Écologie politique

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L'écologie politique est un ensemble de courants de pensée, largement diffusés depuis les années 1970, qui insistent sur la prise en compte des enjeux écologiques dans l'action politique et dans l'organisation sociale. Versant politique de l'écologisme, elle utilise les résultats de l'écologie scientifique.

Sommaire

[modifier] Origine

Historiquement, il allait de soi - en tout cas dans le monde occidental - que l'homme était au centre de l'« environnement » et il était « normal » de penser que l'homme pouvait transformer son milieu sans toujours penser qu'il n'en était pas le créateur mais un de ses éléments, certes essentiel. Il était dans la norme de croire qu'il était possible de maîtriser la vie et les forces de la nature, qu'elles pourraient se plier à chacune de nos actions. Une position qui dérive notamment de la Genèse judéo-chrétienne (Dieu donne explicitement la terre aux Hommes comme un outil qu'il doivent dominer [1]) mais aussi de l'humanisme de la Renaissance (l'homme mis au centre du monde) et à ses prolongements à travers Descartes [2] puis le mouvement des Lumières dont le programme consiste à la connaissance puis le transformation du monde par l'Homme.

La conscience politique de l'écologie peut probablement être retracée au sein de divers courants de pensée de simplicité volontaire, perceptibles au sein de courants chrétiens dissidents ou non (les Franciscains). C'est cependant avec la révolution industrielle occidentale, provoquant l'accélération de la transformation du monde, l'urbanisation, la dégradation (d'abord ponctuelle) de l'environnement, que les idées de l'écologie politique ont émergées dans le seconde moitié du XIXe siècle. Ses premières manifestations se retrouvent, non sans ambiguïté, dans des mouvements chrétiens antimodernistes (inspirées du romantisme ou parfois de la contre-révolution) qui apportent leur limitation à la proposition de la Genèse : voyant dans la nature l'oeuvre de Dieu, ils dénoncent la course capitaliste à l'enrichissement matérialiste qui détruit cette oeuvre (voir par exemple le poète britannique John Ruskin (1819-1900), précuseur du socialisme en Grande-Bretagne et l'écrivain britannique Thomas Carlyle (1795-1881), partisans d'un anticapitalisme autoritaire). L'expression principale d'un mouvement écologique fondée sur une vision politique et économique sera cependant celle d'une partie du mouvement anarchiste de la fin du XIXe siècle, qui mêle retour à la nature, naturisme, végétarisme, non-violence, sous l'influence de Léon Tolstoï (1828-1910) en Europe et de Henri David Thoreau (1817-1862) aux États-Unis. En France, c'est le géographe Elisée Reclus (1830-1905) qui incarne le mieux cette source. (Voir à ce sujet l'article sur le socialisme utopique). Enfin, l'écologie politique peut s'appuyer sur les analyses philosophiques de l'émergence de la société de consommation proposées par Günther Anders (L'Obsolescence de l'homme, 1956) et Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne, 1958).

L'écologie politique s'affirmera cependant sur la scène politique à la fin des années 1960-début des années 1970, avec la remise en cause de la société de consommation, dans le sillage de la prise de conscience écologique. Alors que l'écologie s'était donnée pour objectif d'étudier les rapports entre un organisme et son milieu naturel, l'écologie politique fait en quelque sorte suite à la prise de conscience des limites de l'anthropocentrisme, mais pose aussi des questions essentielles en anthropologie.

L'écologie politique cherche à développer la prise de conscience de l'empreinte de l'être humain sur son milieu, y compris dans ses aspects politiques, sociaux, et sociétaux : le terme est apparu dans les années 1970, par opposition à certains mouvements "écologistes" qui avaient tendance à ne pas inclure ces aspects dans leur réflexion. Il s'agissait de remettre en question l'interaction entre l'être humain et son environnement, y compris dans les programmes politiques. Une première étude du Club de Rome avait été publiée au début des années 1970, mais son impact avait concerné des individus plus que des mouvements politiques en tant que tels.

Plusieurs mouvements telle l'ONG Les Amis de la Terre qui a participé à la fondation du mouvement écologiste en France, et quelques partis politiques sont apparus dans la foulée dans plusieurs pays développés.

On nomme écologie politique une écologie de l'espèce humaine - espèce qui a recours à la politique pour assurer son avenir et celui de sa descendance. Elle constitue également un mouvement social pour transformer la société, dans un sens plus conforme à une vision écologique (globale, intégrant les générations ultérieures) des réalités. Plus qu'une politique, on peut la considérer comme une éthique, aspirant à une plus grande harmonie, autonomie, solidarité, efficacité et responsabilité.

En tant que politique sociale, elle prend en compte les conséquences de nos actes sur notre milieu, non seulement écologique, mais aussi humain, social et sociétal. Avec en particulier l'impact sur notre santé, celle des autres, et sur celles des générations futures.

[modifier] Philosophie

Les analyses qui ont amené à l'écologie politique viennent de ce que, peu à peu, les êtres humains prennent du recul sur leurs constructions collectives, même si penser que l'humanité en est capable peut sembler optimiste. Certains espèrent l'avènement d'une nouvelle révolution copernicienne, qui permettra de mieux prendre en compte les effets sur le vivant, sur les cycles et les ressources naturelles, de nos modes de vie, de consommation et de production, de nos activités de recherche et de nos technologies, y compris pour les générations futures.

L'écologie politique doit ainsi s'appuyer sur des principes de droit (droit de l'environnement, droit public), lesquels peuvent prendre leurs sources dans la philosophie de la nature, ou d'autres thèmes de la philosophie.

Les différentes idées et le système de valeurs utilisés par les penseurs de l'écologie politique sont regroupées sous le nom : écologisme.

