Droit au logement

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Plusieurs législations fondamentales mentionnent ou garantissent un droit au logement. Ce droit peut prendre différentes formes. Une question importante est le caractère opposable ou non de ce droit devant les tribunaux.

Le droit au logement est proclamé au niveau international dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui n'a pas de valeur juridique, à l'article 25-1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires »[1].

Il est mentionné dans des textes constitutionnels, ou à valeur constitutionnelle, en Espagne, en Finlande, au Portugal, en Grèce, en Suisse ...

Sommaire

[modifier] Le droit au logement en France

Le droit au logement est considéré comme découlant, en France, de la rédaction des 10e et 11e alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait partie de nos textes à valeur constitutionnelle :

10. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

Cité par la loi Quilliot du 22 juin 1982 (« Le droit à l'habitat est un droit fondamental ») puis par la loi Mermaz du 6 juillet 1989 [2], le droit au logement est l'objet principal de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement[3], dite loi Besson. Cette loi affirme que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». Ce droit ne signifie pas que la nation a l'obligation de fournir un logement à toute personne qui en fait la demande, mais qu'elle doit apporter une aide, dans les conditions prévues par ladite loi, aux personnes qui remplissent les conditions pour en bénéficier

Dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel avait considéré que « la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle »[4]. Enfin, la jurisprudence l'a rendu invoquable dans certains cas précis, notamment les nomades[5].

Le droit au logement est réaffirmé dans la loi du 31 mai 1990 par son article 1 : « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». La loi SRU du 13 décembre 2000 précise lui la notion de « logement décent ».


Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées propose dans ses rapports annuels[6] de rendre le droit au logement opposable devant les tribunaux. Au-delà de l'obligation de moyens imposée par la loi Besson, il y aurait donc une obligation de résultat : les groupements intercommunaux seraient responsables, par délégation de l'État, de la garantie du droit au logement. Cette idée a été reprise par le gouvernement actuel et plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2007 dont Ségolène Royal (inscrit dans le projet socialiste[7]) et Nicolas Sarkozy (en son seul nom[8]).


[modifier] Droit au logement opposable (DALO)

L'adjectif « opposable », dans son sens juridique, est apparu en 1845. Il signifie : « que l'on peut faire valoir contre autrui ». La revendication d'un droit au logement opposable a remplacé à partir de 2003 dans le discours politique celle d'une « Couverture logement universelle », prônée en 2001 par le Conseil national de l'habitat. Le droit au logement opposable permettrait aux personnes sans domicile de recourir auprès des autorités pour le faire appliquer, de manière d'abord amiable, puis juridictionnelle.

L'expression est apparue en 2002 dans un rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui proposait de créer « une obligation de résultat juridiquement opposable » pour le droit au logement.

A la suite de la plate-forme pour le droit au logement opposable élaborée en octobre 2003 sous l'égide d'ATD Quart Monde, une manifestation pour le droit au logement opposable a été organisée le 5 juin 2004 dans plusieurs villes de France. Une plate-forme nationale pour un DALO a été constituée autour d'ATD Quart Monde par 51 associations[9].

Le DALO est redevenu d'actualité notamment après les incendies mortels de l'été 2005 dans des immeubles abritant des mal-logés, comme boulevard Vincent-Auriol (26 août 2005). Une proposition de loi déposée le 28 septembre 2005 par Christine Boutin était restée sans suite[10]. En mai 2006, le gouvernement a annoncé le principe de l'expérimentation volontaire de ce droit par les collectivités locales, après proposition du Conseil national de lutte contre l'exclusion; expérimentation restée sans suite concrète à la fin 2006. Le gouvernement avait, en revanche, rejeté le DALO proposé par les parlementaires socialistes le 11 avril 2006, au cours des débats sur la loi Engagement national pour le logement; le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, ayant alors jugé cette initiative « prématurée et irréaliste »[11].

[modifier] Evolutions législatives de 2007

La médiatisation du droit au logement opposable est en grande partie liée à l'action débutée le 2 décembre 2006 de l'association Les Enfants de Don Quichotte qui a organisé un campement de tentes le long du canal Saint-Martin à Paris, repris avec une audience moindre dans une dizaine de villes de province[12].

