Amérindiens au Canada

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Le terme Amérindiens, ou Indiens d'Amérique, désigne les premiers occupants du continent américain (autrefois appelé « Indes occidentales »), et leurs descendants. En absence d'appellation qui fasse consensus, on utilise parfois les expressions de « premières nations » ou « premiers peuples » pour les Nord-Amérindiens.

L'expression « Peaux rouges » est ancienne et provient de la nation Béothuks qui teignaient leurs peaux avec l'ocre. Au Canada anglophone, on utilise les expressions Native Americans (américain d'origine), Native peoples (peuple d'origine), American Indians, First Nations ou Aboriginal Peoples (peuples aborigènes). Au Québec, le terme le plus utilisé actuellement est « Autochtone ». Toutefois, ces termes sont souvent rejetés par les intéressés qui préfèrent être appelés en fonction des noms de leurs nations.

Selon l'Office québécois de la langue française, l'expression première nation, tirée et séparée du nom de l'Assemblée des Premières Nations, ne doit pas être employée comme synonyme des termes peuple, communauté ou nation ni, au pluriel, comme synonyme des termes Autochtones, Indiens ou Amérindiens, Métis et Inuits.

Au Canada, c'est le Ministère des affaires indiennes et du Nord Canada qui s'occupe et gère tout ce qui concerne les Amérindiens.

La Commission royale sur les peuples autochtones aussi connue sous le nom de Commission Erasmus-Dussault est une commission d'enquête mise sur pied par le Parlement du Canada le 26 août 1991 pour étudier les conditions de vie des Autochtones du Canada.

Au Canada, il y a plus d'un million de personnes déclarant une identité autochtone[1], parlant plus de 200 langues réparties dans 11 familles linguistiques, membres de 55 nations et vivant dans plus de 550 communautés indiennes différentes.

Sommaire

[modifier] Peuplement originel

[modifier] Théories anciennes

L'arrivée de ces peuples en Amérique remonte à 12 000 ans environ mais de récentes découvertes archéologiques feraient remonter les premières migrations à 40 000 ans. Venant de Sibérie, ils auraient traversé le détroit de Béring, plusieurs fois à sec au cours de la dernière grande glaciation, puis peuplé le continent américain.

Icône de détail Article détaillé : Béringie.

D'autres théories, plus controversées, parlent de peuples océaniens ayant traversé l'océan Pacifique, ou encore de peuples européens : cette dernière hypothèse est celle de l'archéologue Dennis Stanford.

Les Amérindiens eux-mêmes croient qu'ils ont toujours habité là. Quoi qu'il en soit, la diversité des milieux naturels du continent a permis l'apparition de cultures très différentes.

[modifier] Découvertes les plus récentes

On notera cependant des découvertes qui remettent en cause le schéma général de la colonisation des Amériques par les Amérindiens. Certains spécialistes pensent que le peuplement du continent américain n'a pas une seule origine :

Un squelette entier de type europoïde, l'homme de Kennewick, datant de plus de 9 000 ans a été découvert dans l'État de Washington en juillet 1996, sur les bords de la Columbia[2].

L'autre question problématique est celle de la date du peuplement. Là encore le travail des archéologues semble repousser l'origine du peuplement à des époques plus anciennes qu'on ne l'a longtemps cru.

[modifier] Langues

Au Canada les ethnolinguistes estiment le nombre de langues amérindiennes avant les premiers contacts avec les Européens entre 300 et 500, et aujourd'hui à 200. Bien que certaines comportent des différences majeures par rapport à d'autres les spécialistes ont pu cependant les regrouper en « familles » n'ayant parfois connu aucun contact. Aujourd'hui, il y a une cinquantaine de langues autochtones parlées au Canada, réparties dans 11 familles linguistiques dont 7 sur la côte ouest[3],[4]:

  1. La famille algonquienne qui comprend les langues suivantes: abénaquis, pied-noir, cri, delaware, malécite, micmac, montagnais, naskapie, ojibwa et potéouatami. (Des montagnes Rocheuses à l'océan Atlantique)
  2. La famille athapascane regroupe les langues suivantes: castor, porteur, chilcotin, tcippewayan, flanc-de-chien, han, lièvre, kaska, kutchin, sarsi, sakani, esclave, taguish tahltan et tutchoni. (Du Manitoba à la Colombie Britannique, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon)
  3. La famille siouenne est représentée par: Dakotas. (Alberta)
  4. La famille wakaskenne regroupe les langues suivantes: haisla, heiltsuk, kwakiult, nuuchalnulth ou nootka et nitinat. (Côte du Pacifique)
  5. La famille salishenne regroupe les langues suivantes: bella-coola, comox, halkomelem, lillooet, okanagan, sechelt, shuswap, squamish, salish-des-détroits et thompson. (Colombie Britannique)
  6. La famille iroquoienne comprend: cayuga, mohawk, onéida, onondaga, sénéca et tuscarora. (vallée du Saint-Laurent et Grands Lacs)
  7. La famille tsimshenne regroupe les langues: thimshian de la côte, thimshian du sud et nass-gitksan. (côte et nord de la Colombie Britannique)
  8. La famille haïda (îles de la Reine Charlotte)
  9. La famille tlingitte. (nord-ouest de la Colombie Britannique et sud du Yukon)
  10. La famille kootenayenne. (sud-est de la Colombie Britannique)
  11. La famille eskimo-aléoute comprend: inuktitut et innuinaqtun. (Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, nord du Québec et Labrador)
Familles de langues amérindiennes et isolats en Amérique du Nord
Familles de langues amérindiennes et isolats en Amérique du Nord

[modifier] Population

Population autochtone connaissant au moins une langue autochtone[5]
Provinces & Territoires % de la population autochtone
Terre-Neuve & Labrador 12,3 %
Île-du-Prince-Édouard 13,0 %
Nouvelle-Écosse 28,2 %
Nouveau-Brunswick 22,0 %
Québec 48,5 %
Ontario 13,5 %
Manitoba 28,8 %
Saskatchewan 29,4 %
Alberta 21,3 %
Colombie-Britannique 9,8 %
Territoire du Yukon 16,6 %
Territoires du Nord-Ouest 37,2 %
Territoire du Nunavut 91,1 %
Canada (Total) 24,1 %
Population de 25 ans et + ayant un diplôme d'études secondaires[6]
Provinces & Territoires % de la population autochtone % de la population totale
Terre-Neuve & Labrador 7,5 % 15,8 %
Île-du-Prince-Édouard 7,5 % 20,3 %
Nouvelle-Écosse 6,8 % 18,2 %
Nouveau-Brunswick 10,5 % 24,2 %
Québec 11,3 % 25,4 %
Ontario 11,4 % 24,4 %
Manitoba 7,8 % 22,5 %
Saskatchewan 7,2 % 21,8 %
Alberta 8,0 % 22,7 %
Colombie-Britannique 9,8 % 24,2 %
Territoire du Yukon 5,1 % 21,4 %
Territoires du Nord-Ouest 5,2 % 20,2 %
Territoire du Nunavut 2.9 % 20,2 %
Canada (Total) 9,1 % 23,9 %

[modifier] Les conditions économiques

[modifier] Les ressources alimentaires

Diverses sortes de maïs
Diverses sortes de maïs

L'une des bases importantes des civilisations modernes demeure l'agriculture, plus spécifiquement, la culture des céréales. Dans l'Ancien Monde, on cultivait le blé, l'orge, l'avoine, le millet, le seigle et le riz tandis que sur le continent américain, en Amérique centrale plus précisément, on faisait pousser le maïs en abondance.

Avec le réchauffement du climat suite à la dernière grande période glaciaire, la culture du maïs s'est répandue vers le nord, jusque dans la région des Grands Lacs et sur l'étroite bande de terre cultivable de la vallée du Saint-Laurent. En plus du maïs, ces Amérindiens cultivaient diverses sortes de fèves, de courges, du tournesol pour son huile ainsi que du tabac. Cependant, pour les Iroquois, le maïs était à la fois, une force et une faiblesse. Cette merveilleuse plante leur fournissait une nourriture abondante en toutes saisons grâce à ses facilités de conservation mais aussi, le maïs les exposait à de grandes famines, si ces réserves alimentaires étaient détruites lors de guerres ou d'incendies.

Pour les peuples un peu plus au nord de la région des Grands Lacs, le riz sauvage, une céréale qui n'était pas cultivée mais plutôt cueillie remplissait le même rôle de réserve alimentaire pour la saison froide. De plus, une grande variété de baies de toutes sortes étaient ramassées et séchées pour les mêmes raisons.

L'un des mets favoris des premiers occupants du Canada était le pemmican. Il est fabriqué d'un mélange de viande et de fruits déshydratés et d'huile. Quant à eux, les Algonquins récoltaient l'eau des érables au printemps pour en extraire le célèbre sirop et sucre. Vu l'absence totale d'animaux à viande et à laine domestiqués, la chasse procurait aux Amérindiens les protéines animales nécessaires à leur alimentation et les fourrures obligatoires pour se protéger du rude climat de ces régions nordiques.

Pour ces cultures non-agricoles, le Canada était peut-être l'une des régions du monde les plus riches du point de vue de la ressource écologique. Par exemple, la région de la côte du Pacifique regorgeait de plusieurs espèces de saumons qui remontent les rivières annuellement, de mollusques et crustacés divers, de mammifères marins comme les phoques, baleines, morses, lions de mer et otaries. Dans les montagnes et vallées de l'intérieur, la faune était composée d'ours, de cerfs, de wapitis, de lapins, d'élans, de caribous et de plusieurs espèces de chèvres et mouflons. Dans les grandes plaines centrales broutaient d'immenses troupeaux de bisons et d'antilopes. D'immenses zones marécageuses devenaient à chaque saison estivale, des aires de nidification pour la faune ailée comme les canards, les oies, bernaches et autres espèces migratoires.

Toutes les activités saisonnières des premiers américains étaient donc influencées par les déplacements et la présence de cette faune. Par contre, si le moindre changement dans les habitudes des bêtes survenait à un endroit précis, de graves famines pouvaient provoquer des taux de mortalité très élevés dans les populations affectées. C'est le destin impitoyable de tous les peuples dont l'économie est fondée sur la chasse et la cueillette de subsistance.

[modifier] Les chasseurs-pêcheurs-cueilleurs

Une vie de plein air, avec de nombreux déplacements saisonniers, permettait aux Amérindiens de développer une importante connaissance de la faune, de la flore et de son environnement en général. Ils étaient pour ainsi dire des naturalistes avant même que le mot ne soit inventé. Ils connaissaient très bien la vie des animaux qu'ils chassaient ou pêchaient, les stades de croissance, les mouvements saisonniers ainsi que leur alimentation. La connaissance des plantes qu'elles soient comestibles ou médicinales n'échappait pas plus à ces gens. Par contre, selon les écosystèmes régionaux, certains peuples développaient des spécialités soit à la chasse, soit à la pêche, soit pour certaines cueillettes. Pensons aux nations de la côte ouest avec les salmonidés, les Indiens des Plaines lors des grandes chasses au bison ou les Ojibwés des forêts du bouclier canadien avec la récolte du riz sauvage en canot. En résumé, chaque groupe possédait l'expertise nécessaire pour leur assurer une alimentation suffisante et diversifiée. Parce que la chasse ou la pêche était une affaire de groupe, la répartition équitable des réserves alimentaires entre les membres était primordiale. Personne dans les clans ne pouvait festoyer pendant que certains mouraient de faim comme c'est le cas aujourd'hui dans nos sociétés modernes.

Icône de détail Article détaillé : Chasseur-cueilleur.
Icône de détail Article détaillé : Armement préhistorique.
Icône de détail Article détaillé : Propulseur.

[modifier] Les agriculteurs

Contrairement aux nouveaux arrivants européens, les Autochtones qui vivaient en Amérique avaient une structure économique très différente. À titre d'exemple, le seul animal domestiqué par les amérindiens à l'époque du contact était le chien.

Bien que les tribus iroquoiennes eussent appris à cultiver le maïs, les fèves, les courges et le tournesol, les méthodes de culture utilisées demeuraient passablement primitives. Ils ne possédaient pas encore d'outils de métal comme les Européens. Les agriculteurs iroquoiens à l'arrivée des Blancs utilisaient encore des outils de pierre et de bois, quelquefois d'os, pour travailler le sol. De plus, ils ne connaissaient pas vraiment la rotation des cultures et la fertilisation des sols, ce qui les forçait à déménager leurs villages à tous les 10 - 12 ans environ. Avec ces conditions plus difficiles, ils n'avaient d'autres choix que de compléter leur diète alimentaire avec les produits de la chasse, de la pêche et de la cueillette de baies sauvages. Malgré une certaine pratique agricole, ils demeuraient donc des migrants périodiques et des nomades saisonniers. À l'extérieur de la région des Grands Lacs, des basses terres du Saint-Laurent et de quelques cas isolés dans les provinces maritimes, les conditions climatiques et de sol n'avaient pas permis un développement agricole soutenable et une réelle sédentarisation des premiers peuples qui habitaient le Canada.

[modifier] L'art vestimentaire

En plus de fournir la nourriture quotidienne, la chasse procurait également des peaux pour la confection des vêtements obligatoires au rude climat canadien. Bien que ces animaux n'étaient pas domestiqués, la laine des chèvres de montagnes, du bœuf musqué et du bison était aussi utilisée par les Amérindiens du nord-ouest pour fabriquer des couvertures en particulier. Mais généralement, c'était le cuir, complètement épilé ou la fourrure tournée vers l'intérieur qui servait le plus à la fabrication de vêtements. En fait, ce travail de confection vestimentaire était la tâche principale des femmes, à l'exception peut-être des peuples de la côte du Pacifique qui profitaient d'un climat beaucoup plus doux. Chez les Inuits, on affirme même qu'un bon mariage entre un homme et une femme est un partenariat entre un bon chasseur et une bonne couturière. Aujourd'hui, la majorité des vêtements traditionnels autochtones a disparu de la vie quotidienne, sauf pour les jours de fêtes, des cérémonies culturelles ou pour les touristes.

[modifier] Les habitations

Campement ojibwé sur les rives de la baie Georgienne Peinture de Paul Kane (1810-1871) Galerie d'art de l'Ontario (Toronto)
Campement ojibwé sur les rives de la baie Georgienne
Peinture de Paul Kane (1810-1871)
Galerie d'art de l'Ontario (Toronto)

Les habitations sont aussi différentes les unes des autres entre les diverses Premières Nations du Canada qu'elles le sont entre les diverses régions du monde. Une première et importante distinction est facilement perceptible entre l'architecture des peuples sédentaires et celle des nomades. Par contre, à l'exception des tribus de la côte du Pacifique, la durabilité des maisons est quasi semblable d'un bout à l'autre du pays. Dans le reste du Canada, aucun peuple n'utilisait de matériaux ayant une vie utile relativement longue comme la pierre taillée, la brique d'argile cuite, les panneaux de bois de divers gabarits, etc. La plupart des matériaux utilisés comme les perches de bois formant les structures ou les peaux comme matériel de recouvrement extérieur duraient environ une décennie. Dans certains cas, les recouvrements d'écorces par exemple, n'avaient qu'une courte vie d'une année ou deux, les maisons de neige des Inuits (igloos), que quelques mois. Pour ce qui est de l'ampleur des surfaces habitables, plus les gens étaient sédentaires, plus les habitations devenaient imposantes et complexes. Pensons aux longues maisons des peuples iroquoiens construites au milieu des champs de maïs et protégées par des palissades de rondins.

[modifier] Voyage et transport

Pour les peuples civilisés, le développement d'un réseau routier est souvent le symbole de la prospérité. Par exemple, les Romains de l'Antiquité ont été de grands constructeurs de routes, mais aussi, les Incas de l'Amérique du Sud ont construit un vaste réseau de routes commerciales qui partaient dans toutes les directions, à partir de la capitale de l'Empire, Cuzco. Il faut préciser ici que ce ne sont pas des chemins construits pour du matériel roulant, c'était plutôt des sentiers de montagnes très bien aménagés où l'on retrouvait de multiples ponts et haltes. Par contre, d'un bout à l'autre du Canada, avant l'arrivée des Européens, aucun kilomètre de route n'a été trouvé. Il n'y avait aucune nation avec une population suffisante pour de telles constructions.

Selon les saisons et le territoire parcouru, les moyens de transport variaient. Durant l'été, la plupart des groupes utilisaient des embarcations pour se déplacer sur les autoroutes naturelles qu'étaient les lacs et rivières. Ces petites barques étaient construites habituellement d'une structure légère de bois recouverte d'écorce comme celle du bouleau ou de peaux épilées. Sur la côte ouest, où poussent des cèdres et des pins de grande dimension, les Amérindiens de l'endroit creusaient à même les billes, des embarcations au gabarit impressionnant. Dans certains cas, elles pouvaient transporter plus d'une trentaine de passagers à la fois.

Lorsque les plans d'eau étaient gelés, le toboggan et le traîneau devenaient alors le véhicule de transport des biens par excellence. Pour avancer dans la neige profonde, ils utilisaient des raquettes fabriquées d'un mince cadre de bois avec à l'intérieur, un tressage de lanières de cuir servant de support à l'utilisateur. Tous ces moyens de transport servaient à se déplacer lors des migrations saisonnières, à faire du commerce, à faire la guerre et surtout dans l'exercice de la chasse et de la pêche.

[modifier] Art, folklore et traditions

Masque du poisson Peuple Yupi'k (Yukon) conservé au Musée du Louvre, Paris, France
Masque du poisson
Peuple Yupi'k (Yukon)
conservé au Musée du Louvre, Paris, France
Icône de détail Article détaillé : Attrapeur de rêves.

[modifier] Croyances et religions

Un Pow wow

On regroupe le plus souvent les cultures amérindiennes en grands ensembles géographiques : les régions subarctiques, les forêts du Nord-Est, les Grandes Plaines centrales, le plateau intérieur des Rocheuses et la côte du Pacifique. Les conditions de vie étaient donc très différentes selon le milieu de vie des Amérindiens. La diversité des peuples amérindiens s'exprime également dans le domaine des croyances. On peut néanmoins dégager quelques points communs aux nombreuses tribus amérindiennes :

  • Un Dieu créateur et unique appelé "Le Grand Esprit " auquel les Amérindiens donnent le nom de Wacondah.
  • Des dieux secondaires ou "Esprits Auxiliaires" (par exemple : les esprits du vent, du feu, du tonnerre, ou wakantanka le dieu de la chasse).
  • Les Indiens d'Amérique étaient animistes. Offrandes à la terre-mère.
  • Le chamanisme : lecture des signes au moyen de drogues ou d'artifices.
  • Le symbolisme : chaque animal et élément sacré doit être représenté sous forme de totem ou de signes (cercle, croix, triangle).
  • Les Amérindiens partageaient également des rites communs :
    • Rites de purification avant les prières et les cérémonies : utilisation du tabac et de la sauge.
    • Prières et transes en cercles
    • Les Pow wow
    • La Danse des Esprits (The Ghost Dance) : les participants répètent des couplets au son des tambours. Les incantations peuvent mener à la transe.
    • La Danse du Soleil (The Sun Dance) dans les Grandes Plaines pour vénérer le soleil, pendant la période du solstice d'été. Elle était accompagnée de mutilations corporelles volontaires destinées à montrer son courage et à entrer en transe.
Icône de détail Article détaillé : Religions algonquiennes.
Icône de détail Article détaillé : Religions iroquoïennes.

[modifier] La Préhistoire

[modifier] 30 000 à 10 000 ans avant J.C.

[modifier] Les chasseurs sibériens du Paléolithique

Flèches préhistoriques amérindiennes, conservées à Washington
Flèches préhistoriques amérindiennes, conservées à Washington

Pendant la majorité des 100 000 dernières années, le Groenland et la majeure partie du Canada étaient recouverts par d'imposantes calottes glaciaires continentales. Cette grande calotte polaire se divisait en quatre inlandsis: l'inlandsis de la Cordillère, l'inlandsis Innuitien, l'inlandsis du Groenland et le grand inlandsis Laurentidien[7]. L'Alaska et le nord du Yukon jusqu'au delta du fleuve Mackenzie, tout comme la Sibérie d'ailleurs, étaient les seuls territoires libres de glace. Des chasseurs en provenance de Sibérie (Paléolithiques Supérieurs asiatiques), après avoir emprunté le pont intercontinental de la Béringie, ont probablement atteint la région d'Old Crow, tout au nord du Yukon[8]. Nous devons garder en mémoire que les ancêtres des Paléoindiens ont eu à traverser un immense territoire depuis la Sibérie centrale, puis une fois en Amérique, se sont dispersés sur un très vaste continent pour se diversifier en de multiples cultures.

