Anticommunautarisme

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L'anticommunautarisme, terme surtout utilisé en France, désigne une attitude d'hostilité à l'égard du communautarisme, nom donné en France au régionalisme comme à la défense des minorités de tout genre (culturelles, linguistiques, religieuses, sexuelles), sans distinction.

Sommaire

[modifier] Description

L'anticommunautarisme peut être un terme appliqué à différentes notions :

  • une idéologie qui s'oppose à la reconnaissance publique de minorités (terme juridique international utilisé dans les publications de l'ONU et de l'UNESCO) appelées communautés, la seule communauté reconnue par l'État étant la communauté des citoyens ;
  • une attitude basée sur des préjugés à l'encontre de groupes, minorités ou communautés ... Cette attitude est assimilable à du racisme même si la loi française ne la sanctionne pas comme telle. Il ne s'agit aucunement d'idéologie dans ce cas[1].

Au niveau d'une communauté de pays, comme l'Union européenne, le terme peut être employé pour désigner une attitude ou une politique hostile à l'égard de cette communauté ou de ses institutions[2].

Les anticommunautaristes s'opposent ainsi à la reconnaissance publique de tous les groupes, minorités ou communautés, quelles qu'en soient leur nature :

  • la culture ou la langue ;
  • le peuple ou la couleur ;
  • la religion ;
  • l'orientation sexuelle.

[modifier] Situation en France

La République française est, selon certains, par essence anticommunautariste, ceci est parfois contesté[3]. Les articles suivants résultent de versions successives de la constitution qui ont constamment durci l'attitude du pouvoir vis-à-vis des communautés et par extension vis-à-vis des minorités :

Ce dernier article a été rajouté dans le cadre de la révision constitutionnelle de 1992, lors du processus d'adoption du traité de Maastricht. Le promoteur de cette révision constitutionnelle s'était engagé à ce que cette clause ne serve pas contre les langues régionales. En pratique, il ne sert qu'à la lutte contre la diversité culturelle à l'intérieur de l'hexagone.[réf. nécessaire]

Ces principes s'opposent donc à la reconnaissance publique de groupes, minorités ou communautés autres que la communauté des citoyens, quelles qu'en soient leur nature (raciale, ethnique, linguistique, religieuse...). L'idéologie sous-jacente à la constitution (l'état-nation : "Une langue, un peuple, une nation, un état") s'oppose donc à la reconnaissance de minorités nationales voire de peuples minoritaires en France. Ils ont été à chaque fois réaffirmés et durcis par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'Etat, notamment :

  • Décision du Conseil constitutionnel du 09/05/1991 : "Considérant que la France est, ainsi que le proclame l'article 2 de la Constitution de 1958, une République indivisible, laïque, démocratique et sociale qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine ; que dès lors la mention faite par le législateur du "peuple corse, composante du peuple français" est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion"[4].

"Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct {...} La syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français". Antoine de Rivarol, Discours sur l'Universalité de la langue française.

[modifier] Remise en cause de l'anticommunautarisme français

L'anticommunautarisme est mis en cause, par exemple :

  • indirectement par des personnalités politiques :
    • La nomination de préfets en mettant en avant leur religion[8],
    • La volonté de Nicolas Sarkozy de "faire apparaître l'origine ethnique des délinquants dans les statistiques de la police"[9].[réf. nécessaire]

[modifier] Affirmation de l'anticommunautarisme

Certains hommes politiques se déclarent publiquement anticommunautaristes :

  • Nicolas Sarkozy, avant d'affirmer que "le vote juif n'existe pas" Explication : il est régulièrement critiqué comme communautariste par la gauche républicaine (qui n'a ni le monopole de l'anticommunautarisme ni celui de la démocratie, notamment pour ses accointances avec les musulmans ; qui a dit qu'il était anticommunautariste ? (dimanche 11 février dans Arrêt sur images sur la 5, émission qui lui était consacrée),[réf. nécessaire]
  • Jean-Marie Le Pen, à l'émission de Franz-Olivier Giesbert, sur la 5, dimanche 11 février, après avoir affirmé qu'"il n'y a pas d'immigration maghrébine".[réf. nécessaire]

En fait, tous les politiques se déclarent anticommunautaristes, tant le mot contient de charges péjoratives.

