Conflit nord-irlandais

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Histoire thématique

Le conflit nord-irlandais est l'histoire des tensions en Irlande du Nord.

Sommaire

[modifier] Rappels historiques

[modifier] Une vieille blessure

C'est au XIIe siècle que le roi d'Angleterre Henri II conquiert l'Irlande. Cette conquête est très mal acceptée par les Irlandais qui constituent un groupe homogène d'un point de vue ethnique, historique, linguistique, mais aussi culturel et politique. En effet, les Irlandais sont celtes, parlent irlandais et n'ont pas connu l'occupation romaine.

À partir du règne de Henri VIII d'Angleterre, la Réforme protestante est étendue à l'Irlande en 1541 donnant ainsi à l'occupation anglaise une dimension religieuse, les Irlandais restant massivement fidèles à Rome.

En 1649, les troupes anglaises et républicaines d'Oliver Cromwell envahissent une Irlande restée fidèle à la dynastie des Stuart. La moitié de la population est massacrée ou déportée dans les Antilles. 170.000 colons protestants s'installent sur l'île et confisquent une grande partie des terres.

Lors de la Glorieuse Révolution, prenant le parti du roi catholique Jacques II Stuart à la fin du XVIIe siècle contre le prétendant protestant Guillaume d'Orange (William III), les Irlandais se soulèvent, mais sont battus à la Bataille de la Boyne le 12 juillet 1690. La noblesse irlandaise est pourchassée et ses biens confisqués. Les terres sont également confisquées, 97 % du sol irlandais appartenant désormais aux colons protestants. Enfin, les Irlandais se voient retirer tous droits civils et religieux. En 1782 cependant, la législation anti-catholique est assouplie et un parlement irlandais, toutefois largement contrôlé par les protestants, est institué.

[modifier] Le réveil politique

Mais, en 1798, le débarquement d'un petit corps expéditionnaire français chargé « d'exporter la Révolution » entraîne un nouveau soulèvement irlandais. Après une victoire franco-irlandaise sur les troupes britanniques (Bataille de Castlebar 27 août 1798) et la proclamation de la République de Connaught (31 août 1798), les insurgés sont finalement vaincus et contraints à la capitulation (9 septembre 1798).

L'Union Act, adopté en 1800, consacre l'union de Grande Bretagne et de l'Irlande avec comme conséquence la suppression du parlement irlandais et de l'autonomie politique naissante.

Outre une série de soulèvements militaires avortés, l'histoire irlandaise au XIXe siècle est marquée par trois grandes initiatives politiques et une grande tragédie.

En 1823, Daniel O'Connell fonde l'Association Catholique qui obtient en 1829 la levée des dernières mesures anti-catholiques et en 1869 la fin des privilèges accordés jusqu'alors à l'Église anglicane d'Irlande.

En 1849, O'Mahoney fonde l'Irish Republican Brotherhood (IRB – Fraternité Républicaine Irlandaise), ancêtre de l'IRA, et première organisation moderne à lutter, y compris par la violence, en faveur de l'indépendance.

De 1846 à 1850, l'Irlande subit la plus dramatique famine de son histoire, due à une maladie de la pomme de terre et au régime foncier (les clauses du Home Rule contiendront une proposition de réforme agraire), entraînant entre 700 000 et 1 500 000 morts et une émigration massive de 800 000 à 1 300 000 personnes.

En 1870 apparaît enfin le mouvement du Home Rule, en faveur de l'autonomie, bientôt dirigé par le protestant libéral Charles Stewart Parnell. Le projet d'autonomie est finalement voté par la Chambre des Communes en 1912, mais rejeté par la Chambre des Lords. Ce vote précipite la radicalisation des protestants du nord (l'Ulster) qui, sous le slogan « Home Rule, Rome Rule » créent une organisation paramilitaire, l'Ulster Volunteer Force (UVF – Force des Volontaires d'Ulster) pour défendre leurs opinions unionistes (maintien de l'union avec le Royaume Uni).

Au début du XXe siècle, en 1905, un nouveau parti politique, promis à un bel avenir, est fondé par Arthur Griffith : le Sinn Féin (SF – Nous Seuls).

[modifier] La marche vers l'indépendance

En 1914, près de 20.000 Irlandais, Catholiques et Protestants, s'engagent comme volontaires pour combattre durant la Première Guerre Mondiale.

Le passage au Home Rule ayant été reporté sine die à cause du conflit, les ultras de la cause irlandaise restés au pays s'impatientent et se dotent, sur le modèle de l'UVF protestante, de groupes de combats. L'IRB devient la branche armée du Sinn Féin, la Ligue Gaélique fonde l'Irish Volunteers et le petit Parti Républicain Socialiste crée une Irish Citizen Army (ICA).

Le lundi de Pâques 1916 (24 avril), ces trois groupes qui, après des ordres et des contre-ordres, n'ont finalement réuni qu'un petit millier de combattants, proclament la République irlandaise et lancent une insurrection à Dublin, les Pâques sanglantes. Victimes de l'indifférence voire de l'hostilité de la population qui ne comprend pas leur action, souvent assimilée à une trahison puisque la guerre se poursuit sur le continent européen, écrasés par des forces britanniques supérieures en hommes et en matériels, les insurgés capitulent au bout d'une semaine (Bilan : 300 civils, 132 soldats et 76 insurgés tués).

Mais la répression maladroite qui s'ensuit va retourner l'opinion irlandaise en leur faveur. Les autorités britanniques procèdent à plus de 2 500 arrestations souvent arbitraires et prononcent 90 condamnations à mort dont celle du poète Padraig Pearse et du leader socialiste James Connolly exécuté sur sa chaise roulante.