En France, l'écologie politique est numériquement une minorité, bien que certaines de ses valeurs fondamentales (préserver nos ressources pour les générations futures) soient sans doute (sur le papier) partagées par le plus grand nombre. On peut lui attribuer l'inclusion en 2005 d'une Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution française et la généralisation croissante du recyclage des déchets.

[modifier] Enseignements de l'histoire

L'histoire nous apprend que le déclin de certaines civilisations semble lié à la méconnaissance des enjeux écologiques et de la nécessité de respecter des équilibres fondamentaux. C'est le cas des mayas. Ceux-ci dataient tous leurs bâtiments avec une précision extrême. Or, on s'aperçoit que dans un laps de temps très bref ils ont abandonné leur capitale et commencé à en construire une autre 400 kilomètres plus loin. Des éléments historiques incitent à penser que cet abandon subit était lié aux difficultés d'approvisionnement de l'ancienne capitale dues à l'épuisement progressif des terres, et aux guerres intestines qui suivirent les famines correspondantes. Ce qui est arrivé hier - très probablement - à la civilisations maya pourrait se produire demain pour la planète. Rien en tout cas ne semble nous garantir le contraire. Qui ne tire pas les enseignements de l'histoire s'expose, dit-on, à la revivre.

[modifier] Mesures écologiques

L'Île Maurice est célèbre comme illustration de la disparition d'espèces avec le cas du dodo, oiseau endémique de l'île, elle a connu les premières lois à caractère écologique.

Lorsqu'en 1710, elle passe sous le contrôle de la France, elle est renommée Île de France, son gouverneur est un botaniste qui, conscient des effets de la colonisation, va prendre des mesures législatives visant par exemple à obliger au maintien d'un quart des propriétés en forêts afin de lutter contre l'érosion des sols, garantir des microclimats favorables.

On pourrait même parler de mesures de développement durable qui combinent protection des ressources naturelles et productivité économique. Consulter l'histoire de l'écologisme pour des premières lois protégeant l'environnement.

[modifier] Comparaisons

L'écologie politique s'inscrit dans la lignée des mouvements humains, tels que le mouvement ouvrier, la démocratie républicaine, le socialisme, le féminisme, le régionalisme, etc. Elle est née dans les années soixante-dix, suite aux événements de mai 68 et aux chocs pétroliers. Et aussi en réaction croissante de certains êtres humains (organismes) face à la destruction de l'écosystème (leur milieu). L'écologie politique lutte contre l'uniformisation de la culture et des productions. Elle se bat pour la reconnaissance des minorités et l'égalité de leurs droits. Une de ses originalités réside dans la mise en place de priorités différentes, dans une volonté de remettre le citoyen au centre du débat politique.

L'écologie politique, telle que vue par Alain Lipietz, André Gorz ou Murray Bookchin, présente des similitudes avec le marxisme, car elle s'appuie sur une critique et une connaissance théorique de « l'ordre des choses existant ». Cependant, elle intègre le rapport humanité/nature et le rapport des humains entre eux dans la nature. Et elle ne se borne pas à voir dans l'histoire un rapport de force entre détenteurs du capital et travailleurs, elle cherche à transcender cette dichotomie. Elle est avant tout matérialiste et progressiste.

Certains courants sont moins matérialistes, plus tournés vers l'écologie profonde, la spiritualité. D'autres vers les écovillages, la décroissance ou les économies d'energie. Il est fréquent que les Verts se voient reprocher leur fondamentalisme, leur réalisme ou au contraire leur gauchisme (suite à l'adhésion de militants venus de l'extrême gauche ou du PSU, aux alentours de 1992).

Certains courants s'affirment au contraire pour le libéralisme économique, l'étatisme soviétique ayant montré encore plus de mépris pour l'environnement que les sociétés capitalistes occidentales. De nombreux sites en Russie ou dans l'ancien bloc de l'Est font d'ailleurs peser d'extraordinaires menaces sur la planète : sous-marins nucléaires dépérissant, avec leurs matières fissiles -voire leurs ogives- non protégées, déchets nucléaires ou produits chimiques très toxiques relachés en grande quantité en pleine mer et dans des récipients très peu étanches, pour ne prendre que ces exemples. Plusieurs centrales nucléaires (du type de Tchernobyl) continuent de fonctionner dans les pays ayant été républiques socialistes, alors qu'elles représentent des risques importants pour leur environnement immédiat ou pour la planète entière.

[modifier] Écologie politique et approche systémique

Dans tous les cas, le caractère "politique" de ces courants invitent à des actions systémiques sur le monde : la plupart des interactions d'un individu avec son milieu dépend non de ses seules propres actions, mais des actions de ses voisins ou autres citoyens de la planète. Il faut alors agir sur les systèmes qui nous englobent, et ce qui diffère entre les courants d'écologie politique, c'est la façon proposée pour faire évoluer ces systèmes.

Le protocole de Kyōto, avec son option prévoyant la revente de « droits d’émission » de gaz à effet de serre, est un parfait exemple d'aboutissement (encore partiel, même s'il a nécessité de nombreuses années, avant et après le Deuxième Sommet de la Terre à Rio en 1992) de l'écologie politique, dans ses différentes composantes :

On peut aussi interpréter le protocole de Kyōto comme cette l'intégration de l'écologie dans le capitalisme telle que l'imaginait André Gorz dans le magasine Le Sauvage, en avril 1974. Selon lui, dans ce cas là « fondamentalement, rien ne change ».

[modifier] Voir aussi

[modifier] Autres mouvements se réclamant de l'écologie politique

[modifier] Revues

[modifier] Des outils d'écologie politique

[modifier] Des penseurs de l'écologie politique

[modifier] Notes et références

  1. Genèse. Verset 26 : Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Verset 28 : Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.
  2. Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, vers 1992