils en manifesteraient l’envie), a été proposée en Suisse. Elle a bénéficié d'un accueil favorable de la plupart des parti politiques à l'exception notable de l'UDC [21].

[modifier] exclusion des handicapés mentaux

En France, la loi du 11 février 2005 «pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées»,permet à un juge d'accorder le droit de vote aux personnes majeures placées sous tutelle. La loi du 5 mars 2007 «portant réforme de la protection juridique des majeurs» fait du droit de vote des personnes sous tutelle la norme, sauf avis contraire du juge.

[modifier] exclusion sur base de la fonction

Certains pays ont exclu ou excluent encore du droit de vote et/ou d'éligibilité certaines catégories de fonctionnaires (militaires, policiers).

En France, l'article 1er de la la loi du 27 juillet 1872 dispose que « les hommes présents au corps ne prennent part à aucun vote ». Les lois des 15 juillet 1889, du 21 mars 1905 et 31 mars 1928 confirment cette exclusion: « Les militaires et assimilés de tous grades et de toutes armes ne prennent part à aucun vote lorsqu'ils sont dans l'exercice de leurs fonctions ». Cette exclusion ne sera levée que par l'ordonnance du 17 août 1945 [22]. La loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires prévoit que les militaires peuvent se porter candidats aux différentes fonctions publiques électives. S'ils sont élus, ils sont placés en position de service détaché pendant la durée de leur mandat[23].

En Belgique, les policiers (mais pas le personnel civil, "personnel des cadres administratif et logistique") sont privés du droit d'éligibilité depuis la réforme des polices de 1998 [24]. Une loi de 1975 interdisait aux militaires (en ce compris donc les gendarmes avant la réforme des polices) toute participation « active ou publique » à la vie politique. Ils n'étaient donc pas autorisés à se porter candidats à une élection [23]. La législation a toutefois été modifiée ultérieurement, et aux élections communales de 2006 78 militaires étaient candidats [25].

En Allemagne, sous réserve d'en informer sa hiérarchie, un militaire a le droit d'être candidat à une élection politique. S'il est élu, il est placé dans une position statutaire particulière pendant la durée de son mandat [23].

Au Royaume-Uni, avant de faire acte de candidature, un fonctionnaire doit présenter sa démission du service public. En outre, en application de la loi sur l'inéligibilité à la chambre des communes de 1975, les hauts fonctionnaires, les juges, les ambassadeurs, les membres des forces armées et des forces de police, les membres rémunérés des conseils d'administration d'entreprises nationales, les membres des conseils d'administration d'entreprises privées nommés par le gouvernement, ainsi que les membres du conseil de la Banque d'Angleterre sont inéligibles [26].

[modifier] exclusion sur base de la nationalité

[modifier] exclusion des résidents étrangers

Icône de détail Article détaillé : droit de vote des étrangers.

[modifier] exclusion des naturalisés

Dans certains pays, les étrangers naturalisés ne peuvent exercer le droit de vote, et/ou d'éligibilité, qu'après un certain nombre d'années.

L’article 5 de la Constitution belge de 1831 prévoyait la distinction entre "naturalisation ordinaire" et "grande naturalisation". Il fallait avoir reçu la grande naturalisation pour être éligible à la Chambre des représentants ou au Sénat, pour devenir ministre ou pour prendre part aux élections parlementaires. Néanmoins, comme l’explique le juriste Delcour[27], "il suffit d’avoir obtenu la naturalisation ordinaire pour devenir électeur dans la commune". Ce n'est qu'en 1976, soit près d'un siècle et demi plus tard, que les naturalisés "ordinaires" et les personnes ayant acquis la nationalité par mariage se virent également reconnaître le droit de vote, mais non d’éligibilité, à toutes les élections. La distinction entre naturalisation ordinaire et grande naturalisation n’a été supprimée de la Constitution qu’en 1991 (Moniteur Belge 15/2/1991)[28].

En France, il y avait un délai après l’acquisition de la nationalité par naturalisation ou par mariage pendant lequel la personne n’avait pas le droit de vote et d'éligibilité, et l'accès à certains emplois, dix ans d'après la loi de 1889, cinq ans plus tard. Ainsi, en 1938, on ajoute à l'interdiction pour le naturalisé d'être élu, l'interdiction d'être électeur pendant cinq ans[29]. Ce délai, ainsi que d'autres discriminations envers les naturalisés, furent abolis en 1973 (loi du 9 janvier 1973) et 1983.