Ceci n'empêche nullement la défense des minorités. Par exemple, F. Bayrou qui se dit attaché au modèle républicain français déclare :

« "La défense du français n'est pas contradictoire avec la défense des langues de France, avec la défense de la diversité culturelle de notre patrimoine que chacune des langues régionales constitue ! Alors que nous nous battons pour la diversité culturelle, devrions-nous pas considérer que parce qu'une langue est minoritaire, elle est moins digne d'intérêt ? Ces langues sont victimes d'un ostracisme. Si nous laissons faire, un jour le français sera lui aussi ostracisé, car c'est une langue minoritaire en Europe et dans le monde. Les langues régionales sont en danger de mort. Pour certaines, c’est une question d’années. La loi doit imposer, non seulement le respect de ces langues, mais leur défense : le respect ne suffit plus ! Nous avons besoin de fonder une politique positive. L’inscription dans la loi de la défense de ces langues induira une décision politique de première importance : la signature par la France de la Charte des langues régionales ou minoritaires. Il s’agit de défendre un droit. En tant que citoyens français, nous avons tous le droit de pratiquer les langues qui nous ont faits ce que nous sommes[10]." »

[modifier] Critique de l'anticommunautarisme français

Plusieurs auteurs ont critiqué l'anticommunautarisme français :

Les adversaires de l'anticommunautarisme dénoncent la spécificité de l'anticommunautarisme français, alors que les pays anglo-saxons reconnaissent les communautés et le multiculturalisme.[réf. nécessaire]

Les anticommunautaristes sont accusés[réf. nécessaire], en fonction des attitudes qu'ils adoptent :

Les anticommunautaristes sont fortement représentés parmi les "nationaux-républicains".[réf. nécessaire] Voir en particulier :

  • Julien Landfried : Contre le communautarisme (Armand Colin, 2007)

En France, la conception de l'Universalisme républicain est censée résoudre ces contradictions en :

  • Définissant un socle de valeurs ou caractéristiques communes (laïcité, langue française, etc.)
  • Laissant à chacun le libre choix de ses convictions ou de ses particularismes / spécificités culturelles, religieuses, ...

[modifier] Dérive de l'anticommunautarisme français

L'anticommunautarisme peut parfois servir de paravent à des préjugés racistes (voir ci-dessous), islamophobes (voir ci-dessous) ou homophobes[réf. nécessaire].

[modifier] Illustrations de l'anticommunautarisme français

« Le juge pénal a refusé le bénéfice des dispositions du Code pénal à des justiciables qui portaient plainte contre un courrier d'un lecteur réunionnais publié le 11 février 1998 dans le « Journal de l'île de la Réunion », dirigé par Philippe Hersant. Ce courrier indiquait : « Tout le monde sait et dit que les Corses, dans leur immense majorité, ne sont que des voleurs et des profiteurs, des racketteurs et des racistes et quand ils ne sont pas directement engagés dans l'action illégale, ils en sont complices en observant l'Omerta, cette loi du silence que l'on veut nous faire croire inspirée par l'honneur alors qu'elle n'est qu'une manifestation de la trouille, de la couardise et du terrorisme. Ils sucent la Nation française et l'Europe en utilisant des vrais faux certificats administratifs. Et ne parlons pas des assassins jamais poursuivis ou, en tous cas, jamais condamnés même lorsqu'ils sont pris en flagrant délit. Les Corses sont des racistes et ont organisé de façon efficace la préférence régionale et le zoreil déor (en créole : continentaux dehors) ». La Cour d'appel de la Réunion a débouté les plaignants en jugeant : « Attendu qu'il n'existe ni ethnie, ni nation, ni race, ni religion dite « corse » ; que, dès lors l'article incriminé ne s'inscrit pas dans le champ d'application des dispositions susvisées de la loi du 29 juillet 1881 » (Cour d'appel de Saint-Denis, 11 mars 1999, Philippe Hersant). »