En décembre 1918, le Sinn Féin, devenu le fédérateur politique de la cause irlandaise obtient 73 sièges sur 105 aux élections, les sièges restants étant répartis entre une poignée d'indépendants et une masse compacte d'unionistes d'Ulster. Éamon de Valera proclame l'indépendance de l'île en janvier 1919 contre l'avis des autorités britanniques qui interdisent le Sinn Féin et dissolvent le parlement irlandais, le Dáil Éireann.

C'est alors que sous la conduite de Michael Collins est créée l'Irish Republican Army (IRA – Armée Républicaine Irlandaise), fusion de l'IRB, de l'ICA et de l'IVF. Une guerre d'indépendance meurtrière se déroule jusqu'en 1921, date à laquelle le gouvernement britannique propose de couper l'île en deux : les six comtés du nord-est, majoritairement protestants et unionistes, restant unis à la couronne britannique, les 26 comtés du sud et de l'ouest formant un état indépendant sur le modèle canadien ou australien. Le parlement irlandais reconstitué approuve les termes du traité par 64 voix contre 57, tandis que de nouvelles élections, en 1922, donnent 92 sièges aux partisans du traité contre 36 aux républicains intransigeants anti-traité.

[modifier] Le germe des problèmes futurs

La ratification du traité entraîne une guerre civile entre les modérés de l'IRA, partisans du traité et donc de la partition de l'île, dont font partie Michael Collins, le héros militaire de la guerre d'indépendance, et Arthur Griffith, le fondateur du Sinn Féin, et les jusqu'au-boutistes de l'IRA dirigés par Éamon de Valera, le leader politique de l'indépendance.

Après 9 mois de guerre civile et près de 4 000 morts, Éamon de Valera, vaincu, dépose les armes. L'Irlande est officiellement coupée en deux. L'État libre d'Irlande abolira le serment d'allégeance à la Couronne britannique en 1933 et quittera le Commonwealth en 1949. L'Ulster sera dirigée par un gouverneur imposé par le gouvernement britannique jusqu'en 1972 avant de bénéficier d'une administration directe (Assemblée d'Irlande du Nord) sous la tutelle d'un secrétaire d'État.

[modifier] Le retour de la violence

[modifier] L'Ulster dans la tourmente

Le conflit nord-irlandais va commencer de manière anodine. À la fin des années 1960, un mouvement pacifique en faveur de l'égalité et des droits civiques pour les catholiques voit le jour au sein des jeunes catholiques issus de la classe moyenne. Menés notamment par Bernadette Devlin, ils organisent des marches et des sit-in. En août 1968, un de leurs rassemblements pacifiques à Londonderry ("Derry" pour les Républicains) est violemment attaqué par la police nord irlandaise, la Royal Ulster Constabulary (RUC), composée à 90% de Protestants. Durant tout l'automne 1968, les manifestants catholiques sont ainsi victimes de violences et d'attaques de la part de la police, mais aussi de groupes protestants comme l'Orange Order (OO – Ordre Orange) ou l'UVF.

Dans le courant du printemps 1969, éclatent les premiers attentats, principalement œuvre des para-militaires protestants de l'UVF qui entendent terroriser la population catholique qui continue ses manifestations pour les droits civiques. Durant l'été, et devant la détérioration de la situation, le premier ministre d'Ulster fait appel aux unités spéciales de la RUC, les B. Specials, dont beaucoup de membres sont liés aux para-militaires protestants. Le 12 août 1969, une manifestation catholique est durement réprimée à Londonderry. Retranchés dans le quartier du Bogside, les catholiques subissent l'assaut des B. Specials de la RUC qui sont repoussés : mais on compte 8 morts et plusieurs centaines de blessés. Les quartiers catholiques se soulèvent tandis que les protestants passent à l'attaque des quartiers catholiques : le 16 août à Belfast, 150 maisons sont incendiées, 8 catholiques sont tués et 300 autres blessés.

Le 20 août 1969, le gouvernement britannique décide d'envoyer l'armée pour rétablir le calme. La tension cependant reste vive et l'IRA, en sommeil depuis des années, fait sa réapparition. Le 30 janvier 1972, l'armée britannique ouvre le feu sur une manifestation catholique. Il y a 14 morts en ce Bloody Sunday. Le 21 juillet, l'IRA réplique par un Bloody Friday : 22 bombes explosent à Belfast faisant 16 morts. L'Irlande du Nord s'enfonce dans la guerre.

Le 27 août 1979, Lord Louis Mountbatten, cousin de la reine et dernier vice-roi des Indes est tué dans l'explosion de son bateau, piégé par l'IRA.

La période sera notamment marquée en 1981 par les grèves de la faim de détenus catholiques souhaitant obtenir le statut de prisonniers politiques ; dix d'entre eux en mourront devant l'intransigeance de Margaret Thatcher, dont Bobby Sands, membre de l'IRA et élu député Sinn Féin de Belfast-Ouest depuis sa prison. Cette élection marque d'ailleurs un tournant dans la vie politique nord-irlandaise puisque le Sinn Féin, jusqu'alors absent des élections, prouve ainsi sa représentativité.

En octobre 1984, une bombe posée par l'IRA explose au Grand Hôtel de Brighton, où se tient le congrès annuel du parti conservateur non loin de la "dame de fer" et de plusieurs membres de son gouvernement.

[modifier] La lente résolution du conflit

Géopolitique des communautés en Irlande du Nord - recensement de 1991.
Géopolitique des communautés en Irlande du Nord - recensement de 1991.