Au Maroc, seuls sont électeurs les naturalisés après un délai de 5 ans, ce qui constitue probablement un héritage juridique de la colonisation française[30].

En Guinée, autre état anciennement colonisé par la France, le code électoral de 1991 prévoyait que "les étrangers naturalisés ne sont éligibles qu'à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date du décret de naturalisation, sous réserve qu'ils résident en Guinée depuis cette date"[31]. Toutefois, en 1998 cette durée a été ramenée à 5 ans: "L'étranger ayant acquis la nationalité guinéenne ne peut être électeur, par conséquent ne peut être inscrit sur la liste électorale pendant un délai de cinq (5) ans à partir du Décret pour services exceptionnels rendus à l'État (Articles 90 et 91 du code civil)"[32]

[modifier] exclusion des binationaux

Certains pays, comme l'Australie et la Bulgarie, interdisent à toute personne détentrice d'une deuxième nationalité le droit de se présenter à une élection législative (ou présidentielle en Bulgarie).

Dans l'affaire Ganchev/BG 25.11.1996 (DR 87-A, 130), la Commission européenne des droits de l'homme a statué en 1997 que la possession d’une deuxième nationalité peut être un motif de privation du droit de siéger au Parlement [33].

L'alinéa (i) de la section 44 de la Constitution australienne précise que "Toute personne qui est soumise à toute reconnaissance d'allégeance, d'obéissance ou d'adhésion à une puissance étrangère, ou est un sujet ou un citoyen ou ayant droit aux droits ou privilèges d'un sujet ou d'un citoyen d'une puissance étrangère (...) sera incapable d'être choisi ou de siéger en tant que sénateur ou membre de la Chambre des représentants". En d'autres termes, une personne détentrice de la double nationalité ne peut être candidate à des élections fédérales. La Haute Cour, dans deux jugements (affaire Wood et affaire Cleary), a estimé que le candidat doit "entreprendre toutes les démarches raisonnables pour renoncer à sa double nationalité avant de se porter candidat", ce qui signifie in concreto qu'il est tenu à effectuer les procédures de renonciation à son autre nationalité dans les pays où cette possibilité existe, ou à fournir la preuve qu'il a demandé à y renoncer dans le cas où l'autre pays refuse cette possibilité. Suite à ces problèmes, la Commission des affaires légales et constitutionnelles de la Chambre des Représentants a émis diverses recommandations suite auxquelles le Département de l'Immigration et des Affaires Multiculturelles (DIMA) a créé une base de données sur les procédures de renonciation à la nationalité pour divers pays [34].

[modifier] exclusion sur base des condamnations judiciaires

Aux États-Unis et en Australie, avec des différences selon les états, les personnes condamnées, qu'elles soient en prison ou non, sont frappées d'interdiction de vote. C'est par exemple le cas de 13% des hommes noirs aux États-Unis. Dans d'autres pays, comme le Canada et la Belgique, les prisonniers ont par contre le droit de vote, mais certaines condamnations sont assorties de privation de celui-ci, y compris après la sortie de prison.

Dans son arrêt du 6 octobre 2005 concernant l'affaire Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [35], la Cour européenne des droits de l'homme a constaté que, parmi les pays membres du Conseil de l'Europe, dans dix-huit pays (Albanie, Allemagne, Azerbaïdjan, Croatie, Danemark, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Islande, Lituanie, Moldova, Monténégro, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovénie, Suède, Suisse, Ukraine) les détenus sont autorisés à voter sans aucune restriction, dans treize pays (Arménie, Belgique , Bulgarie, Chypre, Estonie, Géorgie, Hongrie, Irlande, Royaume-Uni, Russie, Serbie, Slovaquie , Turquie) tous les détenus sont frappés de l’interdiction de voter ou dans l’impossibilité de le faire, et dans onze pays (Autriche , Bosnie-Herzégovine , Espagne , France , Grèce , Italie , Luxembourg , Malte , Norvège , Pologne , Roumanie) le droit de vote des détenus peut se trouver limité d’une autre manière. En Roumanie, les détenus peuvent se voir interdire de voter si la peine principale est supérieure à deux ans d’emprisonnement tandis qu’en Lettonie, les détenus purgeant une peine dans un pénitencier n’ont pas le droit de voter. Quant au Liechtenstein, les détenus n’y jouissent pas du droit de vote.