[modifier] La crainte du communautarisme musulman

À tort ou à raison, la crainte du communautarisme musulman est issue :

[modifier] La communauté juive

Il existe actuellement une tendance à la radicalisation de certains milieux juifs en France conduisant à un intégrisme hébraïque et à une réaffirmation de leur identité.[réf. nécessaire]

Ceci est perçu comme du communautarisme et est dénoncé notamment par les nationaux-républicains.[réf. nécessaire]

[modifier] Anticommunautarisme et politiques régionalistes

Les anticommunautaristes voient dans l'existence de communautés (voire même de minorités) d'origine ou régionales un danger pour l'unité nationale (selon le principe "Une seule langue, un seul peuple, une seule nation, un seul État") et une menace pour la cohésion sociale.

Les régionalistes voient, à l'inverse, dans le développement de l'utilisation du terme anticommunautarisme

Les défenseurs des langues et cultures minoritaires ne considèrent pas (et depuis au moins un siècle) qu'il y a opposition entre l'existence du peuple français et l'existence des peuples minoritaires. Selon eux, le terme "indivisibilité" pose une volonté d'union - ce qui est positif et ne s'oppose pas à l'existence de minorités _ il ne s'agit pas de revendications communautaristes. Ils sont donc en désaccord avec l'interprétation donnée actuellement par le conseil d'État et par les nationaux-républicains, puisqu'elle aboutit à nier l'existence de minorités nationales en France et donc à la négation des droits des minorités culturelles en France, comme l'a maintenu la France lors de la signature de différents textes juridiques internationaux. Les républicains estiment de leur côté que la définition de droits culturels implique une limitation des droits de l'individu[réf. nécessaire].

L'action de nombreuses personnes parmi les nationaux-"républicains" consiste à dévaloriser systématiquement les langues et cultures minoritaires ainsi que leurs défenseurs (notamment dans le choix des termes: "tribus", repli identitaire, ethnicisation, communautarisme). Les questions linguistiques ne sont jamais abordées du point de vue des droits de l'homme, tels qu'ils apparaissent dans les documents juridiques internationaux de l'ONU.

[modifier] Sentiments anti régionalistes bretons

Des régionalistes parlent de la brittophobie (néologisme peu employé)[réf. nécessaire] qui serait la manifestation d'un sentiment anti-breton que certains individus éprouvent à l'égard soit des Bretons eux-mêmes, soit de leur culture ou de leurs langues, ou de ce qui est considéré (à tort ou à raison) comme particulièrement breton. Ils parlent aussi de racisme anti-breton.

Il existe en anglais un terme britophobia qui ne s'applique pas aux Bretons mais aux Britanniques.

[modifier] Exemples de brittophobie
  • Les quolibets de la presse parisienne lors de la création de diplômes de breton (licence, CAPES), qui ouvrirent la voie aux diplomes pour les autres langues minorisées, quolibets qui ne se renouvelèrent pas lors de la création des diplomes de créole[11].
  • L'indignation de parlementaires quand la France fut représentée à l'Eurovision par une chanson en breton interprétée par Dan Ar Braz[12].
  • La dénonciation des écoles Diwan, sous prétexte qu'elles n'enseigneraient pas le français, alors qu'elles sont bilingues[13],[14].
  • L'opposition du préfet du Finistère aux panneaux évoquant la révolte des Bonnets Rouges aux abords de la ville de Carhaix, épisode marquant de l'histoire de Bretagne[15].
  • L'opposition de certains élus locaux aux panneaux routiers bilingues breton-français en Bretagne apposés à l'initiative du Conseil général du Morbihan, suite à la mobilisation du mouvement breton[16].

