Denis Diderot

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Denis Diderot
Diderot par Louis-Michel van Loo, 1767.
Naissance 5 octobre 1713, Langres
Décès 30 juillet 1784, Paris
Activité Écrivain, philosophe, encyclopédiste,
Nationalité France France
Langue français
Mouvement Lumières

Denis Diderot, né le 5 octobre[1] 1713 à Langres et mort le 31 juillet 1784 à Paris, est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français.

Diderot fut un des grands animateurs intellectuels du XVIIIe siècle par sa curiosité, sa vaste culture, sa connaissance des langues, son esprit critique et sa force de travail.

Sommaire

Biographie

La jeunesse (1713-1742)

Denis Diderot nait à Langres, dans une famille bourgeoise en 1713. De 1723 à 1728, il suit les cours du collège jésuite proche de sa maison natale. A douze ans, il envisage la prêtrise et, le 22 août 1726, reçoit la tonsure de l'évêque de Langres.

En 1728, il part étudier à Paris, peu intéressé par les perspectives de la province, l'entreprise familiale et la carrière écclésiastique à laquelle son père le destine.

Les quatre années suivantes de sa vie sont mal connues. Il suit sans doute des cours au Lycée Louis-le-Grand ou au collège d'Harcourt. On le retrouve en tout cas en 1732, diplômé maître ès art de l'université de Paris. Il semble ensuite suivre des cours de théologie à la Sorbonne (1735) mais le doute s'installe, la foi s'étiole. En 1736-1737 il travaille comme commis, donne des cours, vit d'expédients, au désespoir de son père. Ses occupations prennent progressivement une tournure plus littéraire.

Les premiers écrits (1743-1749)

Au début de l'année 1743, s'opposant à son mariage, son père le fait enfermer quelques semaines dans un monastère près de Troyes. Il s'en échappe et en novembre épouse secrètement Anne-Antoinette Champion (1710-1796). Ce mariage ne sera pas heureux : Diderot est infidèle (sa première liaison, avec Madeleine de Puisieux est attestée en 1745) et son épouse très éloignée sans doute de ses considérations littéraires. Ils auront toutefois quatre enfants dont seule la cadette, Marie-Angélique (1753-1824), atteindra l'âge adulte.

La même année (1743) marque également le début de la carrière littéraire de Diderot, par le biais de la traduction. Il traduit The Grecian history de Temple Stanyan. En 1745 paraît sa traduction, largement augmentée de ses réflexions personnelles, de An inquiry concerning virtue or merit de Shaftesbury, sous le titre Essai sur le mérite et la vertu, premier manifeste du glissement de Diderot de la foi chrétienne vers le déisme, bientôt confirmé par la publication de sa première œuvre originale, les Pensées philosophiques en 1746. De 1746 à 1748, il collabore avec Marc-Antoine Eidous et François-Vincent Toussaint à la traduction du Medicinal dictionnary de Robert James.

En 1748, parait son premier roman, Les bijoux indiscrets, conte orientalisant parodiant entre autre la vie à la cour et ses Mémoires sur différents sujets de mathématiques. Il rencontre aussi à cette époque Jean-Philippe Rameau et collabore à la rédaction de sa Démonstration du principe de l'harmonie, confirmant ainsi son ecclectisme.

Les positions matérialiste de sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient qui paraît en 1749 achèvent de convaincre la censure que leur auteur, surveillé depuis quelques temps, est un individu dangereux. L'œuvre est condamnée et Diderot est incarcéré au château de Vincennes du 24 juillet au 3 novembre 1749. Durant sa détention, il reçoit la visite de son ami Jean-Jacques Rousseau qui, en chemin, a eu la fameuse illumination qui l'amènera à écrire, sans doute avec l'aide de Diderot son Discours sur les sciences et les arts. Sa pénible détention traumatise Diderot et l'incite à une grande prudence dans ses publications, préférant même réserver certains de ses textes à la postérité (voir chapitre Réception de l'œuvre de Diderot, ci-dessous).

