Corsaire

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Ne doit pas être confondu avec mercenaire ou pirate.
Pour les articles homonymes, voir Corsaire (homonymie).

Un corsaire est un membre de l'équipage d'un navire civil armé, autorisé par une lettre de course (ou lettre de marque) à attaquer en temps de guerre, tout navire battant pavillon d'États ennemis, et particulièrement son trafic marchand, laissant à la flotte de guerre le soin de s'attaquer aux objectifs militaires. Les corsaires, ne doivent donc pas être confondus avec les pirates puisqu'ils exercent leur activité selon les lois de la guerre, uniquement en temps de guerre et avec l'autorisation de leur gouvernement. Capturés, ils ont droit au statut de prisonniers de guerre.

Cette forme de guerre navale est appelée guerre de course.

Sommaire

[modifier] Étymologie

Le mot « corsaire » a été emprunté de l'italien corsaro lui même dérivé du latin cursus, « course »[1].

[modifier] La guerre de course

La guerre de course a souvent été utilisée par un belligérant pour pallier l'insuffisance de ses moyens à l'encontre d'un adversaire disposant de la suprématie navale. Ce système est très avantageux pour l'État : le poids financier de l'armement corsaire est à la charge de l'armateur et le gouvernement touche une part dans la revente des prises opérées par le corsaire. De plus, c'est à l'armateur de payer la rançon des marins corsaires prisonniers. En résumé, l'Etat ne paie rien mais peut gagner.

C'est ainsi la stratégie des Français contre les Anglais pendant une grande partie du XVIIIe siècle et pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire après le départ en exil des officiers de marine (pour la plupart nobles et donc menacés par la Révolution) et à la ruine de la marine d'Etat (Aboukir et Trafalgar). Les deux ports principaux en France étaient Dunkerque et Saint-Malo, suivis par Calais, Boulogne, Granville et autres. La course est abolie par traité international en 1856, après la Guerre de Crimée.

De même, au cours des deux guerres mondiales, bien que l'expression « corsaire » soit utilisée abusivement dans ce contexte, la marine allemande a armé des bâtiments marchands pour la guerre au commerce allié dans des théâtres secondaires où le trafic n'était pas organisé en convois (Océan Indien, Pacifique, Atlantique sud). Les aventures de ces "corsaires" sont généralement pittoresques mais sans grande conséquence sur le déroulement des deux conflits.

[modifier] Navires corsaires

Ils utilisaient souvent des navires de petite taille, rapides, manœuvrants et discrets tels des cotres, des flutes, pour exécuter des abordages en mer plus par surprise que par force. Lorsque la Fortune leur souriait, ils pouvaient enlever des bateaux de fort tonnage (l'emblématique capture du Kent par la flûte la Confiance de Robert Surcouf le 31 août 1800) . Les prises, très souvent des navires marchands, étaient donc peu propices à une activité corsaire et étaient revendues.

Un "équipage de prise" était envoyé sur le navire saisi avec mission :

  • soit de le ramener à bon port pour le revendre avec sa cargaison, débarquer les prisonniers, entrer en contact avec l'armateur et lui proposer leur libération contre rançon ou par échange avec un nombre équivalent de prisonniers (on pouvait donner une liste de noms des marins qu'on voulait voir libérer ; Surcouf l'a fait pour son frère Nicolas mais les Anglais désirant faire monter les enchères et se venger, firent la sourde oreille ; mal leur en prit: Surcouf ravagea de plus belle le commerce anglais en mer des Indes jusqu'à ce que les Anglais poussés par les marchands britanniques de Calcutta, lui proposent de libérer son frère).
  • soit de continuer la course à deux navires au lieu d'un, ce qui était possible si l'équipage ennemi était en petit nombre. En effet, il fallait alors assurer la manoeuvre du navire et surveiller l'équipage prisonnier, ce qui n'allait pas sans risque.

[modifier] U ne guerre très règlementée

Les corsaires faisaient la guerre selon les même lois que les marins d'Etat, c'est-à-dire ceux de la Marine Royale (puis Nationale, Impériale).

[modifier] Règles générales pendant la course

  • Avoir une lettre de marque reçue de l'Etat pour "courir sus aux navires ennemis" ; cette autorisation est caduque dès l'arrêt des hostilités
  • S'il y a possibilité de s'approcher du navire ennemi par ruse en arborant un pavillon neutre ou allié il y a une obligation de hisser, à partir d'une certaine distance, le pavillon véritable. En cas contraire, il s'agissait d'une traitrise.
  • Respect de la vie des prisonniers
  • Les effets personnels des marins ennemis ou des passagers ne font pas partie du butin, ils les conservent : on pose des scellés sur les coffres, malles, armoires des prisonniers.(On lit très souvent dans des mémoires comme ceux de Garneray ou dans les archives maritimes, que les prisonniers utilisent cet argent pour soudoyer les geôliers, améliorer l'ordinaire, etc. ce qui prouve que cette obligation de respect des biens privés des prisonniers n'était pas seulement théorique mais effectivement respectée)

Seuls le navire et sa cargaison peuvent donc faire l'objet d'une prise en guerre de course, encore faut-il que la prise ait-elle été jugée légitime par les autorités compétentes au retour de course. Les marins ennemis sont prisonniers de guerre : ils peuvent être soit libérés à la fin des hostilités, soit échangés, ou encore libérés contre rançon.