Le 20 mars 1993, l'IRA est responsable d'un attentat à la bombe à Warrington, la veille de la fête des mères, alors que des dizaines d'enfants sont dans les rues à la recherche d'un cadeau. Deux enfants sont tués, Jonathan Ball (3ans) et Tim Parry (12ans). À partir de ce moment l'Armée Républicaine perd son statut de défenseur des opprimés (qu'elle avait acquis après le Bloody Sunday) et devient pour l'opinion publique (les catholiques comme les protestants) une cruelle organisation terroriste. Par conséquent elle perd un grand nombre de ses soutiens et sa légitimité. Sous la pression du Président Clinton, l'IRA déclare un premier cessez-le-feu en 1994, ce qui permet aux différents acteurs politiques d'engager des discussions. Mais cette trève n'avait pas été suivie d'un désarmement, et en 1996 une attaque survient à Docklands (Londres) ralentissant le processus politique.

Il faut attendre l'année 1998 pour voir s'amorcer un processus de paix durable bien que fragile. Le 10 avril, un accord dit « du Vendredi Saint » (Good Friday Agreement) est signé par huit partis politiques dont le principal parti extrémiste unioniste le Democratic Ulster Party (DUP) et la branche politique de l'IRA, le Sinn Féin, grâce à la médiation américaine de George Mitchell. L'accord porte notamment sur l'élection d'une assemblée locale et un cessez le feu, suivi d'un désarmement de la plupart des organisations para-militaires. Le peuple irlandais a massivement approuvé la signature de l'accord par référendum (74% de OUI en Irlande du Nord et 94% en République d'Irlande). Cet accord a cependant été dénoncé par une fraction dissidente du Sinn Féin apparue en 1986, le Republican Sinn Féin, ainsi que par certains extrémistes de l'IRA qui poursuivent la lutte armée sous le sigle C-IRA (Continuity IRA). Du côté protestant, les para-militaires de la Loyalist Volunteer Force (LVF – Force des Volontaires Loyalistes) ou des Red Hand Defenders (RHD – Défenseurs de la Main Rouge) ont eux aussi refusé de désarmer, tout comme la plupart des autres petits groupes para-militaires protestants.

Ces efforts ont été encouragés par la Communauté Internationale à travers l'attribution du Prix Nobel de la paix 1998 aux deux leaders des partis nord-irlandais démocrates opposés signataires: John Hume pour le Social Democratic and Labour Party (Républicain) et David Trimble pour le Ulster Unonist Party (Unioniste).

Le 11 février 2000 marque la première suspension des institutions. Les protestants demandent le désarmement de l'IRA.

Mais cet accord reste fragile, comme le montrent les élections à l'Assemblée Nord-Irlandaise le 27 novembre 2003 dont les vainqueurs sont d'une part le DUP (25,6%) et d'autre part le Sinn Féin (23,5%), c'est-à-dire les porte-paroles respectifs des partis les plus extrémistes de chaque communauté. D'une façon générale la violence demeure larvée et les principaux acteurs du conflit restent sur la défensive. Le processus de paix est à la merci du moindre dérapage politique ou militaire.

Néanmoins, le 28 juillet 2005, l'IRA dépose les armes et renonce à la lutte armée. Dans un communiqué officiel, l'organisation informe qu'elle a demandé à ses membres de lutter pour la réunification de l'Irlande et la fin de la tutelle britannique sur l'Irlande du Nord par des moyens politiques. Cependant, étant donné que l'IRA était une organisation secrète, le processus de désarmement s'annonce précaire car malgré les mesures d'amnistie, la certitude ne sera jamais acquise que toutes les armes auront été rendues. Seuls le temps et le maintien de la volonté de résoudre le conflit pacifiquement pourront mettre un terme définitif à la violence.

Les premiers ministres britannique et irlandais relancent le processus de paix à Saint Andrews (Écosse), le 13 octobre 2006.

Le 28 janvier 2007, le Sinn Féin, après un vote de ses militants à 90%, a annoncé reconnaître la légitimité de la police et de la justice nord-irlandaises. Cette décision pourrait permettre de conclure le processus de paix lancé par les accords du vendredi saint de 1998. L'application de ces accords, qui prévoyaient un partage du pouvoir entre les deux communautés, est suspendue depuis 2002. La Grande-Bretagne a dissous mardi 30 janvier 2007, l'Assemblée d'Irlande du Nord, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles élections pour parvenir à un partage du pouvoir dans la province. Celles-ci ont eu lieu le 7 mars 2007, et ont été de nouveau gagnées par le DUP et le Sinn Féin.Le Parti unioniste démocratique de Ian Paisley a remporté 36 des 108 sièges de l'Assemblée d'Irlande du Nord (+ 6 sièges par rapport à 2003). Le Sinn Féin de Gerry Adams détient 28 sièges (+4). Les formations modérées de chaque camp ont baissé : 18 élus chez les protestants et à 16 chez les catholiques. La Grande-Bretagne et l'Irlande ont exhorté chaque camp à s'accorder sur un partage du pouvoir. "Le message de l'électorat est clair", ont déclaré dans un communiqué commun le Premier ministre britannique, Tony Blair, et son homologue irlandais, Bertie Ahern. Celui a également ajouté : "Nous avons fait des bonds de géant par le passé, aujourd'hui il faut que le DUP en fasse un autre, notamment en s'associant aux nationalistes au sein du gouvernement". Lundi 26 mars 2007, les leaders des deux partis majoritaires se sont entendus sur un partage du pouvoir à partir du 8 mai 2007.

Peter Hain, le ministre britannique à l'Irlande du Nord a signé lundi 7 mai 2007 le décret permettant la formation d'un gouvernement semi-autonome de l'Irlande du Nord, administrée précédemment par Londres. Le révérend Paisley qui dirige le Parti unioniste démocrate (DUP) et Martin McGuinness, numéro deux de Sinn Féin ont prêté serment mardi 8 mai 2007 pour devenir respectivement le nouveau Premier ministre nord-irlandais et le vice-Premier ministre . Les Premiers ministres britannique Tony Blair et irlandais Bertie Ahern ont assisté à la cérémonie à Stormont, le siège de l'assemblée régionale - un vaste palais blanc autrefois symbole du pouvoir protestant.