L'Encyclopédiste (1750-1765)

L'année 1747 marque le début du vaste projet éditorial de l'Encyclopédie, auquel Diderot va consacrer 20 ans de sa vie. Diderot n'achève en effet qu'en juillet 1765, remplit de l'amertume due au manque de reconnaissance, aux errements de l'édition et au comportement des éditeurs (Le Breton en particulier). Pour tous les détails concernant la genèse, le contenu et les péripéties éditoriales de cette œuvre, nous renvoyons à l'article qui lui est consacré.

  • 1750 : Diderot est nommé à l'Académie royale des sciences et des belles lettres de Berlin.
  • 1753 : naissance de sa fille Marie-Angélique, seul enfant qui lui survivra.
  • 1755 : Diderot rencontre Sophie Volland, amante pour la vie.
  • 1759 : Décès de son père.

En 1762, Catherine II achète sa bibliothèque en viager, prétexte pour soutenir son travail philosophique et son engagement dans l'Encyclopédie.

Le critique (1765-1773)

À partir de 1769, Grimm confie plus largement la direction de la Correspondance littéraire à Diderot et madame d'Epinay. Le 9 septembre 1772 sa fille se marie avec Abel-François Caroillon de Vandeul.

Le voyage à Saint-Pétersbourg (1773-1774)

Du 11 juin 1773 au 21 octobre 1774 Diderot entreprend un long voyage à Saint-Pétersbourg, marqué par ses entretiens avec Catherine II et deux étapes prolongées en Hollande. Les conditions pénibles de ce voyage ont certainement écourté sa vie de quelques années.

Les dernières années (1774-1784)

Dès son retour, il ralentit progressivement sa vie sociale, sa santé se dégrade et il l'accepte mal. Il multiplie et allonge les séjours à Sèvres et au château du Granval, parfois en famille. En 1781, il collabore un peu à l'Encyclopédie méthodique de Panckoucke et Naigeon.

À partir de 1783, Diderot met de l'ordre dans ses textes et travaille avec Naigeon, à établir trois copies de ses œuvres : une pour lui, une pour sa fille et la dernière pour Catherine II. Sophie Volland décède le 22 février 1784. Le 15 mars 1784, le décès prématuré de sa petite-fille lui est peut-être caché, pour le ménager.

Le 1er juin 1784, il déménage au 39 rue de Richelieu à Paris, grâce aux bons soins de Grimm et de Catherine II qui souhaitaient lui éviter les 4 étages d'escalier de son logis de la rue Taranne. Il ne profite que deux mois de ce confort et décède à son domicile, le 31 juillet 1784. Il est autopsié, à sa demande et inhumé à l'église Saint-Roch, dans la chapelle de la Vierge, le 1er août.

En juin 1786, sa bibliothèque et ses archives sont envoyées à Saint-Petersbourg où elles ne recevront pas l'attention accordées à celles de Voltaire : les pertes, les disparitions et l'absence de tout inventaire nuiront également à la connaissance et la bonne réception de l'œuvre de Diderot.

À la Révolution, les tombes de l'église Saint-Roch sont profanées et les corps jetés à la fosse commune. La sépulture de Diderot a donc disparu.

Son entourage

L'analyse de l'entourage de Diderot souligne, autant que la diversité de son œuvre, son côté éclectique. Les personnages repris ici n'entretenaient bien sûr pas tous les mêmes rapports avec Diderot : si tous ont eu un impact sur sa vie ou son œuvre, ces contacts ont pu n'être alimentés que sporadiquement ou ponctuellement.

Les écrivains et philosophes

Jean-Jacques Rousseau

Diderot rencontre Rousseau à la fin de 1742 ; une forte amitié naît entre les deux hommes. C'est sur la route qui le conduit en visite à Diderot enfermé à Vincennes qu'il a la fameuse illumination qui lui inspirera le Discours sur les sciences et les arts. Diderot lui-même n'est d'ailleurs pas étranger à certaines idées du texte. À partir de 1757 les idées des deux hommes commencent à diverger entre autres sur la question de la valeur de l'homme dans la société. L'éloignement tourne à la dispute qui s'amplifie jusqu'à la rupture totale en 1770. Rousseau compte désormais Diderot parmi ses ennemis ; Diderot, lui conserva l'amertume d'une amitié perdue comme il l'exprime entre autres dans son Essai sur les règnes de Claude et de Néron : Demandez à un amant trompé la raison de son opiniâtre attachement pour une infidèle, et vous apprendrez le motif de l'opiniâtre attachement d'un homme de lettres pour un homme de lettres d'un talent distingué.