[modifier] dans le contexte colonial

La France républicaine a pu s'accommoder sous la Troisième République de l'exclusion politique des "indigènes" de son empire colonial, qui n'ont pu accéder à la citoyenneté théoriquement pleine et entière que le 7 mai 1946, suite au vote d'une proposition de loi du député sénégalais Lamine Guèye, devenue Loi Lamine Guèye. La Constitution du 27 octobre 1946 (dite Constitution de la Quatrième République) a confirmé cette version française de l'édit de Caracalla[36].

Toutefois, ce n'est que dix ans plus tard, le 23 juin 1956, que la Loi-cadre Defferre concrétisa cette citoyenneté égale entre "indigènes" et "Européens" en supprimant le système du "double collège" et en élargissant le corps électoral à tous les habitants de nationalité française, sans limitation capacitaire, sauf en Algérie française, où le collège unique n'a été institué que sous le gouvernement Félix Gaillard par la Loi du 5 février 1958 relative aux élections en Algérie [16], suite à la Loi-cadre sur l'Algérie adoptée le 31 janvier 1958 [37]. La suppression du collège unique fut confirmée pendant la période de pleins pouvoirs du gouvernement de Gaulle par le décret n° 58-569 du 3 juillet 1958 [38].

La Belgique n'a accordé le droit de vote à ses sujets coloniaux du Congo qu'à partir de décembre 1957 à l'occasion d'élections de conseils d'arrondissements dans certaines villes, avec des communes "européennes" et des communes "africaines", puis d'élections provinciales [39].

Le Royaume-Uni a d'abord mis en place dans ses colonies des assemblées élues uniquement pour les colons, et a ensuite introduit progressivement des représentants, d'abord nommés puis élus, des indigènes et des résidents non-européens (Indiens du Kenya par exemple). C'est également le modèle suivi par les Pays-Bas dans les Indes néerlandaises.