Plusieurs archéologues pensent qu'il y a eu trois migrations majeures en provenance du continent asiatique. Il y a 15 000 ans, peut-être 25 000, arrivèrent les ancêtres (Paléoindiens) de la plupart des premières nations de l'Amérique du Nord et du Sud. Un second groupe, ancêtres des Tlingits, Eyaks, Athapaskans, Navajos et Apaches arrivent des forêts du nord-est de la Sibérie, il y a 9 000 à 14 000 ans. Un dernier groupe, 4 000 à 10 000 ans avant aujourd'hui, immigra des régions côtières de la Sibérie orientale. Ces derniers seraient les ancêtres des Inuits et des Aléoutes. D'après les résultats de récentes recherches, il est plus que probable que ces migrations par le pont intercontinental, dans ses périodes non submergées, aient été quasi continuelles, petits groupes par petits groupes et dans les deux sens.

Icône de détail Article détaillé : Béringie.
Icône de détail Article détaillé : Paléolithique.

[modifier] 12 000 à 8000 ans avant J.C.

[modifier] Les Paléoindiens

Pointe de Clovis
Pointe de Clovis

Il y a 12 000 ans, un corridor libre de glace s'ouvre entre l'inlandsis de la Cordillère et l'inlandsis Laurentidien permettant aux gens arrivés en Béringie auparavant de descendre vers le sud. La colonisation des Amériques par les Paléoindiens a constitué tout un exploit dont l'importance dans l'histoire de l'humanité est comparable aux déplacements des populations africaines, d'Europe, d'Asie et celles qui traversèrent plus tôt, en Australie. L'ampleur de cet évènement revêt un caractère unique à l'image de la culture paléoindienne. L'analogie avec les Indiens d'aujourd'hui n'est pas très appropriée à l'étude de cette culture, particulièrement en ce qui a trait à la technologie qui s'est à peine modifiée en dépit des distances énormes parcourues.

Une telle continuité doit être analysée dans un contexte de vie complètement différent des sociétés historiques connues. En effet, ces peuples ont affronté des changements écologiques de grande envergure et d'une incroyable variété. La propagation rapide sur le continent américain des populations paléoindiennes revêt un caractère unique à expliquer. L'occupation et l'exploration de l'hémisphère occidental par les Paléoindiens méritent le plus grand respect accordé à l'un des exploits importants de l'histoire de l'homme.

Pointe de Folsom
Pointe de Folsom

À l'exception du territoire de la Béringie d'aujourd'hui, les Paléoindiens semblent représenter la première occupation humaine largement répandue en Amérique du Nord. Le plus ancien des sites connus est celui de Clovis alors que le site de Folsom serait le plus récent. Cette population couvrait tout le continent nord-américain à l'est des Rocheuses et descendait au sud jusqu'en Amérique centrale.
La propagation de la culture paléoindienne coïncide avec d'importants changements de climat, de végétation, d'hydrologie et de la disparition de certaines espèces animales à la fin du Pléistocène. Les mastodontes, mammouths, chevaux, chameaux, tapirs et bisons antiques des Amériques faisaient partie des gibiers recherchés et les Paléoindiens seraient peut-être les responsables de ces extinctions. Cette possibilité a déjà provoqué et provoque encore des discussions très mouvementées parmi les anthropologues. Il est prouvé aujourd'hui que le javelot-propulseur (atlatl) était une arme assez efficace pour abattre ces gros gibiers. Par contre, on sait aujourd'hui, qu'un rapide réchauffement climatique serait plutôt le grand responsable de la disparition des grands mammifères. Le territoire des petits groupes de Paléoindiens, d'après la distribution des artefacts trouvés dans les sites de chasse, nous laisse croire qu'ils avaient un rayon d'une centaine de kilomètres autour d'un camp de base[9]. C'est à cet endroit que se pratiquait un large éventail d'activités telles que la taille de la pierre, le travail des peaux, le dépeçage, le travail des os et du bois. De 15 à 50 personnes pouvaient y vivre et y travailler d'une façon temporaire. Il y avait, semble-t-il, des périodes de regroupements, suivies de périodes de dispersions.
Avant de terminer, il est important de souligner que les Paléoindiens seraient les ancêtres directs des populations des cultures archaïques de l'est et des cultures planoïennes de l'ouest du continent.

Icône de détail Article détaillé : Extinction de l'Holocène.

[modifier] 8000 à 4000 ans avant J.C.

[modifier] Les Archaïques de l'Est

Le territoire des Archaïques de l'Est du Canada couvre le nord des lacs Érié et Ontario, la rive est du lac Huron, la vallée et les côtes du golfe Saint-Laurent ainsi que les Provinces Maritimes. Nous avons que très peu de données sur cette culture parce que dans les provinces maritimes, l'élévation de la plaque continentale, suite à la fonte des glaciers, n'a pas été assez suffisante pour préserver des sites d'occupation appartenant à cette culture. Pour la partie ouest du territoire, la majorité des sites d'occupation sont aujourd'hui inondés par les eaux des Grands Lacs et du lac Champlain ou sont détruits par l'érosion ou sont enfouis profondément dans les sédiments.
Les principales caractéristiques de la période archaïque sont une dépendance accrue envers une faune plus variée et de taille plus petite suite à la disparition de la mégafaune, une augmentation des populations dans les groupes, un grand nombre d'ustensiles en pierre pour la préparation des légumes sauvages, d'outils pour le travail du bois, d'armes de chasse et d'ornements divers. On remarque aussi que les groupes occupent les mêmes sites plus longtemps à cause du développement de la pêche et de la cueillette, une plus grande variété de pointes lithiques et le début de l'inhumation des corps[10].
Nous savons qu'ils étaient d'habiles chasseurs de mammifères marins et qu'ils exploitaient également une faune terrestre variée, principalement le caribou. À cette époque, à cause des conditions difficiles du climat et de la végétation, ces grands cervidés s'approchaient du littoral marin beaucoup plus qu'aujourd'hui. À cette époque, une bande de toundra de 2 à 300 kilomètres de largeur s'étirait tout au long de la limite sud de la calotte glaciaire laurentidienne.

Les quelques os trouvés dans des sites de campements laissent supposer également que ces gens capturaient des phoques, des morses, des oiseaux migrateurs et peut-être même de petites baleines comme le béluga. Ces dernières restaient à l'occasion prisonnières des battures à marée basse devenant une nourriture d'appoint appréciable. Il est également inconcevable que ces peuples n'aient pas exploité les abondantes ressources que sont le saumon, la morue et le capelan.
Les Archaïques de l'Est vivaient en petits groupes familiaux la majeure partie de l'année, mais durant la saison estivale, ils se regroupaient par bandes[11] sur la côte. Bien que sujettes à des variations locales, leurs occupations saisonnières se répartissaient probablement comme suit: la chasse au phoque de la fin de l'hiver jusqu'au début de l'été; la pêche au saumon et au capelan, la collecte des œufs et la chasse aux oiseaux pendant l'été; puis la chasse au caribou et aux petits gibiers à l'intérieur des terres en automne et au début de l'hiver. L'une des caractéristiques particulières des Archaïques du maritime étaient la construction de monticules funéraires complexes. L'ampleur de ces aménagements présuppose donc une certaine forme de hiérarchie et d'organisation sociale. Les restes des squelettes trouvés dans ces installations révèlent qu'ils étaient de forte taille, qu'ils étaient victimes de fractures accidentelles, qu'ils souffraient d'arthrite et qu'ils étaient souvent atteints d'une maladie des gencives entraînant la perte des dents. De riches offrandes mortuaires étaient également placées dans les sépultures, surtout dans celles des adultes mâles. On y retrouvait des lances, des poignards et des harpons à tête détachable. On y plaçait également des peignes, des pierres colorantes, des perles et des outils comme aiguilles à chas en os, des haches et des herminettes pour le travail du bois.

[modifier] Les Archaïques de l'Ouest (culture planoïenne)

Le territoire immense des Planoïens[12] s'étendait du plateau méridional de la Colombie-Britannique jusqu'à la côte de l'Atlantique et de la partie orientale des Territoires du Nord-Ouest jusqu'au golfe du Mexique avec les grandes plaines nord-américaine comme centre culturel et géographique. Vers 7 000 avant J.C., le retrait des glaciers et des lacs glaciaires avait permis des déplacements vers le nord et vers l'est entre la frange sud de la calotte glaciaire et les nombreux lacs créés par les eaux de fonte.
Pour ces populations de Planoïens, le bison avait remplacé le mammouth [13] comme principale ressource alimentaire. Ils pouvaient être abattus par un ou deux chasseurs, mais la plupart du temps, ils étaient poussés du haut d'un précipice par tout un groupe. Nous avons découvert jusqu'à 120 squelettes de bisons antiques au pied de certaines falaises. En hiver, les Planoïens pouvaient aussi utiliser les pentes trop enneigées ou trop glacées des collines pour capturer les ancêtres des bisons d'aujourd'hui. Des antilopes, castors géants, wapitis, cerfs, rongeurs, ratons-laveurs et coyotes complétaient la diète carnée.
Principalement, le passage de la culture paléoindienne à celle des Planoïens se caractérise par des changements dans la forme des pointes de projectiles (de Folsom à Plano). Par contre, l'outillage, le mode d'habitat et le régime alimentaire avait très peu changé. À cause de changements technologiques[14], les Planoïens deviendront plus tard, deux entités culturelles régionales: le Bouclérien ancien (Bouclier canadien) et le Planussien ancien (Plaines de l'Ouest).

  • Les Bouclériens anciens

Les Bouclériens anciens ont habité la partie occidentale du Bouclier canadien au fur et à mesure que la calotte glaciaire laurentienne se retirait. Considérant les changements climatiques et écologiques de l'époque (8 000 ans avant J.C.), le territoire n'a donc pu supporter d'importantes populations. Bien que la région n'était pas très riche en ressources alimentaires, ces petits groupes de nomades saisonniers se nourrissaient principalement de caribou et de poisson, mais aussi d'ours, de castor, de lièvre et de gibier d'eau. L'acidité des sols de la région n'a épargné que très peu de sites archéologiques de cette culture. Par contre, on peut facilement imaginer que les Bouclériens anciens utilisaient déjà le canot d'écorce de bouleau et la raquette de babiche pour se déplacer l'hiver sur la neige.

  • Les Planussiens anciens

Les Planussiens anciens étaient principalement des chasseurs de bison. Ces derniers s'étaient possiblement réfugiés dans les forêts-parcs ou les régions boisées durant une période sévère de sécheresse qui affecta à cette époque, une bonne partie des grandes plaines canadiennes[15]. La première phase de la culture des Plaines s'étend de 6 000 à 4 000 ans avant J.C. L'apparition des pointes encochées du javelot-propulseur qui, depuis peu, avait remplacé la lance est la principale caractéristique de ce groupe culturel. Pour le reste, l'outillage, les styles d'habitat et le régime alimentaire sont assez semblables aux Planoïens, leurs prédécesseurs des prairies de l'Ouest.

[modifier] Les Archaïques de la côte du Pacifique

  • Les cultures de la côte

Ces cultures apparaissent sur la côte de la Colombie-Britannique et dans le sud de l'Alaska, il y a 9 000 ou 10 000 ans. Comme ce fut le cas pour les Archaïques de l'Est, pour remplacer la mégafaune disparue du Pléistocène, ces gens de la côte ouest canadienne n'ont eu d'autres choix que de se tourner vers de nouvelles ressources alimentaires. Ces gens exploitaient à la fois les ressources terrestres et marines. Ils possédaient probablement des embarcations de haute mer, capables de les amener à la chasse aux dauphins, tortues et lions de mer. Ils étaient sûrement de bons chasseurs de mammifères marins puisqu'ils consommaient de grandes quantités de phoques, d'otaries, de loutres marines et de marsouins. En plus du saumon très abondant dans les rivières de la région, ils se nourrissaient de wapitis, de cerfs et autres petits gibiers.
Du point de vue de l'habitation, durant l'hiver, ils occupaient des maisons de terre semi-souterraines et durant la saison estivale, vu la douceur relative du climat, de simples abris rudimentaires étaient suffisants. Le matériel lithique de cette culture est dominé par l'utilisation de microlames. Elles servaient principalement à armer des lances, des couteaux et autres objets en les insérant dans les parties de bois ou d'os.
Il est difficile de déterminer avec précision les origines de la culture du Sud-Ouest (8 000 ans avant J.C.). Une première possibilité est qu'il y avait des liens entre les cultures du Sud-Ouest et du Nord-Ouest surtout lorsqu'on examine certaines ressemblances linguistiques tout au long de la côte de la Colombie-Britannique. Malgré tout, cette hypothèse semble peu probable. Le deuxième choix qui s'offre à nous est que cette culture soit directement reliée à l'éclatement du Paléoindien en plusieurs cultures régionales distinctes. Le matériel lithique trouvé sur place et les modèles de chasse et d'habitat semblent donner raison à cette possibilité[16].

  • Les cultures du plateau intérieur

7 000 ans avant J.C., des gens de la côte immigrent dans la région du plateau intérieur méridional de la Colombie-Britannique en empruntant la vallée de la rivière Fraser. Ces populations façonnaient des microlames et des pointes de projectiles à encoches. Mais les recherches les plus récentes nous incitent à penser que les Platéliens anciens ont aussi profité de l'apport de la culture paléoindienne, de l'utilisation des pointes pédonculées ainsi que des influences culturelles du nord de la côte du Pacifique.
Vu la rareté des artéfacts trouvés jusqu'à maintenant et l'éparpillement des sites archéologiques, il est très difficile de faire la reconstitution de cette culture. À cette époque (7 000 ans avant J.C.), tout ce territoire subissait encore les effets de la dernière glaciation. Malgré tout, l'étude de lieux d'occupations anciens nous apprend que ces gens fabriquaient surtout des bifaces. L'usage des micro-lames nous est apparu beaucoup plus tard avec l'arrivée de populations en provenance de l'Alaska intérieur (Paléoindiens). Tout cela est un bel exemple de mixité anthropologique mais il reste encore beaucoup à étudier sur la préhistoire de cette région de la Cordillère nord-américaine.

[modifier] 4000 à 1000 ans avant J.C.

[modifier] Les Archaïques de l'Est (phase moyenne)

À cette époque, les populations ont encore tendance à augmenter. Cet accroissement démographique rapide force les gens à jeter un regard neuf sur des ressources inexploitées jusqu'à maintenant et à raffiner leurs équipements pour le prélèvement et la préparation des aliments. En 4 000 avant J.C., le climat de l'Amérique du Nord a atteint son optimum climatique, c'est-à-dire un peu plus chaud que les températures contemporaines. Les territoires côtiers deviennent dès ce moment assez riches pour accueillir de plus grandes populations. Les habitats deviennent alors quasi-permanents, nous sentons une forte tendance à la sédentarisation. Les Archaïques de l'Est, en tenant compte des variantes territoriales, peuvent être divisés en deux sous-cultures: les Maritimiens et les Grands-Lacs-Saint-Laurentiens.

  • Les Maritimiens moyens

De 4 000 à 2 000 ans avant J.C., le territoire des Maritimiens moyens s'étendait du nord du Maine jusqu'au nord du Labrador et de l'île de Terre-Neuve jusqu'à la ville de Québec. Sauf quelques différences régionales comme la chasse au morse dans la partie septentrionale du territoire et la pêche à l'espadon dans sa partie sud, les ressources alimentaires étaient principalement composées de phoque, de la baleine, des poissons marins et anadromes, des crustacés et mollusques, du castor, de l'ours, des oiseaux migrateurs et des grands cervidés (caribou, cerf et élan d'Amérique). Pour ceux du Maine et des provinces maritimes, à peu près vers 1 500 ans avant J.C., il semble qu'un accroissement dans l'amplitude des marées aurait grandement diminué les populations d'espadons et provoqué une augmentation significative des colonies de palourdes. Absents des sites archéologiques, on suppose que le capelan, l'éperlan, le calmar, le crabe et le homard faisaient partie de cette diète des plus variées. On capturait le poisson avec des filets maillants faits de lanières de cuir vert, d'écorces de saule ou de racines flexibles. Des hameçons d'os ou d'ivoire étaient également utilisés pour la pêche à la dandinette. En été, on construisait des barrages avec des trappes à panier. Le poisson était fendu en deux et fumé au-dessus d'un feu, les baies et racines étaient séchées avant l'entreposage. On chassait les animaux terrestres à l'aide de lances, de trappes à assommoir et de collets. Après une bonne chasse, la viande en surplus était séchée et placée dans une cache au-dessus du sol ou surgelée durant la période hivernale.
Ils utilisaient des embarcations capables de naviguer en haute mer réduisant au minimum les difficultés du portage. Les tentes, les vêtements, les couvertures à canot étaient faits de peaux grattées et salées, cousues avec des fils de tendons d'animaux. Une grande quantité d'outils étaient fabriqués de pierre, de bois, d'andouillers et de dents de castors. Tous les clans familiaux édifiaient plusieurs types de maisons ou tentes, selon les dimensions requises, la saison, la durée du séjour et les matériaux disponibles. Les tentes avaient la forme d'un dôme, recouvert d'écorces ou de peaux. Pour une habitation pouvant abriter une quinzaine de personnes, de 30 à 35 peaux de caribous étaient nécessaires.
Ils étaient très mobiles, ce qui facilitait les échanges culturels et économiques avec les membres des clans familiaux voisins ou avec d'autres bandes souvent très éloignées. À titre d'exemple de relations commerciales, il y avait des outils en cuivre du lac Supérieur échangés contre de l'ivoire de morse et du quartzite (Ramah) en provenance du Labrador. Il y a 4 000 ans (A.A.), les Maritimiens moyens du Labrador et du golfe du St-Laurent ont disparu avec le début d'une période climatique plus froide et avec l'arrivée de deux cultures étrangères: les Paléoesquimaux anciens (voir Inuits) et les chasseurs bouclériens moyens.

  • Les Grands-Lacs-Saint-Laurentiens moyens

Le territoire de la culture des GL/Saint-Laurentiens moyens couvrait il y a 6 000 ans (A.A.), le sud de l'Ontario, du Québec et le sud-ouest du Nouveau-Brunswick. Les Grands-Lacs-Saint-Laurentiens moyens se nourrissaient alors de chevreuils, d'élans, d'ours et de castors qu'ils chassaient avec des chiens. Comme compléments alimentaires, on retrouvait des petits gibiers, des poissons, des crustacés et des baies sauvages. Pour la fabrication de l'outillage et des armes de chasse, ils utilisaient principalement la pierre taillée, plus rarement la pierre polie et d'une façon beaucoup moins courante, mais passablement répandue, le cuivre natif du lac Supérieur. Par contre, on ne possède aucune indication sur le type d'habitations utilisées, les fouilles archéologiques sont restées muettes sur le sujet jusqu'à maintenant. Par ailleurs, on peut supposer que des abris rudimentaires convenaient durant la saison estivale et des constructions plus résistantes étaient utilisées lorsque les familles gagnaient leur territoire de chasse pour y passer l'hiver.

[modifier] Les Archaïques du bouclier

Depuis le sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest et de l'est du Manitoba, des bandes de Bouclériens ont occupé le bouclier canadien qui se libérait lentement de sa calotte glaciaire. D'ouest en est, ces occupations ont débuté 6 000 ans avant J.C. pour se terminer dans les basses terres de la baie d'Hudson et au Labrador, il y a 3 000 ans environ. On se nourrissait surtout de caribous et de poissons, mais aussi d'ours, de castors, de lièvres et d'oiseaux migrateurs. L'outillage des Bouclériens moyens se caractérisait par des couteaux, des grattoirs et des pointes de projectile en pierre taillée. À l'inverse, la pierre polie est complètement inexistante dans cette culture. Pour vivre dans ces régions nordiques, les habitations consistaient en des structures semi-souterraines imposantes, dotées d'un corridor d'accès. On suppose qu'ils utilisaient le canot d'écorce de bouleau et les raquettes à neige leur servaient à se déplacer durant la saison hivernale.

