Créole (linguistique)

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En linguistique, un créole (criollo en espagnol, crioulo en portugais) désigne une langue issue des transformations subies par un système linguistique utilisé de façon imparfaite comme moyen de communication par une communauté importante, ces transformations étant vraisemblablement influencées par les langues maternelles originelles des membres de la communauté. Ainsi, le français parlé par les esclaves noirs aux Antilles, en Louisiane, et dans l'Océan Indien a donné respectivement naissance aux créoles antillais, louisianais et bourbonnais. Il existe également des créoles à base lexicale anglaise (ex : le créole jamaïcain de LKJ), portugaise et néerlandaise, pour les plus répandus.

Sommaire

[modifier] La « créolisation » et le développement d'un créole

Contrairement à un sabir ou à un pidgin, un créole est une langue à part entière, dotée d'une grammaire et d'un lexique complets, qui est devenue la langue maternelle des descendants de la communauté originelle. Bien que le lexique des créoles soit formé presque intégralement, à l'origine, d'emprunts, même un locuteur de la langue d'origine a besoin d'un apprentissage : les mots empruntés, en effet, ont subi un ensemble de modifications (phonétiques, sémantiques, etc.) qui leur donnent une identité propre et les rendent souvent méconnaissables. Malgré certaines idées courantes, les langues créoles ne sont pas des pidgins ayant « réussi », en effet, certaines distinctions tant socio-ethniques que linguistiques différencient les processus de créolisation et de pidginisation.

La créolisation est un processus socio-ethnique distinct du processus de pidginisation. Ce processus implique une langue de superstrat représentant la langue d'une minorité socio-économiquement dominante, et une ou plusieurs langues de substrat parlées par une large majorité.

[modifier] Conditions sociales

  • La créolisation se produit dans une communauté multi-lingue (c’est-à-dire où au moins deux langues sont présentes). Whinnom (1971)[réf. nécessaire] postule que dans les communautés bi-linguistiques, une des parties tendait à apprendre l'autre langue, bloquant ainsi le processus de relexification.
  • Il existe un groupe social minoritaire économiquement dominant, ce qui se produit particulièrement dans une situation d'esclavagisme.
  • La langue de superstrat est difficile d'accès aux locuteurs des langues de substrat.
  • La communication entre les membres parlant les langues de substrat s'effrite, normalement par attrition des générations ayant eu des compétences dans l'une ou l'autre des langues de substrat.

Par exemple, le créole haïtien est socio-historiquement à superstrat français (le français colonial à base de français populaire de Paris) et à substrats africains (diverses langues de la famille nigéro-congolaise; voir Wittmann et DeGraff).

[modifier] Génération d'un créole

Selon une des hypothèses (défendues notamment par Thomason & Kaufman and Singler)[1], la créolisation est un phénomène remarquable de par le fait de sa rapidité. Il semblerait que ce processus prenne seulement 10 à 20 ans, ce qui est considéré comme un changement linguistique brutal. Ce processus se produit seulement une ou deux générations après l'implantation régionale de la communauté (environ 25 ans). Selon une autre hypothèse (défendue notamment par DeGraff, Fournier et Wittmann)[2], le genèse d'un créole est un fait purement socio-historique et ne constitue pas un exceptionnalisme aux théories de la grammaire universelle et du changement linguistique.

[modifier] Liste des créoles

[modifier] Références

  1. Thomason & Kaufman (1988), Singler (1996)
  2. Wittmann (1994,1995, 1999), Wittmann & Fournier (1994), DeGraff (2002, 2003)

[modifier] Bibliographie

  • DeGraff, Michel. 2002. "Relexification: A reevaluation." Linguistic Anthropology 44:4.321-414.[1]
  • DeGraff, Michel. 2003. "Against Creole Exceptionalism." Language 79.391-410.
  • Singler, John. 1996. "Theories of creole genesis, sociohistorical considerations, and the evaluation evidence. The case of Haitian Creole and the Relexification Hypothesis." Journal of Pidgin and Creole Languages 11.185-231.
  • Thomason, Sarah & Terrence Kaufman. 1988. Language contact, creolization, and genetic linguistics. Berkeley: University of California Press.
  • Whinnom, Keith. 1971. "Linguistic hybridization and the 'special case' of pidgins and creoles." Pidginization and Creolization of Languages, ed Dell Hymes, 91-115. Cambridge University Press.
  • Wittmann, Henri. 1994. "Relexification et créologenèse." Proceedings of the Intenational Congress of Linguists 15:4.335-38. Québec: Presses de l'Université Laval.[2]
  • Wittmann, Henri. 1995. "Grammaire comparée des variétés coloniales du français populaire de Paris du 17e siècle et origines du français québécois." Le français des Amériques, ed. Robert Fournier & Henri Wittmann, 281-334. Trois-Rivières: Presses universitaires de Trois-Rivières.
  • Wittmann, Henri. 1999. "Prototype as a typological yardstick to creoleness." The Creolist Archives Papers On-line, Stockholms Universitet.[3]
  • Wittmann, Henri & Robert Fournier. 1994. "Le créole haïtien, langue kwa relexifiée: vérification d'une hypothèse 'P&P' ou élaboration d'astuces computationnelles?" Créolistique et grammaire générative, ed. Louis-Jean Calvet, 115-39. Paris: Sorbonne, Laboratoire de sociolinguistique (Plurilinguismes 8).

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes