Acide ribonucléique

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Structure moléculaire de l'ARN
Structure moléculaire de l'ARN

L'acide ribonucléique (ARN) est un polymère similaire à l'ADN, aussi bien en termes structurels qu'en termes fonctionnels (matérialisation et traitement de l'information génétique). Il y a quatre différences par rapport à l'ADN :

  • le sucre désoxyribose est remplacé par un ribose. Ce changement explique l'instabilité des molécules d'ARN, car les deux fonctions alcools géminés sont susceptibles d'hydrolyse alcaline et acide tandis que le désoxyribose de l'ADN y est insensible ;
  • la base thymine est remplacée par un uracile ;
  • l'ARN est généralement simple brin (monocaténaire), sauf chez quelques organismes tels les rétrovirus, tandis que l'ADN est double brin (bicaténaire) avec une structure en double hélice ;
  • l'ARN est court (50 à 5 000 nucléotides et non pas des millions comme dans l'ADN).


L'uracile est moins ‘‘coûteux’’ à produire pour les organismes vivants que la thymine, mais se convertit lentement en cytosine. Ce serait pour cette raison que l'ARN a de l'uracile et l'ADN de la thymine : la cellule produit beaucoup d'ARN mais ne le conserve pas, c'est donc le coût de production qui prime sur la stabilité de l'information. À l'inverse, l'ADN doit conserver une information longtemps mais n'est produit que rarement (lors de la division cellulaire), c'est donc la stabilité qui prime sur le coût.

Structure chimique de l'uracile
Structure chimique de l'uracile

D'un point de vue évolutif, certains éléments permettent de penser que l'ARN serait antérieur à l'ADN comme support de l'information génétique, ce qui expliquerait ses fonctions plus étendues et sa généralisation. L'ADN serait apparu plus tard et n'aurait supplanté l'ARN que pour le rôle de stockage à long terme, en raison de sa plus grande stabilité. Notons ici que cette stabilité est conférée par la disparition d'une fonction alcool (-OH, oxy) au niveau 2' du ribose (D de ADN signifie désoxyribonucléique, i.e. ayant perdu une fonction oxy au niveau du ribose. De plus la stabilité temporelle de l'information génétique est aussi liée au fait que l'ADN soit bicaténaire : en effet, si une mutation se produit sur un brin de l'ADN, la cellule peut, grâce à des mécanismes de réparation, corriger cette erreur en se basant sur la complémentarité des brins.

Sommaire

[modifier] Fonction de l'ARN dans la cellule

Acides nucléiques éditer le modèle

Nucléobases (bases azotées)


Nucléosides :

Adénosine - Ribothymidine (rare) - Uridine
Guanosine - Cytidine

Désoxyadénosine - Désoxythymidine - Désoxyuridine
Désoxyguanosine - Désoxycytidine


Nucléotides

AMP - TMP - UMP - GMP - CMP
ADP - TDP - UDP - GDP - CDP
ATP - TTP - UTP - GTP - CTP
cAMP - cGMP

dAMP - dTMP - dUMP - dGMP - dCMP
dADP - dTDP - dUDP - dGDP - dCDP
dATP - dTTP - dUTP - dGTP - dCTP

Acides nucléiques
ADN - ADNn - ADNmt - ADN chloroplastique - ADNc
ARN - ARNm - ARN non-codant - ARNmi - ARNr - ARNt -
shARN - siARN - ARNpn - ARNpi - ARNpn - ARNsno - ARNtm
Oligonucléotide

Dans les cellules, les ARN remplissent trois rôles distincts et complémentaires :

  • Support temporaire de l'information génétique. C'est l'ARN messager qui remplit ce rôle, il est utilisé par la cellule pour transmettre l'information correspondant à un gène donné à l'extérieur du noyau, puis pour synthétiser des protéines à partir de ces informations.
  • Catalyseur enzymatique. Comme les protéines, les ARN peuvent se replier en trois dimensions pour former des structures complexes. Ces structures permettent à certains ARN de se comporter comme des enzymes, on parle alors de ribozyme. Le ribosome, la ribonucléase P et certains introns sont des ribozymes. On pense que la machinerie d'épissage des ARN messagers (le spliceosome), est également aussi un ribozyme, même si la démonstration formelle n'en a pas encore été apportée.
  • Guide pour des enzymes. Certains ARN sont utilisés comme co-facteurs par des protéines pour permettre leur ciblage vers des séquences spécifiques. Parmi ceux-ci, on peut citer les petits ARN nucléolaires (snoARN), qui guident les enzymes de modification de l'ARN ribosomique, l'ARN télomérique, qui est un cofacteur de la télomérase, l'enzyme qui fabrique les extrémités des chromosomes, ou encore les ARN interférents.

L'ARN est donc une molécule très polyvalente, ce qui a conduit Walter Gilbert, co-inventeur du séquençage de l'ADN à proposer en 1986 une hypothèse selon laquelle l'ARN serait la plus ancienne de toutes les macromolécules biologiques[1]. Cette théorie, dite du "RNA World" (le monde de l'ARN), permet de s'affranchir d'un Paradoxe de l'œuf et de la poule qui survient lorsqu'on cherche à savoir qui des protéines (catalyseurs) et de l'ADN (information génétique) sont apparus en premier. L'ARN, capable de combiner à la fois les deux types de fonctions serait le précurseur universel.

[modifier] Structure de l'ARN

Structure de l'ARN du ribozyme en tête de marteau (hammerhead)
Structure de l'ARN du ribozyme en tête de marteau (hammerhead)

La plupart des ARN cellulaires cités ci-dessus sont présents sous forme simple brin dans la cellule, contrairement à l'ADN qui est sous forme d'un double-brin apparié. Les ARN simple brin se replient le plus souvent sur eux-mêmes, formant une structure intramoléculaire qui peut être très stable et très compacte. La base de cette structure est la formation d'appariements internes, entre bases complémentaires (A avec U, G avec C et, parfois, G avec U).
La description des appariements internes entre les bases d'un ARN s'appelle la structure secondaire. Cette structure secondaire peut être complétée par des interactions à longue distance qui définissent alors une structure tridimensionnelle ou structure tertiaire.

L'existence de structure tertiaire dans les ARN est à la base de la richesse de ses fonctions et en particulier de sa capacité à catalyser des réactions chimiques (ribozymes).

[modifier] Structure secondaire

La structure secondaire d'un ARN est la description de l'ensemble des appariements internes au sein d'une molécule simple brin. Cet ensemble d'appariements induit une topologie particulière, composée de région en hélice (tiges) et de régions non-appariées (boucles). Par extension, la structure secondaire recouvre également la description de cette topologie.

L'élément moteur de la formation de structures secondaires au sein d'un ARN simple-brin est l'existence de régions contenant des séquences répétées inversées, qui peuvent s'apparier pour former localement une structure en double hélice. Par exemple, si l'ARN contient les deux séquences suivantes :--AGGCUCAG----CUGAGCCU--, celles-ci forment un motif répété inversé, les nucléotides du second segment étant les complémentaires de ceux du premier, après inversion de leur sens de lecture. Ces deux segments peuvent donc s'apparier de manière antiparallèle pour former une région localement en duplex. La région entre les deux segments forme alors une boucle reliant les deux brins du duplex.

[modifier] Structure tertiaire

Un ARN peut former une structure tridimensionnelle compacte, ou structure tertiaire, comme une protéine. Cette structure est stabilisée par des interactions non canoniques (i.e. distinctes des d'appariement de base classique) entre régions distantes de la structure secondaire. Parmi ces interactions non canoniques, on peut citer

  • Les pseudonoeuds : Structure formée par l'interaction d'une boucle avec une région située à l'extérieur de la tige qui la délimite.
  • Les triplex de brin : Surviennent lorsqu'une région simple brin vient s'insérer dans le grand sillon d'une région en hélice.
  • Les interactions tétraboucle-récepteur : interaction entre boucles hyperstables de quatre nucléotides (tetraboucles) et structures en duplex ou quasi duplex.

[modifier] Différents types d'ARN

Dans la cellule ou in vitro, il existe donc plusieurs types ou catégories d'ARN :