Condillac, rencontré en 1745, par l'intermédiaire de Jean-Jacques Rousseau.
Jean D'Alembert

Il aida Diderot dans la conception de l'Encyclopédie.

Paul Henri Thiry d'Holbach. Diderot passe son premier séjour au Granval (à Sucy-en-Brie), sur son invitation en 1759.
Melchior Grimm, rencontré en 1749.
Voltaire

Lettres connues à Voltaire : 11 juin 1749 (Lettre sur les aveugles), 19 février 1758, 28 novembre 1760, 29 septembre 1762, 1766. Diderot lui a manifestement adressé un exemplaire de la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Voltaire lui répond et marque son intérêt pour l'ouvrage. Voltaire collabore à l'Encyclopédie et la soutient. Respect mutuel mais l'éventuelle unique rencontre en 1778 n'est pas confirmée.

Les artistes

Sa famille

Diderot était le deuxième des 6 enfants de Didier Diderot et d'Angélique Vigneron . Seulement quatre d'entre eux atteindront l'âge adulte : Denis (l'aîné), Angélique, Didier-Pierre et Denise.

  • Didier Diderot (1685-1759) : coutelier issu de la bourgeoisie, intègre et respecté. Malgré les tensions avec Denis, il lui transmettra ses préoccupations morales et un intérêt pour la technique, qui aidera Diderot dans sa rédaction de l’Encyclopédie.
  • Angélique Vigneron (1677-1748).
  • Denise Diderot (1715-1797).
  • Angélique Diderot (1720-1749), ursuline, mourut au couvent. Elle est une des bases du roman de son frère La religieuse.
  • Didier-Pierre Diderot (1722-1787), avait embrassé la carrière ecclésiastique et s'y était fortement impliqué. En ce sens les relations entre les deux frères seront toujours conflictuelles, malgré les tentatives de réconciliation de Denis. Didier-Pierre refusera de venir bénir le mariage de sa nièce. À la mort de Denis, il réclame à sa fille ses archives afin de les détruire. [2]
  • Son épouse, Anne-Toinette Champion (???-10 avril 1796). Diderot avait épousé Nanette sans l'accord de ses parents qu'il était pourtant parti demander à Langres. Il est donc permis d'imaginer un mariage d'amour. La réalité fut pourtant différente. Nanette ne peut manifestement pas suivre la carrière de son mari. Celui-ci ne semble pas heureux en ménage et multiplie les liaisons. Les tensions au sein du couple sont croissantes et les colères de Nanette sans retenues. Diderot a pourtant toujours cherché à protéger les siens. Nanette portera plusieurs enfants dont seule Marie-Angélique survivra.

Ses liaisons extra-conjugales[4]

Le monde politique

Le monde politique n'est pas représenté dans les proches de Diderot (voir ci-dessous ses écrits en ce domaine). Toutefois, Diderot a pu profiter à différentes périodes de soutiens plus ou moins affichés. Lors de sa détention à Vincennes, on notera par exemple de l'intervention de Madame de Pompadour et l'édition de l'Encyclopédie bénéficiera du soutien de Malesherbes.

Autres

Diderot fut par ailleurs lié à Jacques-Henri Meister, Galiani[5], Damilaville, d'Holbach, Guillaume Le Monnier, l'abbé Raynal, Jacques-André Naigeon, André Le Breton.

Voir également les contributeurs de l'Encyclopédie.

Son œuvre

Icône de détail Article détaillé : Œuvres de Denis Diderot.

Les idées de Diderot

Chez Diderot, les idées s'effacent un peu devant la méthode (voir ci-dessus). Il est moins question d'imposer ses vues personnelles que d'inciter à la réflexion personnelle sur base de différents arguments, donnés, par exemple, par les intervenants des dialogues. Les idées personnelles de Diderot ont de plus évolué avec l'âge.

Plutôt que philosophe, Diderot est avant tout un penseur. Il ne poursuit en effet ni la création d'un système philosophique complet, ni une quelconque cohérence : il remet en question, éclaire un débat, soulève les paradoxes, laisse évoluer ses idées, constate sa propre évolution mais tranche peu.