[modifier] Sources citées

  1. Verter Casali, Schede di storia sammarinese - Le Istituzioni
  2. Ciro Cozzolino, La Repubblica di Venezia; voir aussi l'article République de Venise
  3. Andreas Kley, Droits politiques sous la République helvétique, l'acte de Médiation et la Restauration (1798-1830), Dictionnaire historique de la Suisse
  4. Rainer J. Schweizer, "Le droit de bourgeoisie au Moyen Age et à l'époque moderne", Dictionnaire historique de la Suisse
  5. Andreas Kley, Droits politiques sous l'ancienne Confédération (jusqu'en 1798), Dictionnaire historique de la Suisse
  6. Ratepayer Roll, Christchurch City Council; formulaire d'inscription sur le Non-resident ratepayer roll
  7. John Whyte 'How much discrimination was there under the Unionist regime, 1921-1968?', in Tom Gallagher and James O'Connell (eds.), Contemporary Irish Studies, School of Peace Studies, University of Bradford, Manchester University Press, 1983 [Version web (page consultée le 5 décembre 2007)]
  8. Brendan Lynn, Introduction to the Electoral System in Northern Ireland, CAIN Web Service [Version web (page consultée le 5 décembre 2007)]
  9. Disenfranchising Act de 1727 retirant le droit de vote aux "papistes" en Irlande, An Act for the further regulating the Election of Members of Parliament, and preventing the irregular Proceedings of Sheriffs and other Officers in electing and returning such Members, 1727, Test Acts de 1673 et 1678 pour l'éligibilité et l'accession à des fonctions publiques
  10. Chilton Williamson, American Suffrage. From property to democracy, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 1960
  11. Archives of Maryland, Volume 3183, Page 1670, An Act for the relief of Jews in Maryland, passed February 26, 1825 [lire en ligne (page consultée le 5 décembre 2007)]
  12. An Act for establishing the constitution of the State of South Carolina, March 19, 1778 [lire en ligne (page consultée le 5 décembre 2007)]
  13. Commission Royale d'Enquête sur le Bilinguisme et le Biculturalisme, L'apport culturel des autres groupes ethniques, Ottawa, 1969, vol.4, pp. 75-94
  14. Chronology - From the History Museum of the Romanian Jews; Hasefer Publishing House, The Romanian Jewish Community [lire en ligne (page consultée le 6 décembre 2007)]
  15. Assemblée nationale, « La citoyenneté politique des femmes - La décision du Général de Gaulle »
  16. ab Patrick Weil, « Le statut des musulmans en Algérie coloniale. Une nationalité française dénaturée. », in La Justice en Algérie 1830-1962, La Documentation française, Collection Histoire de la Justice, Paris, 2005, pp.95-109
  17. Daniel Lefeuvre, « 1945-1958 : un million et demi de citoyennes interdites de vote ! », mis en ligne le 26 mars 2003, Clio, numéro 1/1995, Résistances et Libérations France 1940-1945
  18. Kees Aarts et Charlotte van Hees, Abaisser l’âge de voter : le débat et les expériences européennes, Perspectives électorales, juillet 2003
  19. Carl Weiser, « Should voting age fall to 16? Several states ponder measure. », 18 avril 2004, The Enquirer. Consulté le 2008-01-05
  20. Les enfants autrichiens voteront-ils dès le berceau?, Joëlle Stolz in Le Monde du 25 novembre 2003
  21. Les bébés aux urnes, Julie Zaugg in Courrier international du 12 juillet 2007
  22. Plénitude de la République et extension du suffrage universel, sur le site de l'Assemblée nationale, accédé le 5 décembre 2007
  23. abc Les droits politiques et syndicaux des personnels militaires, Service des affaires européennes du Sénat, mai 2002 [Version web (page consultée le 5 décembre 2007)]
  24. Loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, article 134 "Sans préjudice des incompatibilités prévues dans des lois particulières et sauf lorsque l'intéressé se trouve en non-activité pour convenance personnelle, la qualité de membre du personnel du cadre opérationnel est incompatible avec l'exercice (...) 2° d'une fonction, d'une charge ou d'un mandat public"
  25. 78 militaires candidats pour les élections 2006, dépêche Belga, 20 septembre 2006 [Version web (page consultée le 5 décembre 2007)]
  26. Fonction publique et mandats électifs dans l'Union européenne, Études de législation comparée, Assemblée nationale, Mai 2006 [Version web (page consultée le 5 décembre 2007)]
  27. M.C. Delcour, Traité théorique et pratique du droit électoral appliqué aux élections communales, Louvain, Ickx & Geets, 1842, p.16
  28. Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999, 122p., ISBN 2872095551
  29. Patrick Weil, Nationalité française (débat sur la)", dans Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, Paris, PUF, 1995, p. 719-721
  30. Nadia Bernoussi, L’évolution du processus électoral au Maroc, 22/12/2005
  31. article L 128 du Code Electoral Guinéen - Loi organique L/91/012 du 23 décembre 1991 portant code électoral (partie législative)
  32. art. 3, al. 3, Loi Organique portant code électoral guinéen
  33. Franz Matscher, Rapport sur l'abolition des restrictions au droit de vote lors d'élections législatives, Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), Entériné par la Commission de Venise lors de sa 61e Session plénière (Venise, 3-4 décembre 2004) [lire en ligne (page consultée le 10 décembre 2007)]
  34. Pierre-Yves Lambert, Droit de vote, ethnicité et nationalité en Australie, site Suffrage Universel, [lire en ligne (page consultée le 10 décembre 2007)]
  35. affaire Hirst c. Royaume-Uni (no 2), 6 octobre 2005, Cour européenne des droits de l'homme. Consulté le 2007-12-10
  36. Le droit de vote des colonisés et des étrangers en France
  37. Félix Gaillard: la loi cadre pour l'Algérie, 12 janvier 1958, Office de radiodiffusion télévision française
  38. Commissions de contrôle des élections en Algérie
  39. Pierre-Yves Lambert, « "L'exercice de la citoyenneté dans un contexte colonial: le cas des deux Congo jusqu'en 1957" », janvier-février 1998, n°208, p. 51-62, Cahiers marxistes (Bruxelles). Consulté le 2007-12-10

[modifier] Bibliographie

[modifier] Générale

  • Le sacre du citoyen : histoire du suffrage universel en France ; Pierre Rosanvallon; Paris : Gallimard, 1992. (OCLC 27207064)
  • Explorez l'histoire du vote au Canada ; Ottawa : Élections Canada, 2000. (OCLC 49305501)

[modifier] Suffrage féminin

  • Femmes et citoyennes : du droit de vote à l'exercice du pouvoir ; Patricia Latour; Monique Houssin; Madia Tovar; Paris : Editions de l'Atelier/Editions ouvrières, 1995. (OCLC 34989828)
  • Les femmes et la politique : du droit de vote à la parité ; Jean-Louis Andréani; Paris : EJL, 2001. (OCLC 48514619)
  • Les femmes à l'Assemblée nationale : du droit de vote au partage du pouvoir ; Jacinthe Fortin; Marie-Hélène Lavoie; Québec, Québec : Secrétariat à la condition féminine : Assemblée nationale, Service de l'accueil et des renseignements, 1990. (OCLC 35016608)

[modifier] Liens externes