[modifier] Règles administratives au retour de la course

  • Le capitaine corsaire déposait à l'Amirauté son rapport de mer dont l'examen par les officiers d'administration déclenchait une procédure de plusieurs jours.
  • Personne n'avait le droit de descendre à terre avant que les officiers d'administration n'aient dressé le procès verbal d'inspection du navire, vérifié que les scellés apposés par l'écrivain de bord sur les coffres, malles et armoires de la prise soient intact.
  • Ensuite ils apposaient leur sceau sur les écoutilles pour éviter que des parties du butin de prise ne soient débarquées à la nuit tombée.
  • Enfin, ils interrogeaient les prisonniers et les menaient vers les prisons de la ville.

Alors seulement, l'équipage pouvait quitter le navire et attendait le verdict du Tribunal des Prises, nécessaire avant la vente aux enchères du butin de prise.

[modifier] Le Tribunal des prises

  • Le résultat de la procédure était envoyé au tribunal des prises, dépendance de l'Amirauté qui statuait sur la légitimité des captures.

La prise devait avoir été faite selon les lois de la guerre. En cas de forfaiture, traitrise ou d'absence de Lettre de Course, le navire était rendu à ses armateurs.

Sous la Révolution, l'enthousiaste Surcouf parti en guerre sans attendre d'avoir reçu sa Lettre de Course ou Lettre de marque, s'est vu condamné par le Tribunal des Prises de l'actuelle Ile Maurice, alors territoire français.

Ce n'est qu'une fois le jugement rendu qu'il pouvait être procédé à la vente des cargaisons.

En France, le tissu pris n'était pas mis en vente mais détruit afin de préserver les manufactures nationales (selon une ordonnance royale).

[modifier] Les prises (le butin)

En plus du navire, le butin de prise pouvait être très varié : fruits et légumes comme vin et eau-de-vie, sucre, poisson et viande (anchois, harengs, biscuits, boeuf, lard), cuirs, bois précieux, colorants (indigo), épices, café chocolat, sacs d'argent ou poudre d'or mais beaucoup plus rarement.

Le produit de la vente aux enchères des prise était alors partagé entre les personnes ayant collaboré à la capture de l'ennemi dans l'ordre des priorités :

  • L'Etat (Roi, République, Empereur) prenait entre 10 et 20 pour cent (c'est lui qui fournissait la lettre de marque).
  • Les frais (on payait la nourriture, la poudre, les munitions, ainsi que les réparations faites durant le voyage).
  • Les veuves et les blessés (les veuves prenaient deux fois la part de leurs défunts maris, et les blessés avaient une indemnité, fixée au départ en fonction de la partie du corps manquante, en plus de leur part).
  • L'armateur prenait ensuite 30 pour cent du reste.
  • Enfin, chaque homme avait sa part en fonction de sa place dans l'équipage (le mousse=demi-part, le capitaine=25 parts, le chirurgien=25 parts etc…)

Pour davantage d'informations, consulter les articles sur les navires corsaires.

[modifier] Le déroulement des combats

La plupart du temps, il y avait peu de combat ou alors ils étaient très courts. La guerre à mort est une notion récente, la guerre d'extermination n'était pas dans la psychologie du temps mais est apparue lors de la Révolution française. La vie de marin était rude, personne n'éprouvait le besoin de rajouter d'autres souffrances à celles déjà vécues par le simple exercice du mêtier de marin. Cependant la politique des pontons (navires désarmés dans lesquels les Anglais parquaient leurs prisonniers dans un tel entassement que le taux de mortalité y étaient très élevé) à partir de la Guerre de Sept Ans, a poussé les marins français à une lutte beaucoup plus acharnée. Les évadés des pontons ayant conçu de leur conditions de détention une haine de l'Angleterre, sentiment quasiment inconnu jusqu'alors[2].

[modifier] Tactique

La plupart du temps, le corsaire se mettait dans le sillage de l'ennemi pour ne pas être dans l'axe de ses canons. Un coup de semonce était tiré si le navire montrait qu'il se rendait en baissant son pavillon. On envoyait alors quelques hommes conduits par un officier prendre possession du navire ; sinon l'abordage avait lieu.

Pour l'abordage le corsaire se plaçait perpendiculairement à l'ennemi (d'où l'importance d'avoir un navire rapide et bien manœuvrant) et engageait son beaupré sur le pont de l'adversaire.