Pour autant, des thèmes apparaissent récurrents dans la pensée de Diderot et des orientations générale peuvent être dégagées de ses écrits.

Religion

Morale

La morale est une préoccupation récurrente de Diderot. Le thème apparaît dans ses critiques artistiques (voir ci-dessous), dans son théâtre (voir ci-dessus) et dans quelques textes (contes et dialogues), rédigés en 1771-1772, autour du thème de la morale, inspirés par un retour dans sa région natale, imprégnée de la droiture morale de son père décédé.

Art

Enseignement

Synthèse[6]
Oeuvres principales
  • Plan d'une université (réd. 1775). Il s'agit d'un plan idéal des études commandé par Catherine II. Transmis par l'intermédiaire de Grimm, elle semble ne jamais l'avoir lu, au grand regret de Diderot.
  • Lettre sur l'éducation des enfants à la princesse Nassau-Saarbruck, 1758.
  • Lettre à la princesse de Forbach, 1772.
  • Il aurait également contribué[7] à la rédaction de De l'éducation publique, Dominique-François Rivard[8]

Politique

Diderot s'est peu impliqué concrètement dans les débats politiques de son temps. Toutefois quelques œuvres rendent compte de sa philosophie politique. On peut les partager en deux groupes. D'une part les œuvres de commande et les contributions à l'œuvre d'autrui et d'autre part les textes strictement personnels qu'il rédige plutôt... à la fin de sa vie, à partir de 1770. Il se fera un devoir de partager ses idées avec Catherine II lors de son voyage à Saint-Pétersbourg.

Deux idées principales sont certainement le rejet du despotisme et le rôle de l'enseignement (non religieux) dans le bonheur et le développement de la société.

Sciences[9]

Diderot est également auteur ou co-auteur de quelques ouvrages scientifiques. En tant que matérialiste, la compréhension des phénomènes naturels est une préoccupation importante que l'on retrouve à travers toute son œuvre.

Les genres

Diderot a touché à tous les genres littéraires (conte, roman, théâtre, essai, critique,...) se montrant souvent en novateur.

En tant qu'écrivain de fiction, Diderot s'est illustré dans le roman et au théâtre. Dans ces deux genres, malgré une production limitée il est parvenu à marquer l'histoire de la littérature par son style qui modernise le roman et le développement d'un nouveau genre théâtral, le drame bourgeois.

À partir de 1747, à 34 ans, Diderot dirige et rédige, avec D'Alembert, l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Il s'investira dans la rédaction, la collation, la recherche, la réalisation des planches de 1750-1765. Il a personnellement rédigé le Prospectus (paru en 1750) et plus d'un millier d'articles.

Diderot a mené une importante activité de critique publiée surtout dans la Correspondance littéraire, philosophique et critique. Diderot a rédigé de nombreux comptes rendus de lectures pour la Correspondance littéraire, philosophique et critique. Mais il a également rédigé plusieurs ouvrages ou « postface » à portée critique qui traitent de ses conceptions du théâtre ou d'auteurs en particulier. Il est impossible d'établir ici la liste de tous les articles parus.

Les Salons[10] En 1759, à la demande de Melchior Grimm, Diderot rend compte pour la Correspondance littéraire des œuvres exposées au Salon de peinture de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Pris au jeu et convaincu de la fonction morale de l'art et du développement du goût, il rédigera en tout neuf Salons de 1759 à 1781. Le développement de ses connaissances techniques enrichiront progressivement la teneur de ces comptes rendus. Ces Salons restèrent confidentiels de son vivant car le ton très libre de sa critique ne permettait pas qu'ils fussent publiés. Aujourd'hui cependant l'importance de ces écrits est largement reconnue et Diderot est considéré comme pionnier de la critique d'art.

Travailleur infatiguable et toujours prêt à rendre service, une part non négligeable de l'œuvre de Diderot se compose de contribution à des ouvrages des tiers.

Diderot a entamé sa carrière littéraire par des traductions, qui étaient, initialement des moyens de gagner sa vie.

