École normale supérieure

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Une École normale supérieure ou ENS est un établissement d’enseignement supérieur français, italien (la Scuola Normale Superiore de Pise) ou algérien. Elle assure la formation de chercheurs et d'enseignants[1] dans les disciplines scientifiques et techniques ou les sciences humaines, lettres et arts selon les cas. Leur appellation les différencie des anciennes écoles normales d'instituteurs, aujourd'hui rebaptisées IUFM.

Lorsque le terme est utilisé sans précision, il s’agit en général de l’École normale supérieure, rue d'Ulm à Paris. Aussi appelée Normale sup’, c'est la plus ancienne des ENS. Il en existe actuellement trois autres en France : l’École normale supérieure de Cachan, l’École normale supérieure de Lyon et l’École normale supérieure lettres et sciences humaines, ces deux dernières étant issues du déménagement des ENS de Saint-Cloud et de Fontenay. Considérées comme appartenant aux grandes écoles les plus sélectives, les ENS françaises sont placées sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur.

Vue de la cour aux Ernests, École normale supérieure, Paris
Vue de la cour aux Ernests, École normale supérieure, Paris

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] L’ENS unique

Icône de détail Article détaillé : École normale supérieure (Ulm).

La première ENS, l’École normale de l’an III, est créée — sur l’impulsion de Dominique-Joseph Garat, qui en fut l’initiateur, de Joseph Lakanal et du Comité d'instruction publique — le 30 octobre 1794 (9 brumaire an III) à Paris par la Convention qui décrète que

(article 1er) Il sera établi à Paris une École normale, où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner.

On opta pour un recrutement censitaire et populaire : un élève pour vingt mille habitants, choisi par un « jury populaire » sur le seul critère des convictions révolutionnaires, car il s'agissait de mettre en œuvre les idées de Rousseau et d'abolir « cette inégalité funeste introduite entre les hommes par la distinction des talents. » Ces glorieux idéaux seront bien évidemment battus en brèche : pour le recrutement, il fallut souvent se contenter de membres des anciennes congrégations, ceux au moins qui donnèrent des gages suffisants de conversion à l'esprit « républicain. » Et quant à l'enseignement, il sera nettement scientifique, et même du plus haut niveau, répondant aux vœux secrets des fondateurs : « Il faut que l’École Normale soit la première école du monde » (lettre de Garat à Lakanal, du 15 nivôse).

La création de cette école (qui ouvre en janvier 1795) s’inscrit dans le contexte particulier du renouvellement du système d’enseignement de la France révolutionnaire. Il s’agissait de former de manière accélérée un nombre important d’« élèves », désignés par les districts de la République et destinés à ouvrir ensuite dans leurs départements des écoles normales d’instituteurs. Pour dispenser ce savoir, les promoteurs de l’École normale de l’an III proposaient une stratégie générale d’apprentissage, la « méthode de l’analyse », qui s’appliquerait aussi pour la future mission des enseignants ainsi formés. Les enjeux pédagogiques se traduisent par des innovations importantes comme l’insertion de débats avec les professeurs, ou la consigne de ne pas lire les cours.

L'école s'installe dans un amphithéâtre du Muséum, trop petit pour accueillir toute la promotion (plus d'un millier d'étudiants). Y enseigneront certains des plus grands savants de l'époque, notamment Berthollet, Daubenton, Laplace, Lagrange et Monge. À cause de la situation financière et politique catastrophique, l'école, dotée de moyens pour quatre mois seulement, disparaît dès le 19 mai 1795 (30 floréal) ; selon les termes d'Arago : « Cette école périt, Messieurs, de froid, de misère et de faim. » Le physicien, astronome et mathématicien Jean-Baptiste Biot (1774-1862), qui lui fit ses études à l'École polytechnique, dira cependant de cette école de l'an III qu'elle fut « une vaste colonne de lumière qui, sortie tout à coup au milieu de ce pays désolé, s'éleva si haut, que son éclat immense put couvrir la France entière et éclairer l'avenir. ».

Elle est refondée par un décret de Napoléon le 17 mars 1808, dans les locaux de l'ancien collège du Plessis et sur des bases plus strictes (promotions réduites, règlement d'inspiration militaire, uniforme obligatoire…), et ouvre en 1810. En 1814, elle est dans les bâtiments de la congrégation du Saint-Esprit. Jusqu'en 1818, il n'y a pas de concours d'entrée : les élèves choisis par les inspecteurs d’académie en fonction des résultats scolaires au lycée. Sous la Restauration, l'école change plusieurs fois d'emplacement et une fois de nom : supprimée le 6 juin 1822, elle renaît par une ordonnance du 9 mars 1826 sous le nom d'École préparatoire, dans les locaux de Louis-le-Grand, puis du collège du Plessis à partir de 1828). À la faveur de la révolution de Juillet 1830, très exactement le 6 août, elle redevient École normale. C'est le 4 novembre 1847 que l'ENS s'installe dans de nouveaux locaux, rue d'Ulm, dans le Ve arrondissement de Paris, tel que cela avait été décidé par la loi du 24 avril 1841. Elle occupe encore actuellement ces locaux qui seront agrandis notamment par la construction en 1937 de bâtiments rue Lhomond pour les sciences expérimentales.