[modifier] Les Archaïques des plaines

De 4,000 à 1,000 ans avant J.C., on retrouve des Planussiens moyens dans les prairies centrales du continent nord-américain. Les facteurs qui ont influencé l'occupation de ce territoire sont l'amélioration de la végétation due à la sécheresse de l'Altithermal (de 5,000 à 3,500 ans avant J.C.), le remplacement du bison antique par l'espèce moderne[17], le dressage du chien pour le transport des équipements, la construction de tipis et de structures cérémonielles et l'introduction de pierres de chauffe pour extraire le gras requis à la préparation du pemmican. L'outillage en pierre de cette culture comprend des pointes de projectile, des grattoirs et des couteaux bifaciaux. Dans le nord des plaines canadiennes se sont succédé trois complexes culturels qui ont donné des travaux de la pierre différents les uns des autres. Chaque complexe dure environ 1,000 ans chacun soit celui d'Oxbow (4,000 à 3,000 ans avant J.C.), de McKean (3,000 à 2,000 ans avant J.C.) et de Pelican Lake (2,000 à 1,000 ans avant J.C.). De son côté, le travail de l'os semble plutôt rudimentaire. Sans avoir laissé de trace, les peaux comme la babiche, le bois et les fibres des plantes ont servi probablement de matières premières dans la confection d'outils, d'armes et d'habitations.

[modifier] Les Archaïques de la côte du Pacifique

  • Les cultures de la côte

La ressource alimentaire qu'est le saumon est disponible en grande quantité dans cette région. L'été et l'automne, on pêche et on entrepose ces salmonidés, l'hiver, on exploite plutôt les coquillages. Ce modèle économique favorise, sans l'ombre d'un doute la sédentarisation puisque ces gens vivent dans un environnement à fort potentiel écologique. Ils passent donc la majeure partie de l'année dans de longues maisons construites au sein de villages permanents de plusieurs centaines de personnes[18].
Vers 4,000 ans avant J.C., les cultures de la côte de la Colombie-Britannique s'uniformisent. Grâce à la stabilité climatique de l'époque, de grands villages apparaissent tout au long de la côte du Pacifique. Même si le cèdre rouge s'implante de plus en plus dans la région, ce n'est qu'à la fin de cette période, soit 1,000 ans avant J.C. qu'apparaissent les grandes maisons de planches telles qu'on les connaît aujourd'hui. Les sociétés de la côte nord-ouest ne sont pas égalitaires comme celles des plaines centrales et des forêts du Nord-Est; les individus héritent de leur statut social et de leur richesse. Tout au bas de l'échelle sociale, il y avait de véritables esclaves qui étaient capturés lors des guerres inter-tribales. En plus des esclaves et des crânes-trophées ou scalps, ces conflits servaient également à la prise de contrôle des bons sites de pêche ou des endroits stratégiques le long des routes commerciales[19].

  • Les cultures du plateau intérieur

Le territoire qui couvre le plateau intérieur de la cordillère va de la chaîne côtière jusqu'aux montagnes Rocheuses, et au sud, de la frontière canado-américaine jusqu'à la source du fleuve Fraser, plus au nord. Vers 4,000 ans avant J.C., l'arrivée du propulseur, possiblement en provenance du sud, apporte des changements dans les us et coutumes de ces gens. Aussi, la construction de maisons semi-souterraines (Pithouse) près des rivières à saumon continue ce long processus de changements. Ce type de construction a été la transition significative et la plus importante culturellement entre un peuple nomade de chasseurs à l'état de résidents en villages semi-permanents (jusqu'à 200 maisons). Cet important changement remonte à 2,000 ans avant J.C. Ces maisons de terre étaient de forme circulaire, de 5 à 10 mètres de diamètre et de 1 à 2 mètres de profondeur. Elles étaient surmontées d'un toit conique supporté par des poteaux. Au centre du toit, un trou laissant sortir la fumée, laissant pénétrer air et lumière et servait d'entrée au moyen d'une échelle.

  • La culture de l'Intérieur du Nord-Ouest

Le relief de la région habitée par les bandes de l'Intérieur du Nord-Ouest est fortement dominé par des chaînes de montagnes entrecoupées par des plateaux. Les principales rivières drainant ce territoire sont en fait des fleuves importants: la rivière Yukon et le fleuve Mackenzie. Ces petites bandes de chasseurs nomades vivaient de poissons et de caribou ainsi que de petits gibiers, d'oiseaux aquatiques, d'élan et de bison. D'un point de vue technologique, la tradition des microlames du Nord-Ouest représente une mixité culturelle entre des microlames provenant de l'Asie et les pointes de projectiles encochées, empruntées à la culture des plaines.

[modifier] 1000 avant J.C. à 500 ans après J.C.

[modifier] Les Archaïques de l'Est (phase récente)

  • Les Maritimiens récents

Les Maritimiens récents ont occupé les provinces maritimes, la Gaspésie côtière et le nord du Maine. Les deltas de rivières et les lagunes d'eau saumâtre de ces régions se caractérisent par l'abondance d'oiseaux migrateurs, de mollusques et de crustacés. Le saumon et l'anguille appréciaient également ces riches écosystèmes. La très vaste majorité des sites occupés par cette culture se retrouvent sur les côtes et sur les rives fluviales. La méthode de fabrication, la décoration et la forme des vases (poterie) sont les mêmes que celles de la haute vallée du St-Laurent. Il y a donc influence interculturelle avec les GL/Saint-Laurentiens. Parmi les évènements importants qui sont survenus à cette époque est l'apparition des complexes funéraires d'Adena en provenance de la vallée de l'Ohio (rivière). La culture d'Adena exerça une forte influence chez les Maritimiens récents. Des objets en cuivre par exemple, en provenance des Grands Lacs, furent exhumés à divers endroits. L'arrivée de la poterie, 500 ans avant J.C., nous conduit en ligne droite à la formation des nations Micmacs, Malécites et Passamaquoddy à la fin de la période archaïque et au début de la culture sylvicole (forêts du Nord-Est) pour les peuples de la côte Atlantique.

  • Les Grands-Lacs-Saint-Laurentiens récents

Il y a 3 000 ans, c'était la fin de l'Archaïque et le début de la période sylvicole pour les GL/Saint-Laurentiens récents. Le territoire occupé par ces gens était les lacs Ontario et Érié, la partie est du lac Huron, le fleuve St-Laurent jusqu'à Québec, une partie de l'Estrie et le nord des états de New York et du Vermont. L'introduction de la poterie, l'arrivée de l'arc et de la flèche, la fabrication et le commerce des pointes (préformes) de flèche en chert d'Onondaga et l'apparition de rituel funéraire Adena sont les changements importants de la culture du Sylvicole. Les Gl/Saint-Laurentiens étaient organisées en bandes locales qui se fusionnaient durant l'été à des endroits propices à la pêche. C'est pour cette raison qu'on les considère comme étant des nomades saisonniers. La période du Sylvicole se divise en deux: le Sylvicole initial qui va de 1000 avant J.C. à 1000 après J.C. et le Sylvicole tardif qui lui débute vers 700 avant J.C. Cinq cultures appartiennent au Sylvicole initial: Meadowood, Pointe Péninsule, Saugeen, Pointe Princesse et Laurel. Les Grands-Lac-Saint-Laurentiens récents sont les ancêtres des Iroquoiens du Nord-Est et de tous les Algonquiens de l'Amérique du Nord. Enfin, les descendants du Sylvicole tardif deviendront plus tard les Iroquoiens de l'Ontario et du St-Laurent ainsi que les Algonquins de l'Est, de l'Ouest et du Nord.

[modifier] Les Bouclériens récents de l'est

Ces groupes des régions de l'est ont occupé la taïga et la toundra forestière du Labrador jusqu'au nord-est de l'Ontario. Ils ont continué à utiliser la pierre taillée comme leurs prédécesseurs. Par contre, le faible usage de la poterie provient de mariages inter-bandes avec leurs voisins: les Bouclériens récents de l'ouest et les Grands-Lacs/Saint-Laurentiens récents. Plus on s'aventure vers l'est, plus les restes de poterie semblent rares dans les sites archéologiques. L'habitat et la recherche de nourriture restent inchangés avec la période précédente (Bouclériens moyens) et le demeureront ainsi jusqu'à l'arrivée des Européens. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que les Bouclériens de l'Est et de l'Ouest (voir plus bas) sont originaires des Bouclériens moyens. Seule la technologie constitue la différence culturelle principale entre ces deux groupes. Leur mode d'établissement et leurs activités de subsistance sont très similaires. Les Cris de l'est, les Ojibwés, les Saulteux, les Algonquins, les Montagnais, les Naskapis et les Attikameks sont les descendants directs des Bouclériens récents de l'est.

[modifier] Les Bouclériens récents de l'ouest (Laurelliens)

Leur territoire immense débute près de la frontière Québec-Ontario et se rend jusqu'au centre de la Saskatchewan. Leurs activités de subsistance étaient principalement dirigées vers le castor et l'élan. Le poisson, surtout en été, faisait également partie de la diète. Durant la saison chaude, de nombreux clans familiaux se rassemblaient le long des grandes rivières ou séries de lacs pour des échanges et des rencontres cérémonielles. En hiver, des petits groupes se déplaçaient plutôt sur l'ensemble du territoire pour pratiquer la chasse aux grands et petits mammifères. Vu le grand nombre de lacs et rivières de cette région, ils utilisaient très possiblement le canot d'écorce. En plus de la magnifique poterie décorative, ils travaillaient toujours la pierre taillée comme leurs ancêtres.

[modifier] Les Archaïques des plaines

Les divers complexes culturels des Planussiens récents ont occupé l'Alberta, le sud de la Saskatchewan et du Manitoba, des parties du Montana, du Dakota du Nord, du Wyoming, du Dakota du Sud et de l'Ontario. Le bison constituait la nourriture principale de la culture des plaines comme ce fut toujours le cas des 12 000 ans de la préhistoire de la région. L'antilope d'Amérique, le cerf de Virginie, le cerf-mulet, l'élan, le mouflon et la chèvre de montagne, le castor, le petit gibier, le poisson, les racines et les baies variaient la diète journalière. On pense que l'arc et la flèche ont été introduits dans les plaines vers 500 ans avant J.C. ce qui nous permet de penser qu'ils ont utilisé longtemps le propulseur. Pour ce qui est de l'outillage, de la poterie, des rites funéraires, ce vaste territoire provoqua nécessairement des différences culturelles notables entre les sous-régions. En résumé, la chasse communautaire du bison qui requiert un grand nombre d'individus et de chiens, implique obligatoirement une certaine forme d'ordre social. La fabrication du pemmican ainsi que son commerce à grande échelle demande, quant à elle, une certaine structure de l'économie et des règles sociales plus complexes.

[modifier] Les Archaïques de la côte du Pacifique

  • Les cultures de la côte

C'est l'émergence des sociétés hiérarchisées sur les côtes de la Colombie-Britannique qui caractérise le plus, les différences culturelles entre la phase ancienne et la phase récente. Le contrôle des ressources alimentaires était un ingrédient essentiel à l'inégalité entre les hommes et les bandes. Ce n'est pas l'exploitation de la ressource comme le saumon qui fut un problème, mais ce fut plutôt la conservation et l'entreposage de cette nourriture qui déclencha les inégalités. Cette nouvelle forme économique impliqua une structure de classes composée de puissants, de gens du peuple et d'esclaves. Comme nous pouvons le voir dans l'étude de civilisations anciennes et présentes, c'est le surplus, donc une certaine richesse qui déclenche la mise en place de classes sociales hiérarchisées. Les cérémonies comme le Potlatch servaient à amoindrir ces différences de richesse entre les individus. En résumé, les cultures de la Côte-Ouest (phase récente) sont d'une complexité telle qu'une étude plus approfondie n'est peut-être pas la place dans cet article.

  • Les cultures du plateau intérieur

Dans l'extrême sud-est du territoire des Platéliens, le bison était disponible, mais avec une densité et une distribution irrégulière sur le reste du territoire. Cependant, le cerf-mulet, le cerf de Virginie, le caribou, le wapiti, la chèvre et le mouflon de montagne étaient présents sur l'ensemble du plateau intérieur des montagnes rocheuses. Les Platéliens récents vivaient dans des villages sédentaires de maisons semi-souterraines durant l'hiver et des camps temporaires un peu plus haut dans la montagne, durant l'été. À partir de 1000 avant J.C., le nombre et la taille des villages vont en s'accroissant dû aux grandes quantités de nourriture entreposées. Les techniques de pêche au saumon et les méthodes de conservation ont certainement permis une augmentation de la population et une sédentarisation plus permanente. Ces sociétés consistaient en plusieurs familles regroupées en bandes locales. Il est très probable qu'une certaine hiérarchie s'était développée au cours de cette époque. Il y avait même des groupes corporatifs qui possédaient la ressource minérale de certains endroits comme les gisements de bonne pierre à tailler. On peut donc, sans se tromper, que nous assistons à un début de société organisée.

  • La culture de l'Intérieur du Nord-Ouest

Durant la période allant de 1000 avant J.C. jusqu'à 500 de notre ère, il faut diviser la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest en deux parties: l'ouest et l'est du fleuve Mackenzie qui avait pourtant de fortes ressemblances. Le fleuve, semble-t-il, agissait comme zone tampon. Les différences se faisaient surtout sentir sur la technologie de l'outillage et des armes de chasse. Pour ces gens, le caribou revêtait une importance capitale, non seulement pour la viande, mais aussi pour les peaux, les nerfs (fils à coudre), les os et les andouillers. Le poisson servait également, surtout en hiver, à nourrir les hommes, mais aussi les chiens. On peut même affirmer que les sites d'occupation étaient choisis en fonction des traverses de caribous et de la densité des populations de poisson dans certains cours d'eau.
La structure sociale de la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest était composée de clans familiaux regroupés en bandes régionales et ces groupes constituaient une structure tribale pas très développée. Dans ces petites sociétés égalitaires, la liberté individuelle occupait une place capitale dans la vie des gens. C'était en quelque sorte l'opposé des cultures de la côte du Pacifique ce qui nous démontre la très grande diversité des peuples qui habitaient le Canada à cette époque.

[modifier] 500 à 1453 après J.C.

[modifier] Les peuples des régions subarctiques

Entre la toundra des régions polaires et les forêts de feuillus des régions tempérées s'étendent les vastes forêts de conifères et de bouleaux des régions subarctiques. Ce territoire de quatre millions de kilomètres carrés traverse tout le Canada d'ouest en est de la frontière Alaska-Yukon jusqu'à l'île de Terre-Neuve. Les longs hivers froids et enneigés alternent avec des étés relativement courts et chauds de ce territoire. Cette vaste région, où il existe une multitude de lacs, de zones marécageuses et un réseau de rivières des plus denses a déjà été recouverte par d'imposants inlandsis lors de la dernière grande glaciation.
En hiver, il y avait alternance entre les périodes de disette et les périodes d'abondance par les peuples habitant ce territoire. Si la neige se faisait rare, l'élan d'Amérique, animal central dans l'alimentation, devenait alors très difficile à abattre. Par contre, en été, les sources d'alimentation devenaient alors plus variées. Les caribous, par exemple, se déplaçaient en troupeaux entre leurs quartiers d'hiver et d'été. Ils devenaient faciles à capturer dans des enclos fabriqués d'arbres et d'arbustes. Chaque espèce animale avait ainsi son propre système de pièges ce qui nous démontre que ces chasseurs des régions du Nord étaient très bien adaptés à cet environnement des plus rude. Dans la partie sud du territoire, les Slaves et les Beavers chassaient le bison des forêts qui vivait de façon isolé ou en petits groupes contrairement à ses cousins des régions plus méridionales. Il faut aussi ajouter que les végétaux ne représentaient qu'une infime partie de la diète classique des peuples du Nord, à l'exception peut-être, des myrtilles, airelles et groseilles qui entraient dans la fabrication du pemmikan[20]. Par contre, les Saulteux (Anishinabés) comptaient fortement sur une plante non cultivée, le riz sauvage. Ils l'ont même propagé au-delà de ses zones de croissance naturelle. Dans les périodes difficiles, pour remplacer le gros gibier qui manquait, les lapins et autres petits animaux étaient alors pris dans des pièges comme des collets et les poissons étaient capturés sous la glace dans des filets de babiche. Dans les cas extrêmes, les habitants des régions subarctiques étaient obligés de manger des écorces d'arbre et même des morceaux de cuir usagé provenant de vêtements ou de tentes.
Parce que l'environnement subarctique ne pouvait nourrir convenablement de grandes communautés, les Algonquins et les Athapascans passaient la majeure partie de l'année en petits groupes isolés. Ils vivaient à une ou deux familles sous le wigwam[21] fait d'écorce de bouleau ou de peaux de caribou. Lors de la chasse au caribou ou pour la période de fraie des salmonidés au printemps ou à l'automne, ces familles se regroupaient en des groupes plus importants constitués de quelques centaines de personnes. Il n'y avait pas de chefs à proprement parler. C'était les chasseurs plus expérimentés qui géraient les affaires du groupe. Dans les régions plus à l'ouest où il y avait de grands enclos pour capturer le caribou ou d'importants barrages à poissons, il semble que les communautés se sédentarisaient plus longuement durant l'été et que ces sociétés étaient plus clairement hiérarchisées. Tout était utilisé dans le caribou et l'élan. Les os et les bois devenaient des outils, l'estomac, une écuelle et la cervelle, une sorte de tanin. Les peaux servaient à la confection des vêtements, des chaussures et des habitations. En hiver, le toboggan[22], tiré par les hommes ou les chiens servait principalement à transporter les lourdes charges. Mais la raquette[23] demeurait le principal moyen de locomotion pour se déplacer dans ces régions enneigées. Quant à elle, l'écorce de bouleau servait à faire des paniers, des boîtes, des outils, des porte-bébés, des embarcations légères et des huttes de toutes grandeurs. Le bois de cet arbre était utilisé dans la fabrication des raquettes, des traîneaux, des structures pour les canots et des cadres de tambour. Enfin, la sève donnait à tous les printemps, un délicieux sirop sucré semblable à celui de l'érable.
Sur ce vaste territoire, nous retrouvons que trois familles linguistiques soit les Béothuks[24] à Terre-Neuve, les peuples de la famille algonquienne[25] qui s'étendent de la côte du Labrador jusqu'au nord-est de l'Alberta[26] et ceux de la famille athapascane qui occupent le nord des plaines et des rocheuses canadiennes ainsi que les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon.