Divers
  • Lettre à la comtesse de Forbach sur l'éducation des enfants (réd. vers 1772)
  • On découvrira Diderot, homme, écrivain et penseur à travers les 187 lettres conservées de sa correspondance avec son amante, Sophie Volland[11]. Dans l'une d'elles, datée du 1er octobre 1768, Diderot aurait enrichi la langue française du mot calembour[12].
  • Sur l'immortalité de l'artiste, l'art et la postérité, on lira sa correspondance avec Falconet.
  • Lettre apologétique de l'abbé Raynal à monsieur Grimm (réd. 1780).
  • Voyage en Hollande (réd. 1773-1774, Corr. 1780/1782), récit et notes de voyage.
  • Réfutation d'Helvétius (réd. 1773-1778, Corr. 1783-1786)

La forme : le dialogue

Loin de la recherche d'un système philosophique cohérent, Diderot rassemble les idées et les oppose. C'est donc, avant ses idées personnelles, surtout une incitation à la réflexion qui se dégage de son œuvre. Cette démarche, volontaire, se retrouve dans la forme de dialogue qu'il donne à ses œuvres principales (Le Neveu de Rameau, Entretiens entre Diderot et D'Alembert, Supplément au Voyage de Bougainville...) avec cette particularité qu'aucun des personnages ne représente à lui seul la pensée de l'auteur. Cette pluralité se retrouve d'ailleurs dans ses titres (les pensées, les principes, ...). Quand il ne conçoit pas de dialogue, il répond — fut-ce fictivement —, ajoute (Supplément au voyage de Bougainville), réfute (Réfutation d'Helvetius). Diderot retravaille aussi fréquemment ses textes et, même, dans la seconde moitié de sa vie, rédige quelques Additions (aux Pensées philosophiques, à la Lettre sur les aveugles, ...) pour rendre compte de l'évolution de ses propres réflexions.

Postérité et réception critique

La réception de l'œuvre Diderot a une histoire particulière car l'image du philosophe a évolué avec le temps, au gré de la révélation progressive de son œuvre[13].

Diderot, de son vivant, s'est montré prudent face à la censure. Après son incarcération de 1749, il ne voulait plus prendre de risque ni en faire courir à sa famille. Il va donc lui-même reporter la publication de certains textes, parfois de plusieurs années après les avoir écrits. Par ailleurs, certains textes ne sont parus que dans la Correspondance littéraire de Grimm. La publication manuscrite de ce périodique ne permettait pas d'assurer une connaissance publique de l'œuvre de Diderot.

En 1762, Catherine II de Russie achète à Diderot sa bibliothèque personnelle en viager. Diderot en garda l'usage et perçoit une rente en tant que bibliothécaire, mais l'accord impliquait que le fond et tous ses manuscrits seraient transférés à Saint-Pétersbourg à sa mort. Ce qui fut fait en juin 1786. Cet éloignement n'a pas favorisé la publication des textes soigneusement cachés par Diderot. De plus, sur place, les documents n'ont pas eu les égards de ceux de Voltaire (tranférés dans des circonstances similaires), n'ont pas été catalogué et se sont éparpillés. Certains n'ont réapparu qu'au XXe siècle...

De son côté, sa propre fille, catholique et conservatrice, a sans doute, malgré l'admiration qu'elle vouait à son père, cherché à orienter la publication de ses œuvres, « corrigeant » si nécessaire les textes qui ne respectaient pas assez ses valeurs, la bienséance ou les intérêts commerciaux de son mari. Un exemple concret [14] est le grattage systématique des noms de personnes dans les manuscrits de Ceci n'est pas un conte. Dans d'autres textes, certains noms seront remplacés ou ramenés à leur initiale. Même le fidèle secrétaire, Naigeon n'obtiendra pas sa collaboration pour l'édition des Œuvres complètes qu'il préparait avec Diderot à partir de 1782 et qui ne paraitra qu'en 1800 (voir ci-dessous).

Les vicissitudes de l'histoire ont également porté atteinte à l'image de Diderot. En 1796 parait l'Abdication d'un roi de la fève ou Les éleuthéromanes. Le public tient des passages de ce texte pour responsables de certains excès de la Révolution française et les reproche à Diderot. Ces dispositions n'inciteront ni à l'étude, ni à la publication ni à la découverte de textes durant tout le XIXe siècle.

Il faut en fait attendre le bicentenaire de sa naissance pour rencontrer un regain d'intérêt et avoir une vision considérée comme complète de ses écrits.