  • ARNg : ARN génomique (ARN qui constitue le génome de certains virus).
  • ARN guide (guide RNA) : Petits ARN transcrits de 50 à 70 nucléotides qui jouent un rôle de matrice d’ARN pour l’ADN-télomérase.
  • ARNi : ARN interférant (interférence de l’ARN ; interférence par l’ARN) ; molécule d’ARN capable de contrôler l’expression de gènes situés sur des ARN viraux (en se fixant par complémentarité sur leur séquence nucléotidique). Ce principe est utilisé en biologie moléculaire pour inhiber l’expression d’un gène de façon spécifique.
  • ARN messager ou ARNm : il est formé par transcription de l'ADN dont il est la copie. Son rôle consiste à transporter l'information génétique recueillie du noyau vers le cytoplasme où elle sera traduite en protéine par les ribosomes du réticulum endoplasmique.
  • ARN pré-messager ou pré-ARN messager ou messager pré-ARN : ARN précurseur des ARNm, clivé selon un mécanisme d'épissage.
  • ARNnm : ARN non messagers ; c’est-à-dire des ARN qui ne sont pas traduits en protéines.
  • ARN positif : ARN viral à polarité positive qui peut être traduit directement par les ribosomes de la cellule infectée. Dans le cas des ARN viraux à polarité négative, une transcriptase virale les transcrit en ARN à polarité positive afin qu’ils puissent être traduits en protéines.
  • ARN de transfert ou ARNt : ils servent à « traduire » les codons de l'ARNm en acides aminés. Ce sont des molécules qui se placent sur les sites du ribosome où va être lu l'ARN messager. Un ARNt est un brin court qui a un anticodon sur sa boucle, et un acide aminé attaché à l'autre extrémité et qui sera transféré à la protéine en formation.
  • ARNt-aminoacyl : ARN de transfert (ARNt) chargé, c’est-à-dire un ARNt portant son acide aminé.
  • ARNtm: essentiels pour la plupart des bactéries, ces ARN ont une fonction hybride entre celle d'un ARNt et un ARNm. Ils servent à libérer les ribosomes bloqués lors de la traduction d'ARNm accidentellement tronqués, en aguillant la lecture sur eux-mêmes (fonction ARNm) et en chargeant les ribosomes manquants de codons suivants (fonction ARNt forcée afin de permettre la translocation traductionnelle). La courte séquence peptidique codée par la fonction ARNm est fusionnée à la protéine naissante mais incomplète et constitue un signal cible des protéases intracellulaires (p.ex. ANDENYALAA chez E. coli). Ainsi non seulement les ribosomes sont libérés du blocage accidentel et peuvent être réutilisés, mais les protéines et l'ARN incomplets sont aussi détruits et également recyclés.
  • ARN ribosomique : il représente 80 % de l'ARN total d'une cellule. Associé à des protéines, il forme le ribosome qui constitue la tête de lecture de l'information génétique transcrite par l'ARN messager.
  • ARNt isoaccepteurs : différents ARN de transfert capables de porter le même acide aminé.
  • ARN antisens : ARN complémentaire d'une portion d'un autre ARN et inhibant sa fonction. Les ARN antisens peuvent être des éléments naturels de régulation (exemple : les ARN MIC). Ils peuvent être également obtenus par génie génétique.
  • ARN MIC : classe particulière d'ARN antisens, complémentaire de l'extrémité 5' d'un ARNm et inhibant sa fonction. Les ARN MIC sont des éléments naturels de régulation.
  • ARN monocistronique : ARN ne comportant qu'une seule information génétique. Un cistron est une région du génome qui ne porte qu'une seule information génétique transcrite en ARN. Ce terme vient de l'emploi du test" cis-trans" utilisé, en génétique classique, pour mettre les cistrons en évidence chez les bactéries. Pour un ARNm, un cistron correspond à un seul polypeptide.
  • ARN polycistronique : ARN messager contenant plusieurs cistrons, et donc codant plusieurs chaînes polypeptidiques distinctes.
  • ARN nucléaire de grande taille ou ARN nucléaire hétérogène : ARN nucléaire résultant d'une transcription par la polymérase II. Ces ARN sont hétérogènes en taille et peu stables.
  • ARN recombinant : molécule d'ARN composée de fragments d'origines distinctes réunis in vitro par une ARN ligase.
  • ARN satellite : ARN qui peut accompagner certains virus. L'ARN satellite, encapsidé, est spécifique de chaque virus, et ne peut se répliquer sans lui.
  • petits ARN nucléaires ou ARNsn : ARN de la machinerie d'épissage ou spliceosome. Ils sont associés à des protéines au sein de particules ribonucléoprotéiques appelées snRNP ou parfois "snurps".
  • petits ARN nucléolaires ou ARNsno : ARN guides participant à l'incorporation de modifications chimiques dans d'autres ARN. Les deux principales modifications sont la méthylation de la position 2' du ribose et la pseudouridylation (transformation de l'uridine en pseudouridine).
  • aptamères : ARN artificiels sélectionnés "in vitro" pour une propriété particulière de fixation d'un ligand ou de catalyse enzymatique.

L'ARN polymérase n'est pas un ARN mais une enzyme catalysant la synthèse d'ARN à partir d'ADN et que l'ADN polymérase est l'enzyme qui catalyse la synthèse d'ADN à partir d'ADN.

[modifier] Voir aussi

Double-chaîne d'ARN complémentaire introduite artificiellement dans la cellule ou codée naturellement par des régions de génome traversées par des événements de transcription contraires. Induit l'inactivation de gènes (Interférence par l'ARN) par un processus de dégradation de l'ARN messager de séquence correspondante.
ARN partiellement double-brin ayant une structure tige-bouche en « épingle à cheveux ». Codé par le génome le microARN est maturé en un très petit ARN de 21-24 bases et s'apparie avec l'extrémité 3' d'un ou de plusieurs ARN messagers cibles. Cet appariement induit une inhibition de la traduction.
ARN qui permet aux cellules de lutter contre certains envahisseurs, comme les virus. Ce mécanisme interrompt le travail de l'ARN messager qui transporte le code génétique indispensable à la synthèse d'une protéine du noyau de la cellule vers le site de fabrication de la protéine.

[modifier] Références

  1. Walter Gilbert, The RNA World Nature 319 (1986): 618