Il pouvait aussi l'engager de bout en bout : la proue contre la poupe de l'ennemi.

L'équipage était couché sur le pont pour se protéger et cacher son nombre (s'il était peu nombreux). Le corsaire préparait l'abordage par un tir nourri de mitraille pour dégager le pont ennemi avec caronnades et couleuvrines et aussi des tirs depuis la mâture (d'où l'on avait une meilleure vision) assurés par le chirurgien (qui ne montait pas à l'abordage), le mousse, le cuisinier, l'écrivain... le but de ces tirs précis, était de désorganiser l'adversaire en visant les officiers. On jetait les grappins et l'équipage s'élançait. Il était fréquent que des hommes tombent entre les deux navires et soient écrasés : Duguay-Trouin, lors de son premier combat a été marqué à vie par la vision d'un homme à la tête écrasée entre les deux coques ; Garneray a assisté à la même scène.

Le but du combat était de s'emparer d'un navire et de sa cargaison, d'obtenir une rançon de l'équipage. On tirait à démâter (art dans lequel les artilleurs français étaient passés maîtres), à la mitraille sur la dunette où se tenait les officiers, rarement à tuer, en "tirant dans le tas". Surcouf s'est vu obligé de le faire lors de la prise du Kent, le 31 août 1800, le navire ayant à son bord deux compagnies d'infanterie qui partaient pour leur garnison, elles chargèrent, culbutant les Français : le capitaine corsaire fit déplacer un canon de son sabord pour le tourner sur le pont vers cette attaque et tirer à mitraille ce qui arrêta net la contre-attaque anglaise.

Le combat se déroulait à l'arme légère : pistolet, fusil, pique, hache d'abordage, sabre d'abordage (la cuillière à pot, d'où l'expression "régler les choses en trois coups de cuillère à pot").

[modifier] Anecdotes

  • on vivait alors la "Guerre en Dentelles" et il est arrivé qu'un capitaine corsaire n'ayant pas le nombre d'hommes suffisant, fasse payer directemment au capitaine ennemi la rançon de son navire et de son équipage et même les libère avec promesse de rendre des prisonniers en échange.
  • Garneray raconte dans ses souvenirs, qu'un capitaine anglais qui s'était rendu sans combattre, montant à bord du navire français pour la reddition, constatait que les Français étaient peu nombreux ; il déclara que s'il avait su, il aurait combattu et que les Français ne l'aurait pas pris. Comme son ton méprisant agaçait le capitaine corsaire français, celui-ci déclara qu'il n'avait qu'à remonter sur son navire et qu'on allait donc combattre. Selon Garneray, l'anglais devint tout pâle et n'insista pas.

[modifier] Corsaires modernes

De nos jours, la « course » est abolie à l'exception notable des États-Unis. Selon la constitution américaine, le Congrès conserve le droit de « déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles et d'établir des règlements concernant les prises sur terre et sur mer » (Article 1, section VIII). Les États-Unis n'ont jamais signé la déclaration de Paris de 1856 qui abolissait la course.

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, l'Allemagne a utilisé des navires corsaires pour porter le conflit dans les océans du Sud afin de désorganiser le commerce britannique. Des navires marchands ont été armés, leurs superstructures modifiées et ces bâtiments ont arboré des pavillons de pays neutres. Ainsi transformés en croiseurs auxiliaires ils ont sillonné l'océan Indien austral notamment entre 1940 et 41. L' Atlantis (coulé par le croiseur anglais Devonshire le 21 novembre 1941), le Pinguin (coulé par le Cornwall ), le Komet écumèrent les eaux des îles Kerguelen. Il y eut également l'Orion, le Widder, le Thor, le Kormoran (coulé par le croiseur australien Sydney), le Michel (coulé devant le Japon), le Stier (coulé par un navire américain en Atlantique sud) ont écumé tous les océans du monde[3].

Tout récemment, l'administration Bush, après les attentats du 11 septembre 2001, a renforcé le droit constitutionnel de prises en mer en faisant voter une loi, September 11 Marque and Reprisal Actes of 2001, qui autorise le Département d'État à octroyer des lettres de marque sans attendre l'aval du Congrès. Ainsi des personnes ou des sociétés peuvent se voir confier des missions militaires navales offensives. En 2007, une société américaine privée, la société Pistris, s'est vu accorder une lettre de marque pour armer un navire battant pavillon américain chargé de traquer les pirates dans le golfe d'Aden.[4]

[modifier] Notes et références

  1. Définition de « corsaire » dans le Dictionnaire de l'Académie Française (9ème édition en ligne)
  2. La marine française au XVIIIe siècle, Michel Vergé Franceschi
  3. Les îles australes françaises par Gracie Delépine, Ed. Ouest-France,1995 pp. 140-155
  4. Ouest France, 3-4 novembre 2007 "Washington lache des corsaires dans l'océan Indien"

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Liens externes