L'image de Diderot a donc évolué avec le temps en fonction de l'idée que l'on pouvait se faire de l'intégralité de son œuvre. Ses contemporains le connaissaient essentiellement comme l'éditeur de l'Encyclopédie, le promoteur d'un nouveau genre théâtral (le « drame bourgeois »), l'auteur d'un roman libertin (Les Bijoux indiscrets) et de quelques textes philosophiques critiqués. Après sa mort, il est assez symptomatique de voir les Œuvres complètes s'enrichir avec le temps[15].

  • 1772 : Amsterdam, Chez Marc-Michel Rey, 6 vol.
  • An VIII (1800) : Jacques-André Naigeon, 15 volumes in-8°.
  • 1821 : J.-L.. Brière, en 22 volumes.
  • 1875 : J. Assézat, 23 volumes, disponible sur Gallica
  • 1975-... : J. Fabre, H. Dieckmann, J. Proust, J. Varloot, Paris, éd. Hermann (36 vol. prévus)

Les lieux de Diderot

Diderot était un sédentaire. Il n'aimait guère les voyages.

Langres

Diderot est né place Chambeau, n° 9 à Langres. L'immeuble existe toujours. Le rez-de-chaussée est occupé par un marchand de journaux (été 2007). En hauteur, sur la façade, la ville a apposé une plaque signalant la naissance du philosophe. La place a été renommée place Diderot à l'occasion du centenaire de sa mort et décorée de son effigie par Frédéric Bartholdi. Diderot quitte Langres pour Paris en 1728 et n'y reviendra plus que pour quelques raisons impératives :

  • 1742/1743 : pour solliciter l'autorisation de se marier — refus.
  • 1759 : pour régler la succession de son père décédé.
  • 1770 : la préparation du mariage de sa fille.
Paris
  • Pauvre durant ses premières années parisiennes, Diderot déménage fréquemment.
  • 1743 : il s'installe rue Saint-Victor avec son épouse.
  • 1746 : le couple déménage rue Traversière (devenue rue Rotrou).
  • Déménagement vers la rue Mouffetard.
  • En 1749, c'est au second étage du n°3 de la rue de l'Estrapade qu'il est arrêté et mené pour quelques mois au château de Vincennes.
  • De 1754 à 1784 Diderot occupe les 4e et 5e étage d'un logis de la rue Taranne. La maison de Diderot aurait été située au niveau du n°149 de l'actuel boulevard Saint-Germain. Une statue le rappelle au niveau du numéro 145.
  • Quelques semaines avant sa mort, Catherine II lui loue un logement dans l'hôtel de Bezons, 39 rue de Richelieu, près du Palais royal pour lui épargner la montée des 4 étages de l'immeuble de la rue Taranne. La façade de l'hôtel existe toujours.
  • A son décès, il repose un temps à l'église Saint-Roch, dans la chapelle de la Vierge. Celle-ci sera pillée à la Révolution et les corps jetés à la fosse commune.
Les séjours
  • Château du Grandval à Sucy-en-Brie chez son ami le baron d'Holbach, en octobre 1759, puis en octobre 1760, en novembre 1775 et en août 1780.
  • En 1755, il séjourne également au château d'Isle-sur-Marne.
  • On le voit aussi au château de la Chevrette à Deuil-la-Barre, propriété de Louise d'Épinay, maîtresse de Grimm et amie de Rousseau.
  • Sèvres, rue Troyon 26, dans la maison de son ami le joaillier Belle, où il vient habiter régulièrement pendant les dix dernières années de sa vie.
Le voyage à Saint-Pétersbourg[16]

11 juin 177321 octobre 1774 Trajet aller : Bruxelles, La Haye (séj. 15/06-20/08), Amsterdam, Utrecht, Düsseldorf (24/08), Leipzig (02/09), Memel (20/09), Riga (26/09), Narva, Saint-Pétersbourg.

Trajet retour : Saint-Pétersbourg (05/03/1774), La Haye (05/04), Anvers, Bruxelles, Valenciennes, Cambrai, Péronne, Roye, Senlis, Paris (21/10).