[modifier] Les principaux partis politiques nord-irlandais

[modifier] Les partis unionistes

-Democratic Unionist Party (DUPparti unioniste démocrate) : Fondé et dirigé par le pasteur Ian Paisley, ce parti représente les Protestants extrémistes. Pourquoi le mot démocrate ? Parce que les Protestants étant majoritaires en Ulster, le jeu de la démocratie doit normalement les avantager. Son discours violent et teinté de démagogie lui vaut une large audience au sein des milieux populaires protestants. Le DUP s'est définitivement installé comme le premier parti d'Irlande du Nord lors des élections générales de 2005.

-Progressive Unionist Party (PUP – Parti Progressiste Unioniste): Ce petit parti extrémiste protestant bénéficie d'une audience électorale relativement réduite (1,2% en 2003) avec cependant une forte implantation à Belfast. Le PUP est très proche des para-militaires de l'UVF. Son poids électoral est limité à 1 siège au sein de l'Assemblée nord-irlandaise et à 4 Conseillers de District.

-United Kingdom Unionist Party (UKUP – Parti Unioniste du Royaume Uni) : Ce petit parti né en 1996 d'une scission radicale de l'UUP est un inconditionnel du maintien de l'Ulster au sein de la Monarchie britannique. Electoralement faible, il ne dispose que d'un siège au sein de l'Assemblée nord-irlandaise et de deux Conseillers de District. Ses dirigeants semblent liés aux para-militaires de la LVF.

-Ulster Unionist Party (UUPParti unioniste d'Ulster) : Il s'agit du plus ancien parti unioniste (fondé en 1905), regroupant les Protestants modérés. Il a rompu tout lien avec les groupes para-militaires et son leader, David Trimble, est à l'origine de l'ouverture du processus de paix. Bien qu'électoralement puissant (22,7% en 2003), il a bien du mal à rivaliser avec les ultras du DUP. L'UUP dispose de 24 sièges au sein de l'Assemblée nord-irlandaise, de 154 Conseillers de District, d'un député et d'un parlementaire européen.

En dehors de ces partis protestants représentatifs, il existe une myriade de groupuscules, comme l' Ulster Nation (UN), l'United Unionist Coalition (UUC) ou le Northern Ireland Unionist Party (NIUP) dont les résultats électoraux cumulés tournent autour de 1% des voix (avec une poignée de Conseillers de District) et qui ne sont que les façades politiques de petits groupes para-militaires.

Il convient d'ajouter à ce paragraphe l'Orange Order (OO – Ordre Orange). Organisé sous la forme d'une loge maçonnique, ce mouvement fait référence au roi protestant Guillaume d'Orange. Fort de 80.000 à 100.000 membres, il alimente en cadres et militants la quasi-totalité des partis politiques protestants. Ses parades publiques, célébrant la défaite des Catholiques et de Jacques II Stuart à La Boyne (1690), sont autant de provocations qui dégénèrent chaque année en affrontements avec les Catholiques.

[modifier] Les partis republicains

-Sinn Féin (SF – Nous Seuls) : Parti historique de la lutte pour l'indépendance et l'unité de l'Irlande, indissociable de l'IRA dont il constitue la branche politique, le SF était bien moribond au début du conflit nord-irlandais. En 1970, il éclate en deux groupes distincts, l'Official Sinn Féin (O-SF), de tendance marxiste et privilégiant les luttes sociales, et le Provisonnal Sinn Féin (P-SF), privilégiant la lutte nationale et identitaire. L'O-SF a disparu en 1982 pour devenir un parti révolutionnaire multiconfessionnel, le Workers Party (Parti des Travailleurs).

Après des années de luttes, le Sinn Féin (« provisionnal ») a accepté, sous l'impulsion de son leader, Gerry Adams, de signer les accords de paix de 1998, condition sine qua non à leur application. Mais cela n'a pas été du goût des extrémistes de la cause catholique qui avaient fondé un Republican Sinn Féin (R-SF) en 1986 et entraîné avec eux une partie des ultras de l'IRA. Le R-SF refuse pour l'instant de participer au processus électoral.

-Irish Republican Socialist Party (IRSP – Parti Socialiste Républicain Irlandais) : Fondé en 1974 par des dissidents de Official Sinn Féin partisans du recours à la violence, l'IRSP n'a rapidement plus été que la simple vitrine politique de son propre groupe para-militaire, l'Irish National Liberation Army (INLA.- Armée Irlandaise de Libération Nationale). Refusant toute concession, opposé au processus électoral, l'IRSP est aujourd'hui une formation politique moribonde.

-Social Democratic and Labour Party (SDLP – Parti Travailliste et Social Démocrate) : Fondé en 1974, ce parti de centre gauche représente les Catholiques modérés et prône la non-violence.

Longtemps majoritaires parmi les Catholiques, il a été supplanté par le Sinn Féin. Pour autant, son poids électoral demeure important (17% des voix en 2003) avec 18 sièges au sein de l'Assemblée nord-irlandaise, 117 Conseillers de District, 3 députés et un parlementaire européen.

[modifier] Les partis inter-confessionnels

-Alliance Party of Northern Ireland (APNI): Fondé en 1970 afin de réconcilier les deux communautés catholique et protestante, l'Alliance n'a jamais pu réellement émerger, noyé dans la violence quotidienne du conflit. En 2003, l'APNI n'a recueilli que 3,7% des voix et sa représentation électorale demeure bien marginale avec seulement six sièges au sein de l'Assemblée nord-irlandaise et 28 Conseillers de District.

-Northern Ireland Women's Coalition (NIWC – Coalition des Femmes d'Irlande du Nord) : Fondée en 1996 à l'initiative de femmes appartenant aux deux confessions, cette coalition politique pacifiste s'est électoralement effondrée en 2003 (0,8% des voix). Elle ne dispose plus que d'une seule Conseillère de District.