Le projet de loi de 2007 demandé par le Président de la République le 31 décembre 2006, tel qu'ébauché par le député UMP Georges Fenech, prévoirait des « moyens convenables de logement », mais pas précisément un logement ; il interpelle la collectivité, mais l'imprécision de ce terme rend difficile d'identifier l'interlocuteur responsable : État ou une (laquelle ?) collectivité territoriale ?

Le texte instituant le droit au logement opposable entrerait en vigueur en deux étapes. Fin 2008, il concernera les personnes dans les situations les plus difficiles : sans domicile fixe, travailleurs pauvres, femmes isolées avec enfants, personnes en logement indigne ou insalubre. Le 1er janvier 2012, la loi concernera toute personne éligible aux logements sociaux[13] .

Malgré le manque de considération de sa ministre Catherine Vautrin (« poudre aux yeux »), répondant à l'émotion face aux difficultés de logement subies par des salariés précaires et à l'interpellation de nombreux responsables politiques[14], le président de la République Jacques Chirac a demandé lors de ses vœux du 31 décembre 2006[15] de faire voter un texte créant le DALO avant la fin de son mandat.

C'est ce qui fut fait avec la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, publiée au Journal officiel du 6 mars 2007[16].

Le comité de suivi de la mise en oeuvre du logement opposable a été mis en place le 5 juillet 2007 par le ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin en présence de son président, Xavier Emmanuelli. Il devrait être saisi des projets de décrets d'application, notamment de ceux relatifs à la mise en place du recours administratif préalable à la saisine du tribunal[17].

[modifier] Les bénéficiaires de la loi

Pour pouvoir bénéficier du droit à un logement décent et indépendant garanti par l'État, il faut en premier lieu :

- être de nationalité française, ou résider sur le territoire français de façon régulière et dans les conditions de permanence qui seront définies par décret ;

- ne pas être en mesure d'accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant et de s'y maintenir ;

- avoir déposé une demande de logement social (HLM) et disposer d'une attestation d'enregistrement départementale de cette demande ("numéro unique").

[modifier] Les étapes de la procédure

La démarche s’articule en 3 étapes :

- Remplir un formulaire - Examen de votre situation par la commission de médiation. - Si la commission juge la demande recevable, le préfet est chargé de trouver un logement. S’il n’y parvient pas, un recours devant le tribunal administratif est possible.

Vérifiez que votre demande est recevable et envoyez le formulaire (disponible à la préfecture de votre département et sur son site internet) au Secrétariat de la commission de médiation du droit au logement de votre centre administratif départemental. Dès lors qu’il s’agit d’un dossier complet, un accusé de réception par le secrétariat de la commission vous sera communiqué.

Délais de réponse

- Pour un logement :

Lorsqu’elle est saisie d’une demande de logement, la commission de médiation rend sa décision dans un délai de 3 mois au plus à compter de l’accusé de réception du dossier.

- Pour un hébergement :

Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’accueil dans une structure d’hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, la commission rend sa décision dans un délai de 6 semaines à compter de l’accusé de réception de cette demande.

- Notification de la décision

La décision de la commission de médiation est notifiée à l’intéressé(e) par écrit. Si la commission considère que le demandeur n’est pas prioritaire, elle en indique les motifs.

Le demandeur désigné comme prioritaire par la commission de médiation et qui n’aura pas obtenu de proposition de logement ou d’hébergement à l’issue du délai de réponse accordé au préfet pourra, à partir du 1er décembre 2008, engager un recours contentieux devant le tribunal administratif pour faire valoir son droit au logement ou à l’hébergement[18].

[modifier] Réactions à la loi sur le DALO

Pour Martin Hirsch (Emmaüs-France), « il ne suffit pas de le proclamer pour le faire ». Il faut, selon lui, d'abord « privilégier les logements très sociaux et privilégier la solidarité entre les villes pauvres et les villes riches » et « accepter qu'il y ait des gens de milieux défavorisés à côté des quartiers plus aisés ». Il est rejoint en ce sens par le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Patrick Doutreligne : la prise de position de Jacques Chirac est « positive, mais il faut attendre, pour que cela ne soit pas juste un slogan »[19].