Iconographie

Célèbre de son vivant, Diderot a souvent été représenté en peinture ou en sculpture. Voici une liste — dont il est difficile de garantir l'exhaustivité — des portraits de Diderot effectués de son vivant. Les références sont complétées par l'avis du modèle sur son image, quand il nous est connu[17].

  • Jean-Baptiste Garand, portrait, 1760. Je n'ai jamais été bien fait que par un pauvre diable appelé Garand, qui m'attrapa, comme il arrive à un sot qui dit un bon mot. Celui qui voit mon portrait par Garand, me voit (Salon de 1767).
  • Claude Bornet, portrait, 1763.
  • Étienne Maurice Falconet, buste, antérieur à 1767. Je dirais seulement de ce mauvais buste, qu'on y voyoit les traces d'une peine d'âme secrète dont j'étais dévoré quand l'artiste le fit (Salon de 1767).
  • Marie-Anne Collot, différents bustes antérieurs à 1767. Du dernier, possédé par Grimm, Diderot dit : Il est bien, il est très bien. Il a pris chez lui [Grimm] la place d'un autre, que son maître M. Falconet avoit fait, et qui n'était pas bien. Lorsque Falconet eut vu le buste de son élève, il prit un parteau, et cassa le sien devant elle (Salon de 1767).
  • Louis Michel van Loo,
  1. portrait, 1767, musée du Louvre. Mes enfants, je vous préviens que ce n'est pas moi. (...) J'avais en une journée cent physonomies diverses, selon la choses dont j'étois affecté (...) ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là (Salon de 1767).
  2. dessin sur papier brun, sans date, musée du Louvre
  • Jean-Baptiste Greuze, dessin, 1767, Tournus, musée Greuze.
  • Anna Dorothea Therbusch, représentation de Diderot torse nu, vers 1767. Le portrait original semble être perdu mais il a été reproduit en émail par Pierre Pasquier et gravé ensuite par Pierre François Bertonnier pour l'édition Briére des Œuvres de Diderot. Brière a offert l'émail de Pasquier à M. François Guizot. La gravure de Bertonnier est reprise dans M.-C. Sahut, N. Volle, Diderot et l'art de Boucher à David, catalogue exposition Hôtel de la Monnaie, 5 octobre 1984-6 janvier 1985, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux (ISBN 2711802833). Ses autres portraits sont froids, sans autre mérite que celui de la ressemblance, excepté le mien, qui ressemble, où je suis nu jusqu'à la ceinture, et qui, pour la fierté, les chairs, le faire, est fort au-dessus de Roslin et d'aucun portraitiste de l'Académie. Je l'ai placé vis-à-vis celui de Van Loo, à qui il jouait un mauvais tour. Il était si frappant, que ma fille me disait qu'elle l'aurait baisé cent fois pendant mon absence, si elle n'avait pas craint de le gâter. La poitrine était peinte très-chaudement, avec des passages et des méplats tout à fait vrais (Salon de 1767).
  • Jean Honoré Fragonard, huile sur toile, vers 1769, musée du Louvre. Le fait qu'il s'agisse de Diderot est contesté, entre autre parce que le philosophe avait les yeux bruns et non bleus comme sur ce portrait[18].
  • Jean-Antoine Houdon,
  1. buste, 1771, musée du Louvre.
  2. buste, vers 1771, Troyes, musée des beaux-arts. Le 30 avril 1780, la ville de Langres organise un banquet inaugural d'un des bustes de Diderot par Houdon, que le philosophe venait d'offrir à la ville.
  3. 1773, Langres.
  4. buste, 1775, musée du Louvre.

Bibliographie

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Denis Diderot.

Monographies
  1. Diderot jour après jour. Chronologie, Paris, Champion, 2006.
  2. Denis Diderot ou le vrai Prométhée, Paris, Tallandier, 2005.
  3. Images de Diderot en France 1784-1913, Paris, Champion, 1997.
  4. Et Roland Mortier (éd.), Dictionnaire de Diderot, Paris, Honoré Champion, 1999.
  • Album Diderot, Paris, Gallimard, 2004, coll. La Pléiade.
  • Éric-Emmanuel Schmitt, Diderot ou la philosophie de la séduction, Paris, Albin Michel, 1997.
  • Laurent Versini, Denis Diderot alias frère Tonpla, Hachette, 1996 (ISBN 978-2012351875).
  • Roland Mortier et Michèle Mat, Diderot et son temps, catalogue d'exposition, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 1985.
  • A. M. Wilson, Diderot : sa vie et son œuvre, Paris, Robert Laffont, 1985.
  • Bersot Ernest, Diderot, Paris, 1851.
  • Madame de Vandeul, Diderot, mon père, Circé, 1992 (une brève biographie)
Voir aussi
Revues et sociétés savantes