Il existe d'autres partis hors du clivage catholique/protestant, mais leur représentativité électorale est d'une extrême faiblesse, qu'il s'agisse des marxistes du Workers Party (0,3%), du Parti Conservateur (0,2%), des Verts (0,4%) ou de la Socialist Environmental Alliance (0,35%).

On le voit, la vie politique nord-irlandaise est largement dominée par les extrémistes des deux camps et ne laisse en outre qu'une bien faible place aux partisans de la réconciliation.

[modifier] Les principales organisations para-militaires nord-irlandaises

[modifier] Les Unionistes

-Ulster Volunteers Force (UVF – Force des Volontaires d'Ulster) : Reprenant l'intitulé de l'ancien groupe para-militaire fondé en 1912, cette version nouvelle de l'UVF date de 1966. L'UVF compterait près de 1.000 activistes clandestins.

-Ulster Defence Association (UDA – Association de Défense de l'Ulster) : Fondée en 1971 et forte, à son apogée de 40.000 membres, elle fut longtemps soutenue par les autorités protestantes et servit même de force supplétive à la police nord-irlandaise. Interdite en 1992, elle est entrée dans la clandestinité et compterait entre 2.000 et 2.500 activistes.

-Ulster Freedom Fighters (UFF – Combattants pour la Liberté de l'Ulster) : Née en 1973 d'une fraction de UDA jugée trop proche des autorités, l'UFF s'est signalée très tôt par sa violence anti-catholique. L'UFF compterait 200 à 300 activistes.

-Red Hand Defenders (RHD – Défenseurs de la Main Rouge) : Ce groupe clandestin est né en 1970. Son intitulé fait référence à la main rouge qui figure sur le blason de l'Ulster et symbolise la province aux yeux des Protestants. Très proches des milieux conservateurs protestants, les RHD compteraient une centaine d'activistes particulièrement réputés pour leur violence.

-Loyalist Volunteers Force (LVF – Force des Volontaires Loyalistes) : Il s'agit de l'une des dernières nées sur la scène para-militaire protestante. Fondée en 1996, la LVF regroupe des éléments extrémistes issus de l'UDA et de l'UVF. Elle compterait 500 activistes.

Il existe d'autres groupes para-militaires protestants, parfois indépendants ou parfois liés à ceux précédemment cités qui agissent de façon intermittente. Citons en vrac la Protestant Action Force (PAF), l'Ulster Resistance (UR), les Orange Volunteers (OV) ou les Red Hand Commandos (RHC). L'ensemble de ces groupes ne représente guère plus de 300 activistes.

[modifier] Les Republicains

-Irish Republican Army (IRA – Armée Républicaine Irlandaise) : Branche militaire du Sinn Féin, l'IRA a connu les mêmes tourments internes que sa façade politique. En 1970, l'IRA éclate en deux organisations distinctes, l'Official IRA (O-IRA) et la Provisionnal IRA (P-IRA). Dès 1971, une guerre interne oppose les deux IRA. Ce sont les activistes de la P-IRA, les « provos », qui l'emportent. L'O-IRA décrète un cessez le feu en 1972 et se dissout en 1974.

L'IRA « Provisoire » apparaît alors comme le mouvement phare de la lutte armée des catholiques et excelle dans la pratique de la guérilla urbaine. Remarquablement organisée, elle compte, lors de la signature du traité de 1998, près de 1.500 activistes clandestins et plus de 20.000 sympathisants actifs. Mais, le « recentrage » annoncé du Sinn Féin, avait entraîné une scission en 1986, avec la création du Republican Sinn Féin (R-SF). Parallèlement, les extrémistes de l'IRA ont créé une Real IRA (R-IRA) devenue en 1996 la Continuity IRA (C-IRA) qui, forte probablement de plus de 600 clandestins et quelques milliers de sympathisants, poursuit la lutte armée.

-Irish National Liberation Army (INLA – Armée Irlandaise de Libération Nationale) : Issue en 1975 des débris de l'Official IRA (O-IRA), l'INLA apparaît comme la branche militaire de l'Irish Republican Socialist Party (IRSP– Parti Socialiste Républicain Irlandais). Forte de 400 à 500 clandestins, l'INLA est décapitée dans le courant des années 1980 par une vague d'arrestations touchant ses dirigeants. L'IRA profitera de sa faiblesse du moment pour absorber une partie de ses forces. L'INLA ne compterait plus que 100 à 150 activistes.

-Irish People Liberation Organization (IPLO – Organisation de Libération du Peuple Irlandais) : Dissidence de l'INLA apparue en 1986, l'IPLO s'est livrée à une surenchère politico-militaire qui a très vite gêné l'IRA qui a déclenché une campagne militaire contre elle. Encore active bien que moribonde, l'IPLO ne semble pas disposer de plus d'une centaine d'activistes.

Il faut noter que les para-militaires unionistes ont longtemps bénéficié d'une certaine bienveillance de la part des autorités nord-irlandaises et de connivences avec les forces de police. Par ailleurs, l'ensemble des groupes para-militaires, Protestants comme Catholiques, dispose de fonds importants provenant de dons, mais plus généralement du racket, de la drogue ou d'attaques de banques.

[modifier] Les peintures murales (murals)

Bien que la première fresque ait été peinte par les loyalistes en 1908, c'est à partir de la fin des années 1970 et la lutte des prisonniers républicains que cette pratique de « propagande murale » sans équivalent en Europe de par son étendue et sa diversité, a pris son essor.

Après une période de profusion dans les années 1990, la pratique des murals restent encore très présente dans le paysage nord irlandais et notamment à Belfast et Derry.

Il existe en permanence environ trois cents murals en Irlande du Nord.