[modifier] Les ENS

De nouvelles Écoles normales supérieures sont créées dans la lignée des réformes de Jules Ferry et de la loi Camille Sée (ouvrant aux filles l'enseignement secondaire public). Le 26 juillet 1881, en même temps que l'agrégation féminine, l’École normale supérieure de jeunes filles (ENSJF) de Sèvres est créée (qui déménagea à Paris, dans des locaux situés boulevard Jourdan, en 1940). Le 13 juillet 1880 et le 22 décembre 1882 sont fondées les Écoles normales supérieures respectivement de Fontenay-aux-Roses (jeunes filles) et de Saint-Cloud (jeunes gens), destinées à former les professeurs pour enseigner dans les écoles normales d'instituteurs. En 1904, l'École normale supérieure est réunie à l'Université de Paris. Enfin, en 1912 est fondée l'École normale de l'enseignement technique (dans des locaux des Arts et Métiers) qui devient, en 1932, l’École normale supérieure de l'enseignement technique, ENSET et s'installe à Cachan en 1956.

En 1985 (suite aux lois sur la décentralisation), les Écoles normales supérieures sont réorganisées et organisées selon un statut commun. Sous l'impulsion de la directrice de l'ENSJF, Josiane Serre, l'ENS (rue d'Ulm) et l'ENS de Sèvres fusionnent : il en résulte l'actuelle École normale supérieure (dont les bâtiments principaux sont toujours à Paris, rue d'Ulm, mais qui dispose également des anciens locaux de l'ENSJF, sur le boulevard Jourdan et à Montrouge). Les ENS de Fontenay et Saint-Cloud fusionnent également, mais se scindent peu après en deux : les sciences sont déménagées à Lyon en 1987 et forment l'ENS Lyon tandis que les lettres restent en région parisienne avant de déménager à leur tour à Lyon (en 2000, tout en restant séparées de l'ENS Lyon) pour former l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud (ENS LSH). Quant à l'ENSET, elle change de nom pour devenir l'ENS Cachan.

Il existe donc maintenant quatre écoles faisant partie du groupe des Écoles normales supérieures sur le territoire français :

Sur le territoire italien, Napoléon Ier avait également fondé l'ENS ou Scuola Normale Superiore de Pise (SNS), le 18 octobre 1810.

[modifier] Missions et débouchés

La mission d'origine étant de former des enseignants, elles s'organisent largement autour de la préparation au concours de l'agrégation. Cependant, l'enseignement n'est pas l'unique débouché des ENS, il n'est théoriquement plus obligatoire pour les normaliens de présenter l'agrégation, et les statuts actuels prévoient que l'école prépare, par une formation culturelle et scientifique de haut niveau, des élèves se destinant à la recherche scientifique fondamentale ou appliquée, à l'enseignement universitaire et dans les classes préparatoires aux grandes écoles ainsi qu'à l'enseignement secondaire et, plus généralement, au service des administrations de l'État et des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des entreprises.

L'importance relative de ces différents débouchés varie d'une ENS à l'autre et d'une discipline à l'autre, mais on peut estimer très grossièrement qu'un tiers des normaliens s'orientent vers la recherche fondamentale ou appliquée, un tiers vers l'enseignement (secondaire ou en classes préparatoires) et un tiers vers l'administration, les grands corps de l'État et, de manière marginale, le secteur privé.

[modifier] Statuts et organisation administrative

Les Écoles normales supérieures constituent des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, disposant d'une personnalité juridique autonome. Elles sont soumises aux dispositions de l'article L. 716-1 du code de l'éducation ; leurs statuts sont fixés par des décrets en Conseil d'État.

Les ENS ont a leur tête un directeur, assisté d'un ou plusieurs directeurs adjoints, et de directeurs des études ou de la formation. Le directeur est nommé par un décret pris en Conseil des ministres, sur la proposition d'un comité d'experts. Elles sont administrées par un Conseil d'administration et un Conseil scientifique, chacun étant composé pour moitié de membres élus (par les élèves et différents personnels de l'École) et pour moitié — y compris le président — de membres nommés (par le ministère de tutelle).

Les élèves normaliens (du moins, ceux qui sont ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen) ont le statut de fonctionnaires stagiaires et reçoivent donc un traitement pendant la durée de leurs études (actuellement quatre ans) : le concours d'entrée est donc un concours de recrutement de la fonction publique ; en contrepartie, les élèves signent un engagement décennal par lequel ils s'engagent à travailler pendant dix ans (à compter de leur entrée à l'école) pour le compte de l'État, de ses collectivités, ou d'entreprises publiques. Il faut néanmoins préciser que tous les étudiants à l'ENS ne sont pas élèves normaliens, et il existe beaucoup d'autres statuts possibles.