Références

  1. Sur la date exacte de sa naissance, voir George R. Havens, The Dates of Diderot's Birth and Death. In : Modern Language Notes, Vol. 55, No. 1 (Jan., 1940), p. 31-3
  2. À son sujet : Chanoine Marcel, Le frère de Diderot : Didier-Pierre Diderot : chanoine de la cathédrale et grand archidiacre du diocèse, fondateur des écoles chrétiennes de Langres, Paris, Champion, 1913 (disp. à la Bibliothèque nationale de France).
  3. Voir J. Massiet du Biest, La fille de Diderot, Tour, 1949 ; Corinna Gepner, Angélique Diderot ou l'amour d'un père. In : Lunes (revue éditée à Evreux), 2002, n° 18, p. 41-47. Il existerait (ou aurait existé) un portrait d'elle par Jacques Augustin Catherine Pajou et Louis Léopold Boilly.
  4. Michel Corday, La Vie amoureuse de Diderot, Paris, Ernest Flammarion, 1928, coll. ″Leurs amours″, 187 p.
  5. Voir Rosena Davison, Diderot et Galiani : étude d'une amitié philosophique, Oxford, Voltaire Foundation at the Taylor Institution, 1985.
  6. Roland Mortier, The philosophes and public education. In : Yale French Studies, n° 40, Literature and Society: Eighteenth Century (1968), p. 62-76.
  7. R. R. Palmer, A mystery explored : the De l'education publique attributed to Denis Diderot. In : The Journal of Modern History, vol. 57, n° 1 (Mar., 1985), p. 1-23.
  8. Professeur de philosophie au collège de Beauvais (1697-1778) .
  9. Anne Masseran, La courtisane contre l'expérimentatrice : les images de la science dans les œuvres de Diderot
  10. Voir : Stéphane Lojkine, L'Œil révolté : Les Salons de Diderot, éd. Jacqueline Chambon, Paris, 2007 (ISBN 978-2742772513) ; Arnold Julie Wegner, Art Criticism as Narrative : Diderot's Salon de 1767, New York, Berne, Berlin, Francfort, Paris et Vienne, Peter Lang, coll. «The Age of Revolution and Romanticism : Interdisciplinary Studies», 13, 1995 (ISBN 0-8204-2662-8) ; Else Marie Bukdahl (traduit du danois par Jean-Paul Faucher), Diderot : critique d'art, Rosenkilde et Bagger, Copenhague, 1980.
  11. Voir à ce sujet Hubert Juin, « Diderot : lettres d'amour », in Magazine littéraire n° 204 (février 1984).
  12. Le mot est effectivement utilisé dans la lettre mais il reste difficile de prétendre qu'il s'agit bien d'une invention de Diderot. Consulter l'article calembour pour les détails sur l'histoire de ce mot.
  13. Cette rélévation progressive apparait clairement dans le tableau de synthèse de l'article Œuvres de Denis Diderot
  14. Rapporté par Michel Delon dans sa notice présentant Ceci n'est pas un conte, Œuvres complètes de Diderot, vol. 1 : Contes et romans, Paris, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 2004.
  15. L'augmentation du nombre de volumes n'est pas liée qu'à la découverte de nouveaux textes ; le format d'édition, la typographie et l'appareil critique (de plus en plus important) interviennent également.
  16. Maurice Tourneux, Diderot et Catherine II, Paris, C. Lévy, 1899
  17. A propos de ces commentaires, consulter Marc Buffat, Ecco il vero pulcinella in Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 18-19, oct. 1995, pp. 55-70.
  18. Marie-Anne Dupuy-Vachey, Fragonard : les plaisirs d'un siècle : [catalogue de l'exposition, Paris, Musée Jacquemart-André, 2007], Paris, Culturespaces, 2007.

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