Peintures murales Nord-Irlandaises

[modifier] Un bilan

[modifier] Bilan matériel et humain

Les tensions en Irlande du Nord sont pudiquement qualifiées de « troubles ». Le nombre de victimes est cependant considérable pour une population de 1 600 000 personnes. De 1969 à 2003 on compte en effet[réf. nécessaire] :

  • 3 500 tués
  • 47 500 blessés
  • 19 600 emprisonnements
  • 37 000 fusillades
  • 16 200 attentats à la bombe ou tentatives
  • 2 200 incendies volontaires
  • 22 500 armes dérobées

Par ailleurs durant cette période, la police a saisi 12 000 armes à feu et 116 tonnes d'explosifs…

Le 28 juillet 2005, l'IRA a annoncé qu'elle arrêtait ses actions terroristes et meurtrières et que tout son armement serait détruit (armes de poings, lances-roquettes, explosifs…) Tout le monde politique des pays concernés par cette annonce sans précedent s'est declaré réjoui et satisfait par cette décision. Cependant, les Unionistes nord-irlandais restent sceptiques malgré cette apparente bonne volonté émanant de l'IRA. Pour eux, tant que des preuves iconographiques ne seront pas montrés, le doute est permis.

[modifier] Statistiques sur les pertes humaines du conflit nord-irlandais

Morts liées au conflit ([1]).

Année Morts
2004 2 (2)
2003 10 (2)
2002 11 (4)
2001 15
2000 19
1999 8
1998 53
1997 21
1996 17
1995 9
1994 60
1993 84
1992 85
1991 94
1990 76
1989 75
1988 104
1987 98
1986 61
1985 57
1984 69
1983 85
1982 110
1981 113
1980 80
1979 121
1978 81
1977 111
1976 295
1975 260
1974 294
1973 253
1972 479
1971 171
1970 26
1969 16

Sur les 3 480 victimes des 30 années de conflit en Irlande du Nord, de 1969 à 1998 :

  • 60 % furent tués par les forces paramilitaires républicaines
  • 28 % furent tués par les forces paramilitaires loyalistes
  • 11 % furent tués par les forces de sécurité britanniques
  • 91 % étaient des hommes
  • 53 % avaient moins de 30 ans
  • 30 % étaient protestants

[modifier] Plus de 25 ans de mesures d'exception...

L'arrêt Irlande contre Royaume-Uni du 18 janvier 1978 rendu par la Cour européenne des droits de l'homme relate la nature et l'étendue de mesures « extrajudiciaires » prises par les autorités britanniques à l'occasion de ce conflit, leur application et les mauvais traitements qu'ont subis des personnes privées de leur liberté sur leur base. Ces mesures furent condamnées par la CEDH.

Au cours des années 1950, la Grande-Bretagne autorisa par décrets des mesures de perquisition, d'internement, de couvre-feu, de procédures spéciales de jugement, de contrôle des armes à feu et explosifs et de restrictions à la liberté de mouvement.

Par la suite, les autorités britanniques estimaient qu'il fallait instaurer un système de détention et d'internement des personnes soupçonnées d'activités terroristes graves, mais contre lesquelles on ne pouvait produire assez de preuves devant les tribunaux.

C'est ainsi que du 9 août 1971 au 7 novembre 1972, date du remplacement de certains décrets d'exception, les autorités d'Irlande du Nord se servirent de quatre pouvoirs:

  • arrestation aux fins d'interrogatoire sans mandat pendant 48 heures
  • arrestation et garde à vue par tout membre (officer) de la RUC qui avait qualité pour autoriser l'arrestation dès lors qu'elle lui parût s'imposer "pour la sauvegarde de la paix et le maintien de l'ordre";
  • détention d'un individu arrêté
  • internement

Durant les semaines antérieures à l'introduction de ces mesures, la police, en consultation avec l'armée, dressa des listes des personnes à arrêter. Elles concernaient non seulement des membres présumés de l'IRA, mais aussi des individus soupçonnés d'avoir soit des rapports soit liens avec elle. L'IRA allait représenter la cible d'une opération dénommée « Demetrius ».

Le lundi 9 août 1971 à partir de 4 heures du matin, l'armée, assistée parfois de policiers, lança une opération pour appréhender les 452 personnes dont le nom figurait sur la liste précitée. Finalement, il fut procédé à environ 350 arrestations en vertu de ces décrets d'exception. Les intéressés furent emmenés dans les trois centres régionaux de détention créés pour les accueillir pendant 48 heures: le Magilligan Weekend Training Centre, dans le comté de Londonderry, le Ballykinler Weekend Training Centre, dans celui de Down, et le Girdwood Park Territorial Army Centre, à Belfast. Ils furent tous interrogés par des membres de la Royal Ulster Constabulary (RUC). 104 d'entre eux recouvrèrent leur liberté dans les 48 heures. Ceux qu'il fallait détenir furent transférés à Belfast, à bord du navire-prison "Maidstone" ou à la prison de la Crumlin Road. Auparavant, 12 individus furent envoyés dans un ou des centres non identifiés pour un "interrogatoire poussé qui dura plusieurs jours (voir infra sur les mauvais traitements). Cette opération « Demetrius » avait un caractère global et non sélectif. Elle visait l'IRA comme organisation. Il fut même admis qu'en raison de son ampleur et de sa rapidité, quelques personnes furent arrêtées ou même détenues sur la base de renseignements insuffisants ou inexacts.