Les peuples des régions subarctiques

La famille linguistique algonquienne: Innu (Montagnais) | Atikamekw | Cri | Naskapi | Anishinaabe (Ojibwé)

La famille linguistique athapascane: Déné (Esclaves, Sahtu, Tli Cho et Chipewyan) | Gwich'in | Tutchone du Sud | Tutchone du Nord | Tagish | Upper Tanana | Hän | Gwitchin (Vuntut) | Kaska (Nahanne) | Tsilhoqot'in (Chilcotin) | Sekani | Dakelh (Carrier) |Dunne-Za (Beaver) | Tahltan | Wet'suwet'en

La famille linguistique tlingitte: Tlingit

[modifier] Les peuples des forêts du Nord-Est

Les Mic-macs Le Monde illustré, no 53
Les Mic-macs Le Monde illustré, no 53

Ce territoire s'étend de la côte atlantique jusqu'à la vallée du Mississipi. Il comprend entre autre au Canada, la région du bassin des Grands Lacs, la vallée du Saint-Laurent et les Provinces Maritimes. Elle est couverte dans sa partie canadienne particulièrement, de forêts mixtes composées d'érables, de bouleaux et de hêtres. Le climat est de type continental humide avec des étés chauds à modérés et des hivers enneigés, surtout dans sa partie nordique. Ces habitats abritaient une faune très riche: cerfs, wapitis, ours noirs, ratons laveurs, castors; animaux essentiels pour leurs viandes, leurs fourrures et leurs peaux. La végétation était tout aussi variée. Les habitants y tiraient nourriture, médicaments, matériaux de construction, fibres textiles, colorants et substances tannantes.
En plus de la diversité et des quantités suffisantes de gibiers dans cette Amérique du Nord-Est, le climat permettait au maïs, aux haricots et aux courges[27]de pousser dans presque toutes les régions. Certaines bandes iroquoiennes faisaient pousser jusqu'à 80% de leurs besoins alimentaires. De plus, les ressources aquatiques de la côte Atlantique et des Grands Lacs ont permis à plusieurs de ces peuples de se sédentariser. La cueillette du riz sauvage a aussi permis l'accumulation de réserves alimentaires suffisantes pour que de grandes communautés puissent se former de façon permanente. Pourtant, certains peuples comme les Micmacs n'ont jamais pratiqué l'agriculture. Même dans les villages à haut rendement agricole, les habitants n'ont pas abandonné totalement leurs activités de chasse. Chez certaines bandes, le cerf de Virginie représentait 90% de l'alimentation animale. Dans la partie nord de la région, élan, ours noir, lièvre, rat musqué, perdrix, canard et dindon sauvage complétaient la diète carnée. Sur la côte atlantique nord, la chasse aux mammifères marins[28]constituait l'activité de chasse principale des hommes. Au printemps et en été, les femmes et les enfants ramassaient des tubercules, des noix variées et des plantes comestibles. Les bleuets, framboises et raisins sauvages étaient séchés pour être consommés plus tard.
Les longues-maisons, mesurant 60 mètres dans certains cas, étaient le type d'habitations privilégié par les peuples de la famille iroquoienne. L'autre modèle de huttes que l'on retrouvait dans les forêts du Nord-Est était le wigwam en forme de dôme. Les villages qui abritaient jusqu'à 1 500 habitants, parfois plus, étaient palissadés. La pratique de l'agriculture avait sûrement facilité une certaine sédentarité saisonnière, et cela, dès 800 ap. J.C. Mais, l'épuisement des sols ou des ressources[29] forçait le déplacement complet de ces villages[30]. À partir du XVIe siècle, les groupes d'Iroquoiens se sont organisés en confédération. Elle regroupait les Hurons de la baie Georgienne, les Neutres de la péninsule de l'Ontario et de l'état de New York ainsi que les Cinq-Nations[31]. Ce conseil confédéral était présidé par 50 chefs, représentant chacun une tribu participante. Il avait comme mandat de maintenir la paix et de coordonner les affaires extérieures. Par contre, l'autonomie des bandes demeurait importante. Ces dernières étaient divisées en phratries ou en clans. Les femmes[32] avaient une influence considérable sur les clans familiaux et avaient le pouvoir de destituer quiconque faisant preuve d'un rendement insuffisant. En temps de guerre, tous les Iroquoiens pratiquaient la torture et le cannibalisme qui semblent être venus du sud relativement tard[33].
Au début du XVII ième siècle, les Hurons cultivaient 2 800 hectares de terres. Ils commerçaient avec les tribus du nord des produits agricoles comme le maïs, les haricots, les courges et le tabac en échange de produits de la chasse comme la viande, les peaux et les fourrures. Grâce à leur situation géographique privilégiée, les Hurons contrôlaient les routes commerciales régionales dans un axe nord-sud. Pourtant, cette position envieuse va disparaître avec l'arrivée du commerce des produits européens et l'établissement d'un nouvel axe commercial est-ouest avec le développement de la traite des fourrures.
Sur ce territoire, nous retrouvons deux familles linguistiques: les Algonquiens dans les provinces maritimes, le Québec et l'Ontario ainsi que les Iroquoiens le long du fleuve Saint-Laurent et autour des Grands Lacs.

Les peuples des forêts du Nord-Est

La famille linguistique algonquienne: Mi'kmaq (Micmac) | Malécite | Abénaki | Anishinaabe (Algonguin) | Anishinaabe (Ojibwé)

La famille linguistique iroquoienne: Mohawk | Wendat (Huron) | Onondaga | Sénéca | Oneida | Cayuga

[modifier] Les peuples des Grandes Plaines centrales

Assiniboines chassant le bison, peinture de Paul Kane (1810-1871), Galerie nationale du Canada
Assiniboines chassant le bison, peinture de Paul Kane (1810-1871), Galerie nationale du Canada

La région des Grandes Plaines nord-américaines est l'écosystème de prairies le plus étendu au monde. Il s'étend de la vallée du Mississipi jusqu'aux contreforts des Rocheuses et au sud, du Rio Grande jusqu'aux provinces centrales du Canada. C'est cette dernière partie du territoire que nous étudierons plus particulièrement dans cet article.
Avant l'arrivée des Européens, avant que cette partie de prairies devienne le grenier à céréales du Canada, les peuples des plaines chassaient le bison et cultivaient le maïs et les haricots en bordure des cours d'eau. La culture de légumes était vitale pour ces gens, même pour les chasseurs de bisons qui s'en procuraient auprès de leurs voisins par le troc et même le vol. Pour ce qui est de la viande, le bison était sans l'ombre d'un doute, la principale ressource. Ces grandes plaines ont déjà supporté jusqu'à 60 millions de têtes pour ensuite presque disparaître à la fin du XIX ième siècle.
Les chasseurs de bisons des Plaines vivaient en permanence dans des tentes coniques appelées tipis tandis que les cultivateurs de maïs habitaient dans des maisons de terre. Les chasseurs devaient leur mobilité obligatoire[34] à la conception de leurs tipis qui pouvaient être montés et démontés rapidement. Contrairement aux wigwams de forme arrondie, les tipis de peaux ou de cuir de bisons étaient des habitations parfaitement étanches et pouvaient résister aux fortes tempêtes de ce vaste pays plat et sans arbre. Les villages étaient habituellement situés à proximité d'un cours d'eau qui possédait des rives boisées. Ces sociétés étaient régies selon le principe de parenté. Les groupes familiaux étaient fédérés en clans et étaient dirigés par des hommes qui réglementaient entre autres, les mariages, la chasse et la culture du maïs. Tout ceci contribuait à la cohésion du village et de la tribu.
Ce territoire comprend deux familles linguistiques: les Siouiens dans le sud des provinces centrales canadiennes et les Algonquiens, un peu plus au nord.

Les peuples des Grandes Plaines centrales

La famille linguistique siouienne: Dakota | Assiniboine | Siou

La famille linguistique algonquienne: Cri des Plaines |Anishinaabe (Ojibwé) | Pied-Noir

Icône de détail Article détaillé : Indiens des Plaines.

[modifier] Les peuples du plateau intérieur des Rocheuses

Le territoire des peuples du plateau intérieur se situe aujourd'hui dans le sud de la Colombie-Britannique et dans l'état de Washington, principalement dans les vallées des fleuves Colombia et Fraser. Cette région est occupée majoritairement par des forêts de conifères avec un climat continental qui amène des températures très chaudes en été et des tempêtes glaciales en hiver.
Avant de se rendre sur les lieux de pêche, avant de quitter les villages d'hiver en février ou mars, les gens du plateau organisaient des cérémonies en l'honneur des plantes et des saumons. À la fin d'avril, au moment où le poisson commençait à manquer, les familles déménageaient vers des endroits riches en racines et en gibiers. En juin, ils revenaient sur les sites de pêche au saumon. L'été se passait à la cueillette et à la chasse en altitude dans les montagnes et à l'automne, les familles redescendaient vers les vallées fluviales pour le retour du saumon. À la mi-novembre, elles retournaient vers les villages d'hiver pour compléter leurs provisions alimentaires par la chasse et la pêche.
Ce territoire est occupé par des gens des familles linguistiques des Kootenais et des Salishs

Les peuples du plateau intérieur des Rocheuses

La famille linguistique kootenayenne: Ktunaxa (Kootenai)

La famille linguistique Salishenne: Secwepemc (Shuswap) | Nlaka'pamux (Thompson) | St'at'imc (Lillooet) | Okanagan

[modifier] Les peuples de la côte du Pacifique

Mât totémique conservé au Royal BC Museum Victoria (Colombie-Britannique)
Mât totémique
conservé au Royal BC Museum
Victoria (Colombie-Britannique)

Les peuples de la côte du Pacifique vivent sur une étroite bande côtière depuis la frontière canado-américaine au sud, et la frontière Canada/Alaska, au nord. Façonnée par une multitude d'îles et de bras de mer, entrecoupée par de nombreux fjords profonds, ce territoire s'étend vers l'intérieur jusqu'à la chaîne côtière des Rocheuses. Son climat maritime est marqué par la fraîcheur des étés et la douceur humide des hivers.
Les produits de la mer étaient la principale source alimentaire pour les populations de la côte occidentale du Canada. Certains groupes de l'île de Vancouver étaient même des baleiniers qui utilisaient des techniques apparentées à celles des Inuits ou des Aléoutes[35]. À la fin du printemps, le départ des saumons vers la haute mer marque le début de l'année pour les peuples de la côte. Dans cette région, les hommes peuvent pêcher jusqu'à cinq espèces de saumons: le Chinook, le saumon Rose, le Coho, le Sockeye et le Dog. La cueillette de baies comme les airelles, fraises, cannelle, mûres et groseilles occupaient une place prépondérante dans la diète. Oignons sauvages, racines de fougères et écorces comestibles complétaient le régime alimentaire. Dans les zones de marées, les femmes ramassaient des coquillages de toutes sortes et les œufs de harengs étaient fortement prisés. Pour ce qui est du gibier terrestre, de moindre importance dans la diète de ces peuples, la chèvre de montagnes et le cerf à queue noire étaient privilégiés pour leur peau et leur graisse.
Culturellement parlant, la côte du Pacifique est divisée en trois grandes zones. Au nord, surtout dans le Panhandle d'Alaska, il y avait le peuple des Eyaks, voisins des Tlingits, suivis des Haïdas des îles de la Reine-Charlotte et finalement en face, sur la terre ferme, les Tsimshians habitaient cette première sous-région. La zone centrale était occupée par les peuples de la famille linguistique salishenne comme les Wakasks et les Bella-Coolas. Quant à elle, la zone méridionale était habitée par les Salihs, les Chinooks, les Quileutes et les Chemakums. Les villages de la côte du Pacifique pouvaient abriter jusqu'à une demi-douzaine de familles[36]de la même lignée paternelle ou maternelle. Chaque famille nucléaire occupait une section de l'habitation selon le rang social. Chaque unité sociale[37]incarnait les éléments essentiels à la vie communautaire: le lieu d'origine, le clan, la famille, les ancêtres, la santé, la protection ainsi que la prospérité économique et spirituelle. Quant un village regroupait plusieurs familles, il se créait une sorte de hiérarchie. Aristocratie et richesse allaient ensemble, car avec les titres de noblesse, les meilleurs lieux de pêche, de cueillette de baies sauvages et l'accès au meilleur bois de construction étaient réservés aux familles les plus influentes. Dans certaines communautés, quoique très rares dans le reste de l'Amérique du Nord, on retrouvait des esclaves qui formaient dans certains cas jusqu'à un tiers de la population.
À cause des sociétés hiérarchisées, sur la côte du Pacifique, les conflits entre les nations semblent avoir été plus fréquents qu'ailleurs. Cependant, ces derniers servaient principalement a obtenir des esclaves ou des biens de grande valeur comme des canots[38].

Les peuples de la côte du Pacifique

La famille linguistique Salishenne: Stó:l­ö | T'Souke (Sooke) | Tsleil-Waututh (Burrard) | Sliammon (Comox) | Cowichan | Songhees (Songish) | Nuxálk (Bella Coola) | Nanaimo | Haida | Tsawwassen | Snuneymuxw (Nanaimo) | Squamish

La famille linguistique wakaskenne: Nuu-chah-nulth (Nootka) | Kwakwaka'wakw | Haisla

La famille linguistique Tsimshenne: Gitksan | Tsimshian | Nisga'a

[modifier] Deux histoires séparées

Avant 1500, les sociétés autochtones des Amériques et les États européens ont évolué séparément, sans rien connaître les uns des autres. Pour ce qui est des premiers peuples américains, la diversité de leurs langues, de leurs cultures et de leurs traditions sociales était infinie. À cette époque, des deux côtés de l'Atlantique, des civilisations très différentes étaient en pleine expansion. Par exemple, dans le sud-est de l'Amérique du Nord, les Cherokees formaient une confédération d'environ 30 villes dont la plus grande était plus populeuse que Londres lorsque les explorateurs britanniques la découvrirent. Ailleurs, en Amérique Centrale et du Sud, des peuples avaient crées de vastes empires à même les montagnes et les jungles et ce, bien avant l'arrivée des conquistadors. Dans les régions septentrionales de l'Amérique du Nord, plusieurs cultures autochtones vivaient parfaitement modelées à l'environnement et y développaient des technologies des plus adaptées. En résumé, à l'arrivée des Européens, les Amériques étaient composées de 2000 sociétés différentes avec une population d'environ 100 millions d'habitants. On y parlait 2200 langues différentes, 500 en Amérique du Nord et 50 au Canada. Au XV ième siècle, 18 millions d'hommes habitaient au nord du Rio Grande dont deux millions au Canada seulement[39]. 200 000 personnes habitaient à cette époque la côte du Pacifique, ce qui en faisait l'une des régions non agricoles les plus densément peuplées du monde[40]. Toutes ces langues et populations ont favorisé une plus grande diversité culturelle que dans l'Europe du Moyen Âge. La très vaste majorité de ces peuples étaient organisés en sociétés préétatiques, sociétés égalitaires où les décisions étaient prises par consensus. Le rôle des chefs était de représenter la volonté publique, de favoriser les consensus, et cela, devait s'exprimer par l'éloquence du discours. Même les Jésuites au XVIIe siècle avaient observé la puissance de la parole chez les populations de la vallée du Saint-Laurent[41]. Les Amériques n'étaient donc pas une terre sans maître (terra nullis) comme l'ont cru les Européens lorsqu'ils ont débarqué. Dès les premières années après le contact, des relations fragiles, pourtant fondées sur la paix, l'amitié et une égalité approximative entre les nations ont acquis force de loi à la conclusion de traités écrits (amitiés et alliances). Plus tard, le pouvoir a ensuite basculé en faveur des non-autochtones et de leurs gouvernements. Les Autochtones se sont retrouvés chassés d'une grande partie de leurs territoires et ont été soumis à des mesures destinées à les assimiler à la culture européenne (Loi sur les Indiens, éducation dans les pensionnats et nombreux déplacements de populations). Aujourd'hui, une difficile tentative de rétablissement de leurs langues et de leurs cultures, une période d'examen critique de notre relation avec eux et une période de renégociation, de guérison et de renouveau est finalement à l'ordre du jour. En espérant que tout cela portera fruit.

[modifier] Un évènement important: la chute de Constantinople

Chute de Constantinople
Chute de Constantinople

Le 29 mai 1453 figure parmi l'une des dates importantes de l'histoire occidentale et de celle des autochtones d'Amérique. Ce jour-là, Constantinople tombe aux mains du sultan ottoman Mehmet II. En France, durant cette même année s'achève la guerre de Cent Ans. Comme les liaisons commerciales terrestres entre l'Occident et la Chine qui bénéficiaient de la protection de Byzance auparavant, étaient interrompues, les Européens se tournent vers l'Atlantique en quête d'une route maritime de remplacement, une nouvelle route de la soie et des épices. L'heure des explorateurs et des conquérants espagnols, portugais, hollandais, français et anglais approche pour les Autochtones du Nouveau-Monde.

Icône de détail Article détaillé : Chute de Constantinople.

[modifier] À la recherche d'une nouvelle route commerciale

Dans la seconde moitié du XV ième siècle, en dépit de la prospérité retrouvée, les pays d'Europe occidentale subissent de nombreuses entraves à leur développement économique. La nécessité de passer par les exigences turques à Constantinople et devant le monopole de Venise et Florence pour se procurer les produits précieux d'Orient leur crée des difficultés. Deux pays du sud-ouest européens tentent de trouver des voies nouvelles qui font d'eux les pionniers du capitalisme moderne et du commerce mondial. Géographiquement parlant, le Portugal et l'Espagne bénéficient d'une conjoncture particulièrement favorable. La découverte des Amériques est l'aboutissement d'une série logique de choix et de refus, de possibilités et d'impossibilités géographiques, techniques, économiques et historiques. La découverte est due à la rencontre exceptionnelle de la nécessité historique et économique. Cette conjonction a permis une excellente connaissance des textes géographiques de l'Antiquité. Le basculement de la Méditerranée vers l'Atlantique a été voulu par les Génois qui s'étaient mis au service des rois portugais contre la suprématie vénitienne. Pour réussir, il fallait trouver une nouvelle route vers les Indes. Donc, la découverte des Amériques est très possiblement la conséquence de la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453[42].

[modifier] La période coloniale

[modifier] Les premiers contacts

Christophe Colomb en Amérique, Librairie du Congrès, Washington
Christophe Colomb en Amérique, Librairie du Congrès, Washington

À l'époque de la découverte des Amériques commença l'une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'humanité. Les Espagnols trouvèrent d'énormes quantités d'or au Mexique et au Pérou et ils devinrent très riches en détruisant toutes civilisations autochtones sur leurs passages. La valeur monétaire des pillages de l'époque a été évaluée à 2,8 milliards de dollars. À titre d'exemple, Potosi en Bolivie qui était à cette époque la deuxième plus grande ville d'Amériques[43], après Mexico, fut complètement détruite. Au cours de l'histoire, il y avait huit millions d'esclaves dans les mines de cette ville. Pendant ce temps, les Portugais concentraient leurs activités au Brésil, les Anglais et les Hollandais sur la côte Atlantique de l'Amérique du Nord et les Français remontaient le fleuve Saint-Laurent. C'est à ce moment que s'est produit l'union microbienne entre l'Europe et les Amériques, isolées du reste du monde depuis au moins 10 000 ans. Ceux que la guerre et l'esclavage ne sont pas parvenus à tuer, les maladies contagieuses s'en chargeront. La moitié de la population américaine, soit 50 millions d'individus disparurent en moins d'un siècle. Nous pouvons qualifier cette période historique comme étant l'holocauste des Indiens d'Amérique. L'Amérique latine verra donc le jour sur les débris d'un grand désastre humain. Pour extirper les richesses locales au profit de l'Espagne, les conquérants introduiront assez rapidement des esclaves noirs en provenance d'Afrique. Plus au nord, pendant près d'un siècle, les Anglais, les Hollandais et les Français s'impatientaient et enviaient les Espagnols et les Portugais. Pour ce qui est de l'or et de l'argent, voire même le climat, la vallée du Saint-Laurent et l'état de New-York ne se comparent pas au Pérou et aux Antilles. Entre 1500 et 1600, à défaut d'être Espagnol ou de pouvoir les déloger, on rêvait de les voler. Les Anglais commençaient même à penser qu'une route vers l'Orient était peut-être possible par le nord du continent. De nouvelles confrontations avec les peuples de l'Arctique cette fois, débuteront avec l'arrivée de Martin Frobisher à l'île de Baffin, en 1576.

[modifier] Les Norrois, une première rencontre

Site viking de L'Anse à Meadows à Terre-Neuve
Site viking de L'Anse à Meadows à Terre-Neuve

Puisque le Gulf Stream apportait de temps à autre des embarcations autochtones sur les côtes nord-ouest de l'Europe, les habitants du vieux continent possédaient probablement plus d'indices sur l'existence de l'Amérique du Nord qu'il n'y en a eu dans le sens inverse. Autour de l'an 1000, il y a donc eu une première rencontre, semble-t-il, entre les Vikings et les Autochtones qui habitaient le nord-est du continent. Les Skraelings, comme les appelaient les Norrois étaient probablement des Dorsétiens[44], ou possiblement des Béothuks[45]. Ces Européens arrivèrent par le nord, visitant en premier lieu la région de Clyde River[46] en l'an 1000, puis la côte boisée du sud du Labrador[47] en 1005 et enfin la pointe nord de Terre-Neuve[48] en 1008. La courte durée des tentatives de colonisation norvégienne au nord de Terre-Neuve et sur la côte du Labrador met en lumière que les hommes d'os et de pierres étaient capables de tenir tête aux hommes de fer[49]. Les sagas scandinaves nous renseignent que les Autochtones nord-américains leur apportaient des ballots de fourrures de toutes sortes en échange pour des armes de métal, des tissus rouges et du lait.