[modifier] Exemple de texte brittophobe

Laurent Tailhade dans L'Assiette au Beurre (n° 131, 3 octobre 1903)

«  Le Peuple noir — Il n'est pas de meilleurs chrétiens que cette crapule de Bretagne ; il n'en est pas de plus réfractaire à la civilisation. Idolâtre, fesse-mathieu, lâche, sournois, alcoolique et patriote, le cagot armoricain ne mange pas, il se repaît ; il ne boit pas, il se saoule ; ne se lave pas, il se frotte de graisse ; ne raisonne pas, il prie, et, porté par la prière, tombe au dernier degré de l'abjection. C'est le nègre de la France, cher aux noirs ensoutanés qui dépouillent à son bénéfice les véritables miséreux. »

[modifier] Anticommunautarisme européen

En septembre 2006, le terme a été employé dans un article du Figaro.fr pour désigner l'attitude, jugée hostile par la Commission européenne, du gouvernement allemand d'Angela Merkel à l'égard des institutions européennes[17].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Notes

  1. En effet, selon la démonstration de Sartre dans "Réflexions sur la question juive", ces préjugés à l'encontre de certaines minorités ne peuvent être reconnus comme des opinions ou des idéologies.
  2. Voir Pierre Avril, « L'attitude du gouvernement Merkel vis-à-vis des institutions européennes est jugée hostile. », publié 19 septembre 2006 sur le site du Figaro.fr
  3. "La République, dans les textes, fut toujours très tolérante, et basée sur les trois principes bien connus de Liberté, Egalité, Fraternité, le troisième axe définissant l’esprit de tolérance français de la différence, ce qui, d’une certaine façon, fait référence à l’esprit des Lumières. Il n’est donc pas de théorie anti-communautaire au sein des lois de la République. On notera même que depuis un siècle, les lois des associations civiles dites « de loi 1901 » et des associations cultuelles dites « de loi 1905 » opèrent dans une légitimité juridique incontestable." Voir "Déconstruction du concept de communautarisme" http://1001nights.free.fr/article.php3?id_article=800
  4. Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991
  5. http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0238.shtml et http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0239.shtml
  6. Décision n° 99-412 DC - 15 juin 1999
  7. Voir la page Ils ne nous aiment pas sur le site du mouvement des Indigènes de la République
  8. Nicolas Sarkozy et le "préfet musulman" : France 2, 20/11/2003
  9. RMC, 13/02/2006
  10. François Bayrou, circulaire du 7 avril 1995. Voir notamment [1].
  11. « Monsieur Lang ayant créé un Capes de patois breton, pourquoi ne pas créer un Capes de mendicité ? Il y a une culture à préserver , comme on dit de nos jours. » (Jean Dutourd, France-Soir Magazine, Novembre 1985)
  12. «La promotion des langues régionales et la préservation de nos cultures régionales, et en particulier bretonne, sont essentielles. Au 43e concours de l'Eurovision qui vient d'avoir lieu en Norvège, la France a présenté une chanson bretonne. Mais ne conviendrait-il pas que, dans les organisations internationales, nos représentants s'expriment en français ? Lorsque la langue française est menacée, il est choquant de voir la France représentée par le breton. » (Madame Monique Rousseau, député RPR du Doubs, 1996)
  13. Voir l'article sur les écoles Diwan
  14. Le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon remet en cause la légitimité des écoles DIWAN : "Décider qu’on va organiser toute la scolarité d’un enfant dans une langue qui n’est pas celle que parlent tous les les habitants du pays révèle une dimension psychologique qui m’effraie. J’assimilerais cela davantage à une pratique sectaire qu’à une pratique éducative…".
  15. « Le panneau interdit par le préfet »
  16. "Ouest-France des 18 novembre 2005, 10 et 11 février 2007, et "Les Infos" , hebdomadaire de Ploërmel, 14 février 2007. Voir également les communiqués de Bemdez sur le site de l'Agence Bretagne Presse : [2], [3] et [4]. Dans son communiqué du 11 février 2007, « L'association culturelle Bemdez » affirme s'être « fortement mobilisée pour la mise en place de cette signalisation bretonne ».
  17. Voir Pierre Avril, « L'attitude du gouvernement Merkel vis-à-vis des institutions européennes est jugée hostile. », publié le 19 septembre 2006 sur le site du Figaro.fr