Le Secours Catholique s'est « réjoui » mais « sera attentif au suivi et à la mise en application de ces mesures en 2007, et s’engage à faire partie du comité de suivi de ce programme »[20].

Pour l'ancienne ministre du Logement PS Marie-Noëlle Lienemann : « Cette opposabilité doit être universelle et ne saurait se limiter à un droit à l’hébergement. En effet, les mal-logés ne sont pas seulement les SDF, qui, bien sûr, doivent immédiatement se voir offrir un hébergement permanent et durable en vue d’obtenir un logement. Mais, il faut, aussi, répondre à toutes celles et ceux qui vivent dans un habitat insalubre, ou entassés dans des logements trop exigus, qui subissent une cohabitation forcée, etc. Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’obligation de résultats ne sera atteinte qu’au prix d’importants moyens consacrés au logement (...) ».

Ségolène Royal, bien qu'elle approuve le principe de ce droit, estime, compte tenu de la pénurie d'habitations à loyers accessibles, que la réforme du gouvernement « n'est pas applicable ». « C'est une forme de tromperie »[21]. Dans un discours du 11 février 2007 devant les militants socialites, François Hollande a tourné en ridicule la reconnaissance du droit opposable par le gouvernement pour son irréalisme.

Le vice-président de la Région Île-de-France chargé du logement Jean-Luc Laurent (MRC) y voit lui aussi le risque d'un leurre par « une nouvelle défausse de l'État vers les collectivités locales ». Si la région IDF demande depuis à être reconnue autorité organisatrice, « nous ne sommes prêts à accepter cette nouvelle compétence que si l'État transfère tous les moyens financiers correspondants »[22].

Suite à la proposition de Jacques Chirac, l'UMP est devenue un soutien du DALO : « la pénurie de logements puisse devenir une cause de plainte en justice de manière à débloquer un certain nombre d'initiatives à la fois locales et nationales en faveur du logement car il existe aujourd'hui encore trop de freins », mais « l'idée est de libérer les initiatives et certainement pas de créer du conflit. » L'UMP déclare : « Promouvoir une France des propriétaires. »[23]

Jean-Marie Le Pen (FN) a dénoncé le DALO : « Le droit au logement opposable, c'est une violation très directe du droit de la propriété, qui est non seulement garanti dans la Constitution mais qui est même un des quatre droits de l'homme de la Révolution de 1789. »[24]

« Le droit au logement opposable, c'est une très belle idée, sauf que c'est très dangereux pour notre pays », a jugé Guillaume Peltier pour le MPF. « Ça va faire glisser la société française vers une société de la dépense publique: qui va payer ? »[25]

Pour Vincent Bénard, analyste à l'Institut Turgot, le droit opposable au logement est un « droit sans contrepartie » qui entretient l'idée fausse que l'État peut apporter une réponse à tout. La loi DALO étendrait le logement social à des limites telles que l'État serait de toute façon incapable d'y répondre étant donné sa situation financière ; Bénard[26] considère que le problème essentiel est celui de l'offre insuffisante de logements qui ne peut être réglé que par une libération des contraintes pesant sur le foncier avec, entre autres, les plans locaux d'urbanisme, comme le reconnait Bernard Seillier, rapporteur au Sénat du projet de loi DALO[27]. Pour Bénard, la crise actuelle du logement est due à cette trop forte intervention de l'État qui dissuade le marché de répondre à la demande existante.

[modifier] Mise en oeuvre de la loi DALO

Le 20 mai 2008, le tribunal administratif de Paris a reconnu le droit opposable au logement (DALO) dans une ordonnance rendue au bénéfice d'une famille mal logée qui contestait le rejet de son dossier par la préfecture. [28]

[modifier] Le droit au logement au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, le Housing Act de 1977 impose aux communes de fournir un logement permanent aux personnes dans le besoin. Toutefois ce droit est soumis à certaines conditions qui en limitent l'application, telles que la démonstration par le demandeur de sa « bonne foi » ou son appartenance à certaines catégories « prioritaires ».