[modifier] Les Basques et les Béothuks : une incompréhension totale

Statue de Shanawdithit, la dernière des Béothuks
Statue de Shanawdithit, la dernière des Béothuks

Dès leurs premières rencontres, ces Européens décrivent les Béothuks comme inhumains et sauvages. Toutefois, au début, une tolérance ou plutôt une distance mutuelle s'est installée avec les baleiniers Basques. Contrairement à ce qui s'est produit dans l'Arctique, où l'industrie baleinière avait fourni une base restreinte de collaboration entre Européens et Inuits, aucun intérêt commun n'a surgi entre ces deux cultures. Les premières tractations commerciales n'ont abouti qu'à l'incompréhension et à la violence. Des incidents hostiles ont dégénéré en une inimité qui a rempli d'amertume les deux parties, étant donné que l'expansion du séchage de la morue nécessitait de plus en plus de place sur les rivages utilisés traditionnellement par les autochtones locaux pour la pêche d'été.

Les Béothuks se sont alors retirés le plus loin possible à l'intérieur de l'île, réapparaissant à l'occasion lors de leurs migrations cycliques[50]. C'est lors de ces incursions en bords de mer que ces derniers volaient les agrès de pêche des Européens. Après les débuts de la colonisation de l'île de Terre-Neuve, les querelles se sont transformées en saisons de chasse aux Béothuks. Une telle situation n'est pas surprenante si nous la comparons avec la Tasmanie. Dans les deux cas, parce que se sont des colonies insulaires où les lieux de refuge étaient limités, les modèles de subsistance traditionnels ont éclaté jusqu'à l'extinction complète des résidents.

[modifier] Citations lors du contact

Portrait posthume de Christophe Colomb attribué à Ridolfo del Ghirlandaio
Portrait posthume de Christophe Colomb attribué à Ridolfo del Ghirlandaio

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Ils n'ont aucune secte ni idolâtrie; ils croient seulement que la puissance et le bien se trouvent dans le ciel; et ils croyaient que moi et mes gens nous venions du ciel avec nos navires. En tout endroit où j'accoste, ils me reçoivent avec le respect dû à un être divin, dès que la crainte les a quittés. Et pourtant, ils ont un esprit très éveillé, parcourant toutes ces mers et sachant à merveille rendre compte de tout ce qu'ils observent; mais ils n'ont jamais vu d'hommes habillés ni d'embarcations semblables aux nôtres... Pour conclure et parler seulement de ce qui a été fait dans ce voyage, je peux assurer Leurs Altesses que je leur donnerai autant d'or qu'il leur sera nécessaire..., ainsi que des épices, du coton, autant qu'ils en désireront et de la gomme autant qu'elles me demanderont d'en charger... également des esclaves que l'on pourra prendre parmi les idolâtres. Je crois avoir trouvé de la rhubarbe, de la cannelle...[51]

Cette ville (Tlaxcala) est si grande que je n'en dirai pas la moitié de ce que j'en pourrai dire, et le peu que j'en dirai est presque incroyable, car elle est plus grande que Grenade; elle est mieux fortifiée; ses maisons, ses édifices et les gens qui les habitent sont plus nombreux que ceux de Grenade (...) et mieux approvisionnés de toutes les choses de la terre, pain, oiseaux, gibier, poissons des rivières et autres vivres (...). Il y a dans cette ville, un grand marché tous les jours, où se pressent trente milles acheteurs et vendeurs, sans compter une foule d'autres petits marchés disséminés dans la place. Il y a dans ce grand marché, toutes espèces de marchandises en vivres, étoffes et vêtement fini merveilleux (...) on y retrouve des poteries de toutes formes et peut-être meilleures qu'en Espagne; ils vendent du bois et du charbon, des herbes comestibles et médicinales; il y a des bains. Enfin, un ordre parfait règne dans cette ville dont les gens paraissent sages et policés comme aucune ville d'Afrique n'en pourrait offrir un tel exemple.[52]

Jacques Cartier (portrait fictif datant du XIXe siècle) : on ignore son vrai visage
Jacques Cartier (portrait fictif datant du XIXe siècle) : on ignore son vrai visage

Le lendemain, (une) partie des dits sauvages vint avec quelque neuf barques (...) où étaient mouillés nos navires. Et étant avertis de leur venue nous allâmes avec nos deux barques (...) où ils étaient. Et aussitôt qu'ils nous aperçurent, ils se mirent à fuir, nous faisant signe qu'ils étaient venus trafiquer avec nous; et ils nous montrèrent des peaux de peu de valeur dont ils se vêtent. Nous leur fîmes pareillement signe que nous leur voulions nul mal, et descendîmes deux hommes à terre pour aller à eux, leur porter des couteaux et autres objets en fer, et un chapeau rouge pour donner à leur capitaine; (...) et ils montrèrent une grande et merveilleuse joie d'avoir et de recevoir les dits objets de fer et autres choses, dansant et faisant plusieurs cérémonies en jetant de l'eau de mer sur leur tête avec leurs mains. Et ils nous donnèrent tout ce qu'ils avaient, tellement qu'ils s'en retournèrent tout nus, sans rien avoir sur eux; et ils nous firent signe que le lendemain ils reviendraient avec d'autres peaux.[53]

Les (Espagnols) entraient dans les villages et ne laissaient ni enfants, ni vieillards, ni femmes enceintes ou accouchées qu'ils n'avaient éventrés ou mis en pièces, comme s'ils s'attaquaient à des agneaux réfugiés dans leurs bergeries. Ils faisaient des paris à qui ouvrirait un homme d'un coup de couteau, ou lui couperait la tête d'un coup de pique ou mettrait ses entrailles à nu. Ils arrachaient les bébés qui tétaient leurs mères. Les premiers par les pieds et les cognaient la tête contre les rochers. D'autres les lançaient par-dessus l'épaule dans les fleuves et en plaisantant et quand les enfants tombaient dans l'eau, ils disaient: tu frétilles, espèce de drôle! Ils embrochaient sur une épée des enfants avec leurs mères (...) (...) il a déjà dit que les Espagnols des Indes ont des chiens très sauvages et très féroces, instruits et dressés pour tuer et déchiqueter les Indiens (...). Pour nourrir ces chiens, les Espagnols emmenèrent sur les chemins beaucoup d'Indiens enchaînés, qui marchent comme des troupeaux de porcs (...).[54]

[modifier] Le commerce des fourrures

Il est important de préciser qu'entre la fin du XV ième siècle et le début du XVII ième, la majorité des explorateurs qui viennent en Amérique sont à la recherche d'une route maritime vers l'Orient. À titre d'exemple, citons Cabot (1497), Balboa et Ponce de León (1513), Verazzano (1524), Cartier (1534 - 1542), Frobisher (1576), Davis (1585), Hudson (1607 - 1611) et finalement Baffin et Bylot (1612 - 1616). À l'exception de ceux qui s'intéressent à la baleine et à la morue du golfe Saint-Laurent, la traite des fourrures avec les autochtones ne fera vraiment son apparition qu'au début des années 1600 dans la vallée du Saint-Laurent.

Dès 1530, on doit se rendre à l'évidence qu'entre le détroit de Magellan et l'île du Cap Breton, il n'existe aucune voie d'eau menant de l'Atlantique au Pacifique et tout au nord du continent nord-américain, la glace et le froid rendent très difficile la traversée du Passage du Nord-Ouest. Il ne restait donc plus que le Saint-Laurent comme dernier espoir. C'est à jacques Cartier, un navigateur malouin, que revint la mission d'explorer cette possible route. Lors de son voyage dans le golfe Saint-Laurent, parce qu'il avait déjà fait du commerce avec des autochtones au Brésil, Cartier apporte avec lui une ample provision de colifichets bas de gamme pour échanger des fourrures avec les indigènes qu'il rencontrerait. Sûrement meilleur navigateur que diplomate, il prend aussi possession des terres qu'il visite. S'il agit ainsi, c'est qu'il en a reçu l'ordre officiel du roi. Du point de vue européen, vu que les Indiens ne possèdent pas de structure étatique, les Amérindiens ne peuvent être considérés comme étant propriétaires des terres qu'ils habitent.

Entre le voyage de Cartier et celui de Champlain, il y eut un long silence dans l’aventure coloniale française. Pourquoi ? Parce que ces nouveaux arrivants ne savaient tout simplement pas écrire. Ils étaient surtout intéressés par la pêche à la morue et plus tard, ils le seront par le castor. À cette époque, ceux qui viennent en Nouvelle-France ne sont pas de réels commerçants organisés, ils sont plutôt de petits traiteurs indépendants. Mais, ça ne durera pas très longtemps. Ce sont sans doute les profits qu’on obtenait déjà du commerce des fourrures à Tadoussac qui poussèrent un consortium breton à envoyer sur le St-Laurent en 1581 un petit navire spécifiquement mandaté pour faire le commerce des fourrures. L’année suivante, on envoya un plus gros bateau, et la vente de la cargaison de fourrures à un pelletier parisien permit de réaliser un profit de 1400%. En 1583, on dépêcha trois navires à bord desquels se trouvait Jacques Noël, l’héritier des lettres patentes que François Ier avait donné à son oncle, Jacques Cartier. C’est ce qui donna naissance aux premiers comptoirs commerciaux dans la vallée du St-Laurent.

Poste de traite à Tadoussac (Québec)
Poste de traite à Tadoussac (Québec)

En 1600, Pierre Chauvin, avec l’obligation d’y établir des colons à ses frais, construit à Tadoussac une habitation qui deviendra le premier poste de traite officiel de la vallée du St-Laurent. La maladie, les querelles et la pénurie de vivres les décimèrent à l’exception de cinq que les Montagnais avaient pris soin et nourris tout au long de l’hiver. La traite des fourrures se développa d’abord comme la suite des réseaux d’échanges précolombiens et prospère grâce à une série d’intermédiaires autochtones. En ce début du XVII e siècle, les Innus de Tadoussac se retrouvèrent au cœur d’un réseau commercial qui s’étendait aussi loin que la baie James. Plus à l’ouest, les Algonquins occupaient une position similaire. Ils servaient d’intermédiaires entre certaines nations des Grands Lacs et les Français. Mais en 1615, ce sont les Hurons de la baie Georgienne[55] qui s’imposent comme partenaires commerciaux. Au temps de la Nouvelle-France, les nations autochtones joueront donc un premier rôle dans le destin du continent.

Après Tadoussac, Champlain fonde un deuxième poste de traite à Québec. Dès l’année suivante, pour prouver ses bonnes intentions à ses alliés autochtones, Champlain se joint à eux sur le sentier de la guerre. Il remonte alors la rivière des Iroquois[56] jusqu’au lac qui porte aujourd’hui son nom. C’est à cet endroit que Champlain et ses alliés affrontent les Iroquois pour la première fois. Ils en sortiront vainqueurs mais les Iroquois seront désormais les ennemis mortels de la Nouvelle-France. Quant à Champlain, il veut explorer le Nouveau-Monde. Il veut aller au nord, vers l’ouest, partout. Ils s’associent aux nations amérindiennes de chacune des régions qu’il visite. Les Iroquois, déjà associés aux anglais et Hollandais de New York le savent trop bien. À cause de ces alliances avec les Français, ils perdent l’accès à leur plus importante source d’approvisionnement en fourrures des terres nordiques. Contrairement aux Indiens sous l’emprise des Espagnols, ceux de l’Amérique du Nord ont exercé, pendant un certain temps, leur pleine souveraineté à titre de partenaires commerciaux et militaires.

Comme nous l’avons dit précédemment, les Hurons-Wendats de la baie Georgienne s’allièrent aux Français. À cette étape de l’histoire du Canada, une précision s’impose. Nous avons tous étudié, les malheureuses aventures des Saints martyrs canadiens, brûlés vifs sur le bûcher des méchants Iroquois. Tout ça est complètement faux. Les missionnaires de l’époque n’auraient jamais osé l’évangélisation de leurs plus grands ennemis qu’étaient les Iroquois. De plus, ce ne sont pas les Iroquois qui portaient la hure, c’était en fait les Hurons comme l’indique le surnom que nous leur avons donné. Les rôles avaient donc été inversés. Mais pourquoi donc les Hurons, nos principaux alliés, en voulaient-ils tant aux missionnaires de la France très catholique de l’époque ? Dans ces temps très religieux, les familles françaises devaient donner un fils à l’Église pour en faire un prêtre. Ayant un grand besoin de main-d’œuvre sur les fermes familiales d’Europe, ce sont les plus chétifs et malades qui se retrouvaient dans les ordres, comme dans la Compagnie de Jésus[57]. Avec une santé chancelante, ils étaient les candidats idéaux pour le transport des maladies contagieuses qui se répandaient, à l’époque, dans toute l’Europe. Ainsi, à chaque fois qu’une Robe Noire arrivait en Huronie, une partie de la population mourait de façon aussi bizarre que subite. Il est inutile de raconter la suite que tous connaissent. Alors qu’ils étaient 30000 au début du XVII ième siècle, les Hurons n’étaient plus que 9000 dans les années 1640. Les nouvelles maladies ne foudroyaient pas que les Autochtones qui côtoyaient les Européens. En raison des nombreux réseaux d’échanges nouvellement créés par la traite des fourrures, les virus circulaient au même rythme que les marchandises de traite. Les commerçants amérindiens diffusaient à leur tour, sans le savoir, les pandémies contractées auprès des Français.

Chaque été, au moment où le contingent de marchands français visitait les Hurons, une importante et obligatoire cérémonie se déroulait où l’on réaffirmait les liens qui unissaient les deux nations. Après un échange de cadeaux, les transactions commerciales proprement dites pouvaient alors débuter. Pour montrer l’importance de ces cérémonies officielles auxquelles les Hurons tenaient tant, en 1623, lorsqu’un capitaine français arriva à Tadoussac et offrit un présent jugé insuffisant par le chef Montagnais Erouachy, ce dernier le jeta dans le fleuve et ordonna aussitôt à ses hommes de monter à bord et de prendre ce qu’ils désiraient. De peur de rompre l’alliance commerciale avec les Hurons, les Français ne s’y opposèrent pas. Lorsque les Indiens revinrent au bateau même, les transactions en tant que telles purent commencer. Cet incident illustre bien l’importance que les Indiens attachaient à ces rituels et le fait qu’ils étaient en mesure à l’époque de les imposer aux Français. De plus, les Hurons détestaient manifestement marchander le prix de chacune des peaux et se mettaient en colère dès que les marchands français essayaient de le faire. Le prix des fourrures restaient donc stable en Amérique mais il était soumis aux fluctuations du marché une fois rendues en Europe. Les Indiens garantissaient donc une politique de prix fixe, peu importe la qualité ou la rareté du produit. Les alliances commerciales avaient donc priorité sur les aléas de la trappe, du climat et du transport des peaux jusqu’aux postes de traite. À l’instar des Hurons de la baie Georgienne, les Indiens de la vallée du St-Laurent accordaient eux aussi une grande valeur aux alliances formelles et durables. Par contre, les Autochtones ne les voyaient pas comme étant exclusives. Plusieurs nations traitèrent avec qui ils pouvaient trouver avantages, même avec les ennemies des Français comme les Hollandais et les Anglais jusqu’à ce que les Mohawks les empêchent vers 1620. Les Montagnais ne se privèrent jamais de traiter avec les commerçants indépendants et illégaux malgré le traité qu’ils avaient avec Champlain. Mais, ils ne cherchèrent jamais à offenser ce dernier, ils lui avaient promis de l’aider contre les Iroquois. En résumé, la plupart des alliances commerciales de l’époque étaient accompagnées d’une clause à teneur militaire.

On a souvent accusé les Indiens de naïveté puisqu’ils acceptaient volontiers d’échanger leurs précieuses fourrures contre des marchandises européennes de peu de valeur. À cela, les anthropologues répondent que l’abondance et que les fourrures n’étant pas considérées comme un bien de première nécessité comme l’orignal et le caribou, elles paraissaient banales aux yeux des Autochtones. En revanche, les produits européens exerçaient la fascination par leur rareté, leur utilité comme les objets de métal, leur beauté et peut-être même leur valeur spirituelle. Malgré cela, certains Indiens cherchèrent à s’informer sur la valeur que les Européens accordaient à cette marchandise de troc et à modifier en conséquence le taux d’échange. À titre d’exemple, lorsque Cartier ramena en Nouvelle-France les deux fils du chef Stadaconé qui firent le voyage en France l’année précédente, ces derniers révélèrent que les Français les trompaient en échangeant contre de la nourriture des objets qui n’avaient aucune valeur dans leur pays. Les commerçants européens tiraient donc d’énormes profits de la traite des fourrures. Ils exigeaient des Indiens des prix très élevés pour des marchandises de qualité souvent médiocre. Certains historiens ont même fait remarquer que lorsque la Hudson Bay Company offrait parfois un meilleur prix pour les fourrures, les Indiens en apportaient moins au comptoir ce qui semblait prouver qu’ils ne comprenaient pas la logique de l’économie de marché. Encore une fois erreur d’interprétation, il ne faut pas oublier que ces chasseurs-cueilleurs étaient nomades. Ils ne pouvaient transporter que ce que leurs embarcations et les portages leur permettaient. C’est donc des contraintes physiques et non leur manque de sens de la propriété qui les amenaient à agir ainsi. De plus le chef de clan ou le simple marchand autochtone ne songeait pas à garder pour lui ces biens exotiques. La générosité, exercée devant public habituellement, devenait une importante source de prestige et d’influence. Celui qui ne donnait pas était puni par des commérages hostiles, dénonciations et le plus grave, accusations de sorcellerie. Comme exemple, refuser de donner à un malade un bien désiré depuis longtemps, signifiait que le chef ou le marchand menaçait le bien-être de la communauté et se faisait traiter de sorcier nuisant à tout son peuple. C’est grâce à cette solidarité qui reliait les membres du clan que la rivalité entre les marchands individuels ne dégénéra pas en une compétition risquant de déstabiliser les rapports dans le groupe comme cela s’est produit chez certaines nations de la côte du Pacifique.

La Terre de Rupert
La Terre de Rupert

Si les Français et leurs alliés amérindiens gagnèrent la première manche de cette joute complexe et difficile, les Anglais n’allaient pas lâcher pour autant. Ni Versailles, ni les marchands aristocratiques ne sauront profiter de l’avantage indéniable qu’a la France sur le commerce des fourrures. La vallée du St-Laurent était faiblement colonisée, les Français étaient dispersés sur tout le continent nord-américain et la politique de la métropole était aussi floue qu’opportuniste.

En 1670, suite à la saisie par l’intendant Talon des peaux valant plus d’un million de dollars rapportées de la baie James et le manque d’intérêt flagrant de Louis XIV pour la Nouvelle-France, Radisson et son beau-frère des Groseilliers proposent aux Britanniques de contourner le monopole des Français dans le commerce du castor. Il s’agit simplement de passer par le nord, de descendre la baie d’Hudson pour rejoindre le pays des Cris. La Compagnie de la Baie d'Hudson venait de naître et plus tard, elle deviendra le propriétaire du plus vaste domaine privé de l’Occident, la Terre de Rupert. C’est encore aujourd’hui, la plus vieille corporation à but lucratif en Amérique du Nord.