Adoptée par le parlement du Royaume-Uni, la loi de 1972 édictant des dispositions transitoires pour l'Irlande du Nord (Northern Ireland [Temporary Provisions] Act) entra en vigueur le 30 mars 1972. Elle prévoyait que les autorités du Royaume-Uni exerceraient pour un temps les pouvoirs du parlement et du gouvernement des 6 comtés de l'Irlande du Nord. Elle habilitait la Reine à légiférer en son Conseil à la place du parlement de Belfast, qu'elle suspendait. En ce qui concerne l'exécutif, elle transférait les attributions du gouvernement local au secrétaire d'État pour l'Irlande du Nord. Il s'agissait d'un nouveau poste créé pour la circonstance. Son titulaire était membre du gouvernement de Londres et responsable devant le parlement du Royaume-Uni. Promulguée pour un an, la loi fut prorogée par la suite. Ce secrétaire d'État pour l'Irlande du Nord pouvait adopter toute mesure ou donner toute directive que pouvaient requérir la sauvegarde de la paix et le maintien de l'ordre. En assumant l'administration directe, le gouvernement du Royaume-Uni déclara que l'un de ses objectifs essentiels consistait à mettre fin à l'internement prévu par la loi sur les pouvoirs d'exception et à étudier les moyens de se passer des pouvoirs qu'elle instituait. À la mi-mai de l'année 1972, 259 personnes avaient été relâchées.

Cependant, le 8 août 1973 entra en vigueur la loi sur l'état d'urgence en Irlande du Nord (Northern Ireland [Emergency Provisions] Act 1973).Elle abrogeait certaines dispositions des décrets des années 1950 mais créait de nouvelles mesures "extrajudiciaires":

  • l'arrestation et la détention pendant 72 heures ;
  • la garde à vue pendant 28 jours ;
  • la détention.

Soumis au parlement du Royaume-Uni en janvier 1975, le rapport de la Commission Gardiner se livrait à un examen critique des procédures pénales concernant des actes liés au terrorisme et déjà érigés, ou à ériger, en infractions. Elle concernait aussi les pouvoirs des forces de sécurité, de l'état des prisons, des catégories spéciales de détenus et de la détention. Sur la base des recommandations de ladite Commission, le parlement du Royaume-Uni la modifia par une loi du 7 août 1975 (Northern Ireland [Emergency Provisions] [Amendment] Act 1975, "la loi modificative sur l'état d'urgence"). Entrée en vigueur le 21 août 1975, celle-ci édictait en matière de détention de nouvelles règles. Elle retournait au principe d'une détention ordonnée par le secrétaire d'État, et non plus par un commissaire, l'ordonnance devant être précédée du rapport d'un conseiller doté de qualifications juridiques.

[modifier] Les mauvais traitements subis par les détenus

Les forces britanniques de sécurité opérèrent en Irlande du Nord, à partir du 9 août 1971, de nombreuses arrestations et mises en garde à vue au titre des pouvoirs d'exception précités. Les suspects subissaient des interrogatoires, menés d'ordinaire par la RUC. Ils étaient destinés à déterminer s'il fallait les interner et/ou recueillir des renseignements sur l'IRA. D'août 1971 à juin 1972, la police retint environ 3 276 personnes dans divers centres de détention. Ces centres furent remplacés en juillet 1972 par des postes de police situés à Belfast et dans une caserne de l'armée à Ballykelly. Le gouvernement britannique lui-même dénonca les mauvais traitements qui avaient accompagné tant les arrestations initiales que les interrogatoires ultérieurs.

La CEDH a étudié 41 cas à la lumière de rapports médicaux et d'observations écrites.

12 personnes arrêtées le 9 août 1971 et 2 personnes appréhendées en octobre 1971 furent sélectionnées et emmenées dans un ou des centres non identifiés. Elles y subirent, du 11 au 17 août et du 11 au 18 octobre respectivement, un type d'interrogatoire poussé comprenant l'application cumulative de cinq techniques particulières. Ces techniques, appelées "de désorientation" ou "de privation sensorielle", furent employées dans 14 cas. Il ressort qu'elles consistaient en ceci:

  • station debout contre un mur: on forçait les détenus à rester, durant des périodes longues de quelques heures, dans une "posture de tension" ("stress position"); les intéressés ont indiqués qu'il leur avait fallu se tenir, bras et jambes écartés, contre un mur, les doigts s'y appuyant bien au-dessus de la tête, les membres inférieurs éloignés l'un de l'autre et les pieds en arrière, ce qui les avait obligés à se dresser sur les orteils, le poids du corps portant pour l'essentiel sur les doigts.
  • couverture de la tête des détenus par une cagoule noire ou bleu marine qui, au moins au début, y demeuraient en permanence sauf pendant les interrogatoires.
  • bruit: avant les interrogatoires, les détenus se trouvaient dans une pièce où ne cessait de retentir un fort sifflement.
  • privation de sommeil avant les interrogatoires.
  • alimentation réduite en nourriture solide et liquide pendant leur séjour au centre et avant les interrogatoires.

Le gouvernement britannique a reconnu dès l'origine que le recours aux 5 « techniques » avait été permis à "un haut niveau". Bien qu'on ne les ait jamais autorisées dans un document officiel, le Centre anglais de renseignements (English Intelligence Centre) les avait inculquées oralement en avril 1971, lors d'un séminaire, à des membres de la RUC. Les deux séries d'interrogatoires poussés au moyen desdites techniques aboutirent à rassembler une masse considérable de renseignements et notamment à identifier 700 membres des 2 factions de l'IRA ainsi que les responsables d'environ 85 attentats jusque-là inexpliqués.

Des allégations de sévices et mauvais traitements imputés aux forces de sécurité furent divulguées peu après l'opération Demetrius (voir supra sur l'opération).