En Écosse, le Parlement d'Édimbourg a adopté en 2003 le Homelessness Scotland Act[29], loi qui supprime les conditions restrictives du Housing Act et organise la mise en œuvre d'un droit au logement opposable devant les tribunaux d'ici à 2012. À cette date, tout Écossais pourra saisir les tribunaux pour obtenir un logement permanent des autorités locales.

Pour Gavin Corbett, de l'association Shelter Scotland «Tout montre aujourd'hui que priver une partie de la population de logement à cause d'un endettement ou d'un comportement préjudiciable est contre-productif. Et qu'au bout du compte, une telle politique coûte plus cher en services sociaux ou en frais de justice.»[30]

[modifier] Droit viager au logement

Il s'agit du droit légal qu'a un époux sur le logement conjugal quand son conjoint décède afin qu'il puisse continuer à y vivre.


[modifier] Notes et références de l'article

  1. Le logement social (2000-2005) , La défense du droit au logement - Vie-publique.fr
  2. Texte intégral: http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/ACECQ.htm
  3. Loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement
  4. La défense du droit au logement , Lutte contre l’insalubrité - Vie-publique.fr
  5. J5XCX2003X12X000009802526
  6. Voir par exemple le rapport 2003 : [pdf] Droit au logement : construire la responsabilité, Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, 2003.
  7. Toute l’actualité politique par le parti socialiste » Blog Archive » Le droit au logement opposable doit être universel
  8. UMP - S'informer - Discours - Réunion publique - Périgueux - 12 octobre 2006
  9. Texte téléchargeable sur http://www.atd-quartmonde.asso.fr/article.php3?id_article=190
  10. N° 2541 - Proposition de loi de Mme Christine Boutin instituant un droit au logement opposable
  11. Le droit au logement opposable doit être universel, Thierry Repentin, L'Hebdo du Parti socialiste, 4 janvier 2007
  12. émission Arrêt sur images, France 5, 14 janvier 2007
  13. Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement - Discours de Brice Hortefeux devant l’Assemblée nationale
  14. Par exemple, l'ancienne ministre du Logement Marie-Noëlle Lienemann http://www.marie-noelle-lienemann.eu/article/articleview/5872/1/916/
  15. Vœux aux Français: allocution du Président de la République
  16. Texte de la Loi du 5 mars 2007
  17. Source : Réponse ministérielle à question écrite du sénateur Thierry Repentin, publiée au JO Sénat du 23/08/2007 - page 1484.
  18. Faire valoir votre droit au logement
  19. Logement : Droit au logement opposable : "il ne suffit pas de le proclamer" - France
  20. Le Secours Catholique se réjouit de l'annonce d'un changement radical dans l'accueil des personnes à la rue - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
  21. Selon Mme Royal, l'État doit vendre des terrains à moitié prix pour construire du logement social, Bertrand Bissuel et Isabelle Mandraud, Le Monde, 21 janvier 2007
  22. La Tribune, page 29, 9 janvier 2007
  23. Conférence de presse de Valérie Pécresse du 2 janvier 2007 http://fr.news.yahoo.com/070103/226/5cmlb.html
  24. /http://fr.news.yahoo.com/03012007/5/jean-marie-le-pen-denonce-le-droit-au-logement-opposable.html
  25. http://fr.news.yahoo.com/04012007/5/pour-le-mpf-le-droit-au-logement-opposable-est-tres.html
  26. Thèse développée dans Le logement : crise publique, remèdes privés, Romillat, 2007, ISBN 2878941365
  27. Le débat du jour, Radio France Internationale, 3 janvier 2008
  28. Le droit opposable au logement reconnu pour la première fois, nouvelobs.com, 20 mai 2008
  29. (en) Homeless Scotland Act, Office of Public Sector Information, Royaume-Uni. Voir aussi (fr) [pdf] http://www.snl-union.org/fiche/Ecosse_logem.pdf
  30. L'Ecosse providentielle pour ses mal-logés

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

Bibliographie

  • Romain Graëffly, Aspects administratifs de la Loi N°2007-290 du 5 mars 2007 « instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale », article publié dans le N°7/2007 (étude 12) de la revue Droit administratif publiée par lesd éditions Jurisclasseur LexisNexis

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