[modifier] En route vers la Confédération

[modifier] La Proclamation royale (1763)

La Nouvelle-France vers 1750
La Nouvelle-France vers 1750

Au début du XVIII ième siècle, la population totale d’origine française est de 15000 personnes tandis que dans les colonies britanniques s’entassent 300000 colons. Ce déséquilibre démographique sonnera, un jour, le glas pour le régime français qui surviendra en 1760, à la capitulation de Montréal. Par contre, les Français sont très influents en Amérique du Nord en raison de leurs nombreuses alliances et amitiés avec les Autochtones. Le fait d’habiter la vallée du St-Laurent, de vouloir principalement faire du commerce avec eux, de favoriser les mariages interraciaux les distinguent favorablement des Anglais qui eux ont des ambitions de véritablement coloniser ce vaste continent aux espaces infinis. C’est la conquête… Cette guerre de la conquête pour les historiens québécois était en fait une extension de la guerre de sept ans (1756 – 1763) en Europe et de la troisième French and Indian War pour les Américains. De plus, cette conquête, on l’oublie trop souvent, se fera sur deux fronts, un premier à Québec sur les plaines d’Abraham et aussi à Détroit où le chef Pontiac pense contrer les rêves de l’empire britannique. Pontiac qui dirige le soulèvement de la Confédération des Trois-Feux avait très bien compris les menaces réelles des Anglais sur les souverainetés amérindiennes. Mais, Pontiac perdra son temps dans l’attente. Ses alliés amérindiens ainsi que les Français l’avaient abandonné. La France de Louis XIV était au bord de la faillite. Déjà, lors de la signature du Traité d’Utrecht en 1713, la France avait concédé à l’Angleterre, la baie d’Hudson, Terre-Neuve et l’Acadie. En 1762, la France avait confié la Louisiane à son allié espagnol. Cette dernière remettre la Louisiane à la France en 1800 et les États-Unis l’achèteront en 1803. En 1763, lors du Traité de Paris, la France abandonne finalement le Canada à l’Angleterre préférant garder les îles à sucre (Guadeloupe, Martinique, Saint-Domingue) et les îles à morues (St-Pierre et Miquelon). Le castor avait permis la Nouvelle-France, le thé sucré en sonnera la fin. D’un autre côté, la conquête a son côté absurde. L’Amérique est trop vaste, l’Ouest est encore une terre inconnue et les nations autochtones sont très nombreuses à ne pas reconnaître la domination britannique. Son succès comporte de grands risques. Lors de la Proclamation royale du 7 octobre 1763, Londres crée alors deux nouvelles colonies, la Nouvelle-Écosse et le Québec. La conquête va provoquer un important remue-ménage dans tout le nord-est de l’Amérique du Nord. La guerre de l’indépendance américaine s’annonçant, les Britanniques doivent calmer les esprits canadiens-français et de leurs alliés indiens en reconnaissant les droits de ces derniers et le fait français dans la vallée du St-Laurent. Les Indiens, comme les Français, auront la liberté de religion, de langue et conserveront les terres qu’ils habitent.

Ayant tracé la ligne de démarcation entre les terres tribales indiennes de celles des colonies et ayant instauré un processus ordonné sur l’achat des terres indiennes à des fins de colonisation ou de développement, en 1763, on n’a pas jugé nécessaire de préciser la nature des rapports entre les nations indiennes et la Couronne britannique. Il s’agissait, visiblement, d’une relation fondée sur la reconnaissance et le respect mutuel. La Cour suprême du Canada, qui s’est penchée sur la nature des relations entre la Couronne et les tribus indiennes au cours de cette période de l’histoire, a conclu que pour les Britanniques, il s’avérait de bonne politique d’entretenir avec eux des relations très proches de celles qui étaient maintenues entre nations souveraines. La Proclamation royale de 1763 donne sa première expression à cette relation impériale tripartite des débuts. Il ne s’agissait pas tout à fait d’une égalité complète entre nations souveraines, parce que de nombreuses nations tribales, déjà très affaiblies, n’étaient plus tout à fait autonomes. Ce n’était pas non plus une relation de sujétion puisque, dans les domaines les plus importants, les rapports étaient ceux de nation à nation. Bref, cette relation était et demeure unique. Dans cette relation, les nations indiennes acceptaient de partager leurs terres avec la Couronne et celle-ci reconnaissait qu’une partie de ces terres devait être réservée exclusivement aux Indiens, dans le but de préserver les bons rapports. En un certain sens, telle était l’entente confédérale originale entre ces deux partenaires. Aux États-Unis, cette entente allait être formulée de façon quelque peu différente de la jeune république. Les nations indiennes ne faisaient pas partie des États-Unis, mais elles entretenaient néanmoins une relation politique avec ce pays. Il s’agit de la formule bien connue des nations inférieures dépendantes, un énoncé tout aussi paradoxal en soi, qui a permis aux tribus indiennes des États-Unis de continuer, malgré d’énormes pressions centrifuges, d’affirmer jusqu’à aujourd’hui leur statut de nation. Au Canada, les relations n’ont pas évolué tout à fait de la même façon[58].

Icône de détail Article détaillé : Proclamation royale de 1763.

[modifier] L'Acte de Québec (1774)

Lors de la signature de l’Acte de Québec en 1774, les Indiens eux aussi se voient confirmés comme citoyens britanniques et se font donner les terres au nord du Québec de 1763. Les frontières de ce territoire réservé n’ont jamais été clairement définies, de même que les droits y afférant. Cependant, il leur était interdit de vendre ces terres aux Français, sans l’autorisation préalable du gouvernement britannique. Néanmoins, il s’agit d’un premier texte constitutionnel faisant mention des droits territoriaux des Indiens. La politique de l’Angleterre face aux Français et aux Autochtones est faite d’accords particuliers, de promesses et de reconnaissances diverses dont les descendants d’aujourd’hui sont les héritiers. C’est ainsi, qu’entre 1780 et 1782, l’Angleterre conclut avec les Autochtones des traités dits d’amitié et de paix.

Icône de détail Article détaillé : Acte de Québec.

[modifier] L'Acte constitutionnel (1791)

Toujours en route vers ce que sera la confédération, en 1791, le parlement de Londres vote l’Acte constitutionnel qui divise le Québec en deux: le Bas et le Haut-Canada. Selon le rapport du Select Commitee on Aborigines commandé par le Parlement britannique dans les années 1830, le constat est sans équivoque: le développement anarchique de la colonisation est désastreux pour les Autochtones. Pour tenter de corriger cette situation, on adopte en 1839 la Loi sur la protection des terres domaniales, qui déclare que les terres des Indiens sont propriété de la Couronne[59]. Ils sont donc privés des conditions de la propriété individuelle parce qu'on pense que les Amérindiens doivent être traités comme des enfants ayant besoin de protection paternelle[60]. D'un autre côté, le fait de partager la propriété des terres, est perçue comme étant une manifestation de barbarie[61] par les conquérants.

Icône de détail Article détaillé : Acte constitutionnel.
Icône de détail Article détaillé : Grande paix de Montréal.

[modifier] L'Acte d'Union (1840)

En 1840, c’est l’Acte d’Union qui change de nouveau le régime politique des deux Canada. L’anglais devient alors la langue officielle et l’énorme dette du Haut-Canada est répartie à l’ensemble du pays unifié. Il n'y a aucune disposition à l'égard des Autochtones ou à l'égard des paiements pour la cession de leurs terres. Cet oubli ne sera pas corrigé avant 1844. Le Haut et le Bas-Canada définissent alors qui est un Indien au sens de la loi. On prévoit à ce moment un statut différent pour la femme indienne qui marie un non-Indien, elle perd tout simplement ce statut, ce qui n'est pas vrai à l'inverse[62]. De fait, l'administration des affaires indiennes sous la direction de Londres jusqu'en 1860. À cette époque, la population amérindienne décroît rapidement[63]. En 1850 et 1851, deux lois sur les terres sont votées par la Chambre d'assemblée. La première, l'Acte pour protéger les sauvages du Haut-Canada contre la fraude et les propriétés qu'ils occupent ou dont ils ont la jouissance, contre tous empiètements et dommages, et la seconde, l'Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada sont adoptées parce que des bûcherons sont en train d'envahir les réserves d'Abitibi, du Témiscamingue et dans la vallée de l'Outaouais. Ces lois exemptent les terres de réserves de toute charge fiscale, les libèrent de toutes saisies et prévoient une compensation pour la construction d'un chemin de fer[64]. Au Bas-Canada, la loi de 1851 s'attaque à la définition du terme indien sans les consulter et aboutit aux critères suivants:

  • Toute personne de sang indien réputée appartenir à la nation, tribu ou peuplade particulière d'Indiens intéressés dans ces terres et ses descendants;
  • Toute personne mariée à l'un de ces Indiens et résidant parmi eux, et tous les descendants de cette personne;
  • Toute personne résidant parmi ces Indiens, dont les parents, de l'un ou de l'autre côté, étaient ou sont en droit d'être considérée comme telle; et
  • Toute personne adoptée dès la petite enfance par un des ces Indiens et habitant avec un groupe ou sur les terres de telles tribus ou nations d'Indiens et leurs descendants[65].

[modifier] L'Acte pour encourager la civilisation graduelle (1857)

En 1857, fut adoptée une loi visant ouvertement l’assimilation des Premières Nations. Au cœur de cette loi se trouvait le concept d’émancipation. En renonçant à son patrimoine, un membre d’une Première Nation de sexe masculin répondant à certaines conditions pouvait devenir un citoyen à part entière. Un Amérindien âgé de 21 ans, parlant français ou anglais, ayant reçu une éducation élémentaire, réputé de bonne moralité et sans dette, pouvait être déclaré émancipé ou cesser d’être considéré comme un Indien. Ce faisant, il devenait un citoyen au même titre que les autres. Pour favoriser cette pratique, on accordait aux Indiens émancipés un titre de propriété absolu sur une terre de 20 hectares dans une réserve, plus leur part d’annuités versées auparavant à la bande[66]. Dans la réalité, un seul candidat dans tout le Canada s'est prévalu des dispositions légales pour obtenir son émancipation. L’adoption de cette loi a été un événement marquant dans la longue histoire de la politique canadienne relative aux Indiens. À bien des égards, l’acte pour encourager la civilisation graduelle et la réaction qu’il a suscitée présageaient la politique d’extinction du livre blanc de 1969, le projet de loi sur la gouvernance des communautés autochtones, allaient envenimer les relations entre les Indiens et engendrer ainsi une méfiance réciproque. Cette loi a eu sur plusieurs plans, des répercussions profondément défavorables. Les Indiens se sont élevés contre les dispositions de cette loi et ont demandé son abrogation. De plus, les bandes indiennes n’ont pas accepté non plus de participer au recensement annuel des bandes organisé par les responsables coloniaux et même de laisser arpenter leurs réserves pour le lotissement en parcelles de 50 acres (20 hectares) qui devaient servir d’incitatifs à l’émancipation. La nouvelle politique a tout de suite provoqué une crise dans les relations entre la colonie et les Indiens du Canada. Jusque là, empreintes de progressisme et de coopération entre les conseils de bande d’une part, et les missionnaires et agents des affaires indiennes d’autre part, les relations ont tourné à l’acrimonie et au militantisme de la part des Indiens qui voulaient que cette loi soit abrogée. Le refus des Indiens de se plier à la loi et celui du gouvernement de renoncer à sa politique ont montré que la Couronne avait à peu près abandonné l’approche axée sur des relations de nation à nation. Par l’abandon, à toutes fins utiles, de la promesse faite par la Couronne de respecter l’autonomie politique des tribus qu’impliquaient la Proclamation royale de 1763 et le processus relatif aux traités, l’acte pour encourager la civilisation graduelle marquait un virage profond de la politique sur les Indiens puisque, dans ce contexte, la civilisation signifiait en somme l’élimination à la pièce des communautés indiennes au moyen de l’émancipation. Pareillement, la loi renonçait au principe connexe de la protection des terres de réserve. Ces dernières pouvaient être graduellement rognées sans cession publique et officielle consentie par l’ensemble de la bande. Les gouvernements tribaux avaient perdu le contrôle exclusif sur leurs propres terres. L’acte pour encourager la ‘’civilisation graduelle’’ constituait également une autre étape vers le contrôle gouvernemental des décisions relatives au statut d’Indien. Bien que le processus ait été amorcé en 1850 avec l’adoption d’une loi sur les terres du Bas-Canada, qui définissait le terme Indien aux fins du droit de résidence dans les réserves, la nouvelle loi lançait le mécanisme d’émancipation qui allait retirer à d’autres personnes d’ascendance et culture indienne, la civilisation graduelle a maintenu et renforcé le sexisme exprimé dans la définition d’Indien, puisque l’émancipation d’un homme entraînait automatiquement celle de son épouse et de ses enfants. Enfin, le ton et les buts de cet acte, en particulier les dispositions sur l’émancipation qui affirmait la supériorité de la culture et des valeurs coloniales, annonçaient également le début d’un processus de dépréciation et d’érosion de l’identité culturelle indienne. Il s’agissait donc, du commencement d’une lutte psychologique contre l’identité indienne qu’allaient venir renforcer les interdictions contenues dans la Loi sur les Indiens qui se dessinait à l’horizon[67]. Deux ans plus tard, en 1859, l'Acte concernant la civilisation et l'émancipation des sauvages étudie une fois de plus la question des réserves. Même si elle vise encore l'insertion des Amérindiens à la société blanche, elle étend à tout le territoire qui deviendra plus tard le Dominium du Canada, l'interdiction de vendre de l'alcool aux Indiens. Cette prohibition sera maintenue jusqu'en 1951[68].

[modifier] Civiliser pour mieux assimiler

[modifier] Assimilation par l'émancipation: Loi sur les Indiens

[modifier] Les quatre faux postulats de l'époque

  • Les Autochtones étaient des êtres intrinsèquement inférieurs et incapables de se gouverner eux-mêmes.
  • Les traités et autres ententes n'étaient pas, en général, des pactes fondés sur la confiance et comportant des obligations, mais plutôt d'habiles manœuvres politiques, moins coûteuses et plus acceptables que les conflits armés. On y voyait des sortes de protocoles administratifs, officiellement reconnus, mais le plus souvent ignorés.
  • La tutelle convenait aux peuples autochtones; il n'était donc pas nécessaire des les faire participer ou consentir aux mesures que l'on prenait à leur endroit.
  • Seules les valeurs non-autochtones étaient aptes à définir les concepts reliés au développement, tant individuel que collectif. Cela valait aussi bien lorsque le progrès commandait de civiliser et d'assimiler les Autochtones que plus tard, lorsqu'on s'est mis à exploiter les ressources de l'environnement[69].

[modifier] Acte de l'Amérique du Nord britannique (1867)

Évolution des frontières internes du Canada depuis la Confédération
Évolution des frontières internes du Canada depuis la Confédération

Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Haut et le Bas-Canada décident en 1864, de se fédérer en Dominion du Canada. Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard n'adhèrent pas à ce projet par peur d'être affaiblies par les quatre autres colonies. Le 29 mars 1867, l'Angleterre accepte de constituer une nouvelle fédération par la signature de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Comme son préambule le mentionne, cette loi anglaise répond au désir exprimé par les colonies fédérées. Elles forment un même et unique dominion sous la couronne de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. Cette loi prévoit aussi l'agrandissement de cette nouvelle fédération. L'article 91 (24) de cette loi constitutionnelle attribue au Parlement fédéral la compétence de faire des lois concernant les Indiens en tant que personnes et sur les terres réservées aux Indiens. Cet article constitue le fondement de la compétence fédérale sur les Indiens. C'est en vertu de cette compétence que le Canada adoptera en 1876 la Loi sur les Sauvages, qui mettra les Indiens et leurs réserves sous tutelle gouvernementale[70]. Mais en 1868, le département des Affaires indiennes commence par travailler avec les lois préconfédérales. Il renforce la Loi pour encourager la civilisation graduelle de 1857 par une mesure d'assimilation progressive à la race blanche. L'année suivante, en 1869, une nouvelle loi sur l'émancipation ajoute une clause sur le pourcentage de sang indien que doit posséder une personne pour avoir le statut d'Indien. Elle introduit également un système d'élections triennales pour les conseils de bandes. Le découpage en propriétés individuelles continue à être encouragé pour les Indiens qui s'affranchissent. Entre 1859 et 1920, seulement 250 Amérindiens ont eu recours à cette loi attirés par cette clause de propriété. En résumé, les lois de 1868 et 1869 visent à briser toutes formes de gouvernance tribale sous prétexte qu'elles sont irresponsables[71].

Icône de détail Article détaillé : Loi constitutionnelle de 1867.

[modifier] Les extensions territoriales du Canada

  • Transfert de la Terre de Rupert et des Territoires du Nord-Ouest (1870)

En 1870, Londres transfère au Canada, en vertu de l'article 146 de la Constitution, la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest suite à la rétrocession de ce territoire par la Compagnie de la Baie d'Hudson. Cet arrêté-en-conseil décrète que les indemnités à payer aux Indiens seront réglées par le gouvernement canadien. à même une partie de ce territoire, le gouvernement fédéral avait créé la province du Manitoba. En 1898, on retrancha une autre partie des Territoires du Nord-Ouest pour créer le Yukon, entités qui relèvent directement de l'autorité fédérale[72].

  • Admission des possessions britanniques de la Colombie Britannique (1871) et de l'Île-du-Prince-Édouard (1873)
  • Intégration des autres possessions britanniques et des îles adjacentes (1880) à l'exception de Terre-Neuve (1949)
  • L'extension territoriale du Québec de 1898

Comme nous l'avons vu précédemment, c'est grâce à la menace séparatiste des Américains du nord que les Anglais nous ont laissé le territoire longeant les rives du Saint-Laurent. En 1763, la Nouvelles-France est cédée à l'Angleterre qui crée, par la Proclamation royale, la province de Québec. Entre la Terre de Rupert[73] et la province nouvellement créée, s'insère un domaine indien. Avec l'Acte de Québec en 1774, le domaine indien est aboli et la limite sud de la Terre de Rupert devient la limite nord de la province. Après 1774, les lois subséquentes de 1791 et de 1867 ne modifient pas la frontière septentrionale de la province. Avec la cession de la Terre de Rupert au Dominion du Canada en 1870, ce territoire est annexé aux Territoires du Nord-Ouest. En 1875, une loi est adoptée prévoyant la division des TNO[74] en districts provisoires. C'est en vertu de cette loi que le district de l'Ungava est créé. En 1898, le Québec entreprend des démarches pour étendre son territoire plus au nord. Cet acte de 1898, concernant la délimitation des frontières de la province, est adopté et sa frontière nordique s'étend maintenant jusqu'à la rivière Eastmain[75]. Les bandes cries de la baie James se retrouvaient alors sous deux juridictions territoriales. Les bandes les plus nordiques demeuraient sous la tutelle territoriale (TNO) et celles plus au sud devenaient subitement, des citoyens de la province de Québec.

  • Création de l'ouest du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta (1905) à même les Territoires du Nord-Ouest

Le gouvernement fédéral transfère à ces trois provinces la propriété des terres et certaines ressources naturelles à l'exception des terres des réserves indiennes déjà crées ou déjà garanties aux Indiens par traité. De plus, les Indiens se voient garantir le droit de chasser, de pêcher et de trapper pour leur subsistance en toutes saisons sur les terres publiques inoccupées et sur les terres auxquelles ils ont un droit d'accès[76].

  • L'extension territoriale du Québec de 1912

En 1907, une requête du Québec adressée au gouvernement fédéral demande que soit annexé à la province ce qui correspond au district de l'Ungava tel que défini par la loi de 1898, en y incluant les îles côtières. En 1912, la Loi d'extension des frontières du Québec confère ce territoire à la province sans toutefois inclure les îles qui demeurent sous la juridiction des Territoires du Nord-Ouest. Le fédéral invoque leur difficile inventaire et l'importance stratégique pour la navigation, le commerce et la défense. Déjà à cette époque, le projet d'exporter du blé de l'Ouest canadien par un port de la baie d'Hudson ou de James était déjà sur les planches à dessin[77]. C'est donc au tour des Inuits du Québec de changer de juridiction territoriale à l'exception des îles côtières où ils chassaient depuis des millénaires. Dans les années 60, la commission d'étude sur l'intégrité du territoire québécois s'est penchée sur la question de ces îles périphériques. Cette étude met en évidence, que pour une raison purement géographique, les îles auraient dû être intégrées à la province. Les arguments de 1912 ne résistent pas à l'analyse si l'on prend en considération que le fédéral n'a jamais établi aucune installation à la navigation et n'a jamais empêché le Québec de le faire. Le rapport des commissaires dit que le rattachement aux Territoires du Nord-Ouest des îles littorales et périphériques ne se justifie ni par la géographie, ni par l'histoire, ni par la praticabilité administrative, ni par les motifs invoqués en 1912 lors de l'extension des frontières. De plus, cette frontière est définie comme étant le rivage. Or, le rivage, ou plus précisément l'estran où s'exerce l'action des marées, n'est pas une limite territoriale fixe et arrêtée. Ce n'est qu'avec la Convention de la baie James et du Nord québécois et des lois qui en dérivent, notamment la Loi sur le régime des eaux de 1978, que cette frontière est définitivement fixée comme étant la ligne des basses eaux. Par ailleurs, des négociations étaient toujours en cours au sujet des droits d'exploitation de ces îles entre les divers niveaux de gouvernement, le Grand Conseil des Cris et la Société Makivik et un modèle de frontière partagée entre le Québec et le Nunavut ferait partie des discussions.

