Cubisme

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Le cubisme est un mouvement artistique qui s'est développé de 1907 à 1914 autour de Braque, Picabia et Picasso. Après la Première Guerre mondiale, le mouvement s'essouffle, avant de s'éteindre vers les années 1920.

Sommaire

[modifier] Les origines du cubisme

[modifier] Matisse et l'origine du mot

Le terme cubisme provient d'une réflexion d'Henri Matisse, relayée par le critique d'art Louis Vauxcelles, qui, pour décrire un tableau de Braque, parla de "petits cubes".

[modifier] Cézanne et le concept (1904)

Le cubisme prend source dans les écrits et dernières œuvres de Paul Cézanne. Les historiens répéteront souvent la phrase tirée d'une lettre du 15 avril 1904 de Cézanne à Émile Bernard : "Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective, soit que chaque côté d'un objet, d'un plan, se dirige vers un point central." Cette phrase, même sortie de son contexte, est déjà en soi un peu légère pour justifier les théories cubistes. Mais la parenté de ces théories avec les recherches de Cézanne devient franchement douteuse quand on lit la suite de la lettre que les historiens omettent toujours : " les lignes parallèles à l'horizon donnent l'étendue, soit une section de la nature ou, si vous aimez mieux, du spectacle que le Pater Omnipotens Aeterne Deus étale devant nos yeux. Les lignes perpendiculaires à cet horizon donnent la profondeur. Or, la nature, pour nous hommes, est plus en profondeur qu'en surface, d'où la nécessité d'introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleutés, pour faire sentir l'air." Quand on lit très simplement ce propos, sans chercher midi à quatorze heure, on s'aperçoit que Cézanne ne fait qu'indiquer une démarche très classique pour aborder la peinture d'un tableau en général, et d'un paysage en particulier : les perpendiculaires donnent la profondeur, les horizontales l'étendue, tout volume arrondi (ce qui n'est pas le cas du cube) a un point culminant vers l'œil du spectateur, et, pour les couleurs, les rouges et les jaunes donnent les vibrations de lumière tandis que les bleus donnent l'air. C'est relativement très simple, et nul doute que tous les grands peintres avant Cézanne savaient ça, au moins d'instinct. Il n'y a de la part de Cézanne aucune interprétation révolutionnaire du monde, comme on l'a trop dit, et il n'avait sans doute pas ce projet enfantin de tout réduire à des cubes enchevêtrés ou à des figures géométriques. Qu'aurait pensé Cézanne des théories cubistes ? peut être aurait-il dit aux peintres cubistes ce qu'il disait à Emile Bernard en 1904 : "Il [l'artiste] doit redouter l'esprit littérateur, qui fait si souvent le peintre s'écarter de sa vraie voie — l'étude concrète de la nature — pour se perdre trop longtemps dans des spéculations intangibles."[réf. nécessaire]

Le Cubisme veut aussi se justifier et se rattacher à Cézanne par la recherche d'une solidité et d'une densité en réaction aux recherches des effets lumineux et atmosphériques des Impressionnistes qui, du moins dans un certain nombre de paysages, tendent à noyer et éthérer les volumes dans des papillotements de couleurs. Mais là encore, c'est sans doute aller au-delà de ce que prônait Cézanne.

C'est donc vraisemblablement sur un malentendu qu'à partir de 1907 et les Demoiselles d'Avignon ou Bordel d'Avignon (considérées généralement comme le premier tableau cubiste) Picasso et Braque appliqueront leurs théories, non seulement aux paysages mais aussi aux natures mortes et à la figure humaine.

C'est à partir de 1910, avec ce que l'on nommera le cubisme analytique, que ces deux peintres vont affirmer une rupture avec la vision classique déjà entamée depuis quatre ans. Ils abandonnent l'unicité de point de vue du motif pour en introduire de multiples sous des angles divers, juxtaposés ou enchevêtrés dans une même œuvre. Ils s'affranchissent de la perspective pour donner une importance prépondérante aux plans dans l'éclatement des volumes.