Le 31 août 1971, le gouvernement du Royaume-Uni créa une commission d'enquête sur ce sujet, sous la présidence de Sir Edmund Compton. Elle examina 40 cas dont 11 concernaient des personnes soumises aux 5 techniques en août 1971. Elle estima que les interrogatoires poussés et menés à l'aide de ces dernières constituaient des mauvais traitements physiques, mais non des sévices au sens qu'elle attribuait à ce terme. Adopté le 3 novembre 1971, son rapport fut rendu public avec un rapport supplémentaire présenté par Sir Edmund Compton, le 14 novembre, sur 3 autres cas remontant aux mois de septembre et octobre et dont un comprenait l'emploi des techniques.

Les rapports Compton soulevèrent de vives critiques au Royaume-Uni. Le 16 novembre 1971, le ministre britannique de l'intérieur annonça qu'une nouvelle commission, présidée par Lord Parker of Waddington, avait été formée pour rechercher si, et dans l'affirmative sur quels points, il y avait lieu de changer les procédures autorisées [à l'époque] pour l'interrogatoire de personnes soupçonnées de terrorisme et pour leur garde à vue pendant cet interrogatoire".

Établi le 31 janvier 1972, le rapport Parker renfermait 2 avis, respectivement majoritaire et minoritaire. Selon le premier, le recours aux techniques, sous réserve de garanties recommandées pour en éviter l'utilisation excessive, n'avait pas à être condamné sur le plan de l'éthique. D'après le second au contraire, qui émanait de Lord Gardiner, de tels procédés d'interrogatoire ne pouvaient se justifier moralement même dans une situation de crise due au terrorisme. La majorité s'accordait avec la minorité pour conclure à l'illicéité des méthodes litigieuses en droit interne, mais son opinion se limitait au droit anglais et à certaines des techniques sinon à chacune d'elles". Le rapport Parker fut publié le 2 mars 1972. Le même jour, le premier ministre du Royaume-Uni déclara devant le parlement : "Le] gouvernement, ayant étudié l'ensemble de la question avec grand soin et en songeant à d'éventuelles opérations ultérieures, a décidé que les techniques (...) ne serviront plus de moyen auxiliaire d'interrogatoire." Et d'ajouter : 'Ma déclaration vaut pour toutes les circonstances futures. Si un gouvernement devait considérer (...) que des techniques supplémentaires d'interrogatoire s'imposent, je crois (...) qu'il lui faudrait probablement inviter la Chambre à lui en donner le pouvoir.

Ainsi que le premier ministre l'avait laissé prévoir, le gouvernement adressa ensuite aux forces de sécurité des directives prohibant expressément l'emploi, même non cumulatif, de ces « techniques » d'interrogatoire.

À l'audience du 8 février 1977 devant la CEDH, l'Attorney-General du Royaume-Uni déclara : "Le gouvernement du Royaume-Uni a réfléchi au problème du recours aux « cinq techniques » avec une extrême attention et en ayant notamment égard à l'article 3 de la Convention. Il prend à présent l'engagement inconditionnel qu'elles ne seront réintroduites en aucune circonstance pour aider aux interrogatoires."

La CEDH dans sont arrêt relève que d'une manière générale elle se déclare persuadée que l'on ne saurait exclure des séquelles psychiatrique chez certaines des 14 victimes des « techniques » d'interrogatoire. Les rapports médicaux dressés en ces occasions et des photographies prises le même jour révélèrent sur le corps d'un suspect des meurtrissures et contusions qu'il ne présentait pas auparavant. La Cour est "convaincue au-delà de tout doute raisonnable que certaines de ces lésions (...) résultaient de voies de fait auxquelles les forces de sécurité s'étaient livrées sur lui au centre". Plus généralement, et en s'appuyant sur les faits établis, elle estime probable que l'on a parfois usé de violences physiques en pratiquant les 5 techniques.

[modifier] ... et 10 ans de non droit.

Des officiers du renseignement de la police de Belfast des unités spéciales de la RUC ont couverts des informateurs appartenant à la milice protestante UVF malgré leur implication dans au moins 10 meurtres et autant de tentatives, selon les conclusions d'une enquête officielle publiées lundi 22 janvier 2007. Ce scénario a porté sur la période 1991-2003. Dans son rapport, Nuala O'Loan, le médiateur catholique de la police, autorisée à enquêter sur des plaintes contre la police d'Irlande du Nord, écrit que des agents ont couverts des extrémistes de l'UVF d'une unité basée à Mount Vernon, un quartier protestant radical du nord de Belfast. Le rapport relate comment la police nord-irlandaise a tout fait pour que les criminels ne soient pas appréhendés, allant jusqu'à rédiger de fausses notes, à détruire minutieusement des preuves, à bloquer la recherche d'armes ou à former les suspects aux interrogatoires. Impliqués a minima dans des fusillades, des trafics de drogue et des extorsions de fonds, ces informateurs étaient autorisés à agir en toute impunité et étaient même rémunérés. En dix ans, un loyaliste a reçu l'équivalent de 120 000 euros. « Il y avait très peu de règles, pas de réel management », a expliqué le médiateur de la police Nuala O'Loan. Un ancien détective de la division des enquêtes criminelles déclare expressément dans le rapport que lui et ses collègues ont été empêchés à plusieurs reprises par des agents de la Special Branch d'enquêter sur des crimes impliquant des membres des milices protestantes de l'UVF ou de l'UDA. Il apparait qu'ainsi un bon nombre de meurtres n'ont jamais été élucidés.

Le rapport de 162 pages est le résultat de 3 ans d'enquête. Il demande à la police de rouvrir des dizaines de dossiers datant des années 1990 et de poursuivre les anciens officiers impliqués dans la couverture des crimes de leurs informateurs. Le médiateur de la police a insisté sur la difficulté de son enquête. Ainsi, deux commissaires retraités ont refusé de témoigner. D'autres officiers ont répondu évasivement et de façon contradictoire, faisant parfois preuve de « mépris pour la loi ». Pour Nuala O'Loan, il est certain que les policiers n'ont pu agir que couverts au plus haut niveau de la hiérarchie.

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