  • La frontière Québec-Labrador de 1927

En 1902, la Grand River Pulp and Lumber Company reçoit un permis de coupe de bois octroyé par Terre-Neuve qui lui permet d'étendre ses activités de part et d'autres de la rivière Hamilton à partir du lac Melville. Le Québec soutient alors que le territoire au sud du cours d'eau lui appartient et adresse une protestation au président de la compagnie. L'affaire se retrouve entre les mains du lieutenant-gouverneur du Québec qui transmet à Ottawa un mémoire le priant de prendre les mesures nécessaires pour que soit respectée l'intégrité territoriale du Québec. Après de nombreuses démarches, l'affaire est portée au Conseil privé de Londres qui entend la cause en 1926. L'année suivante, le rapport est approuvé et la dernière frontière externe du Québec est alors établie. En diverses circonstances, le Québec n'a jamais acquiescé à ce jugement ou statué sur la question de cette frontière interprovinciale. Cette fois, ce sont une partie des Innus du Labrador qui se retrouvent citoyens de la colonie britannique de Terre-Neuve[78], donc juridiquement séparées des bandes du Québec et automatiquement exclus de la Loi sur les Indiens de Canada.

[modifier] La résistance des Métis

Trois ans après la création du Canada, le gouvernement du Canada qui voulait imposer son autorité sur les Grandes Plaines de l'Ouest et ouvrir ces vastes territoires à la colonisation, se heurta à l'opposition des Métis. Bien que ces derniers ne furent jamais inclus comme Indiens dans le sens de la Loi sur les Indiens, ces descendants de coureurs des bois et voyageurs francophones pour la majorité, mariés à des femmes des Premières Nations, ont joué un rôle majeur dans la défense des droits des Autochtones. En 1869, sous les ordres de Louis Riel, les Métis avaient expulsé une équipe d'arpenteurs venus tracer les routes et délimiter les terres des futurs colons. C'est ainsi qu'en 1870, le gouvernement du Canada adopte l'Acte du Manitoba, créant ainsi une cinquième province canadienne. Dans cette loi constitutionnelle, il était prévu que 60 000 hectares de terres seraient réservés à des familles métisses résidentes.

[modifier] La Loi sur les Sauvages de 1876

En 1873, au lendemain de la Confédération, la police du Nord-Ouest qui deviendra plus tard la GRC, est crée dans le but d'harmoniser les relations entre les Blancs et les Indiens de l'Ouest canadien. Toujours avec la même idéologie paternaliste et après de nombreuses mises en réserve avec les traités numérotés, les fonctionnaires écrivent la fameuse Loi sur les Sauvages. L'émancipation des Autochtones qui constitue la colonne vertébrale de cette loi constitue un exemple frappant du racisme des élites du XIXe siècle. Encore en vigueur aujourd'hui et après d'innombrables amendements[79], toute la vie quotidienne des Indiens en a été transformée. Les réserves, le droit à l'inscription comme Indien, l'appartenance à une bande, les élections et les pouvoirs des conseils de bandes, les exemptions fiscales, l'irresponsabilité foncière, la mise sous tutelle sont les composantes de cette nouvelle règle. En 1876, en pleine période d'établissement des traités de l'Ouest, la première version de l'Acte des Sauvages avait été adoptée et en profitait pour codifier les textes législatifs antérieurs touchant les Indiens. Parmi les nouveautés: tout Amérindien auquel un grade universitaire accorde le droit d'exercer un ministère religieux, d'enseigner, ou encore de pratiquer le droit ou la médecine, peut être affranchi et obtenir un permis d'établissement sans devoir subir la période de mise à l'épreuve obligatoire de trois ans[80]. À partir de cette date, la politique relative aux Indiens s'appuie fermement sur la notion que les Indiens étaient nettement inférieurs au reste de la société. Notre législation au sujet des Sauvages, repose sur le principe que les naturels du pays doivent être tenus en état de tutelle, et qu'ils doivent être traités comme des pupilles et des enfants de l'état. Les intérêts bien entendus des naturels du pays comme ceux de l'état, exige que l'on fasse tous les efforts possibles pour aider les Peaux-Rouges à sortir eux-mêmes de leur état de tutelle et de dépendance. Et il est évidemment de bonne politique et de notre devoir de les préparer par l'éducation et par tout autre moyen, à un degré de civilisation plus élevé en les encourageant à se prévaloir de tous les droits de citoyens, et en assumer les obligations[81].

Icône de détail Article détaillé : Loi sur les Indiens.

[modifier] L'émancipation volontaire devient obligatoire

Le concept d'émancipation volontaire, énoncé en 1857, dans l'Acte pour encourager la civilisation graduelle, est demeuré à peu près inchangé dans les versions successives de la Loi sur les Indiens jusqu'à ces dernières années. Il ne s'agissait pas d'une politique réaliste, ni populaire auprès des Indiens; la plupart n'avaient aucune intention de renoncer à leur identité personnelle ou collective. Ainsi, au privilège de l'émancipation volontaire, est venue s'ajouter en 1876, l'émancipation obligatoire des Indiens qui avait fait des études universitaires. De plus, cette loi permettait aux Indiennes célibataires de demander l'émancipation, ce qui constitue par ironie, l'un des rares exemples d'égalité des sexes. De plus, le nouvel Acte des Sauvages permettait à des bandes de s'émanciper collectivement. La bande Wendat d'Anderson[82] a été la seule à se prévaloir de ce droit en 1881 et a reçu ses lettres patentes d'émancipation en 1884. Ce geste avait encouragé fortement des générations de responsables des affaires indiennes à poursuivre leurs efforts de civilisation et d'assimilation.

[modifier] Le système des laissez-passer

Le système notoire des laissez-passer n'a jamais fait partie du régime officiel instauré par l'Acte des Sauvages de 1876. Il avait été mis en place à la suite d'échanges informels, au début des années 1880, entre divers responsables qui voulaient ainsi éviter que les Indiens des Prairies réussissent à mettre sur pied une alliance de tous les Indiens contre les autorités canadiennes. Destiné à empêcher les Indiens de cette région de quitter leurs réserves, il avait pour but immédiat de restreindre leur mobilité et les communications inter-tribales. Le système des laissez-passer doit être compris à la lumière des autres tentatives à entraver la vie culturelle des Indiens, car il avait pour objectif non seulement d'empêcher les dirigeants indiens et les militants éventuels de conspirer ensemble, mais aussi de décourager éventuellement les parents d'aller visiter leurs enfants dans les pensionnats situés hors des réserves et d'accroître les pouvoirs des agents afin qu'ils puissent empêcher les Indiens de participer, dans des réserves éloignées, à des cérémonies et à des danses interdites.

[modifier] Les amendements de 1884

En 1884, l'administration des Affaires indiennes cède aux pressions des missionnaires, les fastueuses fêtes données par les Indiens de la côte du Pacifique (potlatch) deviennent interdites. La même année, une loi visant à conférer certains privilèges aux bandes plus évoluées, la Loi sur le progrès des Indiens tente de convertir les règlements des tribus en lois municipales. Un pouvoir de taxation restreint leur est même accordé ainsi que la responsabilité de la santé publique et le pouvoir de sanctionner les violations de règlements. Cette loi change le système électoral triennal pour les élections annuelles. En fait, seulement neuf bandes adopteront ce nouveau mode électif[83].

[modifier] Les revendications juridiques des Indiens

Une modification apportée aux amendements de 1927 a permis au surintendant général d'ajouter une arme à son arsenal: le droit d'exiger que toutes personnes sollicitant des fonds pour appuyer des revendications juridiques présentées par des Indiens obtiennent au préalable un permis à cet effet. Là encore, les justifications officielles insistaient sur la nécessité de protéger les Indiens contre les avocats sans scrupules et autres agitateurs publics. La véritable raison avait probablement plus à voir avec le désir des responsables fédéraux de réduire l'efficacité des dirigeants indiens et des organisations comme Allied Tribes of British Colombia et le Conseil des Six-Nations. Avant d'être abrogée en 1951, cette disposition a eu pour effet non seulement de harceler et d'intimider les dirigeants indiens, mais aussi d'empêcher les Indiens de toutes les régions du Canada d'obtenir une aide juridique pour faire valoir leurs revendications.

[modifier] La révision de 1951

Dans sa version actuelle, la Loi sur les Indiens est le résultat d'une importante révision survenue en 1951, à l'issue des travaux du comité mixte. Par exemple, les pouvoirs exercés par le ministre des Affaires indiennes et le gouverneur en conseil ont été réduits en nombre, mais restaient très étendus. L'application de plus de la moitié des dispositions de la loi relève encore de leur pouvoir discrétionnaire. Les pouvoirs d'expropriation ont été considérablement restreints, mais encore aujourd'hui, dans le cas où une loi fédérale ou provinciale autorise une province, une municipalité ou des autorités locales à exproprier un terrain sur une réserve, le gouverneur en conseil peut accorder ce droit sans le consentement de la bande. La révision de 1951 a supprimé également l'interdiction de participer à des danses traditionnelles, des expositions et des stampedes. Toutefois, les Indiens des provinces de l'ouest doivent encore se procurer un permis pour vendre leur bétail et leurs produits agricoles. Il est à noter que la définition du statut d'Indien et le contrôle de l'appartenance à une bande sont encore du ressort du ministère, donc des non-Indiens. Au contraire, les définitions ont d'ailleurs été resserrées pour des motifs d'ordre financier, par la création du registre des Indiens, c'est-à-dire un fichier centralisé dans lequel sont inscrites les personnes ayant droit au statut. L'émancipation volontaire et obligatoire a été maintenue dans la réforme de 1951, mais l'aspect contraignant a été assoupli. Le ministre ne pouvait émanciper un Indien ou une bande que sur la recommandation d'un comité spécial. Si le comité venait à conclure que l'Indien ou la bande répondait aux critères et que l'émancipation était souhaitable, la personne ou la bande concernée serait réputée avoir demandée l'émancipation sans être consultée. En fait, les Indiens ont un statut équivalent à celui d'un enfant mineur. La Loi sur les Indiens, révisée en 1951, encadre tous les aspects de la vie des individus et des communautés que se soit la vie entière d'un Indien, la création d'une bande ou la cession d'une réserve. En réalité, ils sont des pupilles de l'état[84]. Par ailleurs, les amendements de 1951 accordaient aux Indiennes des réserves le droit de voter et ainsi la possibilité de participer un tant soit peu à la vie politique et démocratique de la bande. En outre, la disposition qui interdisait aux Indiennes de voter sur les cessions des terres a été modifiée afin de leur permettre d'y participer aux mêmes titres que les hommes. Toutefois, les mesures discriminatoires contenues dans les lois antérieures à l'endroit des femmes indiennes ayant épousé des non-Indiens étaient renforcées à l'appui de la politique générale d'assimilation.

[modifier] Le comité mixte de 1959

Les audiences du comité mixte de 1959 reprenaient, dans une large mesure, celles de la décennie précédente. Dans presque tous les mémoires, tant ceux des associations indiennes, que des conseils de bande, les Autochtones ont reformulé leurs préoccupations quant aux conditions de vie dans les réserves, la lourdeur de l'appareil administratif, aux revendications territoriales, à la violation des traités et aux questions non réglées touchant les titres de propriété des terres de réserves. Néanmoins, comme son prédécesseur, le comité mixte s'est prononcé fermement en faveur des mesures devant préparer les Indiens à participer pleinement à la vie canadienne. En fait, les Indiens étaient considérés comme une minorité socialement défavorisée qui avait besoin d'encouragement et d'aide pour se débarrasser de son infériorité socio-économique. Les réserves et le statut d'Indien ne sont en fait que des instruments de transition vers l'assimilation. Très bientôt, les Indiens pourront assumer la responsabilité que comporte le statut intégral de citoyen canadien et en accepter tous les innombrables avantages.

[modifier] Le livre blanc de 1969

Le rapport Hawthorn[85] sur les conditions de vie des Indiens du Canada, publié au milieu des années 60, soulignait que, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, les réserves indiennes constituaient, au milieu des territoires relevant des gouvernements provinciaux, des splendeurs solitaires où vivaient des groupes isolés soumis à la juridiction du gouvernement fédéral. La splendeur solitaire de leur isolement était à la fois géographique, économique, politique et culturelle, et le régime juridique particulier procédant de la Loi sur les Indiens renforçait cet isolement. En 1969, le gouvernement fédéral[86] nouvellement élu souhaitait, comme d'ailleurs bien d'autres canadiens à l'époque, éliminer les obstacles qui semblaient empêcher les Indiens de participer pleinement à la prospérité du Canada. Il a publié un livre blanc sur la politique relative aux Indiens, à la suppression progressive de la responsabilité du gouvernement à l'égard des Indiens et de la protection des terres de réserve par la disparition du ministère des Affaires indiennes, à l'abrogation de la Loi sur les Indiens, à l'abolition du statut d'Indien et à l'extinction des traités. Le mot d'ordre du gouvernement était l'égalité et son but apparent était, la participation entière, libre et égale, non discriminatoire de l'Indien à la vie sociale de notre pays à condition qu'à l'état de dépendance dans laquelle il se trouve actuellement soit désormais substituée une situation d'égalité. L'assimilation demeurait toujours l'objectif à atteindre, mais celle-ci avait été reformulée dans des termes plus heureux de la citoyenneté et de l'égalité[87]. Surpris par l'ampleur et l'ardeur de l'opposition à ce programme, le gouvernement a dû retirer sa proposition en 1970. Ainsi, la Loi sur les Indiens, essentiellement inchangée, demeure encore en vigueur aujourd'hui.

Il reste que la plupart des observateurs non-autochtones s'accordent pour dire qu'il est impossible, dans le cadre de la Loi sur les Indiens, de réaliser des progrès en matière d'autonomie gouvernementale et de développement économique et d'éliminer les problèmes sociaux qui frappent de nombreuses collectivités indiennes. Bien qu'ils en soient les critiques les plus sévères, les Indiens sont souvent forts réticents à voir la loi abrogée ou même modifiée. Beaucoup évoquent le caractère quasi sacré des droits et protections qu'elle établit, bien qu'assortis d'autres dispositions paternalistes et contraignantes qui empêchent les Indiens d'assumer leur pleine destinée. Il s'agit là du premier et du plus important paradoxe qu'il faut comprendre si l'on veut renouveler le partenariat entre les Premières nations et les autres Canadiens[88].

[modifier] La reconnaissance constitutionnelle de 1982

La Loi constitutionnelle de 1982 prévoyait la confirmation des droits ancestraux des peuples autochtones (Indiens, Inuits et Métis) et de leurs droits issus des traités. L'article 25 de cette loi prévoyait que les gouvernements (fédéral et provincial) ne pouvaient utiliser la charte des droits et libertés[89] pour empiéter sur les droits des Autochtones. L'article 35, quant à lui, prévoyait que les droits ancestraux ou issus des traités sont reconnus et confirmés. Donc, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît deux catégories de droits: premièrement, les droits ancestraux existants c'est-à-dire les droits territoriaux qui n'ont pas été cédés par traités ou éteints par une loi et deuxièmement, les droits qui ont été accordés par des traités. Pour ce qui est de l'article 37, il obligeait le premier ministre du Canada à convoquer une conférence constitutionnelle sur les sujets qui touchent les Autochtones. En réalité, il y eut quatre conférences entre 1983 et 1987 qui ont finalement conduit à une impasse qui perdure encore aujourd'hui[90].

Icône de détail Article détaillé : Loi constitutionnelle de 1982.

[modifier] La Loi C-31 de 1985

Avant 1985, une personne qui obtenait le statut d'Indien devenait automatiquement membre d'une bande. Par contre, une Indienne perdait ce statut en épousant un non-Indien[91], alors que son frère pouvait le garder en mariant une non-Indienne. La Loi C-31 de 1985 a permis de modifier cet aspect discriminatoire de la Loi sur les Indiens pour les femmes. Elles ont pu retrouver leur statut d'Indienne en pensant pouvoir réintégrer leurs bandes d'origine. Cependant, un amendement de 1985 établit une distinction entre le statut et l'appartenance à la bande. Le gouvernement fédéral continue de déterminer les règles pour l'obtention du statut mais ce sont maintenant les conseils de bande qui déterminent les conditions d'appartenance. Cette nouvelle façon de faire provoqua de nombreux litiges pour la réintégration de plusieurs femmes dans les communautés dus au manque chronique de fonds, surtout en ce qui a trait au logement.

[modifier] Assimilation par l'éducation: Les pensionnats autochtones

Lorsque le gouvernement canadien s’est employé à s’acquitter des responsabilités qui lui incombait vis-à-vis les Indiens et leurs terres en vertu de la Loi constitutionnelle de 1 867 et de la Loi sur les Sauvages de 1876, comme nous l’avons vu précédemment, le gouvernement avait, dans la réalité, adopté sa politique d’assimilation[92]. Cette dernière prenait sa source dans des principes qui remontent à la période préconfédérale comme la Loi sur la civilisation graduelle de 1 857. Le but était d’amener les collectivités indiennes et, à la longue, l’ensemble des peuples autochtones à sortir de leur état primitif et démuni et accéder à la civilisation et à l’autonomie, contribuant du même coup à faire du Canada une communauté homogène, c’est-à-dire non-autochtone et chrétienne. De toutes les mesures prises pour atteindre ce but, l’éducation a été le meilleur des outils pour atteindre les visées civilisatrices et assimilatrices de ce Canada paternaliste. C’est elle qui offrait la solution la plus prometteuse au soi-disant problème indien.


Icône de détail Article détaillé : Affaire des pensionnats autochtones.

[modifier] Assimilation par la déculturation: Les déplacements de populations

Les réinstallations étaient considérées comme une solution à certains problèmes perçus par le gouvernement ou d’autres organismes. Dans certains cas, la réinstallation accompagnait d’autres changements touchant la vie des Autochtones, changements qui résultaient souvent eux-mêmes de politiques gouvernementales. Notre analyse révèle que si les motifs utilisés pour justifier les réinstallations sont nombreux et difficiles à déterminer, on peut classer les réinstallations en deux grandes catégories : celles qui étaient d’ordre administratif et celles qui étaient liées au développement[93]. Les réinstallations d’ordre administratif sont des déplacements de populations destinés à faciliter les opérations du gouvernement ou à répondre à des besoins qu’on percevait chez les Autochtones. Comme exemple, nous pouvons citer : les Micmacs (Nouvelle-Écosse), les Inuit d’Hebron (Labrador), les Dénés Sayisi (Manitoba) et certaines Premières Nations du Yukon. Pour remettre les autochtones en contact avec la nature pour favoriser l’autosuffisance et les éloigner des influences négatives des établissements non-Autochtones, il y a les Inuits de l’île de Baffin vers l’île Devon et les multiples déplacements des Inuits du Keewatin et au Québec. Le développement a souvent été utilisé pour justifier les déplacements, et ce partout dans le monde. Les réinstallations sont alors la conséquence de politiques nationales de développement dont le but avoué est principalement le bien des réinstallés ou encore l’implantation de projets industriels. Pour la récupération de terres à des fins agricoles, nous pouvons donner comme exemple : les Ojibwas (Ontario) et les Métis de Sainte-Madeleine (Manitoba). Pour la récupération de terres pour l’urbanisation, il y a les Songhees (Colombie-Britannique). Pour la construction de barrages hydroélectriques, nous pouvons citer les Cheslattas T’en (Colombie-Britannique), les Cris Chemawawin (Manitoba) et de Fort-George (Québec).