[modifier] Apollinaire et sa promotion (1904)

Grand admirateur de Cézanne, auquel il rêva de consacrer une longue étude qui ne vit jamais le jour, le poète Guillaume Apollinaire fut le défenseur des peintres cubistes aux premiers jours. C'est lui qui leur inspira ou qui décela ou, plus vraisemblablement, qui imagina dans l'analyse de leurs œuvres, avec un certain lyrisme, une dimension métaphysique[réf. nécessaire].

En 1908, il rédige la préface du catalogue d'une exposition dans laquelle il énonce les trois vertus plastiques, reprise en introduction des Peintres cubistes. L'idéologie cubiste est entièrement contenue dans ce livre[réf. nécessaire].

L'idée essentielle d'Apollinaire est la nécessité de la destruction de la notion d'un Dieu créateur remplacé par la notion que chaque homme est Dieu lui-même, dans la mesure où il prend conscience de sa divinité, et qu'en conséquence, les hommes n'ont aucune raison pour vouer un culte à la nature, qui n'est alors qu'un aspect minuscule, passager et périssable de l'univers. La grande préoccupation d'Apollinaire est de voir, ainsi qu'il le dit, "la nature terrassée". Il juge le culte de la nature comme le seul obstacle à la possession de ce qu'il nomme la "pureté", le seul obstacle à la conquête de l'absolu par l'humanité. Aux formes terrestres, il oppose "la grandeur des formes métaphysiques"; "en deçà de l'éternité, écrit-il, dansent les mortelles formes de l'amour, et le nom de nature résume leur maudite discipline"[1]

Cette forme de révolution religieuse ou métaphysique au nom de l'art pictural, et aboutissant dans celui-ci à une rupture avec le respect de la nature, rupture avec la peinture ancienne et de tous les temps, déformation sans limites et non-figuratisme, fut contestée. Léon Gard (1901-1979, peintre et écrivain d'art) écrit : "La difficulté de la position d'Apollinaire est que la suppression du culte de la nature n'empêche pas cette nature d'exister, et n'empêche pas que nous en fassions partie. Le véritable obstacle à ce que nous, créatures de la nature, possédions l'absolu, n'est donc pas le culte de la nature mais la nature elle-même. Et si l'on pense, avec quelque apparence de raison, que la nature, aussi grande qu'elle soit, n'est pas l'absolu, il faut aussi penser que les créatures de la nature ne peuvent considérer l'absolu qu'à travers la nature en remontant à son créateur."[2]

Cependant, les œuvres d'Apollinaire ont-elles un rapport direct avec le cubisme ? On peut retrouver à travers ses écrits l'influence du mouvement. Par exemple, ses Calligrammes laissent entrevoir une analyse poussée des caractéristiques du cubisme, les formes et les lettres, leur grandeur et leur placement au sein même de la page. L'aspect pictural est mis en avant, sans pour autant retirer de l'intérêt au contenu. Notons tout de même que tout est relatif selon la vision du lecteur. Qu'il décide de ce qu'il veut voir, et donner sa propre signification.

[modifier] Histoire du cubisme

L'Histoire du cubisme peut être divisées en quatre grandes périodes :

[modifier] Le Précubisme, ou phase cézanienne (1907-1910)

La démarche s'attache à la représentation en volume de l'objet, à la manière de Cézanne ou des masques africains ; la perspective traditionnelle est souvent malmenée. Concerne essentiellement Pablo Picasso (cf Réservoir à Horta) 1909, et George Braque. André Derain et Fernand Léger mênent alors des recherches parallèles.

[modifier] Le Cubisme analytique (1910-1912)

L'objet est déconstruit, et toutes ses facettes sont représentées en fragments, sans aucun égard pour la perspective ; cette phase de recherche se caractérise par un chromatisme très peu saturé (gris, brun, vert, bleu terne). En revanche, la lumière occupe une place très importante ; elle se répartit différemment sur chaque fragment. Concerne essentiellement Pablo Picasso, (cf Le joueur de guitare, 1910) et Braque, qui coopèrent et rivalisent d'inventivité pour toujours pousser plus loin la démarche. Leurs toiles tendent à la stylisation abstraite.