[modifier] Concours d’entrée et formation

Entrée de l’ENS Lyon.
Entrée de l’ENS Lyon.

Le recrutement principal des élèves normaliens se fait depuis les classes préparatoires aux grandes écoles par un concours annuel qui s'inscrit dans le système général de concours des grandes écoles. L'ENS (rue d'Ulm) et l'ENS de Lyon recrutent également des étudiants ayant suivi leurs deux premières années d'études à l'université via le second concours (même si les places sont très peu nombreuses, voire inexistantes certaines années). L'ENS de Cachan propose enfin un concours de recrutement ouvert aux étudiants titulaires d'un M1 (ancienne maîtrise). Les élèves normaliens ne représentent cependant qu'environ une moitié à deux tiers de la promotion d'une ENS, certains étudiants sont recrutés sur dossier et sont appelés auditeurs ; d'autres effectuent un master ;les ENS accueillent également des étudiants étrangers avec différents statuts possibles (soit dans le cadre d'échanges bilatéraux, soit sur une sélection internationale).

Une fois entrés, les élèves disposent d'une large liberté de cursus. Cette liberté est néanmoins encadrée par un contrat d'études négocié annuellement entre l'élève, son tuteur pédagogique, un département de l'École, et la direction des études.

La scolarité dure quatre ans pour les élèves normaliens. Cela correspond typiquement au temps de passer une licence, un master, l'agrégation et souvent de débuter une thèse de doctorat pour ceux qui s'engagent dans la recherche.

Les disciplines représentées par les ENS couvrent un spectre très large, notamment :

  • sciences fondamentales et appliquées (mathématiques, physique, biologie…) à Ulm, Lyon, Cachan,
  • humanités (lettres, philosophie, histoire…) à Ulm et LSH,
  • sciences humaines, langues et sciences sociales à Ulm, LSH et Cachan,
  • technologies, design, sport et sciences de l'ingénieur à Cachan.

[modifier] Polémiques actuelles sur l’avenir des ENS

En mars 2005, un projet de fusion entre l'ENS (rue d'Ulm) et l'ENS de Cachan est rendu public par Gabriel Ruget : le projet suscite une polémique, d'abord au sein même des ENS puis, à l'occasion de la campagne de renouvellement des directions, dans la presse nationale. Les partisans de la fusion mettaient en avant la nécessité d'augmenter la visibilité internationale des établissements et de réaliser des économies d'échelle, tandis que certains de ses détracteurs accusaient la direction de vouloir transformer l'ENS en une « super-université » sans tenir compte de ses spécificités, tandis que d'autres mettaient en avant des difficultés pratiques insurmontables ou la diminution de la part des humanités. Ce débat s'ajoute à une polémique concernant la dotation financière globale des ENS, alors même que la Cour des comptes rendait un rapport public sur la gestion de la recherche dans les universités : à Ulm, notamment, des frais de fonctionnement et d'investissement accrus (dus, notamment, à la nécessité de renouveler des équipements vétustes, des travaux sur la restauration, l'informatisation des catalogues de la Bibliothèque générale) en particulier sur la période 20022004 n'ont pas été suivis d'une augmentation de la dotation par le ministère de tutelle, mettant l'école face à des difficultés importantes de trésorerie.

[modifier] Quelques normaliens célèbres

Un normalien est un élève (ou ancien élève) d'une des écoles normales supérieures


Voilà quelques listes (non-exhaustives) de célèbres normaliens

Les personnalités suivantes, sans avoir été élèves d'une ENS au sens strict (généralement parce qu'elles n'étaient pas françaises), y ont étudié :

Les personnalités suivantes ont enseigné dans une ENS ou en ont dirigé une :

[modifier] Références

[modifier] Bibliographie

  • Stéphane Israël, Les Études et la guerre. Les normaliens dans la tourmente (1939-1945), Rue d'Ulm - 15 mars 2005 ;
  • Nicole Masson, L'École normale supérieure : les chemins de la liberté, Paris, Gallimard, 1994 ;
  • Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle, Fayard, 1988 (rééd. Presses Universitaires de France, 1994) ;
  • Jean-François Sirinelli, École normale supérieure : le livre du bicentenaire, Presses Universitaires de France, 1994.
  • Étienne Guyon, L'École normale de l'an III — Tome 3 — Leçons de physique, de chimie, d'histoire naturelle, 650 pages, Éditeur : Rue d'Ulm, 2006 — ISBN 2-728-80356-0

[modifier] Notes

  1. Pour la France, article 2 des décrets n° 87-695 à 87-698 du 26 août 1987 [1].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

Le réseau des écoles normales supérieures
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