[modifier] Les réinstallations d'ordre administratif

  • Simplifier les choses pour le gouvernement

1. Les Micmacs de Nouvelle-Écosse
La grande dépression des années 30 fit en sorte que les Micmacs de la Nouvelle-Écosse, déjà au bas de l'échelle socio-économique, n'ont eu d'autres choix que de demander l'aide du gouvernement. Ce dernier, devant l'augmentation des coûts et vouloir améliorer les services grâce à une économie d'échelle, semble-t-il, regarda de plus près l'idée de rassembler tous les Micmacs de la province dans deux réserves: Eskasoni sur l'île du Cap-Breton et Shubenacadie sur le continent. De 1942 à 1949, 2 100 Micmacs vivant dans 20 endroits différents furent rassemblés dans ces deux réserves. Il devait y avoir des emplois, des nouvelles maisons, une école, des services médicaux, des fermes avec le bétail de leur choix. Les maisons seraient tellement bien équipées qu'il ne resterait plus qu'à emménager[94]. Avec le soutien de l'Église, le gouvernement les a finalement déménagés sans que les premiers résidents de Shubenacadie et d'Eskasoni n'aient été consultés. Déjà très à l'étroit, il manquait beaucoup de choses dans ces deux réserves: bois de chauffage, bois d'œuvre, gibier, poisson, ressources agricoles et des chemins praticables. En résumé, cette tentative de réinstallation fut un échec complet. Les maisons trop petites et très froides n'ont jamais été construites à temps. À la fin de 1948, la presque totalité des habitants des deux réserves étaient au chômage ou tributaires du bien-être social. Les deux communautés ne pouvaient plus faire vivre que les personnes âgées, les malades et les familles qui ont continuellement besoin d'aide[95]. La réinstallation a uniquement servi à éloigner de nombreux Micmacs de leurs terres en leur enlevant le peu d'autonomie économique qu'ils avaient avant les réinstallations. Cette politique a facilité les autres efforts d'assimilation et a également permis d'exercer un contrôle plus strict sur l'envoi des enfants dans les pensionnats[96].
2. Les Inuits du Labrador

Icône de détail Article détaillé : Inuits.

3. Les Dénés Sayisi (Manitoba)
Qui sommes-nous pour dire à des hommes où ils doivent vivre et comment ils doivent être heureux[97]. Les réinstallations des Dénés Sayisi à Churchill (Manitoba) (Manitoba) est une histoire tragique. Encore une fois, ces gens n'ont été consultés qu'après que la décision de réinstallation eut été prise, ce qui entraîna de graves difficultés. Une partie de ces Dénés furent déménagés directement à Churchill par avion et le reste de la bande a voyagé par voie de terre vers la rivière North Knife. On croyait qu'ils pourraient chasser et trapper à cet endroit durant l'hiver et descendre par canot pour trouver du travail à Churchill durant l'été. Comme dans les autres cas, le matériel pour construire les maisons et les canots promis ne sont jamais arrivé à la rivière North Knife. De plus, il s'est avéré que les caribous, base de leur alimentation traditionnelle, ne passaient pas dans cette région lors de leur migration annuelle. Cet important constat entraîna la fermeture de l'établissement de la rivière North Knife. Ses résidents sont donc partis pour Churchill, grossir les rangs d'un bidonville déjà surpeuplé, après avoir passé l'hiver à se nourrir de macaronis, et sans pouvoir se vêtir de peaux de caribous[98].
4. Les Premières nations du Yukon
La ruée vers l'or du Klondike de 1896, qui en réalité, fut de très courte durée, à l'exception peut-être des maladies inconnues et virulentes apportées par les étrangers, n'avait que très peu modifiée la vie des Autochtones du Yukon. Par contre, la construction de la route de l'Alaska en 1942 provoqua des changements plus permanents dans la société et l'économie du territoire. Ce nouveau lien routier avait permis l'arrivée de bien des gens au Yukon, elle avait aussi permis l'arrivée de nouvelles séries d'épidémies. Dans les années 40, 50% de la population autochtone décédait. Afin d'assurer des services modernes aux Autochtones du Nord, il a paru nécessaire de les regrouper en un seul endroit au lieu de les laisser éparpillés dans la nature. La logique est assez simple. Pour éviter que les Autochtones ne gaspillent les prestations de l'État-providence en les utilisant comme ils le désiraient, le gouvernement devait impérativement réglementer leur vie dans ses moindres aspects: si le gouvernement octroyait un logement aux Indiens, il s'attribuait le droit de décider de l'endroit où il serait construit; s'il donnait de la nourriture, il essayait de dire aux Indiens ce qu'ils devaient manger; et s'il fournissait des écoles, il décidait du programme d'études et de la langue d'enseignement. C'était [...] une conséquence logique et pratiquement inévitable de la sociologie appliquée[99]. À l'inverse de ce que nous avons étudié auparavant, au Yukon, il n'y avait pas eu de réinstallations massives de populations entières. Ce fut plutôt une multitude de petits déménagements, de petites décisions administratives qui forcèrent les premiers peuples de ce territoire canadien à se rapprocher du long ruban de gravier qu'est la route qui relie l'Alaska et le Yukon au reste du continent nord-américain.

  • Pour l'amélioration des conditions de vie des Autochtones

1. Les multiples réinstallations des Inuits de tout l'Arctique

Icône de détail Article détaillé : Inuits.

[modifier] Les réinstallations liées au développement

Très souvent, les Autochtones ont été perçus comme étant un obstacle au développement. Comme raisons pour expliquer les réinstallations liées au développement, on invoquait que c'était d'ordre de l'intérêt public. Les intérêts et les droits autochtones ont donc été sacrifiés afin que la société canadienne en général bénéficie des bienfaits matériels associés à l'essor agricole, urbain et minier de même qu'à la production d'énergie hydroélectrique[100].

  • Récupération de terres à des fins agricoles

La Proclamation royale de 1763 reconnaissait la compétence des Autochtones sur leurs terres et stipulait clairement que toute terre acquise devait être achetée par la Couronne s'il arrivait qu'aucun des dits sauvages voulut disposer des dites terres. Par contre, selon un principe prôné par l'Assemblée législative du Canada vers 1840, toute région non colonisé ne pouvait être considérée comme étant un territoire appartenant aux Autochtones et si d'autres (des Européens) en avaient besoin pour le développement (agricole en l'occurrence), ils avaient légalement le droit d'en prendre possession et de le coloniser[101]. En 1830, en invoquant qu'il fallait mettre à l'abri les Autochtones du sud de l'Ontario des vices de l'Homme blanc, on en profite pour mettre la main sur 600 000 hectares de terres des bandes de Newash et de Saugeen[102]. Comme dans les exemples précédents, il y avait eu promesse de construction de nouvelles maisons et de ne plus être dérangé par après, sur le territoire restant. Encore une fois, que des promesses non tenues. 20 ans plus tard, les Ojibwés de Saugeen ont été forcés d'abandonner leur village et ce qui restait du territoire de la réserve. Toute une série de cessions eurent lieu dans la péninsule de Bruce entre 1851 et 1861. Après chaque réinstallation, les Saugeens construisaient de nouvelles habitations et de nouvelles scieries et défrichaient de nouvelles terres pour les cultiver. Il arrivait même que des Européens reprennent directement les champs et les scieries lors des changements de propriétaires. Enfin, les Saugeens furent forcés de s'installer dans la réserve de Cap Croker. Au Cap Croker, où le sol était impropre à la culture, on ne les dérangea plus[103].

  • Récupération de terres à des fins d'urbanisation

À l'endroit où est Victoria aujourd'hui[104], il y avait un important centre de négoce autochtone avec les Songhees. En 1849, James Douglas a été nommé directeur principal et chargé d'ouvrit l'île à la colonisation, conformément aux conditions de la cession de l'île de Vancouver par la Couronne à la Compagnie de la Baie d'Hudson[105]. Entre 1850 et 1854, Douglas signa 14 traités dont un avec les Songhees de Victoria qui devait protéger leurs terres et leurs champs clôturés à tout jamais. Mais la poussée de la colonisation à cet emplacement de choix rompit très vite l'équilibre des forces. Après plus d'un demi-siècle d'une cohabitation non-désirée par les nouveaux arrivants, en 1910, les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique déménagent finalement les Songhees sur un territoire à proximité du village de Esquilmalt. C'est en négociant cette réinstallation que les autorités gouvernementales commencèrent à penser qu'ils devront éventuellement prendre des mesures pour faciliter ce genre de transactions. Les terres attribuées aux Indiens dans tout le pays sont peut-être les meilleures de toutes celles que le Canada possède. Avec le temps, il devait nécessairement se produire entre les Indiens et les Blancs, des conflits dus à l'augmentation de valeur des terres[106]. Le Surintendant général s'est dès lors vu octroyer le pouvoir d'obliger les peuples autochtones à quitter leurs terres et leurs habitations dans l'intérêt de la société non autochtone. Ce genre de pouvoir a été appliqué à plusieurs reprises pour faciliter la réinstallation liée au développement[107].

  • Récupération de terres pour des développements hydroélectriques

La construction du barrage hydroélectrique de Grand Rapids au Manitoba a entraîné l'inondation de 1200 kilomètres carrés de terres le long de la rivière Saskatchewan dont 2800 hectares appartenant aux Cris des bandes de Chemawawin (Cedar Lake), Moose Lake et Le Pas. Un rapport provincial de 1955 prévoyait les conséquences d'un déménagement chez ces Autochtones: Ce projet risque de poser aux gouvernements fédéral et provincial de gros problèmes avec les personnes dont la subsistance est directement liée à cette région. Ces problèmes devraient être étudiés immédiatement et des mesures nécessaires devraient être prises pour trouver de nouveaux emplois à ces gens-là[108].Il est primordial de préciser que la communauté de Chemawawin fonctionnait très bien jusque là. En 1960, les Cris et les Métis, sans aucune négociation, ont reçu une lettre leur annonçant qu'ils devaient quitter leur colonie traditionnelle. Tout devait se faire avant 1964, année prévue pour l'inondation[109]. Comme ces Cris avaient eu peu de contacts avec l'extérieur depuis la signature du traité no. 5 plusieurs décennies plus tôt, peu de gens de la communauté parlaient anglais et étaient préparés à ce genre de négociations complexes. Cet état de fait a grandement favorisé le gouvernement du Manitoba et Manitoba Hydro. Il est toutefois évident que la Direction des affaires indiennes s'est dérobée à ses responsabilités et a permis au gouvernement du Manitoba de prendre la direction des négociations et du processus de cession[110]. Le gouvernement fédéral a aidé la direction de Manitoba Hydro à bien faire comprendre aux Cris que s'ils ne déménageaient pas, ils seraient expulsés[111]. En 1964, alors que le déménagement approchait, la bande a demandé au ministère des Affaires indiennes d'intervenir pour elle dans les négociations[112]. Le ministère refusa. Un mois avant le déménagement, la bande a présenté une nouvelle liste de griefs à régler avant le départ[113]. Les Indiens rencontrèrent le comité Forebay et on leur garantit que tout serait réglé, mais pas avant le déménagement. Comme c'est toujours le cas dans ce genre de situation, l'emplacement de la relocalisation n'avait pas été choisi par les intéressés. On les avait poussés à accepter d'aller à Easterville en leur faisant miroiter de vagues promesses de développement socio-économique pour l'avenir, promesses qui, un quart de siècle plus tard, n'ont jamais été tenues[114]. Les conséquences du déménagement se sont fait sentir immédiatement et elles ont été catastrophiques. La structure sociale de la collectivité a été modifiée. Le système du partage et de l'entraide mutuelle a régressé. Les transactions en argent liquide, même pour le gibier sont devenues la norme[115]. Cela a engendré un état de dépendance jusque-là inconnu à l'égard du gouvernement. D'après Loney, cette situation est une conséquence directe et inévitable de la destruction de leur base économique par la province du Manitoba et par Manitoba Hydro, avec l'assentiment du gouvernement du Canada[116].

[modifier] Les effets de la réinstallation

  • Le rapport à la terre, à l'environnement et à la culture

La terre constitue une condition préalable à la survie des peuples autochtones de la planète toute entière. Elle est essentielle parce que nous, Autochtones, y sommes inextricablement liés: elle nourrit notre esprit et notre corps, elle détermine le mode de développement et le fonctionnement de nos sociétés selon les ressources environnementales existantes, et ce rapport intime avec notre environnement régit notre mode de gouvernement et de vie en société. En raison de cette relation, la terre devient quelque chose d'inaliénable: il s'agit d'un droit naturel, d'un droit essentiel à la poursuite de la vie et de la survie physiques, spirituelles, socio-économiques et politiques des peuples autochtones pour les générations à venir[117]. Pour celui qui grandit dans une culture de chasseurs, tout l'habitat est important, et la connaissance intime de cet habitat est vitale, rassurante et se justifie métaphysiquement[118]. Quand on isole les gens de leur habitat, on coupe un lien spirituel et on accentue les problèmes culturels, sociaux, politiques, économiques et de santé qui s'ensuivent. L'intensité du rapport avec l'habitat et la gravité avec la séparation que provoque la réinstallation est résumée avec éloquence par un Inuk interviewé par Williamson, qui dit de la terre (nuna) c'est ma vie, nuna c'est mon corps[119].

  • Les effets économiques

Les réinstallations que nous avons examinées précédemment démontre dans tous les cas, une perte, tout au moins une réduction du potentiel économique des déplacés. Ces derniers possédaient avant les déménagements un territoire habituellement beaucoup plus grand et plus riche du point de vue écologique comme du gibier en abondance pour se nourrir, se vêtir, fabriquer des outils et même, se loger. Une fois relocalisées, la plupart des populations n'ont eu d'autres choix que de recourir à l'aide sociale comme principale ressource économique ce qui provoqua peu de temps après, une totale déstabilisation du tissu social des collectivités avec tous les problèmes socio-économiques qui s'ensuivent. De plus, les quelques emplois disponibles dans les communautés d'accueil, lorsqu'ils y en avaient, ne pouvaient être comblés par ces nouveaux arrivants. Les compétences traditionnelles des chasseurs ne servaient pas tellement à satisfaire les exigences différentes de ce nouveau contexte économique basé habituellement sur l'industrie de services.

  • Les effets sur la santé

L'un des indicateurs liés au stress de la réinstallation est l'état de santé des personnes déplacées. Plusieurs études nous apprennent qu'il y eut un fort taux de mortalité dans ces populations. Les facteurs qui expliquent cette forte hausse des décès comprennent les changements environnementaux, les logements surpeuplés[120], le manque de salubrité et l'exposition à de nouvelles maladies infectieuses. Les réinstallations ont aussi provoqué de nombreuses maladies psychologiques, principalement de fortes dépressions. Ces dernières se manifestaient par la passivité, le désintéressement, le manque d'énergie, la difficulté de concentration, le défaut de motivation et d'ambition et le sentiment d'impuissance. Dans plusieurs familles, l'inversion des rôles traditionnels, la femme devenant le principal pourvoyeur, provoqua de tristes bouleversements et un sentiment de frustration et de perte de l'estime de soi chez les hommes. Parmi ces derniers, un bon nombre sombrèrent alors dans l'alcoolisme et la toxicomanie. En résumé, surtout chez les personnes plus âgées, tous pleurent encore la terre natale qu'ils ont perdue à tout jamais.

  • Les effets sociaux et politiques

Invariablement, les transferts ont pour effet de détruire la cohésion de la communauté en tant qu'unité politique, et si les structures politiques restent intactes, les victimes deviennent le plus souvent tributaires à plusieurs égards de l'autorité chargée du transfert, c'est-à-dire l'état[121]. Peu de temps après les déménagements, les familles se sont désagrégées en groupes étrangers les uns aux autres et des anciens sont morts humiliés et le cœur brisé. Un peuple autrefois fier et industrieux était désormais devenu un ramassis de gens brisés, sans espoir[122]. Les villages qui ont adopté le nouveau système électoral ont vite découvert qu'un système politique non autochtone créait de nouvelles difficultés et tensions tout en ne facilitant pas le règlement des problèmes existants. Cette érosion de la cohésion sociale affecte non seulement les réinstallés, mais aussi les générations ultérieures. Lorsque l'autorité traditionnelle est minée, les possibilités de coopération et de solidarité dans la collectivité disparaissent, parfois à jamais. Il en résulte une nouvelle détérioration des mœurs et des traditions, des règles de conduite, de la morale et des systèmes de valeurs.

[modifier] Traités et conventions

[modifier] Les traités Robinson (1850)

Le traité Robinson-supérieur s'adressant à 1 943 personnes et le traité Robinson-Huron pour 1 458, confirment le modèle de traités qui sont élaborés depuis la Proclamation royale:

  • Les négociations doivent avoir lieu lors de rencontres publiques et ouvertes à tous, suivant la procédure imposée par la Proclamation de 1763;
  • Les terres ne doivent être cédées qu'à la Couronne;
  • Chaque traité doit comporter en annexe un inventaire des réserves destinées à être possédées en commun;
  • Les rentes doivent être payées à chacun des membres de la bande signataire;
  • Enfin, les Amérindiens conservent le privilège libre et entier de chasser sur le territoire désormais concédé par eux et pêcher dans ses eaux, comme ils ont jusqu'à maintenant eu l'habitude de le faire, sauf dans les portions qui doivent être vendues à de simples particuliers ou mises de côté par le gouvernement pour des usages particuliers.

[modifier] Les traités numérotés

À la signature de la Confédération, 123 traités et cessions territoriales ont été déjà négociés avec les Autochtones. Lors de la signature de la Convention de la Baie James en 1975, leur nombre approche 500. Il faut noter que les titres de propriété amérindiens définis par les traités sont perçus comme usufructaires et ne sont pas censés inclure le moindre droit de souveraineté ou de propriété absolue. Pour les gouvernements, les traités constituent une obligation morale, mais pas légale qui servent surtout à éviter les conflits[123]. En 1871, la lointaine Colombie-Britannique entre dans la Confédération canadienne à condition qu'une ligne de chemin de fer la relie au reste du pays dans un délai de dix ans. À cette époque, on estime à 25 000, la population amérindienne dans les Prairies et que les colons non-Autochtones ne cessent d'affluer en grand nombre. Le gouvernement canadien n'avait donc d'autres choix que d'acquérir des titres de propriété sur les terres que les colons avaient et auront besoin. C'était ce qu'on appelle les 11 traités numérotés qui ont tous des dispositions quasi semblables. Ces derniers prévoyaient la cession des terres par les Autochtones[124], la mise de côté des futures terres de réserve[125], des indemnités en espèces, l'octroi de vêtements tous les deux ans pour les chefs et les conseillers, un versement annuel pour l'achat de munitions et de cordes ainsi qu'une allocation de scolarité. On s'engage aussi à mettre à la disposition des Indiens des animaux (...) de même que de l'équipement agricole, tout en précisant que le gouvernement en demeure propriétaire[126]. En plus des indemnités, une somme est attribuée à chaque personne pour marquer l'appréciation de Sa majesté à la prompte réponse de ses sujets sauvages... et en reconnaissance de leur bonne conduite[127]. Seul le traité no. 6 prévoyait la prestation de soins médicaux ou une aide quelconque en cas d'épidémie ou de famine. Le premier traité numéroté est signé en 1871 et le dernier, le no. 11, en 1921. Les traités subséquents portent plutôt des noms particuliers et finissent par être appelés conventions.

[modifier] La Convention de la Baie James et du Nord québécois

La centrale hydro-électrique Robert-Bourassa (LG-2) et son évacuateur de crues, Baie James (Québec)
La centrale hydro-électrique Robert-Bourassa (LG-2) et son évacuateur de crues, Baie James (Québec)

[modifier] La Convention du Nord-Est

[modifier] Les revendications globales

[modifier] Les revendications des droits ancestraux

[modifier] Les revendications des droits territoriaux

[modifier] Les organisations amérindiennes modernes

[modifier] Les organisations politiques

Icône de détail Article détaillé : Assemblée des premières nations.

[modifier] Les organisations socio-économiques

[modifier] Les organisations culturelles

[modifier] Les excuses du gouvernement en 2008

Le 11 juin 2008, le premier ministre Stephen Harper présente les excuses des autorités canadiennes aux 150 000 enfants autochtones qui subirent une tentative d'assimilation dans des pensionnats chrétiens financés par le gouvernement [128]. Harper déclara :

« Le gouvernement du Canada est sincèrement désolé, et demande pardon aux populations autochtones de ce pays, pour avoir si profondément failli à leur égard. Nous sommes désolés[129]. »

Ces excuses rappellent celles présentées quatre mois plus tôt par le premier ministre australien Kevin Rudd aux Générations volées aborigènes.

[modifier] Listes des Premières Nations du Canada[130]

Carte des provinces et territoires du Canada
Carte des provinces et territoires du Canada