[modifier] le Cubisme synthétique (1912-1914)

Cette période est caractérisée par le retour de la couleur et par l'utilisation de la technique du collage (papiers, objets). Le peintre sélectionne les facettes les plus pertinentes de l'objet déconstruit (contrairement à la deuxième phase, où il n'y a pas de sélection). Des éléments de la réalité sont réintroduits, notamment par le collage de papiers ou donnant des indications de matière à l'objet reprèsenté (faux bois ou toile cirée). Cf. Pablo Picasso, Guitare et bouteille de Bass, 1913. Braque et surtout Juan Gris donneront à ce style une rigueur et une sérénité classique.

[modifier] Le Cubisme orphique

Le nom est donné par Guillaume Apollinaire à propos des deux principaux représentants de cette forme de cubisme: Robert Delaunay et sa femme Sonia Delaunay. La couleur se détache de toute forme et permet la création, dans leurs œuvres, de cercles concentriques colorés, donnant rythme et vitesse au tableau.

[modifier] Le cubisme dans l'Histoire de l'art

[modifier] Vers l'abstraction

Le cubisme, comme le souligne Guillaume Apollinaire dans Les Peintres cubistes. Méditations esthétiques (1913), a ouvert la voie de l'abstraction (suprématisme, expressionnisme abstrait, Bauhaus) et de l'art conceptuel, bien que le cubisme n'ait pas produit d'œuvres totalement dénuées de lien avec la réalité. D'une façon plus générale, tous les artistes importants qui réussiront à trouver un style personnel après la Première guerre mondiale, seront passé à un moment ou à un autre, par une phase cubiste (Piet Mondrian, Kurt Schwitters, les artistes russes et italiens, Salvador Dali ...)

[modifier] Les courants voisins du cubisme

Le cubisme, qui décompose les objets, est proche de deux mouvements :

  • le futurisme, qui décompose le mouvement,
  • l'orphisme, qui décompose la lumière.
  • le rayonnisme: synthèse du futurisme, de l'orphisme et du cubisme.

[modifier] Le cubisme dans le monde

[modifier] En Tchécoslovaquie

Icône de détail Article détaillé : Cubisme tchécoslovaque.

L'un des pays où le cubisme s'est particulièrement répandu est la Tchécoslovaquie. Les artistes tchécoslovaques, pour des raisons nationalistes, tentent d'échapper au Sezessionsstil viennois et au Jugendstil allemand et regardent obstinément du côté de la « Mecque » artistique qu'est Paris à cette époque. Si Alfons Mucha fait encore partie de la « vieille garde » de l'Art nouveau, d'autres comme František Kupka, Josef Čapek, Antonín Procházka, Emil Fila, Toyen ou Bohumil Kubišta au nom prédestiné adoptent sans attendre et avec enthousiasme les concepts cubistes.

Ceux-ci pénètrent alors tous les aspects de la vie quotidienne :

Maison de style cubiste à Prague, Tchéquie
Maison de style cubiste à Prague, Tchéquie
Villa cubiste à Prague, arch. Josef Chochol
Villa cubiste à Prague, arch. Josef Chochol

[modifier] Le rondocubisme et le cubisme triangulaire

Exemple d'architecture rondocubiste : siège de la banque des légions tchèques, arch. Josef Gočár
Exemple d'architecture rondocubiste : siège de la banque des légions tchèques, arch. Josef Gočár

S'affranchissant rapidement de leur modèle parisien, les artistes portugais[réf. nécessaire] inventent un cubisme très particulier, l'E^3, où le « cube » comme élément de base de la déconstruction serait remplacé par le « cylindre » et le cubisme triangulaire où c'est le « prisme » ou le « tétraèdre » qui joue le rôle d'élément de base.


[modifier] Les grands artistes du cubisme

Maison u černé matky boží, arch. Josef Gočár, qui abrite les collections d'art cubiste de la Galerie nationale à Prague.
Maison u černé matky boží, arch. Josef Gočár, qui abrite les collections d'art cubiste de la Galerie nationale à Prague.


[modifier] Notes et références

  1. Peintres cubistes, méditations esthétiques.
  2. Réfutation du cubisme, article paru dans la revue Apollo en 1955

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

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